CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 10 décembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5444
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 10 décembre 2015 : RG n° 14/11538
Publication : Jurica
Extrait : « Cependant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges c'est le locataire qui a choisi directement avec le fournisseur les modalités de financement et s'il y avait eu un manquement au titre d'une obligation d'information ou de conseil, celle-ci incomberait au vendeur du matériel, la société Copy Sud qui n'est pas dans la cause.
Par ailleurs l'appelante qui invoque un déséquilibre significatif ne démontre pas l'existence de celui-ci, le simple fait que le contrat puisse être résilié en cas de défaillance du locataire ne s'analysant pas en un déséquilibre significatif. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/11538 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 avril 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - 7e chambre - R.G. n° 2013035112.
APPELANTE :
SARL DEPOND-ARNAUDIN
ayant son siège social [adresse] N° SIRET : 410 XX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377
INTIMÉE :
SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : 352 YY, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 30 septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre, Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère, chargée du rapport, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Rappel des faits et procédure :
Par jugement, assorti de l'exécution provisoire, du 30 avril 2014, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit la société Depond-Arnaudin SARL, recevable mais mal fondée en son exception d'incompétence, l'en déboute et se déclare compétent,
- dit l'action de la société GE Capital Equipement Finance recevable,
- constaté la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de la société Depond-Arnaudin SARL,
- condamné la société Depond-Arnaudin SARL à payer à la société GE Capital Equipement Finance la somme de 2.530,75 euros au titre des loyers impayés, avec intérêts de droit à compter de la réception de la mise en demeure, soit le 22 mars 2012,
- condamné la société Depond-Arnaudin SARL à payer à la société GE Capital Equipement Finance la somme de 35.973 euros au titre de l'indemnité de résiliation, avec intérêts de droit à compter de la résiliation du contrat, soit le 4 mai 2012,
- ordonné la restitution du matériel par la société Depond-Arnaudin SARL à la société GE Capital Equipement Finance, en application de l'article 10-3 des conditions générales, débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la société Depond-Arnaudin SARL aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
La société Depond-Arnaudin SARL a interjeté appel le 5 juin 2014,
Dans ses dernières conclusions du 14 août 2014, la société demande à la cour de :
- dire l'appel interjeté par la SARL Depond Arnaudin recevable et bien fondé, l'y recevoir,
réformer la décision entreprise,
vu l'article 48 du code de procédure civile,
- dire que le tribunal de commerce de [ville T.] est seul compétent pour connaître des demandes formées par la SAS GE Capital Equipement Finance,
- s'entendre votre cour déclarer l'action engagée par GE Capital Equipement Finance irrecevable, cette société n'ayant pas qualité pour agir,
subsidiairement, sur le fond,
vu l'article 1134 du code civil et l'article L. 442-6 du code de commerce,
- s'entendre votre cour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location passé entre la SARL Depond Arnaudin et la SAS GE Capital Equipement Finance aux torts exclusifs de cette dernière,
- voir condamner la SAS GE Capital Equipement Finance à reprendre le matériel financé à ses frais,
- en toutes hypothèses, débouter la SAS GE Capital Equipement Finance de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
- voir condamner la SAS GE Capital Equipement Finance au paiement de la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 9 octobre 2014, la société GE Capital Equipement Finance demande à la cour de :
- confirmer en tous points le jugement rendu le 30 avril 2014 par le Tribunal de commerce de PARIS sauf en ce qu'il a accordé la somme de 35.973 euros au titre de l'indemnité de résiliation.
en conséquence,
- se déclarer compétent en vertu de la clause attributive de compétence,
- dire la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE recevable et bien fondée dans ses conclusions,
- voir constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de la société CABINET DEPOND-ARNAUDIN,
- s'entendre la société CABINET DEPOND-ARNAUDIN condamnée à restituer le matériel objet de la convention résiliée et ce dans la huitaine de la signification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
- condamner la société CABINET DEPOND-ARNAUDIN à payer à la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, les sommes suivantes :
* loyers impayés 2.530,75 euros
* pénalités de retard 253,08 euros
* loyers à échoir 43.022,75 euros
* pénalité contractuelle 4.302,27 euros
Soit un total de 50.108,85 euros avec intérêts de droit à compter de la réception de la mise en demeure, soit le 22 mars 2012 et capitalisation des intérêts,
- condamner la société CABINET DEPOND-ARNAUDIN à payer à la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en application de l'article 699 du CPC.
La clôture a été prononcée le 10 septembre 2015.
[* * *]
Il résulte de l'instruction du dossier les faits suivants :
Par divers actes sous-seing privé des 16 décembre 2015, 2 février 2006 et 28 février 2006, des contrats de location financière étaient conclus entre la société cabinet DEPOND-ARNAUDIN, qui exploite à [ville T.] un cabinet de géomètres experts, et la société Copy Sud, portant sur divers photocopieurs. En application de l'article 3 des conditions générales du contrat la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE est venue aux droits de la société Copy Sud.
Puis, pour étaler dans le temps le paiement de la location, de nouveaux contrats de location financière étaient passés avec divers organismes, dont un contrat du 24 décembre 2012 conclu auprès de la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE pour un matériel ISC 3545 numéros de série K 51 XX, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels de 2116,01 euros hors taxes jusqu'en juin 2016.
La société cabinet DEPOND-ARNAUDIN s'est plaint tout à la fois du coût global, selon elle, exorbitant des divers contrats de location et aussi du fonctionnement défectueux du matériel, auprès la société Copy Sud.
À compter de mai 2012, les loyers sont demeurés impayés. C'est ainsi qu'après une mise en demeure, par acte du 4 juin 2013 la société de location financière a assigné la société cabinet DEPOND-ARNAUDIN en résiliation du contrat de location, en condamnation de diverses sommes et en restitution du matériel.
La société cabinet DEPOND-ARNAUDIN a, in limine litis, soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Paris au profit de commerce de [ville T.] puis s'est opposée à la demande.
C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement entrepris.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur le moyen tiré de l'incompétence territoriale :
La société cabinet DEPOND-ARNAUDIN fait valoir que la clause attributive de compétence au profit de commerce de Paris, figurant dans les conditions générales de la société intimée ne lui serait pas opposable au motif qu'elle ne figurerait qu'au verso des conditions générales de vente de celle-ci et qu'au surplus ce document n'aurait pas été signé par elle puisqu'elle n'avait contracté qu'avec la société Copy Sud de sorte qu'elle n'aurait pas accepté cette prorogation de compétence.
Or l'article 15 des conditions générales du contrat de location financière précise : « sous réserve des dispositions de l'article 48 code de procédure civile, le tribunal de commerce de Paris sera seul compétent, quel que soit le lieu de livraison et le mode de paiement et même en cas de pluralité de défendeurs, pour tout litige relatif à l'interprétation ou à l'exécution du présent contrat et de ses suites. »
Cette clause est apparente et la société appelante est une SARL, commerciale par la forme, de sorte que la clause lui est opposable. En conséquence c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté l'exception d'incompétence territoriale.
Sur la qualité de cessionnaire de la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE :
La société appelante soutient qu'elle n'aurait pas accepté la cession du contrat au profit de la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE.
Toutefois l'article 3.1 du contrat précise que le locataire : « reconnaît irrévocablement au bailleur le droit de vendre le matériel et de céder à tout moment, notamment par endossement avec faculté de substitution, le présent contrat à tout tiers (ci-après « le cessionnaire »), établissement de crédit ou société de location financière choisie par le bailleur (ci-après « le bailleur cédant ») et en particulier à GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE. De telles cessions sont d'ores et déjà acceptées sans réserve par le locataire. Elles seront portées à la connaissance du locataire par tout moyen... ».
Il s'ensuit que le locataire a parfaitement accepté la cession au profit de la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, laquelle est recevable à agir à son encontre. La décision sera confirmée sur ce point.
