CA RENNES (2e ch.), 10 juin 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5651
CA RENNES (2e ch.), 10 juin 2016 : RG n° 13/02529 ; arrêt n° 312/2016
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Or, il ressort de l'échange de courriers intervenu les 20 janvier, 30 janvier 10 février et 4 mars 2012 entre la société VCC et le conseil des époux X. que ceux-ci se sont bien efforcés de parvenir à un accord amiable par médiation en demandant à la partie adverse de proposer plusieurs médiateurs ainsi que les modalités de règlement de ses émoluments, et en l'invitant à formuler une proposition de règlement du litige. D'autre part, l'interprétation de cette clause, rendue nécessaire par l'ambiguïté de sa rédaction, conduit la cour à constater que les parties n'avaient pas fait de l'inobservation du préalable de médiation une fin de non recevoir, seuls étant exigés des efforts en vue de la désignation d'un médiateur, effectivement fournis par les époux X. avant que ceux-ci ne délivrent leur assignation du 22 mai 2012. »
2/ « Est abusive, une telle clause qui laisse croire au consommateur que le vendeur professionnel peut, lors de la commande d'un nouveau véhicule, proposer un prix de reprise du véhicule ancien sur la base de simples déclarations de l'acquéreur et sans examiner le véhicule à reprendre, puis imposer, lors de la livraison du véhicule de remplacement, un prix de reprise différent au vu de l'état réel de ce véhicule tout en interdisant au consommateur de renoncer à sa commande. Elle crée en effet un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, dès lors que l'offre de reprise est, pour l'acquéreur, un élément substantiel et déterminant de l'économie générale de l'opération de changement de véhicule que le vendeur professionnel peut modifier a posteriori en arguant du mauvais état de l'ancien véhicule, qu'il s'est dispensé d'examiner dès la commande, tout en exigeant la réalisation de la vente du nouveau véhicule, cette situation engendrant une exécution indûment défavorable au consommateur et significativement différente de celle à laquelle ce dernier pouvait légitimement s'attendre. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 10 JUIN 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/02529. Arrêt n° 312/2016.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, rédacteur, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,
GREFFIER : Madame Stéphanie LE CALVE, lors des débats et de Madame Marie-Claude COURQUIN lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 19 avril 2016
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 10 juin 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Société VILLAGE CAMPING CARS SAS
Représentée par Maître Guillaume B. de la SCP AVOCATSL. G./G./B./B., avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Madame X.
Représentée par Maître Jean-Paul R. de la SCP G.-R., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Vincent L., Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Monsieur X.
Représenté par Maître Jean-Paul R. de la SCP G.-R., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représenté par Maître Vincent L., Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Les époux X., propriétaires d'un camping-car acquis le 28 juillet 2007 auprès de la société Village Camping Cars (la société VCC), ont passé commande le 12 février 2011 auprès du même vendeur d'un nouveau camping-car de la collection 2011 au prix de 44.800 euros TTC, avec reprise de leur précédent véhicule pour une valeur estimée à 16.800 euros.
Cette commande a été modifiée :
- le 21 mai 2011, en faveur d'un modèle identique mais de la collection 2012 au prix de 46.122 euros TTC,
- puis le 17 octobre 2011, en faveur d'un autre modèle de camping-car vendu au prix de 42.160 euros TTC,
avec, à l'occasion de chacune de ces commandes modificatives, maintien des conditions de reprise du précédent camping-car.
Le 31 octobre 2011, les époux X. prenaient livraison de leur nouveau camping-car qui leur a été facturé 42.160 euros TTC, outre 294,50 euros de carte grise et 248 euros de prestation de mise en route, mais le vendeur n'a, au vu de l'état du précédent véhicule, accepté de reprendre celui-ci que moyennant une déduction de 4.000 euros.
Contestant que cette modification des conditions de la reprise ainsi que la facturation des frais de mise en route, les époux X. ont, par acte du 22 mai 2012, fait assigner la société VCC en paiement devant le tribunal de grande instance de Rennes.
Par jugement du 12 février 2013, le premier juge a :
- condamné la société VCC au paiement de la somme de 12.800 euros au titre du complément de prix de reprise du véhicule,
- débouté les époux X. du surplus de leur demande,
- condamné la société VCC au paiement d'une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société VCC a relevé appel de cette décision le 8 avril 2013, en demandant à la cour de :
- à titre principal, déclarer l'action des époux X. irrecevable en raison du non-respect de la clause de médiation préalable,
- à titre subsidiaire, débouter les époux X. de leurs demandes,
- à titre reconventionnel, condamner les époux X. au paiement des sommes de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux X. aux entiers dépens.
Les époux X. ont relevé appel incident, en demandant à la cour de :
- déclarer leur action recevable,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société VCC au paiement de la somme de 12.800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2012, ainsi que d'une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société VCC au paiement de la somme de 248 euros en remboursement de la prestation de mise en route du véhicule,
- condamner la société VCC au paiement des sommes de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société VCC aux dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il sera fait référence aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société VCC le 3 avril 2014, et pour les époux X. le 3 juin 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Les époux X. ont signé les bons de commande successifs valant contrat de vente en reconnaissant expressément avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso.
Aux termes de l'article 10 de ces conditions générales, « en cas de litige portant sur la conclusion ou l'exécution du présent bon de commande ainsi que le cas échéant, sur la conclusion ou l'exécution de la reprise du véhicule ou de l'habitat de loisirs, les parties s'efforceront, avant d'engager une procédure contentieuse, de parvenir à un accord amiable avec l'aide d'un médiateur qu'elles désigneront conjointement ».
Or, il ressort de l'échange de courriers intervenu les 20 janvier, 30 janvier 10 février et 4 mars 2012 entre la société VCC et le conseil des époux X. que ceux-ci se sont bien efforcés de parvenir à un accord amiable par médiation en demandant à la partie adverse de proposer plusieurs médiateurs ainsi que les modalités de règlement de ses émoluments, et en l'invitant à formuler une proposition de règlement du litige.
D'autre part, l'interprétation de cette clause, rendue nécessaire par l'ambiguïté de sa rédaction, conduit la cour à constater que les parties n'avaient pas fait de l'inobservation du préalable de médiation une fin de non recevoir, seuls étant exigés des efforts en vue de la désignation d'un médiateur, effectivement fournis par les époux X. avant que ceux-ci ne délivrent leur assignation du 22 mai 2012.
Leur action est donc recevable.
Par ailleurs, l'article 8 des conditions générales de vente relatif à la reprise du véhicule est ainsi conçu : « Le prix de reprise proposé par le vendeur est déterminé en considération de la description du véhicule, habitat ou équipement de loisirs, précisée dans les conditions particulières du présent bon de commande, et le cas échéant de l'état descriptif annexé à celui-ci. Cette description est une condition essentielle de l'engagement de reprise. Sauf déclaration expresse du propriétaire du véhicule ou de l'habitat de loisirs ancien dont la reprise est prévue, celui-ci est réputé en bon état d'entretien, conforme aux règles de sécurité et est accompagné d'un certificat de contrôle technique daté de moins de trois mois s'il s'agit d'un camping-car. Dans le cas où la visite technique du véhicule serait pratiquée après la fixation du prix de reprise, les frais de remise en état consécutifs à cette visite seront à la charge du client. Lorsque le prix de la reprise du véhicule, de l'habitat ou de l'équipement de loisirs ancien a été déterminé sur la seule base de 1'état descriptif établi par le client et qu'au moment de la livraison du véhicule, de l'habitat ou de l'équipement de loisirs ancien une remise en conformité s'avère nécessaire, le vendeur présentera un devis de remise en état au client. À défaut pour le client d'avoir, dans un délai de trois jours à compter de la présentation de ce devis, fait connaître son acceptation du devis de remise en état qui viendra en déduction du prix de reprise, il sera réputé faire sa propre affaire de la revente du véhicule et la convention de reprise sera résiliée de plein droit sans pour autant remettre en cause la commande ».
Est abusive, une telle clause qui laisse croire au consommateur que le vendeur professionnel peut, lors de la commande d'un nouveau véhicule, proposer un prix de reprise du véhicule ancien sur la base de simples déclarations de l'acquéreur et sans examiner le véhicule à reprendre, puis imposer, lors de la livraison du véhicule de remplacement, un prix de reprise différent au vu de l'état réel de ce véhicule tout en interdisant au consommateur de renoncer à sa commande.
Elle crée en effet un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, dès lors que l'offre de reprise est, pour l'acquéreur, un élément substantiel et déterminant de l'économie générale de l'opération de changement de véhicule que le vendeur professionnel peut modifier a posteriori en arguant du mauvais état de l'ancien véhicule, qu'il s'est dispensé d'examiner dès la commande, tout en exigeant la réalisation de la vente du nouveau véhicule, cette situation engendrant une exécution indûment défavorable au consommateur et significativement différente de celle à laquelle ce dernier pouvait légitimement s'attendre.
En conséquence, la clause litigieuse sera réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
C'est dès lors sans aucun fondement que la société VCC, qui s'était engagée à reprendre l'ancien camping-car des époux X. moyennant un prix de 16.800 euros à déduire du prix de vente du nouveau véhicule, n'a finalement consenti qu'à une déduction de 4.000 euros.
Pour ces motifs ainsi que ceux, non contraires, du premier juge, le jugement attaqué a donc à juste titre condamné la société VCC au paiement de la somme de 12.800 euros, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2012.
C'est de même par de pertinents motifs que le tribunal de grande instance a rejeté les demandes accessoires des époux X. en remboursement de la somme de 248 euros et en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Il serait en revanche inéquitable de laisser à leur charge de l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de la procédure d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il leur sera alloué une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare abusive la clause de reprise de véhicule figurant à l'article 8 des conditions générales de vente ;
Dit qu'elle est réputée non écrite ;
Confirme le jugement rendu le 12 février 2013 par le tribunal de grande instance de Rennes en toutes ses dispositions ;
Condamne la société Village Camping Cars à payer aux époux X. une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Village Camping Cars aux dépens d'appel.
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