CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 8 juin 2016

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 8 juin 2016
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 14/02183
Date : 8/06/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/03/2014
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5648

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 8 juin 2016 : RG n° 14/02183

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est bien évident que le professionnel sait parfaitement, en fonction de la date du devis et du calendrier des travaux prévus avec ses clients, quels plants seront disponibles en fonction de la saison considérée. Alors qu'il reconnaît lui-même [qu’il] dispose de plusieurs fournisseurs, il lui appartient de s'organiser et de leur passer commande en temps utile pour satisfaire ses clients. Il est bien évident qu'une telle clause qui permet de substituer des plants moins onéreux à ceux prévus permet au professionnel, sous couvert d'une pseudo indisponibilité, d'imposer ses propres choix à moindre frais au client profane.

C'est à bon droit que le premier juge, en relevant que cette clause confère au vendeur professionnel une prérogative dépendant de sa seule volonté et qui ne trouve sa contrepartie dans aucun avantage consenti à l'acheteur consommateur, l'a qualifiée de potestative, dépourvue de cause juste et abusive pour la dire non écrite. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 8 JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/02183. Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 JANVIER 2014, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 11/02936.

 

APPELANTE :

EURL DE T.

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège, représentée par Maître Sandy R. de la SCP R./D./D., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

de nationalité Française, représenté par Maître Pierre C. de la SELARL C. ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Y. épouse X.

de nationalité Française, représentée par Maître Pierre C. de la SELARL C. ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 avril 2016

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 MAI 2016, en audience publique, Madame Chantal RODIER ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, Madame Chantal RODIER, Conseiller, Madame Martine ROS, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mireille RANC

ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Mme Mireille RANC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon devis en date du 6 octobre 2007, d'un montant de 30.164,25 euros, l'EURL de T. réalisait chez les époux X.-Y. un chantier paysagiste, prévoyant les végétaux et le système d'arrosage, et précisant notamment que les végétaux fournis et plantés par l'entreprise sont couverts d'une garantie de reprise d'une durée d'un an.

Plusieurs factures intermédiaires ont été émises et réglées sans délai. Le règlement de la dernière facture, émise après la fin des travaux pour un montant de 4.524,63 euros était immédiatement encaissé par l'entreprise.

Au total, les consorts X.-Y. ont réglé la somme de 32.406,04 euros, soit un dépassement de 2.241,79 euros relativement au devis initial.

Constatant que les travaux réalisés ne correspondaient pas aux stipulations contractuelles, tant qualitativement que visuellement, Madame Y. mettait en demeure le 25 septembre 2009 l'entreprise de T., de mettre fin aux désordres.

Par courrier du 13 octobre 2009, Monsieur de T. déniait toute responsabilité dans les dommages subis, en réfutant les points évoqués dans la mise en demeure.

A la demande de l'assureur des époux X.-Y., Monsieur G. était missionné pour réaliser une expertise.

Dans son rapport en date du 22 décembre 2009, il relevait tout d'abord un problème d'ordre financier relatif à l'établissement du devis et des factures dont la discordance empêche toutes vérifications de conformité des travaux et des fournitures concernant notamment :

* le prix unitaire des plantations et leur quantité effective ainsi

* la longueur des conduites d'irrigation

* les matériaux utilisés, et empêche toute vérification conformité avec le devis et par conséquent d'apprécier la conformité des travaux réalisés.

Il constatait en outre des désordres techniques, à savoir :

* l'inadaptation de l'installation d'arrosage,

* la nette insuffisance des temps d'arrosage proposés,

* le caractère inopportun des choix des plantations,

* une livraison de plantations non conforme à la quantité prévue au devis,

* le défaut d'apport de terre végétale pour l'ensemble des plantations, alors que le professionnel avait une connaissance obligée de la nature argileuse du sol.

L'expert concluait à la violation de l'obligation de résultat ;

À la requête de Monsieur X. et Madame Y., le juge des référés ordonnait une expertise judiciaire par ordonnance du 17 juin 2010, désignant Monsieur T. pour y procéder.

Par acte d'huissier en date du 11 mai 2011, Monsieur X. et Madame Y. ont fait délivrer assignation à l'EURL de T. devant le tribunal de grande instance de Montpellier, aux fins d'obtenir, en lecture du rapport d'expertise judiciaire et sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la condamnation de cette dernière à les indemniser de leurs préjudices, soit :

- 6.974 euros au titre de la remise en état

- 6.697,50 euros au titre du préjudice matériel et de jouissance,

- 2.000 euros au titre du préjudice moral

- 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

et à régler les dépens.

