CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 2 juillet 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5287
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 2 juillet 2015 : RG n° 13/22609
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Mais considérant que si, par courrier du 14 novembre 2001 (pièce Nexans n° 39), le secrétaire général d'EDF a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques lui « paraissant constitutives d'une entente prohibée par l'article L. 420-1 du code de commerce », et s'il a indiqué dans ce courrier que les éléments qu'ils portaient à la connaissance du Conseil ne « laiss[aient] guère de doute sur la réalité de la concertation qui a été mise en œuvre (...) », ces termes traduisent seulement les soupçons de leur auteur, voire sa conviction, qu'une entente a été commise dans le cadre de l'appel d'offres qui venait d'être lancé ; qu'en revanche, ils ne sauraient être considérés comme marquant le point de départ de la prescription prévue par l'article 1304 précité ; que pour l'application de ce texte, en effet, le délai de prescription ne saurait courir qu'à compter du jour où l'entente a été, non pas seulement soupçonnée, mais constatée et établie dans ses éléments factuels et juridiques ; que dès lors, c'est à compter de la décision du Conseil de la concurrence, soit le 26 juillet 2007, qu'a couru le délai de cette prescription ».
2/ « Considérant que la société Nexans soutient que faute pour l'article L. 420-3 du code de commerce de prévoir un délai de prescription particulier, la nullité qu'il institue relève de la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ; qu'elle en conclut que la demande des appelants est prescrite, puisqu'elle a été engagée plus de cinq ans après qu'EDF ait eu connaissance de l'entente ayant affecté le déroulement de ses appels d'offres ; Mais considérant que la nullité dont se prévalent les appelants ayant un caractère d'ordre public, elle est soumise au délai de prescription fixé, non par l'article 1304 du code civil, mais par l'article 2224 du même code ; qu'ayant commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réduit la durée de ce délai de trente à cinq ans, elle bénéficie des dispositions transitoires de l'article 26 II de ce texte, d'où il résulte que le délai de prescription applicable en l'espèce a expiré le 18 juin 2013 ; que la demande de nullité formée par les appelants n'est donc pas prescrite et qu'elle est recevable ».
3/ « que s'agissant des dispositions de l'article L. 442-6-I-2°, le système d'enchères électroniques inversées, destiné à déterminer le fournisseur avec lequel EDF contractera, est par définition indifférent à l'équilibre des droits et obligations des parties tels que définis par le contrat ».
4/ « Sur les autres clauses examinées, V. l’arrêt »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 2 JUILLET 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/22609 (22 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 novembre 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - 15ème arrondissement [N.B. lire chambre ?] - RG n° J2011000785.
APPELANTES :
SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF)
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SA ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF)
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de son représentant légal, Président du Directoire, domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Matthieu B. G., avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Assistées de Maître Xavier L., avocat au barreau de PARIS, toque : T07, et de Me Bertrand P., avocat au barreau de PARIS, toque : T07
INTIMÉES :
SAS NEXANS FRANCE
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jean-Philippe A., avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, Assistée de Maître Arnaud M., avocat au barreau de PARIS, toque : L0119
SAS PRYSMIAN CÂBLES ET SYSTÈMES FRANCE
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François T., avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Assistée de Maître Inaki S. E., avocat au barreau de PARIS, toque : R145
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
La loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a séparé l'activité de distribution d'électricité, dont est chargée EDF, de la gestion du réseau, confiée à ERDF. Par traité d'apport partiel d'actif, EDF a apporté à ERDF l'ensemble de ses biens, autorisations, droits et obligations relatifs à l'activité de gestionnaire de réseau de distribution d'électricité.
Préalablement à l'entrée en vigueur de cette loi, EDF se fournissait, auprès de fabricants qu'elle agréait, en câbles isolés, de tension spécifique de 10 à 20 kV (câbles HTA), dont la pose permettait la réalisation des réseaux aériens et souterrains de distribution d'électricité.
EDF a décidé, en 2000, de rénover sa politique d'achat et, par avis publié au Journal Officiel des Communautés Européennes, elle a ouvert une procédure de qualification des câbles isolés HTA. Six câbliers se sont engagés dans cette démarche de qualification et, dans l'attente de son aboutissement, EDF a lancé une mise en concurrence pour un marché de fourniture de 2 500 kms de câbles HTA couvrant la période du 1er février 2002 au 31 mai 2002, dit « marché transitoire ». Quatre câbliers ont concouru à cette mise en concurrence qui a pris la forme d'enchères électroniques inversées : Nexans France (ci-après société Nexans), Pirelli Energie Câbles et Systèmes France, devenue en 2005 la société Prysmian Energie Câbles et Systèmes France (ci-après société Prysmian), Sagem et Draka. Ce marché comportait trois lots qui ont été attribués aux sociétés Prysmian, Nexans et Sagem.
EDF a ensuite lancé un appel d'offres pour la fourniture de deux types de câbles (câbles classiques, dits « câbles 2000 », et câbles respectant de nouvelle spécifiques techniques, dits câbles NPT), couvrant la période du 1er juin 2002 au 31 mai 2004. Ce marché était divisé en trois lots qui ont été attribués aux sociétés Nexans et Prysmian.
Par lettre du 16 novembre 2001, EDF a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques mises en œuvre par les entreprises ayant participé à la procédure d'enchères électroniques inversées.
Une enquête ayant été menée sur les deux marchés, deux griefs ont ensuite été notifiés aux entreprises en cause, pour s'être entendues sur le montant de leurs offres à EDF dans le cadre de l'enchère électronique de 2001 et dans le cadre de l'appel d'offres de 2002, ces pratiques, prohibées par l'article L. 420-1 du code de commerce et par l'article 81 du Traité, ayant pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur ces marchés. Les sociétés Nexans, Prysmian, Safran et Draka ayant décidé de ne pas contester ces griefs, le Conseil de la concurrence a mis en 'uvre la procédure dite de « clémence ». Par décision du 26 juillet 2007, il a infligé aux sociétés Nexans, Prysmian, Safran, Draka et Grupo des sanctions pécuniaires d'un montant, respectivement, de 9.450.000 euros, 4.700.000 euros, 3.735.000 euros, 675.000 euros et 900.000 euros.
Par actes des 6 et 13 janvier 2011, EDF et ERDF ont assigné les sociétés Nexans et Prysmian aux fins d'obtenir l'annulation des marchés passés avec elles, la restitution des sommes qui leur avaient été versées et, subsidiairement, leur condamnation au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice que les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par le Conseil de la concurrence leur avaient causées.
Par jugement du 4 novembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société EDF et la société ERDF de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamné solidairement la société EDF et la société ERDF à verser à chacune des sociétés Prysmian Câbles et Systèmes France et Nexans France la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par la société EDF et la société ERDF le 26 novembre 2013.
