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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 4 mai 2016

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 4 mai 2016
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 14/01625
Date : 4/05/2016
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 6/03/2012
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5596

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 4 mai 2016 : RG n° 14/01625

Publication : Jurica

 

Extrait : « En l'état du droit spécial - donc nécessairement dérogatoire - résultant l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l'article 78 de son décret d'application du 20 janvier 1972, les dispositions du code de la consommation ne trouvent pas à s'appliquer en la matière. En effet, dès lors que la clause pénale est expressément autorisée dans son principe par ces dispositions de droit spécial, elle n'est pas susceptible de constituer une clause abusive soumise au contrôle du juge en matière de droit de la consommation. Celui-ci ne peut la déclarer non écrite, mais seulement user de son pouvoir modérateur lorsqu'elle apparaît manifestement excessive en application des dispositions de l'article 1152 du code civil.

En toute hypothèse, une société civile immobilière - quand bien même de composition familiale - ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 4 MAI 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/01625. Décision déférée à la Cour : ordonnance de radiation du 25 OCTOBRE 2012 de Monsieur le Conseiller de la Mise en état de la 1ère Chambre B de la Cour d'appel de MONTPELLIER : R.G. n° 12/1754.

 

APPELANTE :

SARL SONABI IMMOBILIER

représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, représentée par Maître Emily A. de la SCP G. A. E. A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Maître Christian F., avocat au barreau de NICE, avocat plaidant substitué par Maître Olivier C.-G., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

de nationalité Française, représenté par Maître Séverine LE B., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Maître Arnaud J. de la SCP A. AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant

Monsieur Y.

de nationalité Française, représenté par Maître Jacques Henri A. de la SCP A. H., A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Z. épouse Y.

de nationalité Française, représentée par Maître Jacques Henri A. de la SCP A. H., A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Mademoiselle F. Y.

de nationalité Française, représentée par Maître Jacques Henri A. de la SCP A. H., A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

SCI LIORIC

représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, représentée par Maître Séverine LE B., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Maître Arnaud J. de la SCP A. AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant

SCI LA GAULETTE

dont le siège social est situé [adresse], représentée par son liquidateur amiable, Monsieur Y., domicilié en cette qualité, assignation à personne habilitée du 3 avril 2014

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 9 février 2016

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er MARS 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Mathieu MAURI, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, chargé du rapport pour le compte de Madame Chantal RODIER, et Madame Martine ROS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Mathieu MAURI, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Madame Martine ROS, Conseiller, Madame Chantal RODIER, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Mireille RANC

L'affaire mise en délibéré au 6 avril 2016 a été prorogée au 4 mai 2016.

ARRÊT : - réputé contradictoire. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Madame Martine ROS, Conseiller en remplacement du Président empêché, et par Madame Mireille RANC, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte du 12 décembre 2005, la SCI la Gaulette, représentée par Monsieur Y., a donné mandat non exclusif à la société Sonabi Immobilier de vendre un local à usage de bureaux, situé à Villeneuve-Loubet, au prix net vendeur de 198.000 euros, la rémunération du mandataire, à la charge de l'acquéreur, étant fixée à 12 % du prix, soit une présentation du bien à la vente au prix de 221.760 euros, commission comprise.

Le jour même, la société Sonabi Immobilier faisait visiter le bien à Monsieur X., gérant de la société Franck Services, visite dont elle informait son mandant dès le 14 décembre par un courrier recommandé qui sera refusé.

Cependant, c'est par l'intermédiaire de la société Giral Immobilier qu'une promesse synallagmatique de vente de ce bien a été conclue le 3 janvier 2006 entre la SCI la Gaulette et Monsieur X., agissant pour le compte de la SCI Lioric en cours de formation, la rémunération due par l'acquéreur à cet agent immobilier étant fixée à 5.000 euros.

