CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AMIENS (1re ch. civ.), 3 mai 2016

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 3 mai 2016
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. civ.
Demande : 14/05633
Date : 3/05/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/12/2015
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5590

CA AMIENS (1re ch. civ.), 3 mai 2016 : RG n° 14/05633

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La Cour de cassation rappelle qu'il incombe à l'assureur qui se prévaut d'une exclusion de garantie de démontrer qu'elle a été portée à la connaissance de son co-contractant. Une telle preuve peut résulter de l'insertion dans les conditions particulières signée par l'assuré d'une clause de renvoi à des documents non signés à condition que ces documents soient identifiés. La mention figurant dans les conditions particulières signées par le souscripteur dans laquelle ce dernier reconnaît avoir reçu un exemplaire du contrat est ainsi opposable à l'assuré (Cass. civ 2, 22 janvier 2009 ; Cass civ 1re, 9 décembre 1992). Il résulte des pièces versées aux débats que les époux Y. ont adhéré à l'assurance facultative le 27 mars 2006 et déclaré avoir reçu la notice relative aux garanties souscrites qui reprend la référence de la police 118/021 figurant sur le bulletin d'adhésion signé. La Cour en déduit, à la suite du premier juge, que la police d'assurance de la Cardif est opposable aux époux Y. dès lors que ceux-ci ne démontrent pas que la clause signée par eux portant mention de la remise de toutes les conditions de la police d'assurance était erronée ou mensongère. »

2/ « Après avoir rappelé que les recommandations de la commission des clauses abusives ne s'imposent pas au juge, la Cour constate qu'au cas d'espèce, la clause invalidité contenue dans la notice d'information sur l'assurance stipule : « garantie invalidité permanente et totale. les conditions suivantes sont à remplir : vous êtes reconnu inapte par l'assureur à tout travail et définitivement incapable de vous livrer à une activité susceptible de vous procurer un salaire, gain ou profit ». Les époux Y. ne démontrent pas en quoi cette clause génère un déséquilibre des droits au profit de l'assureur dans la mesure où, d'une part, sous les conditions strictes qu'il définit, le contrat instaure, parmi d'autres garanties, la prise en charge d'une catégorie d'invalidité et où, d'autre part, l'appréciation de l'invalidité dépend de critères objectifs établis sur la base de documents administratifs et médicaux et de l'avis d'un médecin indépendant ainsi que cela ressort de la notice, qui ne sont pas exclusifs d'une expertise judiciaire comme c'est le cas en l'espèce. »

3/ « En vertu des dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensibles. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ». La Cour constate que la notice est particulièrement claire et précise. Pour chaque garantie, les conditions à remplir sont indiquées en caractère gras (« vous êtes reconnu inapte par l'assureur à tout travail et définitivement incapable de vous livrer à une activité professionnelle susceptible de vous procurer un revenu ») ainsi que les conditions de prise en charge (délai de déclaration du sinistre, communication de documents » appréciation de l'assureur que ne lie pas celle de la sécurité sociale). Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le contrat litigieux est conforme à la recommandation n° 90-91 laquelle préconise l'adoption pour la garantie invalidité totale d'une présentation qui corresponde à sa portée effective et qui recommande « d'introduire dans les documents d'information remis aux assurés une mise en garde explicite sur l'absence de lien entre les décision de la sécurité sociale relative à l'incapacité ou à l'invalidité et celles des assureurs dans les mêmes domaines ».

4/ « Les mêmes médecins qui l'ont examiné ont retenu des troubles anxio-dépressifs et une affection urologique dont ils considèrent qu'ils n'entraînent aucune impossibilité d'exercer une quelconque profession ni n'induisent de perte totale et irréversible d'autonomie, le contrat excluant de toute façon, au terme d'une clause à juste titre qualifiée de précise et limitée par le Tribunal et comme telle parfaitement valable, la garantie de l'assureur pour les « troubles anxio-dépressifs, psychiques et neuropsychiques » de sorte que le refus de garantie opposé par la Cardif était justifié ».