Vu les dernières conclusions signifiées par les sociétés EDF et ERDF le 17 février 2015, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
À titre principal,
Vu les articles 1116 du code civil et L. 420-3 du code de commerce,
- dire et juger les sociétés EDF et ERDF recevables en leur appel et les dire bien fondées ;
- infirmer le jugement du 4 novembre 2013 en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des contrats passés entre, d'une part, la société Nexans et la société EDF et, d'autre part, entre la société Prysmian et la société EDF aux motifs erronés que :
* l'article L. 420-3 du code de commerce serait inapplicable ;
* et l'action fondée sur l'article 1116 du code civil serait prescrite ;
Statuant à nouveau,
- dire que les contrats passés, d'une part, entre la société Nexans et la société EDF et, d'autre part, entre la société Prysmian et la société EDF à l'occasion du marché transitoire du 1er février 2002 au 31 mai 2002 et du marché du 1er juin 2002 au 31 mai 2004, objets de la pratique anticoncurrentielle établie par la décision du Conseil de la concurrence, sont nuls ;
et en conséquence,
- dire que la société Nexans doit restituer aux sociétés EDF et ERDF les sommes versées par la société EDF au titre de ces deux marchés et s'élevant respectivement à 13.353.000 euros et 69.700.000 euros soit au total, la somme de 83.053.000 euros ;
- dire que les sociétés EDF et ERDF sont bien fondées à restituer en valeur les câbles pour ces deux marchés ;
- dire que le montant de la restitution en valeur pour ces deux marchés s'élève à 69.210.833 euros ;
- en conséquence, dire que par compensation entre les deux créances réciproques, la société Nexans doit restituer la somme de 13.842.167 euros ;
- dire que la restitution de la somme de 13.842.167 euros se fera selon la répartition suivante : 138.421,67 euros pour la société EDF et 13.703.745,33 euros pour la société ERDF ;
- dire que la société Prysmian doit restituer aux sociétés EDF et ERDF les sommes versées par la société EDF au titre de ces deux marchés et s'élevant à 54.000.000 euros ;
- dire que les sociétés EDF et ERDF sont bien fondés à restituer en valeur les câbles pour ces deux marchés ;
- dire que le montant de la restitution en valeur pour ces deux marchés s'élève à 45.000.000 euros ;
- en conséquence, dire que par compensation entre les deux créances réciproques, la société Prysmian doit restituer aux sociétés EDF et ERDF la somme de 9.000.000 d'euros ;
- dire que la restitution de la somme de 9.000.000 d'euros se fera selon la répartition suivante : 90.000 euros pour la société EDF et 8.910.000 euros pour la société ERDF ;
- confirmer le jugement du 4 novembre 2013 en ce qu'il a débouté la société Nexans de ses demandes reconventionnelles ;
À titre subsidiaire,
Vu l'article 1382 du code civil,
- dire et juger les sociétés EDF et ERDF recevables en leur action et les dire bien fondées ;
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 4 novembre 2013 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire au motif inexact que la seule décision du Conseil de la concurrence condamnant les intimées pour entente ne pourrait suffire à démontrer l'existence d'une faute dont elles seraient à l'origine ;
Et statuant à nouveau ;
- dire que la participation de la société Nexans et de la société Prysmian à l'entente anticoncurrentielle constatée par le Conseil de la concurrence constitue une faute qui les oblige à réparer le préjudice subi ;
Et en conséquence,
- condamner la société Nexans à payer à la société EDF et à la société ERDF la somme de 4,8 millions d'euros en réparation du préjudice subi à raison de la participation de la société Nexans à l'entente ;
- dire que le préjudice causé par la société Nexans à la société EDF et à la société ERDF doit être actualisé au taux d'intérêt légal depuis la commission des faits et est en conséquence égal à 5,9 millions d'euros ;
- dire que le paiement de la somme de 5.900.000 euros se fera selon la répartition suivante :
* 59.000 euros pour la société EDF et 5.841.000 euros pour la société ERDF ;
- condamner la société Prysmian à payer à la société EDF et à la société ERDF la somme de 7.497.864 euros en réparation du préjudice subi à raison de la participation de la société Prysmian à l'entente ;
- dire que le préjudice causé par la société Prysmian à la société EDF et à la société ERDF doit être actualisé au taux d'intérêt légal depuis la commission des faits et est en conséquence égal à 9,1 millions d'euros ;
- dire que le paiement de la somme de 9,1 millions d'euros se fera selon la répartition suivante : 91.000 euros pour la société EDF et 9.009.000 euros pour la société ERDF ;
À titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où par extraordinaire la Cour considérerait que le TURPE 2, ERDF aurait répercuté le surcoût lié à l'achat des câbles :
- dire que la société ERDF a subi un préjudice à hauteur des investissements passés entre l'achat des câbles et la détermination de TURPE 2 intervenue en janvier 2006 et qui est égal à 10 % du montant du surcoût total ;
Et en conséquence,
- condamner la société Nexans à payer à la société ERDF la somme de 480.000 euros en réparation du préjudice subi à raison de la participation de la société Nexans à l'entente ;
- dire que le préjudice causé par la société Nexans à la société ERDF doit être actualisé au taux d'intérêt légal depuis la commission des faits et est en conséquence égal à 590.000 euros ;
- condamner la société Prysmian à payer à la société ERDF la somme de 749.786,40 euros en réparation du préjudice subi à raison de la participation de la société Prysmian à l'entente ;
- dire que le préjudice causé par la société Prysmian à la société ERDF doit être actualisé au taux d'intérêt légal depuis la commission des faits et en conséquence égal à 910.000 euros ;
- dire que EDF a subi un préjudice à hauteur de la répercussion dans le TURPE 2 du surcoût des câbles ;
Et en conséquence,
- condamner la société Nexans à payer à la société EDF la somme de 3.628.800 euros en réparation du préjudice subi à raison de la participation de la société Nexans à l'entente ;
- dire que le préjudice causé par la société Nexans à la société EDF doit être actualisé au taux d'intérêt légal depuis la commission des faits et en conséquence égal à 4.403.911 euros ;
- condamner la société Prysmian à payer à la société EDF la somme de 5.668.385 euros en réparation du préjudice subi à raison de la participation de la société Prysmian à l'entente ;
- dire que le préjudice causé par la société Prysmian doit être actualisé au taux d'intérêt légal depuis la commission des faits et en conséquence égal à 6.879.152 euros ;
En tous les cas,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 4 novembre 2013 en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Nexans ;
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 4 novembre 2013 en ce qu'il a condamné les appelantes solidairement au paiement de la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
- condamner la société Nexans à payer aux sociétés EDF et ERDF la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Prysmian à payer aux sociétés EDF et ERDF la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés EDF et ERDF soutiennent d'abord que, contrairement aux allégations des intimés, elles ont intérêt à agir et que leur action est donc recevable. Elles font valoir ensuite que le Conseil de la concurrence a, dans sa décision du 27 juillet 2011 caractérisé à l'encontre des intimés une faute concurrentielle qui constitue, elle-même, une faute civile.
À titre principal, et en conséquence, les appelants demandent à la Cour de prononcer la nullité des contrats signés par EDF avec les sociétés Prysmian et Nexans, sur le fondement de l'article 1116 du code civil. Ils considèrent, en effet, que ces sociétés se sont livrées à des manœuvres dolosives visant à tromper EDF sur un élément déterminant de son consentement, à savoir le respect par les candidats des principes concurrentiels. Ils soutiennent que contrairement à ce qu'affirment les sociétés Nexans et Prysmian, l'attribution des lots s'est toujours faite sur la base du meilleur prix. Ils critiquent le jugement déféré qui a considéré que leur demande fondée sur le dol était prescrite, au motif que le délai de prescription courait à compter de la saisine par EDF du Conseil de la concurrence, cette saisine attestant que le dol avait été déjà « découvert » au sens de l'article 1116 du code civil. Ils soutiennent, en revanche, que le dol était, à la date de la saisine, seulement « soupçonné », et qu'il n'a été « découvert » que le jour où la décision a été rendue, de laquelle résulte la connaissance certaine du vice ayant affecté le consentement de la société EDF.
Les appelants fondent également leur demande de nullité sur les dispositions de l'article L. 420-3 du code de commerce, selon lesquelles « est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L. 420-1 et L. 420-23 ». Ils soutiennent que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette nullité ne s'applique pas qu'aux seuls « documents ayant caractérisé les échanges d'information sanctionnées par le Conseil de la concurrence » et qu'il n'est, en revanche, pas contestable que les marchés en cause se « rapportent » à l'entente prohibée.
En conséquence de la nullité des contrats qu'elles allèguent, les sociétés EDF et ERDF demandent à la Cour de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant les actes annulés. La nullité doit donc entrainer, selon elles, d'une part, la restitution des sommes versées aux sociétés Prysmian et Nexans et, d'autre part, la restitution en valeur, - c'est-à-dire à leur prix de revient -, des câbles livrés.
À titre subsidiaire, les sociétés EDF et ERDF soutiennent que les intimés ayant commis une faute, en ayant faussé le jeu de la concurrence, ils doivent les indemniser du préjudice qui en résulte. Elles demandent donc, en réparation, et après actualisation de leur préjudice, la condamnation de la société Nexans à leur payer la somme de 5,9 millions d'euros et la condamnation de la société Prysmian à leur payer la somme de 9,1 millions d'euros. Ils indiquent avoir calculé ces montants par application de la méthode dite « avant-après », consistant à déterminer l'écart entre les prix effectivement obtenus et les prix qui auraient dû résulter d'une évolution normale, en l'absence d'infraction aux règles de la concurrence, et ils produisent plusieurs études du cabinet Microeconomix.
Les sociétés EDF et ERDF contestent avoir répercuté sur leurs clients le surcoût résultant de l'entente, comme l'allèguent les intimés qui en déduisent qu'elles n'ont pas subi de préjudice. Elles soutiennent, en effet, que ce surcoût n'a été répercuté ni dans les frais de raccordement, qui sont forfaitaires et ne couvrent pas l'intégralité des coûts, ni dans le tarif d'utilisation du réseau public de transport et de distribution d'électricité (TURPE), lequel avait été déterminé par décret avant les marchés en cause.