Par jugement contradictoire en date du 13 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Montpellier, au visa des articles 1131 et 1147 du code civil et de l'article L. 132-1 du code de la consommation, a :

Déclaré nulle et non écrite la clause du devis litigieuse suivante : « les végétaux prévus dans le présent devis pourront être amenés à être remplacés par d'autres de tailles et variété se rapprochant le plus, suivant la disponibilité »

Condamné l'EURL de T. à payer aux consorts X. :

- la somme de 15.671,46 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- celle de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné l'EURL de T. aux dépens, comprenant ceux du référé expertise n° 10/030897,

Rejeté toute autre demande.

 

APPEL

L'EURL de T. a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 21 mars 2014.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2016.

* * *

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de l'EURL de T. en date du 18 juin 2014, auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et demandant à la cour d 'infirmer la décision et statuant à nouveau de :

- juger n'y avoir lieu à une indemnisation à hauteur de 4.974 euros au titre des travaux de reprise

- juger que le préjudice financier au titre des travaux facturés mais n'en accomplit ne peut au plus que ressortir à la somme totale de 3.923,9 euros

- jugé qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun préjudice moral et de jouissance alors que leur jardin croit de manière satisfaisante et que le litige porte sur la restitution de sommes encaissées pour des travaux n'en accomplis,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

* * *

Vu les dernières conclusions en date du 26 novembre 2014 de Monsieur C. X., agissant en son nom et pour le compte de Madame Y. épouse X., décédée, et Madame L. X., en sa qualité d'héritière de Madame Y. épouse X., auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et demandant à la cour de :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Condamner l'appelante aux dépens et au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur la clause du devis jugée abusive :

L'appelante conteste le caractère abusif ou purement potestatif de la clause contractuelle litigieuse citée au dispositif du jugement, en faisant valoir que la disponibilité des plants est fonction de la saison, de leur croissance et des approvisionnements des fournisseurs du paysagiste sur lesquels ce dernier n'a pas de maîtrise, alors qu'il n'est pas démontré en quoi cette clause conférerait un avantage au professionnel au détriment du consommateur.

Il est bien évident que le professionnel sait parfaitement, en fonction de la date du devis et du calendrier des travaux prévus avec ses clients, quels plants seront disponibles en fonction de la saison considérée. Alors qu'il reconnaît lui-même [qu’il] dispose de plusieurs fournisseurs, il lui appartient de s'organiser et de leur passer commande en temps utile pour satisfaire ses clients. Il est bien évident qu'une telle clause qui permet de substituer des plants moins onéreux à ceux prévus permet au professionnel, sous couvert d'une pseudo indisponibilité, d'imposer ses propres choix à moindre frais au client profane.

C'est à bon droit que le premier juge, en relevant que cette clause confère au vendeur professionnel une prérogative dépendant de sa seule volonté et qui ne trouve sa contrepartie dans aucun avantage consenti à l'acheteur consommateur, l'a qualifiée de potestative, dépourvue de cause juste et abusive pour la dire non écrite.

Le moyen sera en voie de rejet et le jugement confirmé sur ce point.

 

Sur les désordres constatés et la responsabilité contractuelle du professionnel :

Le rapport d'expertise, réalisé au contradictoire des parties, procédant à une analyse objective des données de fait de la cause, à une étude complète et détaillée des questions posées dans sa mission, retenant des conclusions sérieusement motivées par des arguments techniques et ayant répondu aux dires des parties, doit servir sur le plan technique de support à la décision relativement au litige opposant les parties.

L'expert relève comme cause des désordres imputables à l'EURL de T. :

- une mauvaise préparation initiale du sol avec la réutilisation de terres du sous-sol et une absence de fumure minérale avant plantations.

- une non vérification du plan de l'arrosage automatique par rapport aux exigences des végétaux plantés.

L'expert précise que le lotissement dans lequel se situe le jardin a été établi sur un ancien vignoble. Le terrain est de nature très argilo-calcaire. Des traitements herbicides y ont été appliqués durant des années. Ces substances ont une très forte persistance dans les sols, ce qui explique certains problèmes de reprise des végétaux et d'absence d'adventices.

Lors de la construction du bâtiment la terre a été excavée et stockée sur place. Monsieur de T. nous a montré, en réunion contradictoire, une photographie qu'il a prise avant ces travaux et sur laquelle on relève une masse importante de terres de sous-sol stocké sur la parcelle. Cette terre de fonds, très argileuse et polluée, a été réparti sur le jardin et nivelée avant les plantations d'ornement de 2007-2008. L'utilisation de cette terre du sous-sol (terre stockée en tas comme cela est indiqué sur la facture 2007/23) n'est pas conforme aux bonnes pratiques horticoles et est, à notre sens, la source majeure des problèmes rencontrés pour la reprise des plantations réalisées.

