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5763 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Présentation générale

Nature : Synthèse
Titre : 5763 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Présentation générale
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5763 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME

ACTION D’UNE ASSOCIATION DE CONSOMMATEURS - CONDITIONS

SUPPRESSION VOLONTAIRE DES CLAUSES PAR LE PROFESSIONNEL – PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

 Présentation. Même si cette phase préalable n’est pas obligatoire (V. Cerclab n° 5758), l’action en cessation intentée par les associations de consommateurs est en général (systématiquement sans doute, pour des raisons évidentes de coût de procédure) précédée d’échanges avec le professionnel. En pratique, l’association va demander la communication des conditions générales des contrats proposés ou destinés au consommateur. Après réception, elle va les analyser et mettre en demeure le professionnel de modifier ou supprimer certaines clauses de ces conditions qu’elle juge illicites ou abusives. Si le professionnel ne donne pas suite ou ne modifie que quelques unes des clauses signalées, l’association peut alors, le cas échéant, assigner le professionnel en justice sur le fondement, notamment, des art. L.621-7 et 8 C. consom. (anc. L. 421-6 C. consom.).

De la mise en demeure initiale jusqu’à la fin de la procédure, le professionnel garde à tout moment la possibilité de modifier ses conditions et, le cas échéant, d’imposer celles-ci aux contrats en cours (clause classique de modification unilatérale des conditions, V. Cerclab n° 6107 et n° 6111). Il reste dès à déterminer l’impact d’une modification volontaire de son contrat par le professionnel sur la procédure. Deux situations doivent être clairement distinguées.

* Modification avant l’assignation. Le professionnel peut tout d’abord, spontanément ou à la suite des échanges avec l’association, modifier son modèle contractuel avant même l’introduction de l’action en justice. Avant la loi du 17 mars 2014, la position majoritaire de la jurisprudence était de considérer qu’une assignation ultérieure de l’association était dans ce cas irrecevable faute d’objet (Cerclab n° 5764). La loi du 17 mars et des modifications législatives ultérieures ont modifié les termes du débat, sans nécessairement provoquer un changement de solution (Cerclab n° 5765).

* Modification en cours d’instance. Si le professionnel modifie ses conditions en cours d’instance, il est certain que l’assignation initiale était recevable. Toute la question est de savoir si le juge, au moment où il statue, peut continuer l’examen des conditions antérieures qui ne sont plus, au moins en théorie, proposées au consommateur. Dans des arrêts très discutés et qui n’ont pas été suivis par la totalité des décisions recensées, la Cour de cassation a imposé en la matière une solution très restrictive, en interdisant la poursuite de l’action pour le modèle abandonné, dès lors que, selon la Cour, l’action initialement recevable, était privée d’objet (Cerclab n° 5766). Compte tenu du fait que la Cour considérait par ailleurs que l’action en indemnisation des préjudices collectifs des consommateurs et du préjudice associatif de l’association étaient l’accessoire de cette action principale, les demandes en réparation de ces préjudices étaient également, par voie de conséquence, impossibles à poursuivre. Cette position très contestée a été brisée par la loi du 17 mars 2014, les modifications ultérieures ayant maintenu la solution en tentant de l’exprimer plus clairement. La Cour de cassation a fini par l’abandonner, y compris pour la période antérieure à la loi : Cass. civ. 1re, 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-18970 ; arrêt n° 496 ; Cerclab n° 6849, substituant ce motif de pur droit à celui de CA Paris (pôle 2 ch. 2), 17 octobre 2014 : RG n° 13/09619 ; Cerclab n° 4906 (arrêt semblant plutôt se fonder sur l’application immédiate de la loi du 17 mars 2014).

Analyse critique. Au préalable, il convient de regretter la mauvaise qualité des différents textes qui se sont succédés : la loi du 17 mars 2014 a dû être retouchée très rapidement en 2015 et l’ordonnance de 2016 a une nouvelle fois modifiée la matière de façon perfectible. En la matière, le législateur a manqué de pragmatisme, en se contentant d’édicter des normes très générales, sans prendre en compte les contraintes pratiques révélées par les décisions du fond (au surplus, la distinction entre la date de la modification au cours de la procédure pouvait peut-être relever d’un simple texte règlementaire). Ensuite, il est regrettable aussi qu’il ait fallu attendre une modification de grande ampleur (la loi du 17 mars 2014) pour résoudre une difficulté connue depuis une décennie.

