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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 mai 2016

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 mai 2016
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 13/03121
Date : 10/05/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/07/2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5595

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 mai 2016 : RG n° 13/03121

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le contrat souscrit par M. X., éleveur d'ovins et de caprins, porte sur l'hébergement, l'administration et la maintenance d'un site internet « www.fromagerie-[s.].com », et est ainsi directement lié à son activité professionnelle de producteur de fromages. M. X. n'est donc pas fondé à invoquer les dispositions susvisées du code de la consommation et sera débouté de sa demande de nullité du contrat ».

2/ « Comme cela vient d'être dit, l'article 132-1 du code de la consommation qui régit les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le contrat a été conclu dans le cadre de l'activité professionnelle de M. X.

M. X. invoque subsidiairement l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce qui sanctionne le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Le contrat litigieux ne fait pas de M. X., agriculteur, un partenaire économique de la SAS LOCAM, société spécialisée dans le financement de biens d'équipement dédiés aux professionnels, au sens de ces dispositions, mais un simple cocontractant, locataire pour ses besoins professionnels d'un site internet par ailleurs fourni par la SA CORTIX.

M. X. ne peut donc utilement invoquer l'application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce aux relations contractuelles unissant les parties. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 MAI 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/03121. Appel d'un jugement (R.G. n° 13/00093) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP, en date du 13 mai 2013, suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2013.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, Représenté et plaidant par Maître Mélanie C., avocat au barreau de VALENCE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

 

INTIMÉE :

SAS LOCAM

prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Christine L., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Maître Alain K., avocat au barreau de MARSEILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Philippe ALLARD, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 29 mars 2016 Madame JACOB a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon contrat de licence d'exploitation de site Internet signé le 13 janvier 2011, M. X., agriculteur, a confié à la SA CORTIX la création, l'hébergement, l'administration et la maintenance d'un site Internet destiné à promouvoir son activité de fromagerie, moyennant le versement de 60 loyers mensuels de 179,40 euros TTC.

L'installation a fait l'objet d'un procès-verbal de réception le 13 janvier 2011.

Le contrat a été cédé à la SAS LOCAM.

Invoquant le non-paiement des loyers depuis février 2011, la SAS LOCAM a prononcé la déchéance du terme, puis a assigné M. X., par acte du 30 novembre 2012, devant le tribunal de grande instance de Gap en paiement de la somme de 11.643,06 euros.

Par jugement réputé contradictoire du 13 mai 2013, le tribunal a :

- condamné M. X. à payer à la SAS LOCAM la somme de 10.584,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2011,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné M. X. à payer à la SAS LOCAM la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

 

M. X. a relevé appel de cette décision le 10 juillet 2013. Au dernier état de ses conclusions notifiées le 23 septembre 2014, il demande à la cour, au visa des articles L. 121-21, L. 121-23, L. 121-14 et L. 132-1 du code de la consommation, 1184, 1152 du code civil, de :

- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a réduit d'office à zéro la clause pénale,

- prononcer la nullité du contrat,

- subsidiairement, déclarer abusive et donc non-écrite la clause 16 des conditions générales du contrat,

- plus subsidiairement, dire que la résiliation du contrat est intervenue aux torts de la SAS LOCAM,

- plus subsidiairement encore, dire que la SAS LOCAM a engagé sa responsabilité pour méconnaissance des dispositions de l'article L. 442-6-I-2°du code de commerce,

- condamner la SAS LOCAM à lui verser la somme de 10.584,60 euros, à actualiser le cas échéant selon la capitalisation des intérêts, à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation entre cette somme et celle qu'il doit,

- à titre infiniment subsidiaire, échelonner le paiement des sommes dues sur 24 mois et dire que les échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit,

- en tout état de cause, condamner la SAS LOCAM à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et à supporter les dépens.

Il fait valoir que :

- il a été démarché à son domicile,

- il n'est pas démontré qu'il a contracté dans le cadre de ses activités professionnelles,

- la loi sur le démarchage s'applique,

- le contrat est nul pour ne pas comporter de formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de rétractation,

- subsidiairement, la clause relative au paiement de l'intégralité des loyers en cas de résiliation judiciaire du contrat par le cessionnaire (article 16 des conditions générales) est abusive au sens de l'article L. 312-1 du code de la consommation, en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif à son détriment,

- plus subsidiairement, le contrat n'a pas été exécuté puisque la prestation de fourniture de site Internet s'est révélée défectueuse (photographies ne correspondant pas au type de fromage qu'il produit, impossibilité d'accès au site pour l'actualiser), de sorte qu'il a dû en créer un autre avec le prestataire « pagesjaunes.fr »,

- encore plus subsidiairement, la SAS LOCAM, professionnel, a tenté de le soumettre à une clause abusive au sens de l'article L. 442-6-1-2° du code de commerce,

- sa situation financière (trois enfants à charge, faible revenu agricole et RSA) justifie l'octroi de délais de paiement.

