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CA DIJON (2e ch. civ.), 28 janvier 2016

Nature : Décision
Titre : CA DIJON (2e ch. civ.), 28 janvier 2016
Pays : France
Juridiction : Dijon (CA), 2e ch. civ.
Demande : 13/01793
Date : 28/01/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/09/2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5501

CA DIJON (2e ch. civ.), 28 janvier 2016 : RG n° 13/01793

Publication : Jurica

 

Extrait : « En l'espèce, le contrat portait sur une installation de vidéo-surveillance destinée à sécuriser le commerce de tabac-presse exploité par les époux X. Certes, comme l'ont relevé les premiers juges, cette installation n'est ni indispensable à l'exploitation du commerce, ni de nature à permettre, en elle-même, le développement de son activité. Toutefois, en s'en tenant à ces considérations pour décider que la prestation litigieuse ne pouvait être exclue du champ d'application de la législation protectrice du code de la consommation, le tribunal a fait une mauvaise interprétation des dispositions légales précitées, qui n'exigent pas que la prestation soit nécessaire à l'exercice de l'activité commerciale, mais simplement qu'elle soit en lien direct avec celle-ci.

Or, tel est manifestement le cas en l'occurrence. En effet, l'installation de vidéo-surveillance équipant un bureau de tabac, type de commerce dont il est de notoriété commune qu'il constitue l'une des cibles privilégiées des braqueurs, et qui permet d'une part d'obtenir un effet certain de dissuasion à l'égard des vols, et d'autre part de faciliter l'identification d'éventuels malfaiteurs, a pour finalité d'assurer au quotidien la protection des personnes et des biens nécessaires à l'exercice de l'activité, ainsi que la préservation des bénéfices que cette activité procure. Il existe ainsi un rapport direct entre le contrat litigieux et l'activité commerciale des époux X. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DIJON

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 JANVIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/01793. Décision déférée à la Cour : au fond du 17 juin 2013, rendue par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône - R.G. 1ère instance n° 2012002651.

 

APPELANTES :

SARL ALARME ÉLÉCTRONIQUE PROTECTION (AEP),

représentée par son gérant en exercice domicilié de droit au siège : [adresse],

SCP VÉRONIQUE THIEBAUT es qualité de Mandataire judiciaire de la SARL ALARME ÉLÉCTRONIQUE PROTECTION,

domiciliée [adresse]

Représentées par Maître Sylvain CHAMPLOIX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 92

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

domicilié [adresse]

Madame X. née Y.

domiciliée [adresse]

Représentés par Maître Christophe GAUNET de la SCP GAUNET-FOVEAU, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 novembre 2015 en audience publique devant la cour composée de : Madame OTT, Président de chambre, Président, Monsieur WACHTER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du président, Madame BRUGERE, Conseiller, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame THIOURT,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 28 janvier 2016,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Madame OTT, Président de chambre, et par Madame THIOURT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 22 novembre 2011, M. X. et son épouse, née Y., qui exploitent un débit de tabac-presse à [ville A.] sous l'enseigne « Le M. », ont, suite à un démarchage effectué par la SARL Alarme Electronique Protection (AEP), accepté un devis relatif à une installation d'alarme d'un montant de 7.833,80 euros TTC. Ils ont versé une somme de 2.593,80 euros à titre d'acompte.

Par courrier du 24 novembre 2011, les époux X. ont informé la société AEP de leur volonté d'exercer leur droit de rétractation.

Ce courrier étant resté sans effet, les époux X., se prévalant du bénéfice des dispositions des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation, ont fait assigner la société AEP devant le tribunal de commerce de Chalon sur Saône par exploit du 19 avril 2012, aux fins de nullité du contrat, de restitution de l'acompte et d'allocation de dommages et intérêts.

La société AEP s'et opposée à ces demandes, au motif que le contrat étant en rapport direct avec les activités commerciales des époux X., la législation relative au démarchage leur était inapplicable, et a sollicité reconventionnellement que le contrat soit déclaré parfait et que les époux X. soient condamnés à lui verser le solde du prix, le cas échéant à titre de dommages et intérêts.

Suite à la mise en redressement judiciaire de la société AEP le 9 octobre 2012, les époux X. ont fait assigner la SCP Véronique Thiebaut en sa qualité de mandataire judiciaire de la société.

Par jugement du 17 juin 2013, le tribunal a considéré qu'il n'y avait pas de rapport direct entre l'installation de vidéo-surveillance et l'activité de buraliste, qui pouvait s'exercer sans cette installation, et au développement de laquelle cette installation ne concourait pas, de telle sorte que les époux X. devaient bénéficier de la protection de la législation relative au démarchage, qui leur permettait de se rétracter. Il a en conséquence :

- débouté la SARL AEP de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SARL AEP à verser aux époux X. les sommes de :

* 2.593,60 euros au titre du remboursement de l'acompte ;

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré le jugement opposable à la SCP Thiebaut, ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL AEP ;

- condamné la SARL AEP en tous dépens de l'instance.