À titre infiniment subsidiaire, au cas où la Cour considérerait qu'elles ont répercuté sur leurs clients le surcoût qu'elles sont subi, les sociétés EDF et ERDF soutiennent qu'elles ont néanmoins subi un préjudice
En ce qui concerne les demandes reconventionnelles de la société Nexans, les sociétés EDF et ERDF soutiennent que si la Cour devait prononcer la nullité des contrats, ces demandes seraient dès lors sans objet, puisque les contrats annulés sont censés n'avoir jamais existé, n'avoir été exécutés. Elles soutiennent, par ailleurs, que l'article L. 442-6 du code de commerce est inapplicable aux faits de l'espèce dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, qui en a modifié la rédaction. Subsidiairement, les sociétés EDF et ERDF font valoir qu'elles n'ont pas commis de pratiques anticoncurrentielles, ni restrictives de concurrence.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Nexans le 18 février 2015, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- voir constater que les sociétés EDF et ERDF ne justifient pas d'une faute au soutien de leurs moyens de nullité et de leur moyen de responsabilité civile à l'égard de la société Nexans ;
- voir en toute hypothèse constater les fautes commises par la société EDF dans les conditions de passation des marchés en cause, eu égard aux spécificités du marché, et qui sont à l'origine des pratiques de concertation qu'elles reprochent aux intimées ou y ayant à tout le moins concouru ;
- voir de ce fait déclarer que l'action des sociétés EDF et ERDF est dépourvue d'intérêt légitime ;
- voir constater que les sociétés EDF et ERDF n'ont toujours, quel que soit le fondement de leurs demandes, aucunement séparé les montants sollicités par l'une ou par l'autre, ni justifié un droit personnel et les déclarer irrecevables et mal fondées en leurs demandes en ce que celles-ci ne sont pas justifiées individuellement et ce d'autant plus que, compte tenu de la facturation du TURPE par la société ERDF à la société EDF, la présentation de la répartition de leurs préjudices par la société ERDF et la société EDF est nécessairement erronée ;
- voir constater la prescription de l'action en nullité pour dol par application de l'article 1304 du code civil et confirmer en tant que de besoin le jugement entrepris ;
- constater que les éléments du dol ne sont pas réunis, ni justifiés et débouter en toute hypothèse les sociétés EDF et ERDF de leur demande de nullité ;
- voir déclarer que les sociétés EDF et ERDF ne disposent pas d'un intérêt légitime à faire valoir une nullité, compte tenu de leur exécution et réitération des contrats en connaissance de cause de l'existence de pratiques concertées ;
- voir constater que les sociétés EDF et ERDF ne peuvent poursuivre la nullité des marchés en cause sans avoir mis dans la cause l'ensemble des parties concernées et les déclarer irrecevables en leurs demandes de nullité ;
- voir constater l'inapplicabilité de l'article L. 420-3 du code de commerce et déclarer la société EDF et la société ERDF irrecevables et mal fondés en leur demande de nullité sur ce fondement ;
- Subsidiairement, voir constater que les demandes des sociétés EDF et ERDF en nullité sur le fondement de l'article L. 420-3 sont également prescrites par application de l'article 1304 du code civil ;
- voir en toute hypothèse déclarer infondées les demandes des sociétés EDF et ERDF quant aux conséquences qu'elles invoquent de la nullité qu'elles requièrent et les débouter de leur demande en restitution ;
- voir constater que la revendication par la société EDF et la société ERDF de la qualification de biens de retour, pour prétendre pouvoir s'exonérer de leur obligation de restitution en nature en conséquence de leur action en nullité, relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative et en conséquence renvoyer les sociétés EDF et ERDF à se pourvoir devant la juridiction administrative aux fins de faire juger de cette qualification et des conséquences qui s'en inféreraient quant aux obligations à restitution en nature ;
- Très subsidiairement, voir déclarer les sociétés EDF et ERDF infondées à prétendre à une restitution en valeur, au surplus sur la simple base du prix de revient des câbles ;
- À titre infiniment subsidiaire, pour le cas où par impossible une nullité serait prononcée, voir dire et juger que les sociétés EDF et ERDF devront restituer les câbles fournis, par remise de choses de même nature et en même quantité et subsidiairement seront tenues de payer la valeur de ces câbles sur la base du prix facturé par la société Nexans et ordonner en tant que de besoin la compensation des restitutions réciproques ;
- voir déclarer la société Nexans recevable à opposer à la société EDF et à la société ERDF la faculté qu'elles ont eu de répercuter tout surcoût éventuel ;
- voir constater que la preuve de la non-répercussion des surcoûts éventuels incombe aux sociétés EDF et ERDF ;
- voir constater la carence de la société EDF et de la société ERDF dans l'administration de cette preuve alors qu'elles disposent de toutes les données se rapportant aux prix facturés à leurs clients ;
- voir constater que, compte tenu du mode d'utilisation des câbles aux fins de raccordement et aux fins de gestion du réseau de transport d'électricité, compte tenu des règles applicables à la facturation des prestations de raccordement et des règles de confection du prix de l'électricité, les sociétés EDF et ERDF ne justifient pas ne pas avoir répercuté tout éventuel surcoût dans le prix facturé aux clients ou fournisseurs et qu'en tout hypothèse, elles ne peuvent se prévaloir d'un préjudice actuel, compte tenu des principes légaux de répercussion de l'intégralité du prix payé dans le prix payé par les clients des sociétés EDF et ERDF et de la mise en œuvre de ces principes et les débouter de leurs demandes ;
- voir constater au surplus que la société Nexans rapporte la preuve de ce que tout surcoût éventuel s'est trouvé nécessairement répercuté dans les facturations des raccordements, du TURPE ou du TRV, en totalité ou à tout le moins dans leur quasi-totalité ;
- voir en toute hypothèse constater que les rapports Microeconomix produits en cause d'appel sont insusceptibles de constituer une preuve pertinente et sérieuse de la réalité d'un dommage ou de sa quantification, à raison de ses multiples erreurs, approximations, incohérences ou supputations, incompatibles avec le degré de preuve de certitude du dommage requis ;
- voir constater le caractère purement hypothétique et non établi du préjudice invoqué par les sociétés EDF et ERDF ;
- voir constater qu'il résulte des éléments produits par la société Nexans une probabilité sérieuse et importante de l'absence de tout préjudice réel ;
- voir en toute hypothèse débouter les sociétés EDF et ERDF en leur demande d'indemnisation ;
- voir constater que, dans le cadre de ses appels d'offres, EDF s'est rendue coupable de pratiques anticoncurrentielles et/ou restrictives et a commis des fautes qui ont été en lien direct avec celles reprochées par les sociétés EDF et ERDF à la société Nexans ;
- voir dire et juger en conséquence n'y avoir lieu à indemnisation et à tout le moins, très subsidiairement, ordonner un partage de responsabilités ;
- voir donner acte à la société Nexans de son appel incident du jugement du tribunal, le déclarer recevable et y faire droit ;
- voir à nouveau constater les fautes de la société EDF dans les conditions de passation des marchés, par abus de sa position dominante et de sa puissance économique en imposant à la société Nexans des conditions de prix ou de marché sans justification au regard de l'antériorité et des conditions de la fourniture des câbles ;
- voir constater en conséquence que la société EDF a méconnu les dispositions des articles L. 420-2 et L. 446-2 de code de commerce ;
- voir condamner solidairement les sociétés EDF et ERDF à payer à la société Nexans une somme de 3,5 millions à titre de dommages et intérêts à raison des préjudices subis du fait des fautes de la société EDF dans le cadre de la passation des marchés en cause ;
- voir constater au surplus que la société EDF a commis des manquements dans le cadre de l'exécution des marchés en cause ;
- voir condamner solidairement les sociétés EDF et ERDF à payer à la société Nexans une somme de 1.851.746 euros en réparation du préjudice subi au titre des manquements commis par les sociétés EDF et ERDF dans l'exécution des marchés ;
- voir en tant que de besoin ordonner la compensation de toute somme qui pourrait être fixée de part ou d'autre ;
- voir condamner solidairement les sociétés EDF et ERDF à payer chacune à la société Nexans une somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Nexans rappelle, au préalable que la composition des câbles en cause est contrainte par des normes techniques définies par EDF, de sorte que le fabricant ne peut la modifier et que leur fabrication est très dépendante des facteurs de coût, s'agissant, par exemple du prix de l'aluminium entrant dans leur composition des câbles, qui est déterminé par la cotation de ce métal sur le London Metal Exchange. Elle indique que dans la période antérieure aux marchés en cause, le prix des câbles a baissé, ainsi de 35 % entre 1995 et 2001.
S'agissant des marchés en cause, elle souligne que EDF qui procédait jusqu'alors par appel d'offres avec négociation ultérieure, a pour le marché transitoire de février-mai 2002 recouru pour la première fois à un système d'enchères électroniques inversées, avec élimination, dans le cadre duquel seuls trois, voire deux, des fournisseurs agréés seraient retenus. Elle indique que si pour le deuxième marché, EDF est revenue à un appel d'offres, deux nouveaux compétiteurs ont été introduits et il a été prévu qu'au moins deux candidats seraient éliminés pour chaque lot.
S'agissant de la procédure engagée devant le Conseil de la concurrence sur plainte d'EDF, la société Nexans fait valoir que si elle n'a pas contesté les griefs, et si elle est entrée dans une procédure d'engagement, elle a toujours contesté que l'entente en cause ait causé un dommage à l'économie et un préjudice financier à EDF.
S'agissant des demandes de nullité présentées par EDF et ERDF, la société Nexans soutient d'abord qu'elles sont ni recevables, ni fondées, faute pour elles de justifier de la part de droits ou de préjudice au titre de laquelle elles prétendent agir. Elle indique que si par l'effet de la séparation des activités, ERDF est attributaire du réseau de distribution en France métropolitaine, ce n'est pas le cas en France non métropolitaine. Elle rappelle que selon l'article 1116 du code civil, la nullité n'est encourue que s'il est « évident » qu'en l'absence des manœuvres dolosives reprochées à une partie, l'autre partie n'aurait pas contracté, et elle soutient que tel n'est pas le cas en l'espèce. S'agissant de la demande de nullité fondée sur l'article L. 420-3 du code de commerce, elle soutient que cet article n'est pas applicable car il ne vise que les engagements, conventions ou clauses qui sont le support même de la pratique prohibée ou qui concourent à cette pratique.