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 MAI 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/05633. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SOISSONS DU SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], de nationalité Polonaise

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], de nationalité Polonaise

Représentés par Maître Xavier L., avocat au barreau de SOISSONS

 

ET :

INTIMÉES :

SA CARDIF - ASSURANCES RISQUES DIVERS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Hervé S. B., avocat au barreau D'AMIENS

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Représentée par Maître C. substituant Maître Franck D., avocats au barreau D'AMIENS

 

DÉBATS : A l'audience publique du 26 février 2016, l'affaire est venue devant Mme Françoise SANSOT, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 avril 2016. La Cour était assistée lors des débats de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Fabienne BONNEMAISON, Président, Mme Françoise SANSOT et Mme Odile GREVIN, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 3 mai 2016 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe. Le 3 mai 2016, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Fabienne BONNEMAISON, Président de chambre, et Mme Malika RABHI, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Par jugement, en date du 7 novembre 2014 le tribunal d'instance de Soissons a :

- rejeté l'ensemble des demandes de Monsieur Y. et Madame Y. née X.,

- condamné Monsieur Y. et Madame Y. à payer à la société SA BNP Personal Finance les sommes suivantes :

* 19.550,90 euros au titre du capital restant dû, cette somme portant intérêt au taux contractuel de 7,86 % à compter du 08 juin 2011,

* 2.251,73 euros au titre des mensualités échues impayées, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 8 juin 2011,

* 300,00 euros au titre de l'indemnité conventionnelle, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du présent jugement,

- condamné Monsieur Y. et son épouse solidairement aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

- condamné Monsieur Y. et Madame Y. à verser solidairement à la société SA BNP Personal Finance la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur Y. et Madame Y. à verser solidairement à la société Cardif assurance la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires.

Les époux Y. ont interjeté appel de cette décision le 18 décembre 2015.

 

Dans le dernier état de leurs conclusions, transmises par voie électronique, le 19 novembre 2015 les époux Y. demandent à la Cour de :

- fixer à 1 euro le montant de l'indemnité conventionnelle due au titre du prêt Cetelem,

- dire et juger inopposables les clauses de la notice du contrat d'assurance faute d'avoir été annexée au contrat de prêt,

- dire et juger, en application du contrat d'assurance, la Société Cardif tenue de garantir Monsieur et Madame Y. des condamnations prononcées à leur encontre au titre du prêt Cetelem, en application de la garantie souscrite d'invalidité,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise en ce que l'expert s'est prononcé sur une question ne relevant pas de sa mission, à savoir le bien fondé du classement en invalidité 2ème catégorie par la Sécurité sociale des époux Y.,

A titre subsidiaire,

- déclarer nulle et de nul effet, la restriction de l'application de la clause donnant compétence exclusive à l'assureur pour déterminer l'invalidité,

- prononcer la nullité de l'exclusion opposée par la Société Cardif au motif d'une part, de l'imprécision de la clause d'exclusion et d'autre part, de l'absence de loyauté, et du fait du caractère ambiguë de la clause définissant l'invalidité indemnisable.

En tout état de cause,

- dire et juger que la BNP Paribas Personal Finance aux droits de la Cetelem et la Cardif ont manqué à leurs obligations contractuelles d'information, de conseil et d'exécution dans un délai raisonnable de leur engagement,

- condamner la Société Cardif et la BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur et Madame Y. la somme de 21.802,63 euros outre les intérêts au taux contractuel de 7,86 % à compter du 8 juin 2011 à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil.

- condamner la Société Cardif et la BNP Paribas Personal Finance aux droits de la Cetelem à payer à Monsieur et Madame Y. la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner la Société Cardif et la BNP Paribas Personal Finance aux droits de la Cetelem en tous les dépens de la procédure d'appel et de première instance comprenant les dépens de l'intervention forcée.

 

Dans le dernier état de ses conclusions, transmises par voie électronique le 9 juin 2015, la SA BNP Paribas Personal Finance (ci-après désignée BNP) demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux Y. à lui payer la somme de 2.251,73 euros au titre des mensualités impayées et celle de 19.550,90 au titre du capital restant dû,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux Y. à lui payer la somme de 300 euros au titre de la clause pénale,

Statuant de nouveau,

- dire et juger les époux Y. redevables de la somme de 1.116,70 euros,

- donner acte que la SA BNP personal finance s'en rapporte quant à l'appel en garantie formé par les époux Y. à l'encontre de la Cardif,

- débouter les époux Y. de leur demande au titre du défaut d'informations, constituant une demande nouvelle,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur et Madame Y. au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître D. & associés.

