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CA RENNES (1re ch.), 3 mai 2016

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch.), 3 mai 2016
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch.
Demande : 15/02190
Décision : 214/2016
Date : 3/05/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/03/2015
Numéro de la décision : 214
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5615

CA RENNES (1re ch.), 3 mai 2016 : RG n° 15/02190 ; arrêt n° 214/2016 

Publication : Jurica

 

Extrait : 1/ « Les époux X. soutiennent que cette transaction est contraire aux dispositions d'ordre public des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives. Ces dispositions visent à interdire, dans le cadre d'un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur, une clause qui, en privant a priori le non-professionnel ou le consommateur de son droit à réparation du préjudice subi par lui en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque des obligations contractées, aurait pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à ce contrat.

Mais, tel n'est pas le cas en l'occurrence, puisque le contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre les époux X. et la société IFB, ou la société Akerys Promotion, ne prévoyait aucune exclusion de droits ou actions contre celles-ci en cas de retard dans l'exécution par elles de leurs obligations, notamment de livraison du bien de Loudéac.

Et les dispositions légales et réglementaires précitées ne sauraient ôter ses effets normaux à la transaction prévue de manière générale par l'article 2044 du Code civil pour terminer une contestationOr, il est constant, au regard des courriers adressés par M. X. dès le 17 novembre 2010 à la société Evertel Promo et à la société « IFB Patrimoine » pour réclamer le remboursement des intérêts intercalaires et l'indemnisation des pertes de loyers consécutives au retard de livraison, que le litige entre les époux X. et la société IFB était déjà noué lorsque la transaction a été conclue, laquelle portait sur l'ensemble des opérations qu'elle rappelait et était précisément destinée, au moyen de concessions réciproques et équilibrées entre les parties, à donner à ce litige la fin qu'elle comportait. Cette transaction n'était ainsi nullement contraire aux dispositions invoquées, et est opposable à ses signataires entre lesquels elle a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort conformément aux dispositions de l'article 2052 du Code civil ».

2/ « La transaction prévoyait qu'en cas de non-respect de leurs engagements, les époux X. s'exposaient au paiement d'une clause pénale irrévocablement fixée à la somme de 50.000 euros. Une telle stipulation n'est pas en soi prohibée par les dispositions de l'article 1229 alinéa 2 du code civil, qui ne sont pas d'ordre public. Elle aurait pu en revanche être analysée comme abusive au sens de l'article R. 132-2-3° du code de la consommation, si elle n'était susceptible de la modération permise par le second alinéa de l'article 1152 du code civil. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 3 MAI 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/02190. Arrêt n° 214/2016.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Xavier BEUZIT, Président, M. Marc JANIN, Conseiller, entendu en son rapport, Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER : Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 23 février 2016

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 3 mai 2016 par mise à disposition au greffe, délibéré prorogé le 5 avril 2016, date indiquée à l'issue des débats

 

APPELANTS :

M. X.

né le [date] à [adresse], Représenté par Maître Nolwenn G., Postulant, avocat au barreau de RENNES et par Maître Anne B., plaidant, avocat au barreau de TARBES

Mme Y. épouse X.

née le [date] à [adresse], Représentée par Maître Nolwenn G., Postulant, avocat au barreau de RENNES et par Maître Anne B., plaidant, avocat au barreau de TARBES

 

INTIMÉE :

SAS IFB

Représentée par Maître Jacqueline B. de la SCP B. - C., avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

M. X. et Mme Y. épouse X., demeurant à [ville P.], ont, en vue de réaliser des investissements de rapport bénéficiant d'avantages fiscaux, acquis entre 2007 et 2009 divers biens et droits immobiliers auprès de la société Akerys Promotion par l'intermédiaire de la société de IFB France, qui assurait la commercialisation des programmes.

Ils ont ainsi, le 30 mai 2009, signé un contrat de réservation auprès de la société Evertel Promo pour l'acquisition du lot n° 22, un logement de deux chambres avec salle d'eau et wc, d'un ensemble immobilier de type résidence hôtelière situé [...], puis, par un acte du 30 septembre 2009, consenti à la société Everhotel Gestion un bail commercial portant sur ce bien moyennant un loyer annuel de 3 498,50 euros.

La vente a été conclue en l'état futur d'achèvement par acte reçu en la forme authentique par Maître Christophe F., notaire à [ville C.], le 12 octobre 2009, pour un prix de 91.176 euros, financé au moyen de deux prêts souscrits par les époux X. auprès de la Caisse de crédit mutuel de Tarbes, et assurés pour les risques décès-perte d'autonomie auprès de la société ACM Vie ; la livraison était prévue au plus tard à la fin du dernier semestre 2009.

Les époux X. ont réglé divers appels de fonds pour un montant total de 95.967,20 euros, jusqu'au 9 juillet 2010 ; le bien a été effectivement livré le 30 juillet 2010, et son exploitation commerciale a débuté le 16 août 2010.