En ce qui concerne les conséquences de la nullité alléguée par EDF et ERDF, la société Nexans soutient que celles-ci devraient restituer les câbles en nature et que leur demande revient à faire payer deux fois le même préjudice, puisque la sanction prononcée par le Conseil de la concurrence a déjà « absorbé » le « profit illicite » qui aurait été réalisé du fait de l'entente.
Sur la demande subsidiaire de EDF et ERDF fondée sur l'article 1382 du code civil, la société Nexans soutient d'abord que la faute civile qui lui est reprochée ne saurait résulter de la seule condamnation prononcée par le Conseil de la concurrence. Elle fait valoir, ensuite, que EDF a intégralement répercuté sur ses clients le surcoût qui aurait résulté de l'entente en cause et qu'elle n'a donc subi aucun préjudice. Elle précise que cette répercussion a été opérée par intégration du surcoût dans le prix de l'électricité facturée aux clients d'EDF et ERDF, ainsi que dans la facturation de certaines prestations de raccordement. Elle considère qu'il y a donc lieu d'appliquer au cas d'espèce le principe du « passing on defence », consacré tant par la Cour de cassation et les juridictions du fond que par la Commission européenne, et dont elle souligne qu'il est conforme aux règles de la responsabilité civile, puisqu'on ne saurait accorder d'indemnisation en l'absence de préjudice. Elle soutient qu'il incombe à EDF et ERDF de prouver qu'elles n'ont pas pu répercuter ces coûts et elle leur reproche de ne pas fournir les éléments qui permettraient de le démontrer.
Reconventionnellement, la société Nexans soutient que EDF a commis des fautes qui lui ont causé des préjudices dont elle demande réparation. C'est ainsi qu'elle lui reproche d'avoir procédé par voie d'enchères électroniques inversées pour le premier marché, d'avoir mis en place un dispositif d'élimination d'un voire de deux candidats, d'avoir imposé à ses fournisseurs une baisse de 2,5 % de leurs prix et, les marchés n'ayant pas été totalement exécutés, de ne pas l'avoir indemnisée en conséquence.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Prysmian le 18 février 2015, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l'article L. 420-3 du code de commerce,
Vu les articles 1116 et 1304 du code civil,
Vu l'article 1382 du code civil,
Vu l'article 1153-1 du code civil,
Vu les pièces du dossier du Conseil de la concurrence et celles produites par Prysmian,
1- Sur la demande principale,
1-1 Sur l'article 420-3 du code de commerce,
À titre principal,
- constater que la nullité rétroactive prévue à l'article L. 420-3 du code de commerce ne peut affecter les marchés passés entre EDF et Prysmian, à savoir le marché transitoire du 1er février 2002 au 31 mai 2002 et le marché du 1er juin 2002 au 31 mai 2004 ;
À titre subsidiaire,
- dire et juger que EDF et ERDF ne peuvent pas solliciter la nullité des marchés du 1er février 2002 au 31 mai 2002 et du 1er juin 2002 au 31 mai 2004 tout en conservant la jouissance des câbles ;
À titre très subsidiaire,
- dire et juger que EDF et ERDF ne peuvent pas ne restituer que le prix de revient de ces câbles à Prysmian ;
Pour toutes ces raisons,
- dire et juger que la demande principale d'EDF et ERDF est manifestement infondée ;
En conséquence,
- débouter EDF et ERDF de l'ensemble de leurs demandes fondées sur l'article L. 420-3 du code de commerce ;
1-2 Sur l'article 1116 du code civil,
À titre principal,
- dire et juger que l'action en nullité fondée sur l'article 1116 du code civil est prescrite pour les deux marchés ;
À titre subsidiaire,
- constater que le respect des règles de concurrence et le prix n'étaient pas des éléments déterminants du consentement d'EDF ;
- constater qu'aucune faute, ni a fortiori aucune manœuvre dolosive, n'a été commise par Prysmian sur le premier et le second marché, ainsi que lors de la conclusion de l'avenant ;
- dire et juger que EDF et ERDF n'ont pas été trompés sur un élément déterminant de leur consentement ;
Pour toutes ces raisons,
- dire et juger que la demande principale d'EDF et ERDF est manifestement infondée ;
En conséquence,
- débouter EDF et ERDF de l'ensemble de leurs demandes fondées sur l'article 1116 du code civil ;
2- Sur l'article 1382 du code civil invoqué par EDF et ERDF à titre subsidiaire
2-1 À titre principal sur l'absence de faute,
- constater que la procédure de non-contestation des griefs n'emporte aucune reconnaissance de culpabilité ;
- constater que la réalité matérielle des pratiques reprochées à la société Prysmian et leur qualification juridique n'ont pas été débattues contradictoirement devant le Conseil de la concurrence ;
- dire et juger que la décision du Conseil de la concurrence ne permet pas d'apporter la preuve que la société Prysmian aurait commis une faute délictuelle ;
- constater sur le premier marché que :
* EDF s'est montrée pleinement satisfaite des prix proposés par les câbliers ;
* les prix remis par la société Prysmian ont été très proches des « prix objectifs » d'EDF ;
* EDF a calculé ses « prix objectifs » pour le second marché sur la base des prix remis par les câbliers sur le premier marché, alors qu'elle avait déjà déposé une plainte devant le Conseil de la concurrence ;
Par conséquent,
- les prix proposés sur le premier marché peuvent être considérés comme des prix de marché et comme une référence appropriée pour calculer les « prix objectifs » sur le second marché ;
- constater sur le second marché que :
- EDF a sans cesse modifié les conditions d'attribution de ce marché, en violation des règles qu'elle avait elle-même fixées ;
- les éléments du dossier du Conseil de la concurrence ayant permis de caractériser un échange d'informations sur les câbles NPT ne concernent pas la société Prysmian et ne démontrent pas que la société Prysmian aurait participé à un quelconque échange d'informations ;
- EDF s'est désistée de sa saisine concernant la société NKT alors que les indices retenus contre celle-ci sont identiques à ceux opposés par EDF et ERDF à Prysmian ;
- les prix remis par les câbliers pour les câbles NPT n'ont pas servi de base à l'attribution des lots, dans la mesure où EDF n'a pas retenu les offres les mieux disantes ;
- surtout, Prysmian n'a été finalement retenue que pour la fourniture de câbles 2000, comme deux autres fournisseurs ;
- le choix des attributaires pour la fourniture de câbles 2000 ainsi que les quantités qui leur ont été dévolues se sont faits indépendamment des prix remis par les trois fournisseurs sur ces câbles ;
- enfin et en tout état de cause, ni EDF et ERDF ni le Conseil de la concurrence ne font état d'indices qui démontreraient une quelconque participation de Prysmian à un échange d'informations sur les câbles 2000 ;
- constater que lors de la conclusion de l'avenant, les prix ont fait l'objet d'une négociation de gré à gré avec EDF, postérieure et sans rapport avec les échanges d'informations dont il est fait état dans la décision du conseil de la concurrence ;
En conséquence,
- dire et juger qu'aucune faute dont serait à l'origine Prysmian n'est démontrée tant sur le premier que sur le second marché ainsi que lors de la conclusion de l'avenant ;
2-2 À titre subsidiaire sur l'absence de démonstration du préjudice,
- constater que EDF et ERDF opèrent une confusion entre le dommage à l'économie et le préjudice financier ;
- constater que la société EDF s'est montrée satisfaite des prix proposés pour les marchés litigieux ;
- constater que le prix n'était pas un élément déterminant du choix par EDF de son co-contractant ;
- constater que les prix remis par Prysmian pour le premier et le second marché étaient très proches des « prix objectifs » définis par EDF ;
- constater que EDF et ERDF ont eu la possibilité de répercuter l'éventuel surcoût résultant de l'entente alléguée sur leurs propres clients, compte tenu des modalités de fixation des tarifs de l'électricité ;
- constater que EDF et ERDF ne démontrent pas qu'elles étaient dans l'impossibilité de répercuter dans les tarifs de l'électricité l'éventuel surcoût lié aux pratiques reprochées ;
En conséquence,
- dire et juger que EDF et ERDF n'apportent la preuve d'aucun préjudice ;
2-3 À titre infiniment subsidiaire sur le calcul erroné du préjudice prétendument subi par EDF et ERDF,
- constater que les « prix théoriques » définis par les sociétés EDF et ERDF ne sont pas pertinents ;
- constater que les « facteurs d'évolution théorique » des prix retenus par EDF et ERDF reposent sur des hypothèses erronées ;
- constater que EDF et ERDF ne peuvent se prévaloir d'un quelconque préjudice sur le second marché et lors de la conclusion de l'avenant, à défaut pour elles d'avoir démontré l'existence d'une faute commise par Prysmian à cette occasion ;
- constater que conformément à l'article 1153-1 du code civil, les dommages et intérêts ne peuvent être actualisés qu'à compter de la décision d'appel et non au jour de la commission des pratiques alléguées ;
En conséquence,
- dire et juger en tout état de cause que le calcul du préjudice opéré par EDF et ERDF est erroné et devra être rejeté ;
Pour toutes ces raisons,
- dire et juger que les conditions d'application de l'article 1382 du code civil ne sont pas remplies, faute pour EDF et ERDF d'avoir démontré l'existence d'une faute commise par Prysmian et a fortiori d'un préjudice découlant de la faute alléguée ;
En conséquence,
- débouter EDF et ERDF de l'ensemble de leurs demandes fondées sur l'article 1382 du code civil ;
3- À titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que ce préjudice subi par EDF et ERDF pourrait tout au plus être un préjudice de perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions commerciales plus avantageuses ;
- dire et juger que ce préjudice ne saurait excéder 48.050 euros si la faute commise par Prysmian est établie uniquement sur le premier marché, 202.400 euros si la faute est établie uniquement sur le second marché et 250.450 euros si la faute est établie sur les deux marchés ;
- dire et juger que dans l'hypothèse où des dommages intérêts seraient alloués aux sociétés EDF et ERDF, la répartition sera la suivante : 99 % pour ERDF et 1 % pour EDF ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement EDF et ERDF à verser à Prysmian la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Prysmian demande la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté EDF et ERDF de leur demande de nullité fondée sur l'article L. 420-3 du code de commerce. Elle souligne que ce texte ne vise que les accords entre parties à l'entente, mais non les accords avec des tiers étrangers à cette pratique.