 

Dans le dernier état de ses conclusions, transmises par voie électronique le 26 mars 2015, la SA Cardif assurance demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Ce faisant, à titre principal,

- dire et juger que les conditions générales du contrat d'assurance sont opposables à Monsieur et Madame Y.,

- constater que Monsieur et Madame Y. ne remplissent pas les conditions requises pour la mise en œuvre de la garantie Invalidité Permanente et Totale,

- dire et juger valables les clauses d'exclusion présentes dans les polices d'assurance,

- constater en outre que la pathologie à l'origine de l'invalidité de Monsieur Y. relève d'une clause d'exclusion,

- prendre acte de ce que la Cardif n'a pas commis de faute contractuelle dans la gestion des sinistres subis par les demandeurs et n'a pas tardé à exécuter ses obligations,

En conséquence,

- débouter Monsieur et Madame Y. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

- limiter le montant des dommages-intérêts aux intérêts légaux.

En tout état de cause,

-condamner Monsieur et Madame Y. au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître S.-B.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2016 et l'affaire plaidée à l'audience du 26 février 2016.

Pour l'exposé des moyens des parties examinés dans les motifs de l'arrêt, il est expressément renvoyé aux conclusions transmises le 19 novembre 2015 par les appelants et le 26 mars 2015 et 9 juin 2015 par les intimés.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Par acte sous seing privé en date du 27 mars 2006, la SA BNP a consenti aux époux Y., dans le cadre d'un rachat de plusieurs crédits, un prêt d'un montant de 28.965 remboursable sur 102 mensualités au taux effectif global de 7,86 %.

Ils ont également souscrit une assurance-groupe décès-invalidité-perte d'emploi auprès de la société Cardif.

Les échéances des prêts n'étant pas régulièrement honorées, la SA BNP a assigné en paiement les débiteurs, lesquels ont appelé en garantie la société Cardif au motif qu'ayant été reconnus en invalidité 2ème catégorie par la sécurité sociale, ils estimaient relever de la garantie invalidité.

Par jugement avant dire droit du 22 mars 2013 le tribunal d'instance de Soissons a ordonné une expertise médicale des époux Y.

Ensuite du dépôt du rapport le 25 octobre 2013 est intervenu le jugement dont appel qui, pour l'essentiel, a fait droit aux réclamations de la BNP mais rejeté la demande de garantie formée par les époux Y. à l'encontre de l'assureur Cardif.

 

Sur la créance de la société BNP :

Les époux Y. ne contestent pas la condamnation prononcée à leur encontre au profit de la société BNP, excepté pour l'indemnité de résiliation allouée qu'ils estiment excessive et dont ils sollicitent la réduction à l'euros symbolique tandis que l'établissement de crédit sollicite qu'elle soit fixée, conformément aux stipulations contractuelles, à 8 % du capital restant dû soit 1.116,70 euros

Selon les dispositions de l'article L. 311-24 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut demander une indemnité, dépendant de la durée restant à courir et qui sans préjudice des dispositions des articles 1152 et 1231 du code civil ne peut excéder 8 %.

Au cas d'espèce, le prêt souscrit en 2006 pour une durée de 102 mois a été remboursé pendant 5 ans, avec un taux d'intérêts de 7,86 %.

La Cour estime raisonnable et justifiée, au regard du taux d'intérêt rémunérateur pratiqué mais aussi de la durée limitée des remboursements, de cantonner à 300 euros l'indemnité allouée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

 

Sur la garantie de la Cardif :

La société Cardif a décliné sa garantie à l'égard de Mme Y. en ce qu'elle n'était pas en situation d'invalidité au sens du contrat et, pour M.Y., au visa d'une exclusion de garantie pour « les troubles anxio-dépressifs, psychiques et neuropsychiques ».

 

- Sur l'opposabilité des conditions générales d'assurances :

Faisant valoir ne pas avoir reçu les conditions générales d'assurances et contestant que l'apposition de leur signature sur le contrat soit suffisante, les époux Y. soutiennent que les exceptions de garantie contenues dans le contrat d'assurance ne leur sont pas opposables.

La BNP, en cela suivie par la Cardif, réplique que le contrat d'assurance est opposable au débiteur du fait de la signature de l'offre de crédit conformément aux dispositions de l'article L. 141-4 du code des assurances.

Les articles L. 112-2 et L. 141-4 du code des assurances définissent les documents et informations que l'assureur doit porter à la connaissance de l'assuré (fiche d'information sur le prix et les garanties, notice d'information sur le contrat décrivant les garanties) et selon l'article R. 112-3 « la remise des documents visés à l'article L. 112-2 est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ce document et précisant leur nature et la date.

L'article L. 312-9 du code de la consommation, spécifique à l'assurance groupe proposée par un prêteur de deniers n'ajoute rien quant à la preuve de l'adhésion de l'emprunteur à l'assurance.

La Cour de cassation rappelle qu'il incombe à l'assureur qui se prévaut d'une exclusion de garantie de démontrer qu'elle a été portée à la connaissance de son co-contractant. Une telle preuve peut résulter de l'insertion dans les conditions particulières signée par l'assuré d'une clause de renvoi à des documents non signés à condition que ces documents soient identifiés. La mention figurant dans les conditions particulières signées par le souscripteur dans laquelle ce dernier reconnaît avoir reçu un exemplaire du contrat est ainsi opposable à l'assuré (Cass. civ 2, 22 janvier 2009 ; Cass civ 1re, 9 décembre 1992).

Il résulte des pièces versées aux débats que les époux Y. ont adhéré à l'assurance facultative le 27 mars 2006 et déclaré avoir reçu la notice relative aux garanties souscrites qui reprend la référence de la police 118/021 figurant sur le bulletin d'adhésion signé.

La Cour en déduit, à la suite du premier juge, que la police d'assurance de la Cardif est opposable aux époux Y. dès lors que ceux-ci ne démontrent pas que la clause signée par eux portant mention de la remise de toutes les conditions de la police d'assurance était erronée ou mensongère.

 

- Sur la nullité de la clause d'invalidité :

Soutenant que la clause d'invalidité, telle que libellée dans le contrat, constitue une clause abusive en ce que seul l'assureur est apte à reconnaître l'invalidité de l'assuré, qu'il n'existe pas de contrepartie au paiement des primes, les époux Y. invoquent la nullité de la clause dont découle l'obligation pour la Cardif de les garantir.

Faisant valoir que les recommandations de la commission des clauses abusives n'ont pas un caractère normatif la société Cardif objecte que la clause n'est pas abusive et doit être analysée dans son ensemble et que la réduction de la garantie de l'assureur a pour contrepartie pour l'assuré un montant de prime raisonnable. Elle ajoute que l'incapacité assurée est plus restrictive que celle prise en compte par la sécurité sociale et qu'en tout état de cause l'assureur prend la décision d'accorder ou pas sa garantie sur dossier et après avis de professionnels.

En vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

Après avoir rappelé que les recommandations de la commission des clauses abusives ne s'imposent pas au juge, la Cour constate qu'au cas d'espèce, la clause invalidité contenue dans la notice d'information sur l'assurance stipule :

« garantie invalidité permanente et totale

les conditions suivantes sont à remplir :

vous êtes reconnu inapte par l'assureur à tout travail et définitivement incapable de vous livrer à une activité susceptible de vous procurer un salaire, gain ou profit »

Les époux Y. ne démontrent pas en quoi cette clause génère un déséquilibre des droits au profit de l'assureur dans la mesure où, d'une part, sous les conditions strictes qu'il définit, le contrat instaure, parmi d'autres garanties, la prise en charge d'une catégorie d'invalidité et où, d'autre part, l'appréciation de l'invalidité dépend de critères objectifs établis sur la base de documents administratifs et médicaux et de l'avis d'un médecin indépendant ainsi que cela ressort de la notice, qui ne sont pas exclusifs d'une expertise judiciaire comme c'est le cas en l'espèce.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

 

- Sur le caractère imprécis de la définition d'invalidité :

Soutenant que le contrat ne respecte pas l'engagement relatif à la terminologie des contrats emprunteurs validés par le FFSA et qu'il ne respecte pas les dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation, les époux Y. soutiennent que la clause est inapplicable.

Faisant valoir que les préconisations des groupements d'assurance des personnes n'ont aucune valeur normative et que les clauses du contrat sont conformes à ces recommandations, la société Cardif conclut au rejet du moyen des appelants.

En vertu des dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensibles. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ».

La Cour constate que la notice est particulièrement claire et précise. Pour chaque garantie, les conditions à remplir sont indiquées en caractère gras (« vous êtes reconnu inapte par l'assureur à tout travail et définitivement incapable de vous livrer à une activité professionnelle susceptible de vous procurer un revenu ») ainsi que les conditions de prise en charge (délai de déclaration du sinistre, communication de documents » appréciation de l'assureur que ne lie pas celle de la sécurité sociale).