La SARL Sonabi Immobilier recevait le 5 janvier 2006 une correspondance de la SCI la Gaulette l'informant qu'une vente était intervenue entre les parties par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier, soit la SARL Giral Immobilier Service, sise à [ville F.], au motif suivant : « la commission demandée par Giral immobilier service étant moins importante que la vôtre, l'acquéreur, la société SCI Lioric, en cours de formation, représentée par Monsieur X., m'a demandé de finaliser l'affaire avec son mandataire, ce que je m'apprête à faire au vu des engagements d'achat signés par l'acquéreur avec Giral Immobilier Services »

La SARL Sonabi Immobilier faisait aussitôt délivrer à Monsieur X., gérant de la société Franck Services, une sommation interpellative lui rappelant le mandat précité et la visite du 12 décembre 2005, à laquelle ce dernier croyait bon de devoir ne rien répondre.

La SARL Sonabi Immobilier faisait ensuite délivrer, le 11 janvier 2006, une sommation interpellative à la SCI la Gaulette, prise en la personne de son gérant Monsieur Y., aux termes de laquelle ce dernier affirmait n'avoir rien à répondre dans la mesure où le local avait été vendu par un autre agent immobilier.

La vente entre la SCI la Gaulette et Monsieur X. est intervenue le 8 mars 2006.

La société Sonabi Immobilier obtenait, auprès des greffes des tribunaux de commerce concernés, l'information selon laquelle la SARL Franck Services avait changé de siège social pour situer ce dernier au lieu de son acquisition, et pour laquelle le gérant, Monsieur X. a constitué une SCI dénommée Lioric.

Faisant état de la visite qu'elle avait fait effectuer à Monsieur X. et de son droit à commission, la société Sonabi Immobilier a, par actes d'huissier en date des 17 août 2006 et 14 décembre 2007, fait délivrer assignations devant le tribunal de grande instance de Grasse à :

- la SCI la Gaulette, la SCI Lioric et Monsieur X.,

- ainsi qu'à Monsieur Y., Madame Y. et Madame F. Y. - les consorts Y. étant les anciens associés de la SCI la Gaulette qui a fait l'objet d'une liquidation amiable -

aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 23.760 euros, les consorts Y. ayant à répondre des sommes mises à la charge de la SCI La Gaulette.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 3 mars 2008.

* * *

Par jugement réputé contradictoire en date du 28 octobre 2008, le tribunal de grande instance de Grasse, au visa des articles 1147 et 1382 du code civil a :

- Débouté la SARL Sonabi Immobilier de sa demande tendant à voir condamner la SCI La Gaulette, Monsieur X. et la SCI Lioric à lui payer solidairement une somme de 23.760 euros,

- Débouté la SARL Sonabi Immobilier de sa demande tendant à voir condamner les consorts Y. au paiement des sommes mises à la charge de la SCI la Gaulette,

- Débouté Monsieur X., la SCI Lioric et les consorts Y. de leurs demandes de dommages et intérêts diligentées à l'encontre de la SARL Sanobi Immobilier pour procédure abusive,

- Condamné, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la SARL Sonabi Immobilier à payer :

* à Monsieur X. et la SCI Lioric, pris ensemble, la somme globale de 2.500 euros,

* à Monsieur et Madame Y. et Mademoiselle F. Y., ensemble la somme globale de 2.500 euros,

- Débouté la SARL Sonabi Immobilier de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Condamné la SARL Sonabi Immobilier aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

 

APPEL

La SARL Sonabi Immobilier a régulièrement relevé appel de ce jugement devant la cour d'appel d'Aix en Provence.

Par arrêt réputé contradictoire - en raison de la défaillance de la SCI la Gaulette - en date du 7 janvier 2010, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

Confirmé la décision entreprise,

et y ajoutant,

Débouté Monsieur X., la SCI Lioric, Monsieur Y. et Madame Y., Madame F. Y., de leurs demandes de dommages et intérêts,

Condamné la SARL Sonabi Immobilier à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- aux consorts Y., ensemble, la somme de 2.500 euros

- à Monsieur X. et la SCI Lioric, ensemble, la somme de 2.500 euros,

Condamné la SARL Sonabi Immobilier aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

CASSATION

Par arrêt en date du 6 octobre 2011 la première chambre civile de la Cour de cassation a :

Cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 7 janvier 2010 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour y faire droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Montpellier,

Condamné la SCI la Gaulette, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur Y., Monsieur X., la SCI Lioric et les consorts Y. aux dépens,

Condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la SCI la Gaulette, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur Y., Monsieur X., la SCI Lioric et les consorts Y. à payer à la société Sonabi immobilier la somme de 3.000 euros et rejeté les autres demandes.