Sur le défaut de maintenance :
La société cabinet DEPOND-ARNAUDIN soutient que les appareils loués seraient défectueux et que leur maintenance n'aurait jamais été assurée.
Toutefois c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont mis en évidence que la maintenance était exclue de l'objet du contrat.
En conséquence aucune faute contractuelle ne peut être retenue au titre de la maintenance qui n'entrait pas dans le champ contractuel.
Sur la validité du contrat de location financière et le déséquilibre significatif :
La société cabinet DEPOND-ARNAUDIN soutient qu'elle a toujours été en situation de dépendance économique envers le bailleur. Elle fait valoir que l'article 10 du contrat prévoit que celui-ci peut le rompre de façon discrétionnaire sans mise en demeure préalable. Elle indique encore que la succession des contrats de location témoignerait de ce que le matériel n'était pas adapté à ses besoins et que le montant trimestriel des loyers était trop élevé pour sa trésorerie. Elle indique que c'est dans ces conditions que 5 contrats de location étaient conclus pour le même matériel dans l'unique but de maintenir des relations contractuelles en allongeant les paiements et en alourdissant le poids de la dette sans contrepartie réelle puisque aucun des photocopieurs livrés n'a été changé. Elle fait valoir qu'il s'agit de graves manquements du bailleur qui justifient la résiliation du contrat à ses torts exclusifs.
Cependant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges c'est le locataire qui a choisi directement avec le fournisseur les modalités de financement et s'il y avait eu un manquement au titre d'une obligation d'information ou de conseil, celle-ci incomberait au vendeur du matériel, la société Copy Sud qui n'est pas dans la cause.
Par ailleurs l'appelante qui invoque un déséquilibre significatif ne démontre pas l'existence de celui-ci, le simple fait que le contrat puisse être résilié en cas de défaillance du locataire ne s'analysant pas en un déséquilibre significatif.
Sur la résiliation du contrat et les sommes dues au titre de la résiliation :
À la suite des impayés la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE a mis en demeure la société cabinet DEPOND-ARNAUDIN de les régler et aucun paiement n'étant intervenu, conformément au contrat, elle a procédé à la résiliation de celui-ci.
Elle réclame à ce titre :
* les loyers impayés : 2.530,75 euros
* les pénalités de retard : 253,08 euros
* les loyers à échoir : 43.022,75 euros
* la pénalité contractuelle : 4.302,27 euros
Soit un total de 50.108,85 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure soit du 22 mars 2012 et capitalisation des intérêts.
La société cabinet DEPOND-ARNAUDIN ne critique pas utilement le détail des sommes ainsi réclamées qui résultent de l'application des termes du contrat.
Les premiers juges avaient estimé que les pénalités de retard et la pénalité contractuelle étaient manifestement excessives et les avaient ramenées toutes 2 à la somme de un euro.
Cependant le tribunal n'avait pas caractérisé le caractère manifestement excessif de ces clauses pénales et la société cabinet DEPOND-ARNAUDIN, dans ses conclusions, ne soutient pas davantage qu'elles soient manifestement excessives. En conséquence le jugement sera infirmé et la société cabinet DEPOND-ARNAUDIN sera condamnée au paiement de la somme de 50.108,85 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure soit du 22 mars 2012 avec capitalisation des intérêts.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement sauf en ce qui concerne le montant des condamnations.
Sur le quantum, condamne la société cabinet DEPOND-ARNAUDIN, à payer la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE la somme de 50.108,85 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure soit du 22 mars 2012 avec capitalisation des intérêts.
Condamne la société cabinet DEPOND-ARNAUDIN, aux dépens d'appel avec recouvrement de dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La condamne également à payer à la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
B. REITZER C. PERRIN
- 6175 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Charge de la preuve
- 6212 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Locations financières sans option d’achat
- 6236 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Résiliation du contrat
- 6280 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location sans option d’achat
- 6392 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit postérieur aux arrêts de Chambre mixte