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le contrat litigieux est conforme à la recommandation n° 90-91 laquelle préconise l'adoption pour la garantie invalidité totale d'une présentation qui corresponde à sa portée effective et qui recommande « d'introduire dans les documents d'information remis aux assurés une mise en garde explicite sur l'absence de lien entre les décision de la sécurité sociale relative à l'incapacité ou à l'invalidité et celles des assureurs dans les mêmes domaines ». (pièce 31 des appelants).

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

 

- Sur la validité du rapport de l'expert judiciaire :

Soutenant que l'expert judiciaire aurait outrepassé sa mission en écrivant que l'état de santé de Mme Y. ne relevait pas de l'invalidité n° 2 de la sécurité sociale, les appelants demandent que le rapport soit déclaré nul.

Répliquant que ce point est sans incidence sur la question posée et faisant référence à un arrêt de la cour de cassation admettant que le juge du fond peut s'inspirer d'un rapport quand bien même celui-ci aurait dépassé les limites de sa mission, la Société Cardif conclut au rejet de la demande des appelants.

La cour rappelle que l'expert judiciaire était chargé de rechercher si les assurés étaient atteints d'une incapacité totale de travail ou se trouvaient en invalidité totale et permanente au sens du contrat.

M. L. a, de manière circonstanciée, clairement répondu à ces questions par la négative.

Ainsi que le souligne le Tribunal, l'opinion émise par ailleurs par l'expert judiciaire sur la classification retenue par la CPAM, certes hors sujet, n'affecte pas la validité de son analyse, le contrat différenciant de toute façon l'invalidité garantie de celle retenue par la sécurité sociale.

Le jugement sera, de même, confirmé de ce chef.

 

- Sur le bien fondé du refus de garantie :

Les époux Y. réitèrent leur demande de garantie au visa de leur placement respectif en invalidité, catégorie 2 par la sécurité sociale.

Répliquant qu'il appartient aux assurés de justifier de leur incapacité définitive à se livrer à une activité professionnelle, la société Cardif objecte que cette incapacité ne se confond pas avec celle reconnue par la sécurité sociale.

Dès lors que la définition contractuelle de l'invalidité diffère de celle retenue par la sécurité sociale se pose uniquement la question est de savoir si les époux Y. justifient « d'une inaptitude à tout travail et d'une incapacité de se livrer définitivement à une activité rémunératrice » et, dans l'affirmative, si l'affection dont ils souffrent ne relèvent pas des causes d'exclusion énumérées au contrat.

 

S'agissant de Mme Y. :

La cour relève que les différents médecins qui ont examiné Mme Y. (le médecin conseil de la Cardif le Dr F., l'expert judiciaire L., les docteurs D. et B.), ont conclu à une absence d'invalidité au sens du contrat, l'état séquellaire de la pathologie lombo-discale dont a souffert Mme Y., caractérisé par des douleurs chroniques lombaires associées à des troubles sensitifs, auquel est associé un syndrome anxio-dépressif, n'empêchant pas l'exercice d'une profession, seule une profession exigeant un travail « physique » étant impossible, ni n'induit de perte totale et irréversible d'autonomie.

Le refus de la Cardif était donc justifié.

 

Concernant M. Y. :

Les mêmes médecins qui l'ont examiné ont retenu des troubles anxio-dépressifs et une affection urologique dont ils considèrent qu'ils n'entraînent aucune impossibilité d'exercer une quelconque profession ni n'induisent de perte totale et irréversible d'autonomie, le contrat excluant de toute façon, au terme d'une clause à juste titre qualifiée de précise et limitée par le Tribunal et comme telle parfaitement valable, la garantie de l'assureur pour les « troubles anxio-dépressifs, psychiques et neuropsychiques » de sorte que le refus de garantie opposé par la Cardif était justifié.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur le manquement au devoir de conseil de la banque :

Les époux Y. dénoncent, en cause d'appel, le manquement des sociétés BNP et Cardif à leur devoir de conseil et d'information :

- la BNP pour n'avoir pas remis aux époux Y. la notice relative au contrat d'assurance-groupe et pour ne pas les avoir alertés de l'inadéquation de l'assurance souscrite à leur situation personnelle, lui réclamant une indemnité de 21.802,63 euros équivalente au montant de leur dette,

- la Cardif pour avoir tardé dans leur traitement de leur dossier.