Un protocole transactionnel a été signé les 10 mai, 30 mai et 6 juin 2011 entre les époux X. et les sociétés IFB et Akerys Promotion par lequel, au titre des concessions réciproques, ces sociétés acceptaient le principe, et en en assumant tous les frais, d'une résolution amiable de la vente de l'un des autres biens acquis par les époux X., lesquels renonçaient quant à eux à engager toutes actions ou instances à l'encontre de ces sociétés du fait de l'achat, du financement ou de la détention des investissements locatifs visés ; ce protocole prévoyait une indemnité de 50.000 euros à la charge des époux X. et au profit des sociétés IFB et Akerys Promotion dans l'hypothèse d'une violation de ses dispositions.

Les époux X. ont réclamé à la société Evertel Promo le remboursement des intérêts intercalaires réglés pendant la période correspondant au retard de livraison, ainsi que celui de la somme de 4.791,20 euros représentant l'excédent de fonds appelés par rapport au prix d'acquisition, et le paiement d'une indemnité égale aux loyers non perçus pour la même période.

La société Evertel Promo a été placée en redressement judiciaire ; les époux X. ont déclaré leur créance au titre des loyers non payés.

Ils ont, en mai, juin et août 2012, assigné la société Evertel Promo, la société IFB, Maître F. et la société notariale F. et associés, le Crédit mutuel et la société ACM Vie devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc pour voir prononcer la nullité du contrat de réservation et de l'acte de vente et condamner aux restitutions, résolutions, indemnisations et garanties subséquentes.

Par jugement du 16 décembre 2014, le tribunal a :

- dit irrecevable l'action des époux X. à l'encontre de la société IFB France,

- condamné solidairement, les époux X. à payer à cette société la somme de 5.000 euros au titre de la clause pénale stipulée dans la convention de transaction des 10 et 30 mai 2011,

- condamné les époux X. à payer à la société IFB France la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné les époux X. aux entiers dépens de la société IFB France, avec application de l'article 699 du même code,

- pour le surplus, constaté l'interruption de l'instance par l'effet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Evertel Promo,

- enjoint aux époux X. d'attraire à la cause le mandataire liquidateur de la société Evertel Promo afin de permettre la reprise de l'instance,

- sursis à statuer sur les demandes des époux X., de Maître F., de la société notariale F. et associés, du Crédit mutuel et de la société ACM Vie jusqu'à la reprise de l'instance,

- dit qu'à défaut de reprise de l'instance dans un délai de six mois à compter du jugement, l'affaire sera radiée du rôle,

- invité les époux X. à justifier, le cas échéant, de leur déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Evertel Promo,

- sursis à statuer sur les dépens et frais non compris en ceux-ci, sous réserve de ce qui a été jugé pour la société IFB.

Les époux X. ont interjeté appel de ce jugement le 16 mars 2015 ; ils ont intimé la société IFB.

Par conclusions du 9 juin 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, ils demandent à la cour :

- de réformer le jugement déféré,

- à titre principal, de prononcer la nullité de la clause de renonciation inscrite dans le protocole transactionnel en date du 10 mai 2011 ou du moins, de la voir déclarer inopposable, comme étant une clause abusive, sur le fondement des articles R. 131-1 et R. 132-2-1 du code de la consommation et, en l'absence de différend entre les parties, en application de l'article 2048 du code civil, et dire et juger recevable l'action engagée par eux,

- à titre subsidiaire, de dire que la société IFB ne peut solliciter l'application de la clause pénale conformément aux articles 1228 et 1229 du Code civil et la débouter de toutes demandes à ce titre,

- à titre plus subsidiaire, de réduire la clause pénale à l'euros symbolique en application de l'article 1152 du Code civil,

- de condamner la société IFB à leur payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de les condamner aux entiers dépens.

Par conclusions du 31 juillet 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, la société IFB demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit l'action engagée par les époux X. contre elle irrecevable,

- de le réformer quant à l'application de la clause pénale et de condamner les époux X. au paiement de la somme de 50.000 euros à ce titre,

- de les condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de les condamner aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 19 janvier 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR :

Si les époux X. ont formé un appel général contre le jugement, dont la connaissance est ainsi dévolue en entier à la cour, ils n'ont intimé que la société IFB, et les autres parties de première instance n'interviennent pas.

Le débat devant la cour porte exclusivement sur les effets de la transaction intervenue entre les époux X. d'une part, et la société IFB et la société Akerys Promotion d'autre part, dans les rapports entre les époux X. et la société IFB France, dont cette dernière soutient qu'elle a privé ceux-ci de leur droit d'action contre elle, et qu'elle les oblige au contraire à l'indemniser de la somme convenue.

Les autres dispositions du jugement déféré, non contestées, seront confirmées.

