CA ROUEN (ch. proxim.), 12 mai 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5598
CA ROUEN (ch. proxim.), 12 mai 2016 : RG n° 15/03266
Publication : Jurica
Extrait : « Les offres préalables de crédit à la consommation contenant des stipulations non prévues par le modèle type applicable, ayant pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur des obligations supplémentaires en cas de défaillance, ou plus généralement de réduire ses droits, ou aggraver sa situation, ne satisfont pas aux dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation, et entraînent ainsi la déchéance du droit du prêteur aux intérêts. L'offre de crédit acceptée par Mme X. épouse Y., s'agissant d'un crédit renouvelable sur un compte spécialement ouvert à cet effet, utilisable par fractions et assorti de moyens d'utilisation du compte, soumis au modèle type n° 4 défini par l'annexe à l'article R. 311-6 de ce code.
La clause litigieuse prévoit que « Le Prêteur pourra suspendre sans préavis l'utilisation de votre crédit en compte dans les cas suivants […] d : dans le cas où vous-même êtes frappé d'une mesure bancaire ou judiciaire d'interdiction d'émettre des chèque et/ou faites l'objet d'une interdiction au fichier FICP tenu par la Banque de France […].
Sans qu'il soit besoin de la qualifier d'abusive, ce qui aurait pour conséquence de la voir déclarer non écrite, il convient de relever que cette clause rend l'offre de prêt non conforme au modèle type qui ne la prévoit pas ; elle aggrave la situation de l'emprunteur, en ce qu'elle permet au prêteur de lui imposer la suspension, soit la privation même temporaire du bénéfice du crédit accordé alors même qu'il est devenu définitif, indépendamment de tout constat d'un quelconque manquement à ses obligations envers le prêteur, alors que le modèle type ne prévoit que des hypothèses de résiliation et exigibilité anticipée du prêt en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements des échéances. Dans ces conditions, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts est encourue.
Elle a justement été relevée d'office par le premier juge, exerçant les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L. 141-4 du code de la consommation, pour faire application d'une sanction prévue par le même code pour violation de ses dispositions d'ordre public, sans qu'aucune prescription, applicable à l'action d'une partie, ne puisse y faire obstacle. »
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 12 MAI 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/03266. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE ROUEN du 19 mai 2015.
APPELANTE :
SA CDGP
Représentée et assistée par Maître Pascale B. de la SELARL CABINET B. ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉE :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [...], N'ayant pas constitué avocat bien que l'appel ait été régulièrement signifié par acte d'huissier en date du 4 septembre 2015
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 mars 2016 sans opposition des avocats devant Madame BRYLINSKI, Président, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BRYLINSKI, Président, Madame LABAYE, Conseiller, Madame DELAHAYE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOEL DAZY, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 17 mars 2016, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 mai 2016
ARRÊT : Réputé contradictoire, Par défaut, Prononcé publiquement le 12 mai 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, Signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL DAZY, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La SA CDGP, suivant offre acceptée le 11 décembre 2008, a consenti à Mme X. épouse Y. un crédit renouvelable pour un montant de 800 euros, augmenté à la somme de 6.000 euros par avenant du 25 août 2009.
Mme X. ayant cessé ses remboursements, la SA CDGP l'a mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 février 2014 de payer la somme de 7.299,74 euros, puis par acte signifié le 18 novembre 2014 l'a fait assigner en paiement de la somme de 7.187,48 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure ainsi qu'aux entiers dépens et au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Mme X. épouse Y. a comparu et sollicité des délais de paiement.
Le tribunal d'instance de Rouen par jugement rendu le 19 mai 2015 a débouté la SA CDGP de ses demandes de condamnation et l'a condamnée aux dépens.
* * *
La société CDGP a interjeté appel et, aux termes de ses dernières écritures en date du 25 août 2015 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des articles 1134 à 1167 du code civil, de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 modifiée et ses décrets d'application du 17 mars 1978 et 24 mars 1978 modifiés, des articles L. 311 et suivants, D. 311 et suivants du code de la consommation, et L. 110-4.1 du code de commerce, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- condamner Mme X. épouse Y., à payer à la société CDGP la somme principale de 7.187,48 euros, avec intérêts au taux contractuel et au taux légal sur l'indemnité légale et ce, à compter de la mise en demeure ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision ;
- condamner Mme X. épouse Y. au paiement de la somme de 1.300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du même code.
* * *
Mme X. épouse Y., qui a reçu signification de la déclaration d'appel et des conclusions par acte délivré à personne n'a pas constitué avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Le Tribunal a considéré que l'offre préalable faisait figurer à côté des mentions légales obligatoires, une clause non conforme au modèle type, réduisant les droits de l'emprunteur et ne satisfaisant pas en conséquence aux exigences des dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation, sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts depuis l'origine du prêt.
La SA CDGP fait valoir que la clause litigieuse ne figure ni au titre des clauses présumées abusives énumérées de façon irréfragable à l'article R. 132-1 du code de la consommation, ni au titre des clauses présumées abusives sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, énumérées à l'article R. 132-2 du même code, et considère que la clause litigieuse ne peut être analysée en une clause abusive, puisqu'elle n'aggrave pas la situation de l'emprunteur ; elle soutient que l'offre préalable de crédit renouvelable signée par Mme X. épouse Y. et la société CDGP est un acte mixte de sorte que le délai de prescription de l'action en restitution des intérêts prévu à l'article L. 311-33 du code de la consommation et résultant du caractère irrégulier de ladite offre est de 5 ans en application de l'article L. 110-4 du code de commerce à compter de la signature de l'offre par l'emprunteur c'est-à-dire « à compter de la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé », et qu'au-delà de 5 ans de la date de formation définitive du contrat, l'emprunteur ne peut plus à titre principal demander la restitution des intérêts, son action étant prescrite.
Le contrat de prêt, compte tenu de sa date, est régi par les dispositions du code de la consommation en leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010. Par application combinée des articles L. 311-8, L. 311-13 et R. 311-6 de ce code, chaque opération de crédit est conclue dans les termes d'une offre préalable établie conformément à un modèle type ; l'article L. 311-33 du même code dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursements du capital suivant l'échéancier prévu ; les sommes perçues au titre des intérêts qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, doivent être restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Les offres préalables de crédit à la consommation contenant des stipulations non prévues par le modèle type applicable, ayant pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur des obligations supplémentaires en cas de défaillance, ou plus généralement de réduire ses droits, ou aggraver sa situation, ne satisfont pas aux dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation, et entraînent ainsi la déchéance du droit du prêteur aux intérêts.
L'offre de crédit acceptée par Mme X. épouse Y., s'agissant d'un crédit renouvelable sur un compte spécialement ouvert à cet effet, utilisable par fractions et assorti de moyens d'utilisation du compte, soumis au modèle type n° 4 défini par l'annexe à l'article R. 311-6 de ce code.
La clause litigieuse prévoit que « Le Prêteur pourra suspendre sans préavis l'utilisation de votre crédit en compte dans les cas suivants […] d : dans le cas où vous-même êtes frappé d'une mesure bancaire ou judiciaire d'interdiction d'émettre des chèque et/ou faites l'objet d'une interdiction au fichier FICP tenu par la Banque de France […].
Sans qu'il soit besoin de la qualifier d'abusive, ce qui aurait pour conséquence de la voir déclarer non écrite, il convient de relever que cette clause rend l'offre de prêt non conforme au modèle type qui ne la prévoit pas ; elle aggrave la situation de l'emprunteur, en ce qu'elle permet au prêteur de lui imposer la suspension, soit la privation même temporaire du bénéfice du crédit accordé alors même qu'il est devenu définitif, indépendamment de tout constat d'un quelconque manquement à ses obligations envers le prêteur, alors que le modèle type ne prévoit que des hypothèses de résiliation et exigibilité anticipée du prêt en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements des échéances.
Dans ces conditions, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts est encourue.
Elle a justement été relevée d'office par le premier juge, exerçant les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L. 141-4 du code de la consommation, pour faire application d'une sanction prévue par le même code pour violation de ses dispositions d'ordre public, sans qu'aucune prescription, applicable à l'action d'une partie, ne puisse y faire obstacle.
Le jugement sera en conséquence confirmé, en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts dès l'origine du contrat, et, en conséquence de l'ensemble des paiements effectués par Mme X. épouse Y. et de l'absence de créance résiduelle à l'encontre de cette dernière, débouté la SA CDGP de l'ensemble de ses prétentions.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance ; en cause d'appel la SA CDGP supportera les charges des entiers dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SA CDGP aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président
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