S'agissant de l'action en nullité fondée sur l'article 1116 du code civil, la société Prysmian soutient d'abord qu'elle est prescrite puisqu'elle a été engagée plus de cinq ans après qu'EDF eut découvert le dol dont elle se prétend victime. Elle considère que cette découverte se situe à la saisine du Conseil de la concurrence par EDF, par courrier du 14 novembre 2001 ; qu'elle est donc prescrite depuis le 16 novembre 2006.
Subsidiairement, elle soutient que les éléments constitutifs du dol ne sont pas réunis car le respect des principes concurrentiels par les candidats n'était nullement, selon elle, l'élément déterminant du consentement d'EDF ; elle souligne à cet égard qu'EDF a signé le premier marché alors qu'elle avait déjà déposé plainte devant le Conseil de la concurrence. La société Prysmian ajoute que le prix n'était pas non plus déterminant du consentement d'EDF et elle fait valoir, en particulier, que celle-ci n'a pas choisi les candidats présentant les meilleurs prix et qu'elle a considéré que les prix qui lui étaient proposés étaient proches des « prix objectifs » qu'elle avait définis.
Par ailleurs, la société Prysmian soutient, au cas où la Cour annulerait les marchés, que la demande de restitution est infondée et qu'elle est affectée de deux contradictions : la première résulte de ce qu'EDF demande une restitution tout en conservant la jouissance des câbles et la seconde de ce qu'elle entend conserver cette jouissance tout en ne payant à Prysmian que le prix de revient des câbles.
En ce qui concerne la demande des appelants fondées sur l'article 1382 du code civil, la société Prysmian soutient qu'il n'est pas démontré qu'elle a commis une faute. Elle considère que la preuve de la faute qui lui est reprochée ne saurait résulter de la seule décision du Conseil de la concurrence et que la violation d'une règle de concurrence ne constitue pas, ipso facto, une faute au sens civiliste du terme. Elle ajoute que l'existence d'une faute n'a donné lieu à aucun débat contradictoire devant le Conseil de la concurrence, puisque la procédure de non-contestation des griefs y a été appliquée.
La société Prysmian prétend que les sociétés EDF et ERDF n'apportent pas la preuve qu'elles auraient subi un préjudice direct, personnel et certain du fait des pratiques qu'elle lui reproche et qu'elles confondent dommage à l'économie et préjudice individuel. Elle affirme, par ailleurs, que compte tenu des méthodes de fixation des tarifs de l'électricité, EDF et ERDF ont répercuté l'éventuel surcoût lié aux pratiques alléguées. Enfin, elle soutient qu'à supposer qu'un préjudice puisse être démontré, le calcul opéré par EDF et ERDF n'est pas probant et devra être rejeté.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la demande de nullité fondée sur le dol :
Considérant que les appelants font valoir que les pratiques anticoncurrentielles auxquelles se sont livrées les sociétés Nexans et Prysmian constituent des manœuvres dolosives qui ont vicié le consentement d'EDF ; qu'en conséquence, ils demandent à la Cour d'annuler, sur le fondement de l'article 116 du code civil, les contrats de fourniture passés par EDF avec ces sociétés à l'issue des appels d'offres ; que les sociétés Nexans et Prysmian soutiennent que cette demande est irrecevable car prescrite et, subsidiairement, qu'elle est mal fondée ;
Sur la recevabilité de la demande :
Considérant que selon l'article 1304 du code civil : « Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts » ;
Considérant que les intimés rappellent, s'agissant du marché transitoire, que le Conseil de la concurrence avait été saisi de cette affaire par EDF, le 14 novembre 2011 ; que le délai de prescription a donc, selon eux, commencé à courir à cette date et qu'il a, en conséquence, expiré le 14 novembre 2006 ;
Mais considérant que si, par courrier du 14 novembre 2001 (pièce Nexans n° 39), le secrétaire général d'EDF a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques lui « paraissant constitutives d'une entente prohibée par l'article L. 420-1 du code de commerce », et s'il a indiqué dans ce courrier que les éléments qu'ils portaient à la connaissance du Conseil ne « laiss[aient] guère de doute sur la réalité de la concertation qui a été mise en œuvre (...) », ces termes traduisent seulement les soupçons de leur auteur, voire sa conviction, qu'une entente a été commise dans le cadre de l'appel d'offres qui venait d'être lancé ; qu'en revanche, ils ne sauraient être considérés comme marquant le point de départ de la prescription prévue par l'article 1304 précité ; que pour l'application de ce texte, en effet, le délai de prescription ne saurait courir qu'à compter du jour où l'entente a été, non pas seulement soupçonnée, mais constatée et établie dans ses éléments factuels et juridiques ; que dès lors, c'est à compter de la décision du Conseil de la concurrence, soit le 26 juillet 2007, qu'a couru le délai de cette prescription ;
Considérant qu'il en va de même du second marché ; que si EDF a été entendue par la DGCCRF le 6 juin 2003, cette circonstance ne caractérise pas la découverte de l'entente, au sens de l'article 1304 précité, mais seulement l'existence d'indices et de soupçons suffisamment forts pour déclencher une enquête de la DGCCRF, ultérieurement transmise au Conseil de la concurrence, mais pas de nature à établir la réalité de l'entente soupçonnée ;
Considérant qu'il en résulte que la demande de nullité, formée moins de cinq ans après la décision du Conseil de la concurrence, est dès lors recevable ;
Sur le bien-fondé de la demande :
Considérant que les appelants soutiennent que le strict respect, par les candidats aux appels d'offres, des principes concurrentiels était pour EDF une condition déterminante de son engagement ; que ces principes n'ayant pas été respectés, les contrats qui ont été passés à la suite de ces appels d'offres doivent être annulés ;
Mais considérant, d'une part, que, quel que soit l'attachement, indiscutable, d'EDF au respect par ses fournisseurs des règles de la libre concurrence, force est de constater qu'alors qu'elle nourrissait de forts soupçons d'entente entre eux, elle n'en a pas moins poursuivi et mené à son terme l'appel d'offres dans lequel ces fournisseurs étaient engagés ; qu'en effet, quoiqu'ayant saisi le Conseil de la concurrence le 14 novembre 2001, en mettant explicitement en cause les participants à l'enchère électronique qui s'était tenue le 27 septembre précédent, et ayant complété cette saisine par l'envoi de nouvelles pièces le 29 novembre 2001, EDF, au lieu d'interrompre la procédure et de renoncer à contracter, dans de telles conditions, a mené à son terme cette procédure et a conclu, en janvier 2012, les contrats de fourniture avec les sociétés Nexans et Prysmian ; qu'EDF a ensuite qualifié pourtant les mêmes entreprises qu'elle avait mises en cause devant le Conseil de la concurrence, pour participer à l'appel d'offres du deuxième marché ;
Considérant, d'autre part, que si les appelants soutiennent, dans le cadre de la présente instance, que les pratiques auxquelles se sont livrées les intimés n'ont pas permis à EDF d'obtenir de ses fournisseurs le meilleur prix d'achat des câbles, il convient de constater que les volumes des deux marchés n'ont pas tous été attribués au moins disant ; que, par ailleurs, si les prix auxquels EDF a contracté n'étaient pas identiques aux « prix objectifs » qu'elle avait définis, ils en étaient très proches ; qu'enfin, EDF a fait part en 2006 de sa satisfaction en ce qui concerne les prix qu'elle avait obtenus de ses fournisseurs ; qu'en effet, la société Nexans a produit le courrier en date du 24 juillet 2006 que le président d'EDF lui a adressé et dans lequel celui-ci, après avoir rappelé les circonstances l'ayant amené à saisir le Conseil de la concurrence, « confirme[r] que les évolutions des niveaux de prix dans le temps que nos services ont été en mesure d'obtenir de la part des fournisseurs de câbles moyenne tension, sur chaque marché de ces dix dernières années, ont été globalement jugées en cohérence avec les niveaux de prix attendus par EDF au travers de ses propres estimations » (pièce Nexans n° 2) ;
Considérant qu'il résulte de ces constatations que les appelants ne rapportent pas la preuve du dol qu'ils allèguent ; qu'il seront donc déboutés de leur demande de nullité ;
Sur la demande de nullité fondée sur l'article L. 420-3 du code de commerce :
Sur la recevabilité de la demande :
Considérant que la société Nexans soutient que faute pour l'article L. 420-3 du code de commerce de prévoir un délai de prescription particulier, la nullité qu'il institue relève de la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ; qu'elle en conclut que la demande des appelants est prescrite, puisqu'elle a été engagée plus de cinq ans après qu'EDF ait eu connaissance de l'entente ayant affecté le déroulement de ses appels d'offres ;