 

Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de la société IFB France :

Le tribunal a jugé l'action des époux X. irrecevable par l'effet de la transaction intervenue entre la société IFB et eux-mêmes.

Les parties ont en effet, par acte signé le 10 mai 2011 par les époux X., et le 30 mai 2011 par la société IFB France, une transaction visant les diverses acquisitions faites par les époux X. « auprès des sociétés Akerys Promotion et/ou par l'intermédiaire de la société de commercialisation IFB France », entre 2007 et 2009, « à savoir :

- Fougères à [ville S.],

- Parc de l'E.,

- K. N.,

- LMNP L'auberge de L. : Résidence hôtelière,

- LMNP Les grands prés : Résidence ».

Il y était convenu que, au titre des concessions faites par elles, la société IFB France, avec la société Akerys Promotion, acceptaient « le principe d'une résolution amiable » de la vente en date du 27 décembre 2007, qui concernait le bien dépendant de la copropriété des Fougères à [ville S.], et s'engageait, outre les restitutions qu'elle impliquait, « à prendre en charge tous les frais occasionnés par cette résolution », y compris les frais d'acte authentique et « les indemnités dues au titre du remboursement anticipé du... prêt » contracté pour cette acquisition.

Pour leur part, et au titre des concessions consenties par eux, les époux X. renonçaient « pour l'avenir à engager une quelconque action ou instance à l'encontre de la société IFB France, de la société Akerys Promotion et de toute autre société du groupe Akerys, du fait de l'achat, du financement ou de la détention des investissements locatifs ci-dessus visés ».

Les époux X. soutiennent que cette transaction est contraire aux dispositions d'ordre public des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives.

Ces dispositions visent à interdire, dans le cadre d'un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur, une clause qui, en privant a priori le non-professionnel ou le consommateur de son droit à réparation du préjudice subi par lui en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque des obligations contractées, aurait pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à ce contrat.

Mais, tel n'est pas le cas en l'occurrence, puisque le contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre les époux X. et la société IFB, ou la société Akerys Promotion, ne prévoyait aucune exclusion de droits ou actions contre celles-ci en cas de retard dans l'exécution par elles de leurs obligations, notamment de livraison du bien de Loudéac.

Et les dispositions légales et réglementaires précitées ne sauraient ôter ses effets normaux à la transaction prévue de manière générale par l'article 2044 du Code civil pour terminer une contestation.

Or, il est constant, au regard des courriers adressés par M. X. dès le 17 novembre 2010 à la société Evertel Promo et à la société « IFB Patrimoine » pour réclamer le remboursement des intérêts intercalaires et l'indemnisation des pertes de loyers consécutives au retard de livraison, que le litige entre les époux X. et la société IFB était déjà noué lorsque la transaction a été conclue, laquelle portait sur l'ensemble des opérations qu'elle rappelait et était précisément destinée, au moyen de concessions réciproques et équilibrées entre les parties, à donner à ce litige la fin qu'elle comportait.

Cette transaction n'était ainsi nullement contraire aux dispositions invoquées, et est opposable à ses signataires entre lesquels elle a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort conformément aux dispositions de l'article 2052 du Code civil.

Dès lors, c'est par une juste application de l'article 122 du Code de procédure civile que le tribunal a déclaré les époux X. irrecevables en leur action à l'encontre de la société IFB.

 

Sur l'application de la clause pénale :

La transaction prévoyait qu'en cas de non-respect de leurs engagements, les époux X. s'exposaient au paiement d'une clause pénale irrévocablement fixée à la somme de 50.000 euros.

Une telle stipulation n'est pas en soi prohibée par les dispositions de l'article 1229 alinéa 2 du code civil, qui ne sont pas d'ordre public.

Elle aurait pu en revanche être analysée comme abusive au sens de l'article R. 132-2-3° du code de la consommation, si elle n'était susceptible de la modération permise par le second alinéa de l'article 1152 du code civil.

Mais elle l'est ; et c'est également à juste titre que le tribunal a jugé manifestement excessif le montant de la pénalité prévue au contrat par rapport au préjudice effectivement subi par la société IFB pour avoir dû se défendre en justice de l'action engagée contre elle par les époux X. en dépit de leur renonciation à pouvoir le faire.

Le jugement doit ainsi être également confirmé en ce qu'il a réduit le montant de cette pénalité à 5.000 euros.

Le jugement le sera encore en ses dispositions sur les dépens de première instance et les frais non compris en ceux-ci.

S'agissant des frais et dépens de l'instance d'appel, il convient de condamner les époux X. à payer à la société IFB la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec la faculté de recouvrement direct prévue par l'article 699 du même code.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Après rapport fait à l'audience ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant, condamne in solidum, M. X. et Mme Y., épouse X., à payer à la société IFB la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M. X. et Mme Y., épouse X., aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT