CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

5812 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Principes : détermination de la date de conclusion du contrat

Nature : Synthèse
Titre : 5812 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Principes : détermination de la date de conclusion du contrat
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Imprimer ce document

 

CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5812 (16 septembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

PRÉSENTATION GÉNÉRALE - APPLICATION DE LA PROTECTION DANS LE TEMPS

CLAUSES ABUSIVES - PRINCIPES : DÉTERMINATION DE LA DATE DE CONCLUSION DU CONTRAT

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Présentation. Si le juge doit se référer à la loi en vigueur au moment de la conclusion du contrat, la détermination de cette date doit dans certains cas être précisée, notamment parce que le contrat conclu initialement a pu être modifié ou poursuivi, selon des modalités juridiques différentes.

Prorogation du contrat. Aucune décision recensée n’a eu l’occasion de trancher le point de savoir si, en cas de prorogation d’un contrat par report de son terme initial, la loi applicable reste celle de la conclusion du contrat ou si, compte tenu de la nature d’ordre public de la protection contre les clauses abusives, la loi en vigueur au moment de la prorogation doit être privilégiée, pour éviter que le report du terme du contrat ne soit utilisé pour tenter d’échapper à l’application d’une protection accrue contre les clauses abusives. Le nouvel art. 1213 C. civ. évoque pour la première fois la prorogation de contrat, en se contentant de réserver les droits des tiers : « Le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. La prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ». Or, une prorogation pourrait avoir pour effet d’éviter l’application de la protection d’ordre public contre les clauses abusives, lorsque le texte accroit la protection (situation rencontrée notamment pour le décret du 18 mars 2009) et qui incite très fortement à considérer que la prorogation est un nouvel accord de volontés qui ne peut échapper à la loi nouvelle (Cerclab n° 6134).

Tacite reconduction et renouvellement du contrat. En vertu d’une jurisprudence constante, le renouvellement ou la tacite reconduction d’un contrat correspondent à la conclusion d’un nouveau contrat (solution explicite désormais, dans les nouveaux art. 1214 et 1215 C. civ.) qui doit se voir appliquer la loi en vigueur au moment de cette reconduction ou de ce renouvellement. V. en ce sens, pour l’affirmation et l’application de la règle en dehors des clauses abusives : Cass. civ. 3e, 10 juin 1998 : pourvoi n° 96-15626 ; Bull. civ. III, n° 119 ; Dnd ; D. Affaires 1998. 1208, obs. Y. R. ; JCP 1998. I. 177, nos 6 s., obs. Billiau (application de l'art. 57 A de la L. du 6 juillet 1989, qui permet au preneur d'un bail à usage professionnel de donner congé à tout moment, à un congé donné pendant la période de tacite reconduction postérieurement à l’entrée en vigueur du texte) - Cass. com. 14 janvier 2003 : pourvoi n° 00-11781 ; Dnd ; Contr. conc. consom. 2003, n° 69 (nécessité de se conformer à l'obligation d'information résultant de l'art. 1er de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 pour un contrat reconduit tacitement après son entrée en vigueur) - Cass. civ. 3e, 27 septembre 2006 : pourvoi n° 05-18168 ; Bull. civ. III, n° 185 ; Dnd ; AJDI 2007. 204, obs. Rouquet ; Dr. et proc. 2007. 71, note Yildirim ; RDC 2007. 383, obs. Seube (la durée d’un bail d'habitation tacitement reconduit doit être fixée selon la législation applicable à la date de la reconduction) - Cass. civ. 3e, 13 juin 2007 : pourvoi n° 06-14.309 ; Bull. civ. III, n° 107 ; Dnd ; D. 2007. AJ 1872, obs. Forest ; AJDI 2008. 207, obs. Laporte-Leconte (détermination de la durée d'un bail d'habitation conclu par une personne morale sous l'empire de la loi de 1982 et reconduit tacitement jusqu'en 1998, compte tenu des changements de législations par des lois de 1986, 1989 et 1994).

Selon l'article 8, alinéa 2, du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, les dispositions des art. R. 145-35 à R. 145-37 C. com., dans leur rédaction résultant de l'article 6 du décret précité, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret, soit le 5 novembre 2014 ; un contrat est renouvelé à la date d'effet du bail renouvelé ; ayant constaté que le contrat de bail avait été renouvelé à compter du 1er avril 2014, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses du bail contraires à l'article L. 145-40-2 du code de commerce devait être rejetée : Cass. civ. 3e, 17 juin 2021 : pourvoi n° 20-12844 ; arrêt n° 537 ; Bull. civ ; Cerclab n° 9014, (points n° 9 à 12), rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 3), 27 novembre 2019 : Dnd.

V. admettant explicitement cette solution dans le domaine des clauses abusives : Cass. civ. 2e, 5 juillet 2006 : pourvoi n° 04-10273 ; arrêt n° 1089 ; Bull. civ. II, n° 180 ; Cerclab n° 1953 ; RDC 2007. 337, obs. Fenouillet (prise en compte de la reconduction tacite intervenue en 1994), cassant CA Nancy (1re ch. civ.), 28 janvier 2003 : RG n° 99/02440 ; arrêt n° 218/03 ; Cerclab n° 1564 ; Juris-Data n° 2003-231437.

Dans le même sens pour des décisions des juges du fond appliquant la loi en vigueur au moment du renouvellement ou de la reconduction du contrat, V. : CA Rennes (1re ch. B), 11 avril 2003 : RG n° 02/01291 ; arrêt n° 299 ; Cerclab n° 1794 ; Juris-Data n° 2003-216211 (application de l’ancien art. L. 132-1 C. consom., dans sa rédaction postérieure à la loi du 1er février 1995, à un contrat de crédit renouvelable, conclu en 1994 et renouvelé annuellement jusqu’en 2000) - CA Paris (8e ch. D), 2 septembre 1999 : RG n° 1998/12263 ; Cerclab n° 937 ; Juris-Data n° 1999-103130 (application de la loi du 26 juillet 1993 créant le Code de la consommation à un contrat conclu en 1988 et renouvelé jusqu’en 1996).

Dans le même sens en matière de crédit à la consommation : CA Paris (pôle 4 ch. 9-A), 17 mars 2022 : RG n° 18/16705 ; Cerclab n° 9492 (crédit renouvelable renouvelé annuellement ; le contrat est soumis aux dispositions des art. L. 311-1 s. C. consom. dans leur rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010 et, à compter du 1er mai 2011, aux dispositions dans leur rédaction postérieure à cette loi), sur appel de TI Paris (13e arrdt), 4 mai 2018 : RG n° 11-17-000480 : Dnd.

Dans le même sens pour l’anc. art. L. 442-6-I-2° C. com. : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2020, : RG n° 18/22344 ; Cerclab n° 8494 (la reconduction donnant naissance à sa date à une nouvelle convention, le texte est applicable à un contrat conclu en 2007 mais reconduit en 2012 aux mêmes conditions que le contrat initial).

Modification du contrat sans novation. L’ancien art. R. 132-1-12° [R. 212-1-12°] C. consom., qui prohibe les clauses imposant au non professionnel ou consommateur la charge de la preuve qui en vertu du droit applicable devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat, n’est pas applicable à un « arbitrage » intervenu au mois de janvier 2008, dans le cadre de contrats de conseils en investissement conclus septembre et octobre 2007, ayant pour objet de remplacer le placement initial sur des contrats de capitalisation par des contrats « multisupports » en unités de compte. CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 21 juin 2016 : RG n° 15/20158 ; Cerclab n° 5669 (clause concernée : mention, en fin de contrat, d'une reconnaissance de réception de notices d'information financière), sur appel de TGI Marseille, 19 mai 2014 : RG n° 13/04524 ; Dnd. § V. aussi : CA Paris (pôle 2 ch. 5), 25 octobre 2016 : RG n° 15/12115 ; arrêt n° 2016/325 ; Cerclab n° 6515 (le décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, ancien art. R. 132-1-1° C. consom., est inapplicable à une modification d’un contrat d’assurance de groupe datant de décembre 2008), sur appel de TGI Bobigny, 18 mai 2015 : n° 12/08625 ; Dnd.

Rappr. dans le cadre du crédit à la consommation : la loi du 11 décembre 2001, limitant l’application du délai biennal de forclusion de l’ancien art. L. 311-37 anc. C. consom. aux seules actions en paiement, étant applicable aux contrats nouveaux conclus à partir du 12 décembre 2001, elle ne peut jouer en l’espèce lorsque la régularité formelle du contrat a été contestée pour la première fois par conclusions du 6 mai 2010, alors que le contrat initial a été conclu le 25 juin 1999 et que ses réaménagements en 2002 et 2007 n'ont manifesté aucune volonté de novation. CA Angers (ch. com.), 7 décembre 2010 : RG n° 09/02689 ; Cerclab n° 2886, sur appel de TI Mamers, 8 septembre 2009 : RG n° 11-08-0000169 ; Cerclab n° 3790 (problème non examiné).

Comp. pour un avenant, dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. : l’ancien art. L. 422-6-I-2° C. com. n'est pas applicable à un contrat de crédit-bail immobilier conclu le 24 juin 2008 et l'avenant en date du 24 juin 2011 qui s'intègre au contrat initial ne saurait constituer un contrat distinct de sorte que la date de conclusion du contrat demeure le 24 juin 2008. CA Paris (pôle 1 ch. 8), 30 juin 2017 : RG n° 16/08818 ; Cerclab n° 1395, sur appel de TGI Paris (réf.), 8 avril 2016 : RG n° 16/50752 ; Dnd (la question du déséquilibre significatif ne relève pas des pouvoirs du juge des référés).

Novation du contrat. Selon le nouvel art. 1329 C. civ., « la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle qu'elle crée ». Il en résulte qu’une véritable novation crée une obligation différente qui doit être soumise à loi nouvelle.

Pour une illustration de novation, rappr. dans le cadre du crédit à la consommation, un jugement estimant que, même si le prêt d’un montant supérieur au maximum légal prévu en matière de crédit à la consommation (140.000 francs à l’époque) reprenait plusieurs crédits inférieurs à ce maximum, il s’est opéré une novation par le nouvel engagement qui s’est substitué aux précédents et les anciennes dettes se sont éteintes. TGI Paris (9e ch. 2e sect.), 20 octobre 1995 : RG n° 95/3310 ; jugt n° 1 ; Cerclab n° 1019 (N.B. par analogie, la solution inviterait à appliquer le texte en vigueur à la date de l’accord novatoire), sur appel CA Paris (15e ch. A), 12 mai 1998 : RG n° 96/05495 ; Cerclab n° 1102 ; Juris-Data n° 1998-023430 (problème non abordé).

Cession du contrat. La cession de contrat constitue selon le nouvel art. 1216 C. civ. la cession de la « qualité de partie au contrat à un tiers ». Cette cession est sauf clause contraire sans influence sur le contenu du contrat cédé tel qu’il a été déterminé lors de sa conclusion. La solution résulte implicitement du nouvel art. 1216-2 C. civ. alinéa 2 qui dispose que « le cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu'il aurait pu opposer au cédant ».

Rappr. dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [442-1-I-2°] C. com. : refus de contrôler la cession d’un contrat de location financière conclue en juillet 2003 avec le bailleur, à la suite de l’acquisition d’un fonds de commerce, au regard de la loi du 4 août 2008 qui n’est pas d’application rétroactive. CA Amiens (ch. écon.), 20 mai 2010 : RG n° 07/00959 et n° 07/02109 ; Cerclab n° 2233.

Refus de contracter en raison de clauses abusives (L. 442-1-I-2° C. com., anciennement L. 442-6-I-2° C. com.). Rappr., dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com., pour une illustration de litige où la présence de clauses abusives a justifié le refus du repreneur d’un kiosque de conclure le contrat avec la société de messagerie, puis une action en réparation du préjudice subi du fait de cette situation et de la cessation de l’approvisionnement qui a suivi. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 avril 2011 : RG n° 08/21750 ; arrêt n° 102 ; Cerclab n° 3007, sur appel de T. com. Paris, 27 octobre 2008 : RG n° 2006/033534 ; Dnd. § N.B. en l’espèce, le litige est né à la fin de l’année 2005 et, vu la date du jugement, il n’était pas soumis à la loi du 4 août 2008 ; même si l’arrêt n’évoque pas cette question, la légalité des clauses aurait dû être examinée à la date du refus de contracter ou de la cessation de l’approvisionnement.