 

La société AEP et la SCP Thiebaut, ès qualités, ont relevé appel de cette décision le 19 septembre 2013.

Par conclusions notifiées le 12 mars 2014, les appelants demandent à la cour :

Vu les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil,

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

En conséquence,

- de dire et juger irrecevables sinon mal fondés les époux X. en toutes leurs demandes ;

- de les en débouter ;

- de dire et juger le contrat du 22 novembre 2011 parfait ;

En conséquence,

A titre principal,

- de condamner les époux X. à payer à la société Alarme Electronique Protection la somme de 4.481,27 euros HT soit 5.359,60 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, à titre d'exécution du dit contrat ;

Subsidiairement,

- de condamner les époux X. à payer à la société Alarme Electronique Protection la somme de 3.796,08 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause,

- de condamner les époux X. à payer à la société Alarme Electronique Protection la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner les époux X. aux entiers dépens de première instance et d'appel,

dont ces derniers seront recouvrés par Maître Sylvain Champloix aux offres de droit.

 

Par conclusions notifiées le 16 janvier 2014, les époux X. demandent à la cour :

Rejetant toutes conclusions contraires,

- de débouter la SARL AEP de son appel et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que les époux X. s'étaient valablement rétractés ;

- subsidiairement, de prononcer la résolution du contrat ;

- en tout état de cause, de débouter la SARL AEP de ses demandes et de la condamner à restituer l'acompte de 2.593,60 euros ;

- de la condamner au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

 

La clôture de la procédure a été prononcée le 23 avril 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la cour,

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la cour se réfère,

 

Sur la soumission du contrat aux dispositions du code de la consommation :

Les appelantes critiquent le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande des époux X. tendant à voir appliquer au contrat les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage, particulièrement celle permettant au consommateur de se rétracter.

L'article L. 121-22-4° du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat litigieux, dispose que ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

En l'espèce, le contrat portait sur une installation de vidéo-surveillance destinée à sécuriser le commerce de tabac-presse exploité par les époux X.

Certes, comme l'ont relevé les premiers juges, cette installation n'est ni indispensable à l'exploitation du commerce, ni de nature à permettre, en elle-même, le développement de son activité. Toutefois, en s'en tenant à ces considérations pour décider que la prestation litigieuse ne pouvait être exclue du champ d'application de la législation protectrice du code de la consommation, le tribunal a fait une mauvaise interprétation des dispositions légales précitées, qui n'exigent pas que la prestation soit nécessaire à l'exercice de l'activité commerciale, mais simplement qu'elle soit en lien direct avec celle-ci.

Or, tel est manifestement le cas en l'occurrence. En effet, l'installation de vidéo-surveillance équipant un bureau de tabac, type de commerce dont il est de notoriété commune qu'il constitue l'une des cibles privilégiées des braqueurs, et qui permet d'une part d'obtenir un effet certain de dissuasion à l'égard des vols, et d'autre part de faciliter l'identification d'éventuels malfaiteurs, a pour finalité d'assurer au quotidien la protection des personnes et des biens nécessaires à l'exercice de l'activité, ainsi que la préservation des bénéfices que cette activité procure. Il existe ainsi un rapport direct entre le contrat litigieux et l'activité commerciale des époux X.

Dès lors, il doit être constaté que les dispositions protectrices du code de la consommation ne s'appliquent pas en l'espèce, et que c'est à tort que le tribunal a considéré que le droit de rétractation avait été valablement exercé par les époux X.

 

Sur la résolution du contrat :

Les époux X. fondent à tire subsidiaire leur demande de restitution de l'acompte sur la résolution du contrat pour défaut de respect par la société Alarme Electronique Protection de son devoir de conseil.

A titre liminaire, la cour relèvera que l'articulation entre les griefs effectivement formulés à ce titre et le manquement à l'obligation de conseil ne relève pas de l'évidence.

Ainsi, les époux X. font valoir en premier lieu que le contrat n'aurait, dans l'esprit des parties, été qu'un devis qui devait être finalisé ultérieurement. Cette argumentation ne peut cependant être retenue, dès lors que si un devis a effectivement été établi le 14 novembre 2011, ce devis a bien été accepté le 22 novembre 2011 par les époux X., ainsi qu'en attestent les mentions et signatures portées à cette date. Le devis ainsi accepté tient lieu de contrat, et c'est vainement que les intimés se réfèrent à un courrier électronique du 24 novembre 2011 émanant de M. Z., de la société Alarme Electronique Protection, dès lors d'une part que celui-ci y confirme expressément que le devis a bien été accepté le 22 novembre 2011, et dans la mesure d'autre part où la phrase « j'ai donné pour instruction à Mme T. de vous rencontrer pour finaliser l'ensemble de ce dossier déjà traité au complet avec vous » fait manifestement allusion aux interventions techniques nécessaires pour la mise en œuvre du système.