* * *

La cour d'appel de Montpellier a été saisie selon déclaration de saisine du 6 mars 2012.

Faute pour les parties d'avoir effectué les diligences permettant la poursuite de l'instance, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné, le 25 octobre 2012, la radiation de la procédure RG 12/01754 du rôle des affaires en cours.

Suite à la demande présentée le 3 mars 2014 par la SARL Sonabi Immobilier, l'affaire a été réinscrite au rôle sous le numéro RG 14/01625.

Par acte d'huissier en date du 3 avril 2014, La Sarl Sonabi Immobilier a fait délivrer assignation à la SCI La Gaulette, avec signification de conclusions après réinscription au rôle. La signification a été remise à Monsieur Y., liquidateur qui a déclaré être habilité à recevoir l'acte.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2016.

* * *

Vu les dernières conclusions de la SARL Sonabi Immobilier en date du 29 décembre 2014, auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et au visa des dispositions des articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du code civil demandant à la cour de :

Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire :

Juger que les consorts Y., associés de la SCI la Gaulette, actuellement liquidée, ont violé leurs obligations contractuelles,

Juger que Monsieur X. et la SCI Lioric ont engagé leur responsabilité quasi délictuelle,

En conséquence,

Condamner solidairement Monsieur Arnaud Y., Madame Y. et Madame F. Y., associés de la SCI la Gaulette actuellement liquidée, à due proportion de leurs parts respectives, soit 33,33 % du capital social, et la SCI Lioric et Monsieur X. à lui payer :

- la somme de 23.760 euros, outre intérêts à compter de la date de la vente intervenue le 8 mars 2006,

- celle de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance dont le coût des sommations interpellatives délivrées les 5 et 11 janvier 2006 pour un montant respectif de 200 euros TTC, et ceux d'appel distraits au profit de Maître A.

* * *

Vu les dernières conclusions en date du 27 octobre 2014 des consorts Y. (Monsieur Y., Madame Y. et Madame F. Y.), auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et

au visa de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l'article 78 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, des dispositions des articles L. 131-1 [N.B. lire L. 132-1] et R. 132-2 du code de la consommation, de l'article 1152 du code civil, de la jurisprudence et des pièces versées aux débats,

demandant à la cour de :

À titre principal,

Voir déclarer nulle et de nul effet la clause pénale insérée au contrat de mandat non exclusif conclu entre la SCI la Gaulette et la SARL Sonabi Immobilier, à défaut, juger la clause pénale réputée non écrite,

En conséquence, confirmer le jugement en date du 28 octobre 2009 en toutes ses dispositions et juger la SARL Sonabi Immobilier irrecevable et mal fondée, en toutes ses demandes,

À titre subsidiaire,

Constater que la SCI la Gaulette n'a pas failli à ses obligations contractuelles et, en conséquence, juger n'y avoir lieu à l'application de la clause pénale,

En conséquence, voir confirmer le jugement du 28 octobre 2009 en toutes ses dispositions et juger la SARL Sonabi Immobilier irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes,

À titre infiniment subsidiaire, et dans l'hypothèse où, par impossible, la cour viendrait à déclarer valide la clause pénale et estimerait que la SCI la Gaulette a failli à ses obligations,

Voir réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité forfaitaire qui pourrait être mise à leur charge,

En tout état de cause, condamner la SARL Sonabi Immobilier à payer à chacun des consorts Y. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de la SCP A.-H.