 

Par conclusions notifiées le 22 avril 2014, la SAS LOCAM demande à la cour de :

- dire les dispositions des articles L. 121-21 et L. 132-1 du code de la consommation inapplicables au contrat,

- faire application de l'article L. 121-22-4° du code de la consommation,

- dire que la résiliation du contrat est imputable à M. X., pour défaut de paiement des loyers,

- confirmer le jugement,

- débouter M. X. de ses demandes,

- le condamner à lui verser la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle fait valoir que :

- M. X. a contracté non pas pour ses besoins personnels mais dans le cadre de ses activités professionnelles, de sorte que les dispositions sur le démarchage ne lui sont pas applicables,

- elle n'est pas concernée par la création du site qui a, en tout état de cause, fait l'objet d'un procès-verbal de réception sans réserve,

- la résiliation du contrat est la conséquence du seul défaut de paiement des loyers par M. X.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité du contrat :

M. X. invoque les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Aux termes de l'article L. 121-22-4° de ce code, les prestations de service ne sont pas soumises à ces dispositions lorsqu'elles ont un lien direct avec les activités exercées dans le cadre notamment d'une exploitation agricole.

Le contrat souscrit par M. X., éleveur d'ovins et de caprins, porte sur l'hébergement, l'administration et la maintenance d'un site internet « www.fromagerie-[s.].com », et est ainsi directement lié à son activité professionnelle de producteur de fromages.

M. X. n'est donc pas fondé à invoquer les dispositions susvisées du code de la consommation et sera débouté de sa demande de nullité du contrat.

 

Sur le caractère abusif de la clause 16 du contrat :

L'article 16.1 des conditions générales du contrat prévoit que le cessionnaire peut résilier le contrat, huit jours après une mise en demeure restée infructueuse, en cas notamment de non paiement à terme d'une seule échéance.

L'article 16.3 précise qu'en cas de résiliation, le client devra restituer le site internet et verser au cessionnaire, outre les échéances impayées majorées d'une clause pénale de 10 % et des intérêts de retard, une somme égale à la totalité des échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat, majorée d'une clause pénale de 10 %.

M. X. estime que ces clauses sont abusives au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif à son détriment.

Comme cela vient d'être dit, l'article 132-1 du code de la consommation qui régit les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le contrat a été conclu dans le cadre de l'activité professionnelle de M. X.

M. X. invoque subsidiairement l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce qui sanctionne le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Le contrat litigieux ne fait pas de M. X., agriculteur, un partenaire économique de la SAS LOCAM, société spécialisée dans le financement de biens d'équipement dédiés aux professionnels, au sens de ces dispositions, mais un simple cocontractant, locataire pour ses besoins professionnels d'un site internet par ailleurs fourni par la SA CORTIX.

M. X. ne peut donc utilement invoquer l'application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce aux relations contractuelles unissant les parties.

 

Sur l'exception d'inexécution :

M. X. soutient que la prestation de fourniture de site internet s'est révélée défectueuse en ce que d'une part le site donnait à voir des photographies de gros fromages au lait de vache, alors qu'il produit du fromage de chèvre de petite taille, et d'autre part qu'il ne parvenait pas à accéder à son site pour l'actualiser et le faire vivre au fil des saisons.

Aux termes de l'article 2.2 des conditions générales du contrat, « le site web sera considéré accepté par le client si celui-ci n'émet aucune opposition à la conformité du site deux jours ouvrés après réception de la lettre ou de la télécopie lui confirmant la mise en ligne du site internet. La signature par le client du procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement est le fait déclencheur d'une part de l'exigibilité des échéances et d'autre part pour le cessionnaire de la faculté de règlement de la facture au fournisseur ».

Il ressort des pièces versées aux débats que M. X. a signé le procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement le 13 janvier 2011, sans formuler aucune réserve ; que le 28 janvier 2011, la SA CORTIX lui a annoncé que le site était en ligne, l'a avisé qu'il pouvait adresser sous trois semaines ses remarques afin de finaliser la création du site et lui a fourni la marche à suivre pour accéder à l'administration des modules personnalisables et à l'aide en ligne.

Les seules observations que M. X. a signalées, par courrier électronique du 16 mars 2011, concernent le fait d'avoir « oublié (son) identifiant » et de n'avoir « pas d'accès à (son) site si ce n'est pas votre site ».

A défaut de toute démonstration de dysfonctionnements imputables à la SAS LOCAM, M. X. n'est pas fondé à invoquer l'inexécution des obligations contractées.

 

Sur le montant de la créance :

En application des dispositions de l'article 1134 du code civil, M. X. qui ne conteste pas avoir cessé de régler les échéances correspondant à la location du site internet, ne peut valablement s'opposer à l'application de l'article 16 du contrat relatif à sa résiliation en cas d'inexécution par le locataire de ses obligations.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la SAS LOCAM la somme de 10.584,60 euros, correspondant aux 7 échéances impayées et aux 52 échéances à échoir jusqu'à la fin du contrat, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 septembre 2011, a ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière et réduit à néant le montant de la pénalité de retard de 10 % sur les échéances échues et à échoir, cette réduction n'étant pas remise en cause par la SAS LOCAM.

 

Sur les délais de paiement :

M. X. ayant bénéficié, du fait des délais de procédure, de délais supérieurs à ceux que le juge peut accorder en application des dispositions légales, il n'y a pas lieu de lui en accorder de supplémentaires.

M. X. qui succombe supportera les dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré,

- Déboute M. X. de ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à l'octroi de délais de paiement,

- Déboute la SAS LOCAM de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne M. X. aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur ALLARD, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                Le Président