5765 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Clauses supprimées avant l’action - Droit postérieur à la loi du 17 mars 2014
- 5755 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Principes généraux
- 5763 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Présentation générale
- 5764 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Clauses supprimées avant l’action - Droit antérieur à la loi du 17 mars 2014
- 5753 - Code de la consommation - Régime de la protection - Groupe de consommateurs - Action en représentation conjointe
- 5754 - Code de la consommation - Régime de la protection - Groupe de consommateurs - Action de groupe
- 5767 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Clauses supprimées en cours d’instance - Droit postérieur à la loi du 17 mars 2014
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5765 (10 juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME
ACTION D’UNE ASSOCIATION DE CONSOMMATEURS - CONDITIONS
SUPPRESSION VOLONTAIRE DES CLAUSES PAR LE PROFESSIONNEL - CLAUSES SUPPRIMÉES OU MODIFIÉES AVANT L’INTRODUCTION DE L’ACTION - DROIT POSTÉRIEUR À LA LOI DU 17 MARS 2014
Présentation. En dépit de son caractère récent, la loi du 17 mars 2014 (A) a été modifiée à deux reprises en 2015 (B) et 2016 (C).
A. LOI DU 17 MARS 2014
Rappel du texte. Dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, l’ancien art. L. 421-6 C. consom. disposait « Les associations mentionnées à l'article L. 421-1 et les organismes justifiant de leur inscription sur la liste publiée au Journal officiel des Communautés européennes en application de l'article 4 de la directive 2009/22/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive précitée.
Le juge peut à ce titre ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur.
Les associations et les organismes mentionnés au premier alinéa peuvent également demander au juge de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés, et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés. »
Application dans le temps. L’ancien art. L. 421-6 C. consom. dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 est immédiatement applicable. CA Paris (pôle 2 ch. 2), 5 juin 2015 : RG n° 13/20479 ; arrêt n° 2015-149 ; Cerclab n° 5296, sur appel de TGI Paris, 9 juillet 2013 : RG n° 10/13976 ; Dnd - CA Paris (pôle 2 ch. 2), 5 juin 2015 : RG n° 13/20482 ; arrêt n° 2015-150 ; Cerclab n° 5294 (l’art. L. 421-6 C. consom. dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 est immédiatement applicable).
Analyse. Pour remettre en cause la jurisprudence antérieure déclarant l’action irrecevable lorsque la clause ou le modèle de contrats ont été modifiés avant l’assignation, il faudrait donner au nouvel alinéa 3 une fonction autonome.
Une telle interprétation semble cependant discutable. Il faut en effet noter que l’alinéa 3 précise bien que l’association peut « également » faire une telle demande, mais pour les contrats « identiques », ce qui ne peut viser que les contrats ou types de contrats déjà sanctionnés au titre de l’alinéa 2. Or, d’une part, l’alinéa 2 ne s’incrit que dans le cadre de l’alinéa 1er qui vise bien la « cessation » de tout agissement illicite, ce qui présuppose que cet agissement existe toujours à la date d’introduction de l’instance. D’autre part, l’alinéa 2 définit clairement l’objet de l’action en précisant que le juge peut ordonner la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat « proposé ou destiné au consommateur ». Or, par hypothèse, un contrat modifié avant l’assignation n’est plus proposé ni destiné au consommateur, quand bien même certains contrats seraient encore en cours d’exécution.