* * *

Vu les dernières conclusions de Monsieur X. et la SCI Lioric, en date du 1er août 2014, auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et demandant à la cour de :

Vu l'article 1382 du code civil,

Juger que la société Sonabi Immobilier ne démontre aucune faute imputable à Monsieur X. ou à la SCI Lioric,

En conséquence, débouter la société Sonabi Immobilier de l'ensemble de ses demandes à leur encontre,

Vu les dispositions des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 78 du décret du 20 juillet 1972,

Compte tenu du principe constitutionnel de liberté d'entreprendre et de libre concurrence,

Juger nulle la clause pénale du mandat signé entre la SCI la Gaulette et la société Sonabi Immobilier dès lors que cette dernière contrevient tant aux dispositions des textes précités qu'aux principes de libre concurrence devant exister entre les titulaires de mandats non-exclusifs,

Juger que l'intervention de la société Sonabi Immobilier dans la transaction entre la SCI la Gaulette et la SCI Lioric n'a eu aucun caractère déterminant et qu'en conséquence la société Sonabi Immobilier n'a pas participé à la réalisation de la vente,

En conséquence, débouter la société Sonabi Immobilier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à leur égard et confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 octobre 2008 par le tribunal de grande instance de Grasse,

Subsidiairement, vu les dispositions des articles 1152 et 1202 du code civil,

Juger qu'il ne saurait y avoir lieu à solidarité en cas de condamnation entre la SCI la Gaulette et Monsieur X. et la SCI Lioric dès lors que les fondements invoqués contre ces parties sont différents,

Ramener le montant des sommes réclamées par Sonabi Immobilier au titre de la clause pénale à de plus justes proportions,

À titre reconventionnel,

Condamner en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société Sonabi Immobilier à payer à :

- Monsieur X. une somme de 5.000 euros

- la SCI Lioric une somme de 5.000 euros,

Condamner la société Sonabi Immobilier aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur l'application de la clause pénale à l'encontre du mandant :

La clause pénale litigieuse applicable au mandant est rédigée comme suit :

« Pendant le cours du présent mandat et de ses renouvellements, ainsi que dans les 18 mois suivant l'expiration ou la résiliation de celui-ci, le mandant s'interdit de traiter directement ou par l'intermédiaire d'un autre mandataire avec un acheteur auquel le bien aurait été présenté par le mandataire ou un mandataire substitué. À défaut de respecter cette clause, le mandataire aurait droit à une indemnité forfaitaire, à la charge du mandant, dont le montant serait égal à celui de la rémunération toutes taxes comprises du mandataire prévue au présent mandat »

 

Sur la prétendue nullité de la clause pénale :

Aux termes de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant même si l'opération est conclue sans les soins d'un intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret.

Aux termes de l'article 78 du décret du 20 janvier 1972 :

« Lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant même si l'opération est conclue sans les soins d'un intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant. Cette clause est mentionnée en caractères très apparents. »

A l'examen du contrat, il s'avère que :

- cette stipulation est formée en termes très apparents, dans le corps du paragraphe afférent aux conditions générales du mandat et obligations du mandant, sur la même page que sa signature et dans la même police de caractère que les autres termes du contrat, laquelle est parfaitement lisible sans effort particulier. Les dispositions réglementaires n'imposent pas que la clause pénale soit mentionnée en caractères gras, mais seulement en caractères très apparents.

- le contrat a bien été établi « en deux exemplaires dont l'un est remis au mandant qui le reconnaît » : la signature du mandant prouve donc que copie du mandat lui a été remise.

Les conditions de validité de la clause pénale sont donc parfaitement remplies au regard des exigences légales et réglementaires précitées.

 

Sur le fondement inopérant des dispositions du code de la consommation :

En l'état du droit spécial - donc nécessairement dérogatoire - résultant l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l'article 78 de son décret d'application du 20 janvier 1972, les dispositions du code de la consommation ne trouvent pas à s'appliquer en la matière. En effet, dès lors que la clause pénale est expressément autorisée dans son principe par ces dispositions de droit spécial, elle n'est pas susceptible de constituer une clause abusive soumise au contrôle du juge en matière de droit de la consommation. Celui-ci ne peut la déclarer non écrite, mais seulement user de son pouvoir modérateur lorsqu'elle apparaît manifestement excessive en application des dispositions de l'article 1152 du code civil.

En toute hypothèse, une société civile immobilière - quand bien même de composition familiale - ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation.

 

Sur la violation des obligations du mandant et l'application de la clause pénale :

Le fait qu'il s'agisse d'un mandat non exclusif n'interdit nullement l'insertion d'une telle clause au contrat de mandat.

Cette clause est parfaitement claire en ce que, dès lors que le bien a été présenté à un acquéreur par le mandataire, la vente doit se réaliser par l'intermédiaire de celui-ci, sauf pour le mandant - si le délai fixé contractuellement pour ses engagements n'est pas expiré - à indemniser le mandataire de sa perte du droit à commission par une indemnité équivalente au montant de celle-ci.

C'est à tort que le premier juge, dénaturant les termes clairs et précis de cette clause, s'est improprement fondé sur les dispositions de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 pour estimer que le mandataire devait démontrer que l'opération a été effectivement conclue par son entremise, et rapporter la preuve que ce serait par une faute du vendeur qu'il en aurait été privé, alors qu'il ne s'agit pas ici de démontrer l'existence du droit à commission mais simplement de faire application d'une clause pénale qui ne requiert nullement que de telles preuves soient rapportées.

Il suffit au mandataire de rapporter la preuve que l'opération a été conclue dans le délai contractuel pendant lequel le mandant s'interdisait de vendre directement ou par un autre intermédiaire le bien litigieux à un acquéreur auquel il avait fait visiter les lieux.

En l'espèce, il n'est nullement contesté que la société Sonabi Immobilier a fait visiter les lieux le 12 décembre 2005 à Monsieur X., et il est établi par les pièces produites qu'elle en a informé le 14 décembre 2005 par lettre recommandée son mandant, la SCI la Gaulette, représentée par Monsieur Y., tandis qu'elle demandait le même jour par courrier recommandé à Monsieur X. qu'elles étaient ses intentions à la suite de cette visite.

Il est démontré que c'est par l'intermédiaire de la société Giral Immobilier qu'une promesse synallagmatique de vente de ce bien a été conclue moins d'un mois après, soit le 3 janvier 2006, entre la SCI la Gaulette et Monsieur X., agissant pour le compte de la SCI Lioric en cours de formation, la rémunération due par l'acquéreur à cet agent immobilier étant fixée à 5.000 euros.

La SARL Sonabi Immobilier en était informée le 5 janvier 2006 par la SCI la Gaulette qui reconnaissait que : « la commission demandée par Giral immobilier service étant moins importante que la vôtre, l'acquéreur, la société SCI Lioric, en cours de formation, représentée par Monsieur X., m'a demandé de finaliser l'affaire avec son mandataire, ce que je m'apprête à faire au vu des engagements d'achat signés par l'acquéreur avec Giral Immobilier Services »

Les conditions d'application de la clause pénale sont parfaitement réunies et le mandant - qui a accepté de conclure la vente avec l'acquéreur par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier que la SARL Sonabi Immobilier - doit donc être condamné au paiement d’une indemnité compensatrice contractuellement prévue.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en ajoutant des conditions auxquelles les parties n'avaient pas subordonné la mise en œuvre de la clause pénale litigieuse.

 

Sur la demande subsidiaire de modération de la clause pénale formée par les associés de la société liquidée :

La clause pénale est fixée à 12 % du prix et le mandataire demande à ce titre une somme de 23.760 euros.

La cour estime que cette somme est manifestement excessive au regard des commissions d'agents immobiliers généralement inférieures à 10 % du prix de vente. La clause pénale qui se réfère au montant de la commission se trouve par là-même excessive et sera donc réduite à la somme plus raisonnable de 20.000 euros.

Cette somme portera intérêts au taux légal, non à compter de la date de la vente intervenue le 8 mars 2006 comme il est demandé, mais - s'agissant de la mise en œuvre de la clause pénale et non du droit à commission - à compter de la date du jugement, soit le 28 octobre 2008.

En l'espèce, en l'état de la liquidation de la société mandante - la SCI la Gaulette - le mandataire est bien fondé à solliciter la condamnation solidaire des associés de celle-ci, soit de Monsieur Arnaud Y., Madame Y. et Madame F. Y., et à due proportion de leurs parts respectives, soit 33,33 % du capital social.

 

Sur la demande dirigée contre l'acquéreur sur le fondement de la responsabilité délictuelle :

Pour demander la condamnation solidaire de l'acquéreur avec le vendeur, l'agent immobilier recherche la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de l'acquéreur.

Cependant, la charge de la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité incombe en ce cas au mandataire qui se prévaut d'une collusion frauduleuse entre vendeur et acquéreur pour le priver de son droit à commission.

Or, en l'espèce, alors que sa commission est mise à la charge de l'acquéreur, la SARL Sonabi Immobilier ne justifie nullement d'avoir informé Monsieur X. qu'il encourrait la mise en œuvre de sa responsabilité délictuelle en cas de collusion frauduleuse avec le vendeur pour se soustraire au paiement de la commission.

Il ne justifie notamment d'aucun bon de visite qui porterait un avertissement en ce sens ou mentionnerait que l'acquéreur a pris connaissance des conditions du mandat signé par le vendeur.

Par ailleurs, le mandataire se prévaut du courrier du mandant, mais il s'évince de celui-ci que le mandant ne voyait rien à redire au comportement de l'acquéreur qui a préféré passer par un autre intermédiaire moins onéreux.

Le vendeur ne demande d'ailleurs nullement à ce qu'en cas de condamnation prononcée à son encontre, l'acquéreur soit condamné in solidum avec lui, ou le relève et garantisse même partiellement.

L'acquéreur, tiers au contrat de mandat, en ignore manifestement le contenu et ce d'autant plus que son vendeur le méconnaît.

Alors que ni l'agent immobilier, ni le vendeur, n'ont mis en garde l'acquéreur sur les conséquences possibles du choix d'un autre intermédiaire dont la commission serait moins élevée, la faute de l'acquéreur n'est pas démontrée : aucune intention frauduleuse de sa part ne s'évince des pièces produites, puisque le vendeur, en méconnaissant ses propres obligations contractuelles, s'est en définitive soumis au choix de l'acquéreur qu'il considérait alors comme légitime.

Au regard des demandes subsidiaires du vendeur qui ne sont aucunement dirigées contre l'acquéreur, ce dernier ne peut qu'être regardé que comme un tiers de bonne foi.

En définitive, le vendeur ne peut qu'assumer seul la pleine responsabilité résultant de sa méconnaissance du contrat qu'il a pourtant signé et de son comportement qui, en violation de ses obligations, a fait perdre à l'agent immobilier ayant procédé à la visite son droit à commission.

Les demandes de la SARL Sonabi Immobilier dirigées à l'encontre de l'acquéreur seront donc en voie de rejet et le jugement sera confirmé sur ce point.

 

Sur les autres demandes :

Les consorts Y. qui succombent supporteront les entiers dépens et seront condamnés à payer la somme de 2.500 euros à la société Sonabi Immobilier.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X. et de la SCI Lioric leurs propres frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Vu les dispositions des articles 1147 et 1382 du code civil,

Vu les dispositions contractuelles,

Vu l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et l'article 78 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972,

Vu les dispositions des articles L. 131-1 [N.B. lire 132-1] et R. 132-2 du code de la consommation,

Vu l'article 1152 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur la responsabilité du mandant et la mise en œuvre de la clause pénale,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées à l'encontre,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Rejetant l'exception de nullité et le fondement inopérant des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives,

Prenant acte de la liquidation de la SCI La Gaulette,

Condamne solidairement les associés de celle-ci, soit Monsieur Arnaud Y., Madame Y. et Madame F. Y., à due proportion de leurs parts respectives, soit 33,33 % du capital social, à payer à la SARL Sonabi Immobilier :

- au titre de la clause pénale, la somme de 20.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, soit du 28 octobre 2008,

- en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2.500 euros,

Déboute les parties de leurs autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement les consorts Y., ès qualités d'associés de la société La Gaulette liquidée, aux dépens qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du même code.

LE GREFFIER                                P. LE PRÉSIDENT