Mais considérant que la nullité dont se prévalent les appelants ayant un caractère d'ordre public, elle est soumise au délai de prescription fixé, non par l'article 1304 du code civil, mais par l'article 2224 du même code ; qu'ayant commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réduit la durée de ce délai de trente à cinq ans, elle bénéficie des dispositions transitoires de l'article 26 II de ce texte, d'où il résulte que le délai de prescription applicable en l'espèce a expiré le 18 juin 2013 ; que la demande de nullité formée par les appelants n'est donc pas prescrite et qu'elle est recevable ;
Sur le bien-fondé de la demande :
Considérant que les sociétés EDF et GRDF demandent à la Cour de constater que les contrats passés avec les sociétés Nexans et Prysmian à l'issue des procédures de mise en concurrence sont nuls par application de l'article L. 420-3 du code de commerce ; qu'elles font valoir que ces contrats se rapportent, au sens de cet article, aux pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par le Conseil de la concurrence ;
Considérant que les société Nexans et Prysmian s'opposent à cette demande, et soutiennent que l'article L. 420-3 ne s'applique qu'aux cas dans lesquels l'acte dont la nullité est demandée est le « support même » de la pratique prohibée ou qu'il a un objet ou un effet anticoncurrentiel ; que dès lors, dans le cas d'espèce, la nullité ne saurait être invoquée, comme l'a jugé le tribunal, qu'à l'encontre des documents qui ont caractérisé les échanges d'information sanctionnés par le Conseil de la concurrence ;
Considérant que la société EDF a poursuivi la négociation du premier marché, dit marché transitoire, et signé les contrats en résultant avec les sociétés Nexans et Prysmian alors que, comme la Cour l'a relevé plus haut, elle avait dénoncé les pratiques de ces mêmes sociétés au Conseil de la concurrence et les avait explicitement mises en cause comme ayant mis en œuvre une entente prohibée ; que, dès lors, la société EDF ne peut de bonne foi, ayant procédé à cette dénonciation qui démontre qu'elle avait connaissance de ces pratiques et de leurs conséquences, mais ayant néanmoins poursuivi les négociations et ayant signé les contrats en cause, allégué que ces mêmes contrats sont nuls comme se rapportant aux faits dénoncés ; qu'à l'inverse, la société EDF avait la possibilité, après avoir dénoncé au Conseil de la concurrence les pratiques de ses fournisseurs, de refuser de donner suite à l'appel d'offres au terme duquel les sociétés Nexans et Prysmian ont été attributaires, dès lors qu'elle estimait que cet appel d'offres était vicié par l'entente dénoncée ; qu'elle aurait également pu négocier avec les autres fournisseurs, concurrents des sociétés Nexans et Prysmian quand bien même ils avaient participé à l'entente ; qu'en toute hypothèse, il résulte de la chronologie des engagements pris que ceux-ci ne peuvent pas se rattacher à l'entente prohibée qui avait été dénoncée antérieurement à leur conclusion par l'auteur même de la dénonciation ;
Considérant, au surplus, que s'agissant du deuxième marché, il est établi que les prix auxquels EDF a contracté ne sont pas ceux issus de l'appel d'offres, puisque EDF a ensuite négocié ces prix avec chacun des fournisseurs retenus, desquels elle a obtenu une baisse de 2,5 % ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que les conditions de la nullité posées par l'article L. 420-3 précité ne sont donc pas réunies ;
Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts :
Considérant que les appelants soutiennent qu'en échangeant entre eux des informations lors des appels d'offres qu'avait organisés EDF, les intimés se sont livrés à des agissements fautifs qui ont causé à EDF un préjudice dont ils demandent réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Considérant, en premier lieu, que les appelants soutiennent que les constatations faites par le Conseil de la concurrence dans sa décision caractérisent la faute qu'elles reprochent aux sociétés Nexans et Prysmian et qui consiste dans une violation des règles d'ordre public protégeant le libre jeu de la concurrence ; que les sociétés Nexans et Prysmian le contestent et font valoir, en particulier, que la décision du Conseil de la concurrence, prise de surcroît selon la procédure de l'article L. 464-2-III du code de commerce, donc sans établissement préalable d'un rapport, ne suffit pas, par elle-même, à caractériser une faute civile, dont les appelants ne rapportent pas la preuve, que la société Nexans soutient, en outre, qu'EDF a fait peser sur ses fournisseurs habituels une menace grave d'éviction du marché et a eu, à leur égard, un comportement fautif consistant à mettre en place un système d'enchères inversées et d'élimination de candidats, à imposer sans contrepartie une réduction de prix et à appliquer une clause d'indemnisation, en cas de volumes achetés inférieurs aux prévisions contractuelles, hors de proportion avec le dommage réellement subi ; que la société Nexans soutient que par de tels agissements, EDF a conduit ses fournisseurs à participer à une « concertation défensive » ; qu'elle produit à l'appui de cette thèse une « Analyse de la concurrence dans la filière des câbles électriques HTA en France », dont l'auteur conclut, notamment, que l'entente en cause était « une réaction face à la menace d'éviction du rang des fournisseurs de câbles MT d'EDF et celle de subir la « malédiction du vainqueur » en cherchant à s'y maintenir par des prix économiquement non soutenables » (pièce n° 22) ;
Considérant, en second lieu, que les appelants soutiennent que la faute qu'ils reprochent aux intimés leur a causé un préjudice, car les prix remis par les fournisseurs ayant participé aux appels d'offres ont été significativement plus élevés que ce qu'ils auraient été si ces fournisseurs ne s'étaient pas entendus ; qu'ils en déduisent que ce préjudice est égal à la différence entre le prix auquel EDF a effectivement payé les câbles qui étaient l'objet de ces appels d'offres, et le prix auquel EDF les aurait achetés si les fournisseurs n'avaient pas échangé d'informations et s'ils s'étaient trouvés en situation d'une pleine concurrence ; que pour le chiffrage de ce préjudice, EDF et ERDF s'appuient sur des études réalisées, à leur demande, par le cabinet Microeconomix, dont elles ont versé les différents rapports aux débats (Evaluation du préjudice causé à la société EDF par les pratiques anticoncurrentielles de la société Nexans pièce n° 53 ; Evaluation du préjudice causé à la société EDF par les pratiques anticoncurrentielles de la société Prysmian pièce n° 54 ; Note en réponse aux objections de la société Nexans pièce n° 71 ; Note en réponse aux objections de la société Prysmian pièce n° 72 ; Rapport d'expertise économique en réponse aux critiques émises par Compass lexecon pour le compte de Nexans et Sorgem Evaluation pour le compte de Prysmian concernant l'évaluation du préjudice subi par EDF pièce n° 73 ; Rapport d'expertise économique ne réaction au rapport du 11 juillet 2013 préparé par Compass Lexecon pour le compte de la société Nexans pièce n° 75) ; que ces travaux concluent que le préjudice causé à EDF par les agissements fautifs des intimés s'élève, s'agissant de la société Nexans, à 900.000 euros pour le premier marché et 3.900.000 euros pour le second marché et, s'agissant de la société Prysmian, à 527.885 euros pour le premier marché et 6.969.979 euros pour le second marché ; qu'après actualisation en 2014 de ces préjudices, les appelants réclament à la société Nexans la somme totale de 5,9 millions d'euros et à la société Prysmian la somme totale de 9,1 millions d'euros, ces montants étant à répartir entre eux, à raison de 59.000 euros et 91.000 euros pour EDF et de 5.841.000 euros et 9.009.000 euros pour ERDF ;
Considérant que le préjudice allégué par les appelants a été évalué au moyen d'une méthode consistant à comparer la situation de marché observée à celle, dite contrefactuelle, qui aurait prévalu si les pratiques en cause n'avaient pas été mises en œuvre ; qu'au cas d'espèce, la situation contrefactuelle a été déterminée par la méthode dite « avant-après », consistant à comparer la situation réelle au cours de la période en cause, avec la situation sur le même marché avant que les pratiques n'aient produit leurs effets, et après qu'elles aient produit leurs effets ; que s'agissant de la situation contrefactuelle, le cabinet Microeconomix considère que l'évolution théorique des prix était déterminée, entre autres facteurs, par l'évolution de la productivité, le prix des câbles ayant baissé de 30 % entre 1991 et 2001, et par l'existence de surcapacités de production dans l'industrie du câble HTA ; qu'il estime que les effets cumulés de ces deux facteurs auraient dû entraîner une baisse des prix, qu'il a chiffrée à 4 % ; qu'il retient, par ailleurs, que sur la période en cause, les conditions de concurrence ont subi deux évolutions structurelles, consistant, dans le recours pour le premier marché à un mécanisme d'enchères inversées avec élimination du fournisseur le plus cher et, s'agissant du second marché, dans l'augmentation du nombre de concurrents soumissionnant à l'appel d'offres, deux nouveaux fournisseurs s'ajoutant aux quatre fournisseurs historiques ; que ces facteurs auraient dû entraîner une pression sur les prix à la baisse, que le cabinet Microeconomix chiffre à 6,4 % ; qu'en mesurant l'écart entre le niveau de prix théorique ainsi obtenu et les prix issus auxquels EDF a effectivement acquis les câbles, les appelants chiffrent leur préjudice aux montants ci-dessus rappelés ;
Considérant que les sociétés Nexans et Prysmian soutiennent que ces éléments n'établissent pas que EDF a subi un préjudice direct, certain et actuel susceptible d'ouvrir droit à réparation ;
Considérant qu'ainsi, la société Nexans prétend que les rapports du cabinet Microeconomix produits par les appelants comportent des erreurs, omissions, contradictions et incohérences qui leur enlèvent toute force probatoire ; qu'elle appuie sa critique sur les conclusions d'études réalisées, à sa demande, par le cabinet Compass Lexcon (Rapport sur l'évaluation du préjudice supposé causé à EDF par les pratiques de Nexans pièce n° 27 ; Rapport sur l'utilisation de sa puissance économique vis-à-vis de Nexans pièce n° 32 ; Rapport sur l'évaluation du préjudice supposé causé à EDF par les pratiques de Nexans Rapport sur le second rapport Exconomix pièce n° 50 ; Réponse au rapport d'expertise économique récapitulatif de Microeconomix pièce n° 64) ; que la société Prysmian souligne que les prix remis par les candidats étaient très proches des « prix objectifs » définis par EDF avant de lancer ses appels d'offres ; qu'elle verse par ailleurs aux débats trois rapport établis à sa demande par le cabinet Sorgem Evaluation qui établissent, selon elle, que le prix n'était pas pour EDF un critère déterminant de son choix, et qu'en conséquence l'existence d'un préjudice causé par l'entente ne peut être démontrée (Rapports des 16 avril 2014, 17 décembre 2014 et 11 février 2015 pièces n° 27, 37 et 44) ;
Considérant que si la pertinence de la méthode d'évaluation du préjudice appliquée par les appelants, dont le cabinet Microeconomix rappelle qu'elle a les faveurs de la Commission européenne, ne peut être discutée dans son principe, force est de constater que les éléments fournis par les intimés conduisent à la remettre en cause dans son application au cas d'espèce ;
Considérant qu'ainsi que l'observe la société Nexans, le calcul de l'évolution contrefactuelle des prix pouvait se fonder non, comme le cabinet Microeconomix l'a fait, sur des hypothèses, mais sur les prix remis, en réponse au deuxième appel d'offres, par la société NKT, puisque celle-ci n'a pas participé aux pratiques sanctionnées par le Conseil de la concurrence ; que les prix remis par cette société pouvaient, pour cette dernière raison, être considérés comme des prix du marché ; que, comme l'observe le rapport du cabinet Compass Lexecon, dans chaque lot pour lequel la société NKT a remis une offre, il y avait au moins un prix remis par un autre participant inférieur au prix remis par celle-ci ; que sans doute cette analyse est-elle contestée par les appelants, qui soutiennent que même s'il était avéré que EDF n'a pas toujours choisi le fournisseur le moins disant, elle a supporté le surprix que chaque membre de l'entente a été en mesure d'imposer ; qu'elle n'en vient pas moins fragiliser l'un des postulats fondamentaux sur lesquels les appelants ont basé le calcul de leur préjudice ;
Considérant que le niveau des prix observés sur le marché transitoire, par rapport au marché qui avait été précédemment passé, est discuté par les parties, alors qu'il constitue pour les appelants un facteur important du chiffrage du préjudice qu'ils allèguent ; qu'ainsi, selon le cabinet Microeconomix, les prix du premier marché auraient augmenté de 0,3 % et 1,7 %, alors que selon le cabinet Compass Lexecon, ces mêmes prix auraient diminué de 1,96 % et 0,72 % ; que, par ailleurs, en ce qui concerne les surcapacités de production qui, selon les appelants devaient théoriquement conduire à une baisse des prix, les intimés soulignent que cet effet n'est nullement démontré, dans la mesure où ces surcapacités existaient sur les marchés antérieurs à ceux en cause ; que de même, l'effet attendu de la mise en place d'un système d'enchères inversées pour le premier marché, consistant dans une baisse des prix, s'il est théoriquement justifié, ne peut être considéré comme certain, au point de servir de base au calcul de l'indemnité sollicitée ; que l'assertion des appelants, selon laquelle la productivité augmenterait de 2,5 % par an, est contestée par les intimés qui soutiennent que ce chiffre correspond en réalité à une baisse annuelle des prix imposée par EDF, dont il n'est pas démontré qu'elle est corrélée à une augmentation de la productivité ; qu'enfin, s'agissant du deuxième marché, il n'est pas contesté que le passage de quatre à six fournisseurs, entraînant normalement, selon les appelants, une pression sur les prix à la baisse, n'a concerné qu'une partie de ce marché, de sorte qu'on ne saurait en faire un facteur déterminant du montant du préjudice allégué ;
Considérant, en outre, que, comme la Cour l'a relevé plus haut, EDF a elle-même fait part de sa satisfaction quant au niveau des prix qu'elle avait obtenus de ses fournisseurs ; que dans le courrier du 24 juillet 2006 déjà cité, le président d'EDF, après avoir rappelé les circonstances l'ayant amené à saisir le Conseil de la concurrence, a confirmé à la société Nexans « que les évolutions des niveaux de prix dans le temps que nos services ont été en mesure d'obtenir de la part des fournisseurs de câbles moyenne tension, sur chaque marché de ces dix dernières années, ont été globalement jugées en cohérence avec les niveaux de prix attendus par EDF au travers de ses propres estimations » (pièce Nexans n° 2) ; que la société Nexans produit, par ailleurs, des tableaux de prix établis par les services d'EDF, d'où il ressort que les prix obtenus à l'issue des appels d'offres se situaient en-deçà du seuil d'acceptabilité préalablement défini (pièces n° 30, 72 et 73) ;
Considérant qu'il résulte de ces constatations que l'appelante n'apporte pas les éléments permettant d'établir avec certitude le préjudice qu'elle dit avoir subi ; que dès lors, sans qu'il y ait lieu de déterminer si en se livrant aux pratiques sanctionnées par le Conseil de la concurrence, les sociétés Nexans et Prysmian avaient commis une faute civile à l'égard de EDF, les appelants seront déboutés de leur demandes d'indemnisation ; que le jugement sera donc confirmé ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société Nexans relatives à la mise en œuvre des appels d'offres :
Considérant que la société Nexans soutient qu'EDF a, dans la mise en œuvre de ses appels d'offres, commis des fautes qui consistent, pour le premier marché, à avoir mis en place un système d'enchères électroniques inversées et, pour les deux marchés, à avoir instauré une clause d'élimination d'un voire de deux fournisseurs, à avoir imposé à ses fournisseurs une remise sur les prix de 2,5 % et à avoir inséré dans les marchés une clause d'indemnisation abusive ; qu'elle considère que EDF a ainsi contrevenu aux dispositions des articles L. 420-2 alinéas 1 et 2 et L. 442-6 du code de commerce ;
Considérant que la société Nexans demande que les agissements qu'elle reproche à EDF soient sanctionnés sur la base des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; qu'elle vise, au sein de cet article, les dispositions selon lesquelles « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice cause le fait (...) :
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ;
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale (...) » ;
Considérant, en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° ci-dessus, que la société Nexans a été attributaire de lots dans le premier comme dans le second marché ; qu'on ne saurait donc reprocher à EDF d'avoir rompu la relation commerciale qui était établie ;
Considérant, en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-4° ci-dessus, qu'on ne saurait, d'une façon générale, considérer qu'en procédant à des enchères inversées et à des appels d'offres pour le marché transitoire de 2002 et pour le marché couvrant la période 2002-2004, EDF aurait menacé la société Nexans, en violation des dispositions de cet article, d'une rupture de leurs relations commerciales, sauf à interdire à EDF de procéder pour ses approvisionnements, à toute mise en concurrence ; que de surcroît, la société Nexans a été autorisée à concourir aux deux marchés ;
Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu d'examiner les faits reprochés à EDF au regard des dispositions des articles L. 420-2 alinéas 1 et 2 et L. 442-6-I-2° du code ;
En ce qui concerne le recours aux enchères inversées :
Considérant que la société Nexans reproche EDF d'avoir recouru à un mécanisme d'enchères électroniques inversées en vue de l'attribution du marché transitoire de 2002 ; qu'elle estime ce mécanisme abusif au regard des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce et fautif au regard des dispositions de l'article L. 442-6 ;
Mais considérant que les modalités de mise en concurrence sont laissées à l'initiative des opérateurs sans qu'il y ait lieu d'en exclure certaines par principe ; que la licéité, au regard tant du droit des contrats que du droit de la concurrence, des enchères électroniques inversées a été constatée par la Commission d'examen des pratiques commerciales ; que cette commission a, en particulier, relevé que l'existence de relations commerciales antérieures ne faisait pas obstacle au recours à la pratique des enchères inversées, sous réserve de respecter les droits nés du contrat et les conditions de préavis posées par l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce (Commission d'examen des pratiques commerciales, avis n° 04-08 relatif à la conformité au droit des pratiques d'enchères électroniques inversées pièce Nexans n° 33) ; que si, comme le soutient la société Nexans, le mécanisme en cause a été mis en œuvre par EDF afin d'exercer une pression à la baisse sur les prix, force est de constater qu'un tel objectif n'est pas en lui-même abusif, sauf à priver tout opérateur de droit de mettre ses fournisseurs en concurrence ; que l'abus ne pourrait résulter que de ce qu'il aurait, au cas d'espèce, abouti à « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur... baisse » ; que cet effet n'est pas démontré en l'espèce ; que s'agissant des dispositions de l'article L. 442-6-I-2°, le système d'enchères électroniques inversées, destiné à déterminer le fournisseur avec lequel EDF contractera, est par définition indifférent à l'équilibre des droits et obligations des parties tels que définis par le contrat ;
En ce qui concerne la clause d'élimination :
Considérant que la société Nexans rappelle que EDF a institué, dans le cadre de ses appels d'offres, un système d'élimination d'un, voire de deux candidats dans le premier marché et de deux candidats sur chacun des lots du deuxième marché ; qu'elle souligne que ce système s'inscrivait en rupture complète avec la pratique constante qu'EDF suivait jusqu'alors, et qui consistait à attribuer à chaque fournisseur qu'elle avait homologué une part du marché, différenciée en fonction du niveau de prix offert ; qu'elle soutient qu'en mettant en œuvre ce système, EDF a obtenu, ou tenté d'obtenir, des conditions de prix manifestement abusives, puisque tendant à lui faire renoncer à sa marge ;
Mais considérant, d'une part, que la mise en place de ce système n'est, en elle-même, ni fautive, ni abusive, sauf à considérer que les entreprises candidates avaient un droit acquis à continuer à fournir EDF, laquelle serait alors contrainte de leur attribuer des lots ; qu'au demeurant, la société EDF n'a pas mis en œuvre ce dispositif dans le cadre du deuxième marché, puisqu'elle a retenu six fournisseurs sur les trois lots, de sorte qu'aucun d'entre eux n'a été éliminé ; que, d'autre part, la société Nexans n'a, pas plus que les autres candidats, nullement renoncé à sa marge en présentant ses offres ; que le dispositif en cause, dès lors, ne constitue pas un abus au sens de l'article L. 420-2 du code de commerce, pas plus qu'il ne crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
En ce qui concerne la remise de 2,5 % :
Considérant que la société Nexans soutient que EDF a exigé, dans le cadre du marché 2002-2004, sans contrepartie, une baisse automatique du prix des câbles de 2,5 % chaque année ; qu'elle expose que dans le cadre de la négociation de gré à gré qu'elle a engagée avec chacun des six candidats qui lui avaient remis des offres, EDF a obtenu des remises de 2,5 % sur les prix applicables après la première année du contrat ;
Mais considérant qu'on ne saurait reprocher à EDF d'avoir, conformément au règlement de son appel d'offres, négocié de gré à gré les prix de chaque lot, étant rappelé, de surcroît, que les pratiques sanctionnées ont pu avoir une incidence sur le prix au moment de l'appel d'offres ; que dès lors, les modalités finales de détermination du prix du marché en cause ne peuvent être considérées comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'elles ne peuvent pas plus, pour la même raison, être considérées comme démontrant une faute commise par EDF de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
En ce qui concerne la clause d'indemnisation :
Considérant que la société Nexans soutient que EDF lui a imposé des conditions d'indemnisation, en cas de non-exécution du contrat de sa part, l'exonérant de fait de toute obligation d'indemnisation du préjudice subi ; qu'elle juge qu'il en résulte un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;
Considérant que les marchés en cause comportaient une même clause ainsi rédigée (pièces Nexans n° 34 et 35) : « Si, à l'issue du marché, le total hors taxes des commandes passées au Fournisseur, ramené aux prix unitaires de base, se situe en dehors des tolérances (M - 5 % à M + 5 %) :
* une indemnité est versée par EDF au Fournisseur si ce total n'atteint pas M - 5 % ;
* une ristourne est versée par le Fournisseur à EDF si ce total dépasse M + 5 % (...) » ;
Que cette clause énonçait ensuite la formule selon laquelle l'indemnité et la ristourne étaient calculées ;
Considérant que les marchés en cause ne comportaient pas d'engagement ferme de volume de commandes, puisqu'au contraire, ils instituaient une marge de « tolérance » de plus ou moins 5 % par rapport à leur montant ; que le dépassement de cette marge donnait lieu à indemnisation, dans des conditions égalitaires, d'EDF ou de la société Nexans selon que le volume de commande était excédentaire ou insuffisant ; que la marge de tolérance est, dans son principe, justifiée par l'impossibilité pour EDF de déterminer avec plus de précision le volume de ses besoins dans le cours de l'exécution du marché ; que le niveau de 5 % de cette marge n'apparaît ni excessif, ni abusif ; que dès lors, la clause d'indemnisation ne peut être considérée comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'elle n'a pas plus de caractère fautif au regard des dispositions de l'article 1382 du code civil ;
Considérant qu'il résulte de ces mêmes constatations que le recours aux enchères inversées, l'insertion dans les contrats de clauses d'élimination et d'indemnisation ainsi que la remise de 2,5 % négociée entre les parties ne sauraient être considérés comme constituant des « conditions commerciales ou obligations injustifiées », au sens de l'article L. 442-6-I-2°-b) dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 précitée, sans qu'il soit besoin de déterminer si la société Nexans était placée à l'égard de la société EDF dans une situation de dépendance économique ou était soumise à sa puissance d'achat ;
Sur les fautes reprochées à EDF dans l'exécution des marchés :
Considérant que la société Nexans fait valoir que EDF ne lui a pas commandé les volumes prévus dans les deux marchés et n'a donc pas respecté ses engagements contractuels ; qu'ainsi, elle expose que dans le cadre du premier marché, EDF ne lui a commandé que 929 kms de câbles, au lieu de 1.297 kms, soit 71,6 % en volume et 73,9 % en valeur et que dans le cadre du deuxième marché, elle ne lui a commandé en année 1 que 35 % du total, au lieu de 52 % prévus, et 40 % en année 2 au lieu de 48 % prévu ; que la société Nexans soutient qu'il en est résulté pour elle un préjudice qu'elle évalue à la somme totale de 1.851.736 euros ;
Mais considérant que, si le premier marché n'a été réalisé qu'à hauteur de 72 %, la société Nexans a reçu l'indemnisation contractuellement prévue dès lors que la marge de tolérance 6,5 % par rapport au montant n'a pas été atteinte ; que la Cour a jugé que la clause en application de laquelle cette indemnisation a été calculée et versée n'était ni fautive, ni abusive ; que s'agissant du deuxième marché, la société Nexans ne démontre pas que ses niveaux de réalisation en année 1 et en année 2 étaient contraires aux stipulations du contrat ; que sur la durée du contrat, le taux de réalisation s'est avéré supérieur aux prévisions, puisqu'il s'est élevé à 109 % ; que la société Nexans sera dès lors déboutée de sa demande ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement la société EDF et la société ERDF à verser à chacune des sociétés Prysmian et Nexans la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant, s'agissant des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, qu'il serait inéquitable de les laisser en totalité à la charge des sociétés Nexans et Prysmian ; que les sociétés EDF et ERDF seront en conséquence condamnées in solidum à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Nexans la somme de 80.000 euros et à la société Prysmian la somme de 80.000 euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Électricité de France (EDF) et Électricité Réseau Distribution France (ERDF) à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 80.000 euros à la société Nexans France et la somme de 80.000 euros à la société Prysmian Câbles et Systèmes France ;
REJETTE toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;
CONDAMNE les sociétés Électricité de France (EDF) et Électricité Réseau Distribution France (ERDF) au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
B. REITZER C. PERRIN
- 6181 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Réciprocité
- 6225 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Vente
- 6227 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Formation du contrat
- 6243 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Délai pour agir