V. en ce sens implicitement : l’art. L. 421-6 C. consom. dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 étant immédiatement applicable, si le professionnel a procédé depuis l'assignation à la modification de certaines de ses conditions générales, l'association est recevable en ses prétentions, y compris celles relatives à des clauses qui ne seraient plus applicables aux bons de commande conclus à partir de 2012 ou de 2014, dès lors que leur suppression est postérieure à l'assignation et que ces clauses concernent des contrats de vente en cours lors de leur examen. CA Paris (pôle 2 ch. 2), 5 juin 2015 : RG n° 13/20482 ; arrêt n° 2015-150 ; Cerclab n° 5294 - CA Paris (pôle 2 ch. 2), 5 juin 2015 : RG n° 13/20479 ; arrêt n° 2015-149 ; Cerclab n° 5296, sur appel de TGI Paris, 9 juillet 2013 : RG n° 10/13976 ; Dnd. § V. aussi : l'introduction par la loi du 14 mars 2014 du dernier alinéa a conféré aux associations de consommateurs un nouveau droit d'agir en étendant leurs actions à des contrats qui ne seraient plus proposés ; dès lors même s'il s'agit d'une loi de procédure, la loi du 17 mars 2014 contient des règles de fond qui ne peuvent être immédiatement appliquées aux procédures en cours dès lors qu'elles sont de nature à modifier le périmètre du litige. Est en conséquence irrecevable la demande de l’association qui vise une version des conditions générales qui n’était plus en vigueur au jour de l'assignation, celle-ci n’étant pas fondée à solliciter le bénéfice d'un droit qu'elle n'avait pas lorsqu'elle a introduit la procédure. CA Grenoble (1re ch. civ.), 30 janvier 2018 : RG n° 15/02814 ; Cerclab n° 7420, confirmant TGI Grenoble (4e ch.), 27 avril 2015 : RG n° 12/04079 ; site CCA ; Cerclab n° 6998.
Rappr. : le dernier alinéa de l'art. L. 421-6 C. consom., ajouté par la loi du 17 mars 2014, n'a vocation à s'appliquer qu'aux clauses qui, bien que contenues dans un contrat qui n'est plus proposé, continuent à recevoir application. CA Paris (pôle 5, ch. 4), 3 décembre 2014 : RG n° 12/15519 ; Cerclab n° 4987 ; Juris-Data n° 2014-029879 (les premiers juges ont justement retenu que, l'action de l'association est sans objet en tant qu'elle porte sur un contrat qui n'est plus proposé aux consommateurs et n'était plus appliqué lors de l'introduction de l'instance devant le tribunal, de nouvelles clauses s'étant substituées aux clauses contestées), sur appel de TGI Paris, 19 juin 2012 : RG n° 09/16180 ; Dnd.
B. LOI DU 6 AOÛT 2015
Rappel du texte. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a semble-t-il souhaité résoudre les hésitations provoquées par la loi du 17 mars 2014. L’alinéa premier de l’ancien art. L. 421-6 n’a pas été modifié. En revanche, les alinéas 2 et 3 ont été modifiés :
« Le juge peut à ce titre ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat en cours ou non, proposé ou destiné au consommateur.
Les associations et les organismes mentionnés au premier alinéa peuvent également demander au juge de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés. »
Analyse. * Type de contrat abandonné. Si cette nouvelle rédaction permet sans aucun doute au juge d’examiner un contrat ou type de contrat proposé au moment de l’assignation, mais plus au moment où il statue, il est douteux qu’un type de contrat qui n’est plus proposé à la date de l’introduction de l’instance soit encore un agissement illicite qu’il faudrait faire cesser au sens de l’alinéa premier.
V. justifiant cette solution sur les principes généraux du Code de procédure civile : si la la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, modifiant l'ancien art. L. 421-6 C. consom., d'application immédiate, impose au juge d'examiner les clauses d'un contrat qui n'est plus proposé aux consommateurs (« peut ordonner la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat en cours ou non, proposé ou destiné au consommateur »), encore faut-il que l’association ait un intérêt actuel et légitime, au sens de l'art. 31 CPC, à faire sanctionner l'éventuel caractère abusif ou illicite de ces clauses. CA Grenoble (1re ch. civ.), 21 juin 2016 : RG n° 13/01940 ; Cerclab n° 5680, sur appel de TGI Grenoble, 8 avril 2013 : RG n° 10/03470 ; Dnd. § Cette condition n’est pas remplie pour les conditions générales d’un contrat d’assurance de téléphone mobile, qui du fait de ses modalités de reconduction, ne sont plus présentes dans aucun contrat. CA Grenoble (1re ch. civ.), 21 juin 2016 : RG n° 13/01940 ; Cerclab n° 5680 ; précité (contrat conclu pour un an, tacitement reconductible deux foix au maximum ; la version 07/09 n'étant plus utilisée depuis février 2011, aucun contrat ne demeure soumis à celles-ci depuis le mois de mars 2014 ; N.B. déclaration d’appel le 29 avril 2013).
* Contrats réels en cours d’exécution. La nouvelle rédaction soulève en revanche le point de savoir si la loi du 6 août 2015 permet à l’association de demander au juge, dans le cadre de l’alinéa 2 (et non 3), la suppression des clauses abusives ou illicites dans les contrats effectivement conclus avec des consommateurs et toujours en cours d’exécution. Une telle demande pourrait paraître curieuse hors la présence des consommateurs (V. ci-dessous) et il peut sembler maladroit ou ambigu d’associer le terme « contrat » (« dans tout contrat ou type de contrat en cours ou non »), aux termes « proposé ou destiné » au consommateur, alors qu’un contrat effectivement conclu n’entre pas, littéralement, dans ces deux situations. L’interprétation du texte nouveau est donc ici incertaine et cette incertitude n’a pas été apaisée, bien au contraire, par l’ordonnance du 14 mars 2016, qui pourrait être considérée sur ce point comme une loi interprétative.
C. ORDONNANCE DU 14 MARS 2016
Texte. L’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 a déplacé et restructuré le contenu de l’ancien art. L. 421-6 C. consom.
L’article L. 421-6 al 1er est devenu le nouvel art. L. 621-7 C. consom. sans changement notable (remplacement logique, bien que tardif, de la référence au « Journal officiel des Communautés européennes » par la mention « Journal officiel de l'Union européenne »).
Les alinéas 2 et 3 de l’ancien art. L. 421-6 C. consom. ont été insérés dans le nouvel art. L. 621-8 C. consom. Le nouveau texte dispose :
« Lorsqu'il est saisi en application de l'article L. 621-7, le juge peut ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur ou dans tout contrat en cours d'exécution.
Les associations et les organismes mentionnés à l'article L. 621-7 peuvent également demander au juge de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés. »
Analyse. Les raisons précédemment indiquées pour justifier l’impossibilité d’examiner les clauses d’un type de contrat abandonné avant l’assignation restent les mêmes dans le cadre de l’ordonnance de 2016. Sur ce point, il aurait été plus efficace de mettre en place un dispositif original et spécifique, précisant que lorsque le professionnel a modifié ses conditions entre la mise en demeure de l’asssociation (ce qui serait une manière indirecte d’inciter à celle-ci) et l’assignation, le juge peut néanmoins vérifier que les modifications suppriment effectivement le caractère abusif ou illicite reproché.
En revanche, la nouvelle rédaction renforce les hésitations d’interprétation relevées dans le cadre de la loi du 6 août 2015. Le nouveau texte autorise le juge à ordonner la suppression d'une clause illicite ou abusive « dans tout contrat en cours d'exécution », cette possibilité étant mise sur le même plan (« ou ») que la suppression « dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur ». Cette nouvelle rédaction pourrait donc inciter à une interprétation différente : le juge pourrait examiner les contrat ou type de contrat s’ils sont proposés ou destinés au consommateur à la date de l’introduction (voire à la date où il statue, V. Cerclab n° 5767) et, lorsque tel n’est pas le cas, l’agissement illicite (L. 621-7 C. consom.) n’existe plus au moment de l’assignation, mais il perdure pour les contrats effectivement conclus et encore en cours d’exécution à ce moment. Cette solution soulève toutefois une difficulté, en ce qu’elle autorise l’association à demander directement un effet se manifestant dans des contrats effectivement conclus par les consommateurs, alors que ceux-ci ne sont pas présents à l’instance, ce qui semble contourner les contraintes des actions de groupe (Cerclab n° 5754) ou des actions en représentation conjointe (Cerclab n° 5753).