Si le maintien de la possibilité d’examiner des conditions d’un contrat proposé au moment de l’assignation, mais modifées en cours d’instance, ne fait plus difficulté, la solution applicable aux modifications antérieures à l’assignation ne sont pas encore éclaircies. Il n’est pas sûr qu’une vision purement processuelle de la question soit suffisante. Le principe fondamental qu’il convient de faire respecter est que les clauses abusives ne doivent pas lier le consommateur (principe systématiquement rappelé par la CJUE sous l’angle du principe d’effectivité du droit de l’Union européenne). Dans cette perspective, la modification volontaire par le professionnel de ses conditions sous la pression de la demande d’une association est une pratique satisfaisante, plus rapide et moins coûteuse qu’une action en justice. Si la conséquence qu’on en tire, l’irrecevabilité de l’action, peut se justifier (cf. l’arrêt évoquant l’absence d’intérêt pour agir), elle n’épuise toutefois pas la question. L’effectivité n’est satisfaite qu’à plusieurs conditions : 1/ la preuve que seul le nouveau modèle est appliqué ; 2/ la preuve que la modification des conditions s’accompagne de la reconnaissance du caractère abusif des clauses antérieures, ce qui suppose que le professionnel utilise la faculté qu’il s’est réservé de mofifier unilatéralement ses conditions, pour remplacer l’ancienne version dans les contrats en cours et en informer le consommateur ; 3/ l’engagement de renoncer à l’utilisation des clauses illicites ou abusives modifiées. La pure irrecevabilité de l’action ne permet pas la vérification ou la réalisation de ces deux dernières conditions et, par exemple, il est permis de se demander s’il ne serait pas opportun de mettre en place un dispositif de donné acte, le cas échéant obligatoire et conditionnant l’irrecevabilité, qui constaterait ces engagements du professionnel.

Enfin, il convient de souligner les effets pervers de l’impossibilité de déclarer abusive une clause supprimée en cours d’instance par l’édition d’un nouveau modèle : si le professionnel réintroduit la clause illicite ou abusive dans une version ultérieure, l’association doit à nouveau agir (le cas échéant devant le juge de l’exécution). Pour une illustration emblématique de pratiques particulièrement condamnables : par une première décision, le TGI de Paris a condamné une clause illicite imposant des frais de recouvrement sans titre exécutoire (TGI Paris, 1re ch. sect. soc., 21 février 2006 : RG n° 04/02910 et 04/08997 ; jugt n° 2 ; site CCA ; Cerclab n° 4024, accès internet). En appel, la Cour d’appel de Paris a considéré que la clause avait été modifiée ou supprimée avant le jugement et n’a donc pas examiné son caractère abusif, ni rappelé la sanction dans son dispositif (CA Paris, 25e ch. B, 13 février 2009 : RG n° 06/06059 ; Cerclab n° 3145), mais la confirmation partielle du jugement rend celui-ci définitif. Le fournisseur d’accès a réintroduit la clause dans des versions ultérieures, ce qui a aboutit à une nouvelle demande de l’association jugée sans objet en raison de la suppression de la clause en cours d’instance : TGI Paris (1/4 soc.), 22 mars 2011 : RG n° 09/18791 ; site CCA ; Cerclab n° 4062 (1/ dans la mesure où la clause a été supprimée dans la dernière version, la demande en suppression de clause illicite est devenue sans objet ; 2/ l’association soulignait que le professionnel concerné avait déjà été condamné à supprimer cette clause par une décision du TGI de Paris du 21 février 2006, alors qu’il avait maintenu dans trois versions antérieures la stipulation permettant de réclamer des « frais de traitement et de gestion des impayés », le tribunal se contentant de répondre que, compte tenu de cette décision antérieure, le fournisseur ne serait nullement fondé à réclamer une telle perception).