CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 23 février 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5514
CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 23 février 2016 : RG n° 14/13389 ; arrêt n° 2016/98
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La circonstance selon laquelle Monsieur X. exerce une activité d'artisan taxi ne caractérise pas l'existence d'un lien direct avec celle de la société du Garage Beauséjour, en ce que l'activité artisanale de l'appelant est sans rapport avec la prestation de réparations et d'entretien exécutée par le garage, de sorte que Monsieur X. peut se prévaloir de la qualité de consommateur au sens des dispositions ci-dessus visées. »
2/ « La société du Garage Beauséjour sollicite l'application d'une clause de pénalité prévoyant la perception d'une indemnité de 15% des sommes dues à défaut d'exécution par le débiteur. Monsieur X. soutient le caractère abusif de ladite clause en application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, expliquant que celle-ci est inscrite au recto de la facture.
En application de l'article R. 132-1 du code ci-dessus visé, « Dans les contrats conclus entre des professionnels et...des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéas de l'article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet et pour effet de : 1° Constater l'adhésion du...consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas connaissance avant sa conclusion ».
La clause figurant sur une facture, qu'elle soit inscrite au verso ou au recto, doit être considérée comme non écrite dès lors qu'elle ne figurait pas dans l'ordre de réparations, seul document signé par Monsieur X., ou dès lors qu'elle n'a pas été acceptée préalablement à l'envoi de la dite facture. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
ONZIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/13389. Arrêt n° 2016/98. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 6 mai 2014 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 1112006952.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représenté par Maître Elsa FOURRIER-MOALLIC, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMÉE :
SAS SOCIETE DU GARAGE BEAUSEJOUR,
demeurant [adresse], représentée par Maître Walter VALENTINI, avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Sylvie PEREZ, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Mme Véronique BEBON, Présidente, Madame Frédérique BRUEL, Conseillère, Madame Sylvie PEREZ, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 février 2016.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 février 2016, Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur X. a fait appel d'un jugement rendu le 6 mai 2014 par le tribunal d'instance de Marseille, assorti de l'exécution provisoire, qui d'une part l'a condamné à payer à la société du Garage Beauséjour, les sommes de 4.360,15 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2012, 654 euros à titre de clause pénale et 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'autre part, lui a accordé des délais de paiement.
Par conclusions signifiées le 3 octobre 2014, Monsieur X. a conclu à l'infirmation du jugement déféré et au débouté de la société du Garage Beauséjour, demandé à la cour de dire et juger prescrites les factures des années 2009 et 2010 et que les factures produites ne sont pas recevables.
Subsidiairement, Monsieur X. a demandé à la cour de dire et juger que la clause pénale ne lui est pas opposable à défaut d'acceptation expresse et constituant une clause abusive, qu'elle doit être réputée non écrite et dans l'hypothèse où cette clause serait déclarée valable, dire et juger que la somme réclamée est manifestement excessive et devra être modérée. Monsieur X. sollicite les plus larges délais de paiement.
En tout état de cause, Monsieur X. demande la condamnation de la société du Garage Beauséjour au paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais de procès.
L'appelant invoque la prescription des sommes dues au titre des factures des années 2009 et 2010 sur le fondement de l'article L. 137-2 du Code de la consommation au regard d'une assignation délivrée le 4 décembre 2012.
Il fait valoir qu'il a la qualité de consommateur quoique artisan taxi, en raison de l'absence de lien entre cette activité et celle de garagiste.
Monsieur X. indique cependant que si cette qualité lui était déniée, seul le véhicule Mercédès XXX serait concerné et non son véhicule personnel objet d'autres factures.
Il ajoute que la preuve n'est pas rapportée de travaux commandés et/ou réalisés, contestant avoir signé quatre des cinq ordres de réparation produits par le garage et avoir demandé la production de ceux-ci en original.
La SAS du Garage Beauséjour a fait appel incident et conclu à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a déclaré prescrites deux factures de 2.632,28 euros et la clause pénale y afférent et accordé des délais de paiement à Monsieur X. et en conséquence, demandé à la cour de condamner ce dernier au paiement de la somme de 6.992,43 euros, montant des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2012, de celle de 1.048,86 euros au titre de la clause pénale outre une somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la prescription, la société du Garage Beauséjour fait valoir que les réparations effectuées relèvent de l'activité professionnelle de Monsieur X. et que la preuve n'est pas rapportée que le 2ème véhicule est utilisé à des fins personnelles.
L'intimé ajoute que Monsieur X. est un client habituel et que certaines interventions n'ont pas fait l'objet d'un ordre de réparation.
Ainsi l'intimé indique que pour certaines interventions relevant de l'entretien du véhicule et non de réparations, il n'a pas été établi de devis ou signé d'ordre de réparations, ce qui est le cas indique-t-il pour les factures :
- 9028332 du 14 juin 2009 d'un montant de 102,12 euros ;
- 905222 du 29 septembre 2009 d'un montant de 423,06 euros ;
- 906090 du 16 novembre 2009, d'un montant de 83,72 euros ;
- 103406 du 6 juillet 2010 d'un montant de 29,72 euros ;
- 105070 du 21 septembre 2010 pour un montant de 212,77 euros.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société du Garage Beauséjour produit onze factures de réparation et d'entretien dont elle réclame le paiement à Monsieur X. qui fait valoir l'absence de production d'ordres de réparations et la prescription de la demande concernant les factures des années 2009 et 2010.
Se prévalant des dispositions de l'article L. 137-2 du Code de la consommation, dispositions antérieures à l'introduction dans le Code de la consommation de la définition du consommateur dans l'article préliminaire du code issu de la loi n° 2014-744 du 17 mars 2014, Monsieur X. invoque la prescription des demandes fondées sur des factures émises antérieurement au 4 décembre 2010, l'assignation ayant été délivrée le 4 décembre 2012, ce qui représente la totalité des factures produites à l'exception de deux factures datées du 16 mars 2011.
La société du Garage Beauséjour soutient que Monsieur X. ne peut bénéficier de la qualité de consommateur, en ce que celui-ci exerçant la profession d'artisan taxi, a confié au garage, aux fins de réparations ou d'entretien, le véhicule avec lequel il exerce son activité professionnelle, considérant que la prestation fournie a été contractée pour les besoins de son activité professionnelle et relève directement de l'activité professionnelle de l'appelant.
La circonstance selon laquelle Monsieur X. exerce une activité d'artisan taxi ne caractérise pas l'existence d'un lien direct avec celle de la société du Garage Beauséjour, en ce que l'activité artisanale de l'appelant est sans rapport avec la prestation de réparations et d'entretien exécutée par le garage, de sorte que Monsieur X. peut se prévaloir de la qualité de consommateur au sens des dispositions ci-dessus visées.
En conséquence de quoi, à l'exception des deux factures datées du 16 mars 2011, les demandes relatives aux factures émises avant le 4 décembre 2012 doivent être déclarées prescrites.
Pour ces deux factures, la société du Garage Beauséjour produit deux ordres de réparation datés des 16 mars 2011 et 17 janvier 2011. Monsieur X. indique n'avoir signé que ce dernier document et conteste avoir signé l'autre, dénégation formée devant le premier juge, rappelant que par voie de conclusions, il avait demandé la production des originaux de ces documents.
La société du Garage Beauséjour n'a pas produit les originaux sollicités alors qu'il lui incombe la preuve de la sincérité des ordres de réparations qu'elle oppose à Monsieur X. dès lors que celui-ci désavoue sa signature.
Il ne sera par conséquent pas fait droit à la demande en paiement fondée sur l'ordre de réparation du 16 mars 2011, document dénué de force probante relativement à la facture n°111356.
Concernant l'ordre de réparation du 17 janvier 2011, Monsieur X. conteste que la facture 11357 du 16 mars 2011 corresponde aux travaux qui y sont mentionnés comme le soutient la société du Garage Beauséjour. Cet ordre de réparations mentionne notamment la vidange complète du véhicule, travaux qui se retrouvent sur la facture émise pour la somme de 1.286,26 euros, établissant la correspondance entre les travaux effectués et ceux commandés.
Monsieur X. doit être condamné au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2012, date de réception de la mise en demeure.
La société du Garage Beauséjour sollicite l'application d'une clause de pénalité prévoyant la perception d'une indemnité de 15% des sommes dues à défaut d'exécution par le débiteur.
Monsieur X. soutient le caractère abusif de ladite clause en application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, expliquant que celle-ci est inscrite au recto de la facture.
En application de l'article R. 132-1 du code ci-dessus visé, « Dans les contrats conclus entre des professionnels et...des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéas de l'article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet et pour effet de :
1° Constater l'adhésion du...consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas connaissance avant sa conclusion ».
La clause figurant sur une facture, qu'elle soit inscrite au verso ou au recto, doit être considérée comme non écrite dès lors qu'elle ne figurait pas dans l'ordre de réparations, seul document signé par Monsieur X., ou dès lors qu'elle n'a pas été acceptée préalablement à l'envoi de la dite facture.
Monsieur X. a bénéficié du fait de la procédure d'appel, des délais de paiement dont il sollicite à nouveau le bénéfice en application de l'article 1244-1 du code civil, de sorte que si le jugement doit être confirmé de ce chef, justement apprécié par le premier juge au regard de la situation du débiteur, les délais tels qu'accordés ne sauraient être augmentés.
Chacune des parties conservera à sa charge les frais exposés par elle au cours de l'instance en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,
Réformant le jugement entrepris sur le quantum de la condamnation,
Déclare prescrites les factures émises par la SAS du Garage Beauséjour les 14 mai 2009, 29 septembre 2009, 16 novembre 2009 et 30 décembre 2009, 23 juin 2010, 6, 12 et 13 juillet 2010, 21 septembre 2010 ;
Déboute la SAS du Garage Beauséjour du paiement de ces factures y compris de celle n°111356 datée du 16 mars 2011 ;
Condamne Monsieur X. à payer à la SAS du Garage Beauséjour la somme de 1.286,26 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2012 ;
Répute non écrite la clause de pénalité figurant sur la facture et déboute la SAS du Garage Beauséjour de sa demande en application de cette clause ;
Confirme le jugement en ses dispositions non contraires ;
Y ajoutant :
Déboute Monsieur X. de sa demande en appel au titre des délais de paiement ;
Dit n'y avoir lieu de faire application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur X. aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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