La confirmation du bien-fondé du refus de garantie opposé par Cardif rend toutefois inopérant ce grief tiré de la tardiveté de traitement de leur dossier.

 

S'agissant de BNP :

Celle-ci estime cette demande d'indemnisation irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel et à tout le moins prescrite sinon infondée.

La cour rappelle que la défense des époux Y. en première instance tendait à la prise en charge par l'assureur de leur dette envers la BNP notamment au prétexte d'une police d'assurance imprécise, ambiguë voire abusive et dont le contenu ne leur avait pas été suffisamment explicité.

Leur défense qui tend en appel à voir opposer au prêteur une compensation avec une créance indemnitaire au prétexte d'une information insuffisante quant aux garanties souscrites poursuit la même finalité qui est de faire supporter aux professionnels la charge de leur dette.

Cette demande est recevable en application des articles 564 et suivants du code de procédure civile.

De même doit être écarté le moyen tiré de la prescription quinquennale dès lors que le délai de prescription a commencé à courir du jour où les époux Y. ont été informés du refus de garantie de la Cardif, soit le 26 mai 2010 pour M.Y. et le 10 février 2011 pour l'épouse, cette prescription ayant été interrompue par l'assignation en justice.

Sur le fond, la cour a d'ores et déjà considéré que les époux Y. avaient été mis en possession d'une police d'assurance claire et précise quant aux garanties accordées, dont une lecture attentive permettait sans difficultés d'apprécier l'étendue, de sorte que les griefs tirés de l'absence de remise de la notice d'assurance et de sa rédaction incompréhensible sont inopérants.

 

S'agissant du respect par le prêteur de son devoir d'information quant à l'adéquation de la police souscrite avec la situation personnelle des emprunteurs :

La cour rappelle tout d'abord que le prêt litigieux, dont l'objet était de « racheter » la dette résultant de 4 prêts consentis par Cetelem en 2003 et 2004, pour certains à des taux d'intérêts supérieurs et sujets à des incidents de paiement répétés, a généré des mensualités de 443,37 euros lorsque les crédits antérieurs aboutissaient à un remboursement global de quelques 739 euros par mois ce qui fait douter de l'affirmation des époux Y. selon laquelle ils n'auraient pas contracté s'ils avaient été correctement informés des limites des garanties souscrites.

La cour observe ensuite que ce « rachat » de prêts est intervenu en mars 2006 alors que les époux Y. étaient âgés de 49 ans, que selon le rapport d'expertise judiciaire M. Y. travaillait comme chauffeur pour la société Véolia, n'avait pas d'antécédents médicaux particuliers hormis deux fractures en 2000, une cytolyse en 2004 spontanément régressive et une amygdalectomie en 2006, les premières manifestation des troubles anxio-dépressifs à l'origine de son invalidité datant de novembre 2006 de sorte que l'assurance souscrite auprès de Cardif, garantissant les risques décès, invalidité permanente totale, maladie-accident et perte d'emploi par suite de licenciement, étaient adaptées à la situation personnelle de l'intéressé et ne requéraient pas d'information ou conseil spécifique du prêteur.

 

S'agissant de Mme Y. :

L'expert judiciaire rappelle que l'intéressée était salariée depuis 1985 dans la même entreprise, ne présentait pas d'antécédents médicaux particuliers en lien avec l'affection à l'origine de sa mise en invalidité dont les premières manifestations datent d’août 2009 en sorte que la cour considère que la police souscrite auprès de Cardif était adaptée à la situation personnelle de l'intéressée et ne requérait pas d'information ou conseil spécifique du prêteur.

Aucun manquement ne peut donc être reproché à la BNP.

Les époux Y. seront déboutés de leur demande de ce chef.

 

Sur les demandes accessoires :

Les époux Y. seront condamnés au paiement de la somme de 400 euros à chaque intimée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils seront également condamnés aux dépens dont distractions sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 7 novembre 2014 rendu par le tribunal d'instance de Soissons,

Y ajoutant,

Déboute les époux Y. de leurs demandes,

Condamne les époux Y. au paiement de la somme de 500 euros à la BNP Paribas personal finance et celle de 500 euros à la société Cardif sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les époux Y. aux dépens dont distractions sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT