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CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 3 mai 2007

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 3 mai 2007
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 06/01379
Date : 3/05/2007
Nature de la décision : Avant dire droit
Date de la demande : 3/04/2006
Décision antérieure : TI SOISSONS, 17 février 2006
Numéro de la décision : 216
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 554

CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 3 mai 2007 : RG n° 06/01379 ; arrêt n° 216

 

Extrait : « Attendu que la Cour observe que l'insertion dans l'offre préalable de crédit, d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant maximum du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, est de nature à ne pas informer pleinement l'emprunteur de l'ensemble des caractéristiques du crédit, notamment des charges de remboursement, ce qui ne serait pas le cas si une offre nouvelle de crédit lui était proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, et donc de créer à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en faveur des emprunteurs ; Qu'une telle clause est susceptible d'être considérée comme abusive et par suite réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; Attendu qu'il résulte de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ;

Qu'en l'occurrence, cette appréciation est de nature à influer de façon déterminante sur la solution du litige dès lors que si la clause susdite devait être réputée non écrite, le montant maximum de l'ouverture de crédit resterait fixé à 40.000 francs, de sorte que tout découvert excédant ce montant constituerait un dépassement du découvert autorisé ; Attendu qu'il convient en conséquence, en application de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter les parties à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office par la Cour sur le caractère abusif de la clause de l'offre préalable acceptée le 20 juin 1995 permettant une augmentation du montant maximum initialement convenu de l'ouverture de crédit dans la limite d'un plafond fixé à 140.000 francs ».

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 3 MAI 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 06/01379. Arrêt n° 216. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SOISSONS du 17 février 2006.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur X.

le [date et lieu de naissance], de nationalité Française - [adresse] - Représenté par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et ayant pour avocat Maître Philippe COURT du barreau de SOISSONS

 

ET :

INTIMÉE

SA COFINOGA

[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Maître HOURDIN, avocat au barreau de SAINT QUENTIN

 

DÉBATS : A l'audience publique du 22 février 2007, devant : M. RUFFIER, Président, entendu en son rapport, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers,

qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 3 mai 2007.

GREFFIER : M. DROUVIN

PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 3 mai 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; le Président étant empêché, Mme CORBEL Conseiller, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] DÉCISION :

Vu le jugement rendu contradictoirement le 17 février 2006 par le tribunal d'instance de SOISSONS ;

Vu l'appel formé le 3 avril 2006 par Monsieur X. ;

Vu les conclusions déposées pour Monsieur X. le 3 août 2006 ;

Vu les conclusions déposées pour la SA COFINOGA le 27 septembre 2006 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 janvier 2007 ;

Attendu que suivant offre préalable acceptée le 20 juin 1995, la SA COFINOGA a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit par découvert en compte d'un montant autorisé à l'ouverture du compte fixé à la somme de 40.000 francs, étant stipulé que le montant maximum du découvert pouvant être autorisé était de 140.000 francs ;

Attendu que par lettre recommandée du 14 décembre 2004 avec avis de réception du 16 décembre 2004, la SA COFINOGA a mis en demeure Monsieur X. de lui payer sous huitaine la somme de 17.577,90 euros au titre du solde du crédit, après déchéance du terme ;

Attendu que par assignation du 17 mai 2005, la SA COFINOGA a saisi le tribunal d'instance de Soissons d'une demande en paiement du solde du crédit ;

Attendu que le jugement susvisé :

- Déclare recevable l'action en paiement de la SA COFINOGA à l'encontre de Monsieur X. ;

- Condamne Monsieur X. à payer à la SA COFINOGA la somme de 15.197,64 euros pour solde du crédit avec intérêts contractuels au taux de 15,02 % l'an à compter du 14 décembre 2004 et la somme de 1 euros au titre de l'indemnité légale de résiliation ;

- Autorise Monsieur X. à s'acquitter de sa dette en 24 versements mensuels de 633 euros, le dernier étant majoré du solde de la dette ; Dit que ces sommes seront exigibles le 20 de chaque mois et ce, dès le 20 du mois de la signification du jugement, sous réserve de l'exigibilité totale des sommes dues en cas de non versement d'une seule mensualité à son échéance ; Dit que les paiements s'imputeront prioritairement sur le capital des sommes dues ;

- Ordonne l'exécution provisoire ;

- Condamne Monsieur X. aux dépens et à payer à la SA COFINOGA la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur X. conclut à l'infirmation du jugement, à titre principal, à l'irrecevabilité de la demande de la SA COFINOGA pour cause de forclusion, subsidiairement, à la nullité du contrat de crédit pour vice de consentement, plus subsidiairement, à la déchéance du droit aux intérêts de la SA COFINOGA pour manquement à son devoir d'information avant chaque renouvellement du contrat avec confirmation du jugement en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement ;

[minute page 3] Attendu que la SA COFINOGA relève appel incident en concluant à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a réduit à 1 euro l'indemnité de résiliation ; qu'elle conclut en conséquence, au paiement de la somme de 17.577,90 euros avec intérêts au taux de 15,02 % sur la somme de 16.460,64 euros à compter du 13 décembre 2004 jusqu'à parfait paiement ; qu'en outre, elle sollicite la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que pour opposer la forclusion biennale édictée à l'article L. 311-37 du code de la consommation, Monsieur X. considère que le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte, fixé à la somme de 40.000 francs, a été dépassé dès le mois de mai 1997, date à laquelle il convient de fixer le premier incident de paiement non régularisé, en l'absence de demande expresse d'augmentation du découvert autorisé au-delà des 40.000 francs conventionnellement prévus et en l'absence de démonstration de ce que la SA COFINOGA aurait accepté une modification contractuelle de l'offre de crédit du 20 juin 1995 ;

Attendu que la SA COFINOGA soutient que le contrat peut, comme en l'espèce, prévoir un montant global de « crédit consenti » (découvert maximum autorisé) que l'emprunteur utilisera de façon fractionnée aux dates de son choix, la première fraction n'étant autre que le découvert utile ou fraction disponible, sans obligation d'éditer une nouvelle offre préalable lors de chaque utilisation fractionnée, seule l'augmentation du « crédit consenti », c'est-à-dire du maximum autorisé, nécessitant une nouvelle offre ; qu'elle souligne que l'offre préalable d'ouverture de crédit acceptée par Monsieur X. prévoit clairement que le montant maximum du découvert pouvant être autorisé était de 140.000 francs et qu'il était révisable par la SA COFINOGA qui se réservait le droit de le modifier en hausse ou en baisse ; qu'elle fait valoir que l'emprunteur a utilisé cette faculté en parfaite connaissance de cause de l'endettement qui en résultait dès lors qu'il était destinataire des relevés de compte mentionnant le montant du découvert autorisé et celui du crédit disponible, et ce avec l'accord du prêteur qui à chaque demande de déblocage des fonds, analyse la situation de l'emprunteur, laquelle peut avoir changé depuis la signature du contrat, ce qui constitue selon elle une mesure protectrice du consommateur puisque le crédit est octroyé en fonction de la situation financière de l'emprunteur ;

Qu'elle considère donc qu'il n'y a pas eu dépassement du crédit autorisé et que le point de départ du délai de forclusion se situe au jour où le solde du compte devient exigible, c'est-à-dire à la date de résiliation de la convention d'ouverture de crédit, soit en l'espèce à réception de la lettre de résiliation du 14 décembre 2004 ;

Mais attendu, sur ce dernier point, qu'en application des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation, les actions en paiement doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ; que le dépassement du découvert convenu manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion édicté par cet article ; que s'il n'y a pas dépassement du découvert autorisé, le délai biennal court, dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter de la première échéance impayée ; que dans tous les cas, le point de départ du délai de forclusion n'est donc pas la résiliation du contrat comme le soutient la SA COFINOGA ;

Attendu qu'aux termes de l'offre préalable acceptée le 20 juin 1995, « le montant maximum du découvert pouvant être autorisé est de 140.000 francs. Ce montant est révisable par COFINOGA qui se réserve le droit de le modifier en hausse ou en baisse. Le montant du découvert autorisé à l'ouverture de [minute page 4] votre compte est fixé à 40.000 francs » ;

Attendu que la Cour observe que l'insertion dans l'offre préalable de crédit, d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant maximum du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, est de nature à ne pas informer pleinement l'emprunteur de l'ensemble des caractéristiques du crédit, notamment des charges de remboursement, ce qui ne serait pas le cas si une offre nouvelle de crédit lui était proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, et donc de créer à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en faveur des emprunteurs ;

Qu'une telle clause est susceptible d'être considérée comme abusive et par suite réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu qu'il résulte de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ;

Qu'en l'occurrence, cette appréciation est de nature à influer de façon déterminante sur la solution du litige dès lors que si la clause susdite devait être réputée non écrite, le montant maximum de l'ouverture de crédit resterait fixé à 40.000 francs, de sorte que tout découvert excédant ce montant constituerait un dépassement du découvert autorisé ;

Attendu qu'il convient en conséquence, en application de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter les parties à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office par la Cour sur le caractère abusif de la clause de l'offre préalable acceptée le 20 juin 1995 permettant une augmentation du montant maximum initialement convenu de l'ouverture de crédit dans la limite d'un plafond fixé à 140.000 francs ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement et par arrêt avant dire droit,

Avant dire droit, ordonne la réouverture des débats à l'audience publique du jeudi 28 juin à 14 heures, en invitant les parties à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office par la Cour du caractère éventuellement abusif de la clause de l'offre préalable de crédit acceptée le 20 juin 1995 permettant, sans présentation d'une nouvelle offre préalable, une augmentation du découvert maximum initialement autorisé lors de l'ouverture de crédit, dans la limite d'un plafond fixé à 140.000 francs ;

Dit que la société Cofinoga devra avoir conclu sur ce point avant le 2 juin 2007 ;

Réserve les dépens.

LE GREFFIER            P/LE PRÉSIDENT empêché,