Les époux X. soutiennent ensuite que la société Alarme Electronique Protection se serait engagée à effectuer des démarches pour leur permettre d'obtenir une subvention du service des Douanes destinée à réduire le coût de leur investissement, et que l'obtention de cette subvention constituait une condition suspensive du contrat. Ils ajoutent que cette condition suspensive ne pouvait en tout état de cause pas être levée au regard de l'indigence des pièces contractuelles, lesquelles auraient immanquablement entraîné un rejet de la part du service compétent.

S'il doit d'abord être observé qu'il ne résulte pas du contrat la stipulation d'une quelconque condition suspensive, il n'en demeure pas moins que, dans son courrier électronique du 24 novembre 2011, M. Z. a écrit à Mme X. : « Je m'engage, au cas où les douanes ne vous accorderaient pas de subventions suite à l'envoi complet du dossier (...), à vous rembourser votre acompte ». Il ne résulte toutefois pas de ce courrier que la charge de l'obtention de la subvention ait incombé à la société Alarme Electronique Protection, alors qu'il est en tout état de cause bien évident qu'une telle demande ne peut être faite que par son bénéficiaire, à savoir en l'espèce les époux X. D'ailleurs, ce point est d'autant moins contestable que ces derniers versent aux débats un courrier intitulé « demande de travaux subventionnés » qu'ils ont eux-mêmes adressé dès le 22 novembre 2011 au service des Douanes. Force est en revanche de constater qu'ils ne justifient aucunement de la réponse qui leur a été faite par ce service, et rien ne permet en l'état de présumer que cette réponse aurait été négative. Il ne peut dès lors être considéré que les conditions dans lesquelles la société Alarme Electronique Protection s'est engagée aux termes de son courrier électronique du 24 novembre 2011 à restituer l'acompte sont réunies.

Il convient donc de rejeter la demande subsidiaire des époux X. en résolution du contrat.

Le jugement déféré sera en définitive infirmé en ce qu'il a condamné la société Alarme Electronique Protection à restituer aux époux X. l'acompte de 2.593,80 euros.

 

Sur les demandes de la société Alarme Electronique Protection :

Le contrat a été valablement conclu entre les parties, mais il y a été unilatéralement mis fin, dans des conditions injustifiées, par les époux X.

La situation de fait qui résulte de cette rupture abusive empêche qu'il soit, comme il est pourtant sollicité à titre principal par la société Alarme Electronique Protection, désormais procédé à son exécution.

En revanche, la société appelante est fondée à obtenir la réparation du préjudice né pour elle de cette rupture injustifiée.

Il est constant que cette rupture est intervenue deux jours seulement après la signature du contrat, soit à une date à laquelle la société Alarme Electronique Protection n'avait encore livré aucun matériel ni effectué aucune intervention technique dans les locaux des époux X. L'appelante ne justifie par ailleurs pas avoir supporté quelque préjudice matériel que ce soit au titre du contrat litigieux, par exemple au titre de l'achat des équipements dont l'installation était prévue.

Dans ces conditions, il doit être considéré que l'acompte perçu répare suffisamment le préjudice effectivement subi du fait de la rupture du contrat.

La société Alarme Electronique Protection sera donc déboutée de sa demande en paiement en tant qu'elle excède ce montant.

 

Sur les autres dispositions :

Le jugement déféré sera infirmé s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

Les époux X. seront condamnés à verser à la société Alarme Electronique Protection la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils seront enfin condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt sera déclaré commun à la SCP Véronique Thiebaut, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Alarme Electronique Protection,

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Déclare la SARL Alarme Electronique Protection et la SCP Véronique Thiebaut, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Alarme Electronique Protection, recevables et partiellement fondées en leur appel ;

En conséquence :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 juin 2013 par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône ;

Statuant à nouveau :

Rejette l'ensemble des demandes formées par M. X. et son épouse, née Y., à l'encontre de la société Alarme Electronique Protection ;

Rejette la demande d'exécution du contrat formée par la société Alarme Electronique Protection ;

Dit que le préjudice subi par la société Alarme Electronique Protection est suffisamment réparé par l'acompte perçu ;

Rejette en conséquence la demande de la société Alarme Electronique Protection en dommages et intérêts complémentaires ;

Condamne les époux X. à payer à la société Alarme Electronique Protection la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare le présent arrêt commun à la SCP Véronique Thiebaut, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Alarme Electronique Protection ;

Condamne les époux X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,                            Le président,

 

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