La cour retient avec l'expert que, s'agissant de la source majeure des problèmes rencontrés, l'entreprise horticole, en sa qualité de professionnel, avait une connaissance obligée de la nature du terrain argileuse, calcaire et polluée en profondeur par des années de pratique de pesticides.

Avant de proposer aux époux X. d'étendre la terre de fonds polluée, stockée à côté de leur maison, et de la niveler, l'entreprise horticole aurait dû les avertir des conséquences sur la difficulté de reprise des végétaux qui y seraient plantés. Il lui appartenait à minima de faire pratiquer une analyse des sols et de proposer des correctifs. En effet, même s'il relève que du compost été livré selon deux factures remises, l'expert reproche une absence d'analyse préalable physique organique de la Terre pour décider des corrections et amendements à apporter.

Elle a commis une faute qui engage sa responsabilité contractuelle. Ce défaut de conseil et cette utilisation de terre polluée a généré un trouble de jouissance pour les clients pendant les premières années et surtout l'année suivant les travaux de création du jardin.

L'expert relève également dans les éléments polluants, l'utilisation de traverses SNCF, alors qu'un arrêté du 2 juin 2003interdit la mise sur le marché à destination du public de bois traité à la créosote.

Peu importe qu'il s'agisse d'un jardin privé et non d'un lieu public, c'est la mise sur le marché à destination du public qui est interdite à raison du caractère polluant de ces matériaux. Dès lors un professionnel ne pouvait les acquérir ni les utiliser dans une prestation à caractère commercial.

 

Sur la discordance financière entre le devis et les factures analysées par l'expert :

L'expert retient que les obligations contractuelles du devis n'ont pas été respectées par l'EURL de T. :

- facturation non précise, notamment absence de quantité,

- surfacturation par rapport au devis sans information écrite préalable des clients, alors que le devis précisait que toute modification ou complément de vos donnés lieux à un ordre de service préalable [N.B. conforme à la minute Jurica]

- les différentes factures établies ne comportent pas les quantités et se limite à la reprise des sommes globales du devis initial alors que des modifications de quantité ont été faites notamment pour les plantations.

Le jugement sera confirmé sur les fautes retenues comme engageant là encore la responsabilité du professionnel.

 

Sur les préjudices :

* L'expert évalue au point 9 de son rapport, à la somme de 6.974 euros, les travaux nécessaires pour remédier aux désordres, mettre la réalisation en conformité avec les prescriptions en la matière :

- réalisation de deux analyses de sols (physiques éléments fertilisants)

- retrait des traverses traitées à la créosote et remplacement par des bordures en béton,

- réfection de la partie prairie,

- remplacement des plantes mortes,

- intervention sur l'arrosage intégré,

- renforcement du dispositif d'arrosage.

* L'expert évalue au point 11 de son rapport à la somme de 6.697,50 euros les préjudices résultants d'un manquement de qualité de travaux réalisés, plantations non réalisées ou mauvaises reprises, arrosage mal adapté, surfacturation :

- majoration entre le devis et les factures sans justificatif pour un montant de 2.241 euros

- asperseur non posé

- regard fluvial non posé

- gazon zoysia en plaque : surface non posée mes facturée

- verveines : 200 non plantés

- lippias : 450 non plantés.

Le jugement sera confirmé sur l'indemnisation de ces préjudices parfaitement justifiés et pour lesquels l'appelante n'apporte aucune critique utile du jugement ou de l'expertise.

* Par ailleurs, le premier juge a justement estimé à la somme de 2.000 euros l'indemnisation du préjudice moral et de privation de jouissance du jardin, notamment à raison de l'utilisation de la terre de fonds polluée, source principale de la difficulté de reprise des végétaux pendant une à plusieurs années.

En définitive, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

L'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera augmentée de celle de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'appelante qui succombe supportera les dépens de l'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Vu les dispositions des articles 1131, 1134 et 1147 du code civil et celles de l'article L. 132-1 du code de la consommation,

Vu le rapport d'expertise judiciaire et les pièces produites,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne L'EURL de T. à payer à Monsieur C. X., agissant en son nom et pour le compte de Madame Y. épouse X., décédée, et Madame L. X., en sa qualité d'héritière de Madame Y. épouse X., ensemble, la somme complémentaire de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne L'EURL de T. aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT