5981 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Cour de cassation
- 5775 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs -
- 5714 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Moyen manquant en fait
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
- 5876 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation : contrôle des juges du fond
- 5980 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - CJUE
- 6006 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 2, C. consom.) - Présentation
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5981 (10 juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - CADRE GÉNÉRAL
CONTRÔLE JUDICIAIRE DES CLAUSES ABUSIVES - JUGE COMPÉTENT
COUR DE CASSATION
Présentation. S’agissant de la Cour de cassation, la difficulté signalée par ailleurs (Cerclab n° 5980) est liée à la nature spécifique de la Cour, qui n’est pas un troisième degré de juridiction et qui a pour fonction de contrôler la régularité en droit des jugements et arrêts (et non des affaires). Toute la question est donc de savoir si l’appréciation du caractère abusif d’une stipulation est une question de droit ou si elle est intimement liée à des questions de fait qui échapperaient à la Cour.
Principe : contrôle par la Cour de cassation de la notion de clause abusive. Si la Cour de cassation a par moment abandonné au pouvoir souverain des juges du fond l’appréciation du caractère professionnel du contrat, notamment quant à l’existence d’un rapport direct avec l’activité (Cerclab n° 5876), elle a en revanche constamment exercé son contrôle sur la qualification des clauses abusives. § N.B. La solution rappelle la distinction traditionnelle en droit commun (N.B. la solution est désormais différente en droit de la consommation, V. Cerclab n° 6006) entre l’interprétation du contrat relevant, sauf dénaturation, des juges du fond, et sa qualification, question de droit contrôlée par la Cour.
V. pour les premières décisions illustrant ce contrôle : Cass. civ. 1re, 7 juillet 1998 : pourvoi n° 96-17279 ; arrêt n° 1268 ; Bull. civ. I, n° 240 ; Cerclab n° 2058 ; D. 1999. Somm. 111, obs. D. Mazeaud ; D. Affaires 1998. 1389, obs. V. A.-R. ; Defrénois 1998. 1417, obs. D. Mazeaud ; Contrats conc. consom. 1998, n° 120, note Raymond (« la cour d’appel a ainsi justement estimé que les clauses critiquées n’étaient pas abusives ») - Cass. civ. 1re, 1er février 2000 : pourvoi n° 97-16707 ; arrêt n° 185 ; Cerclab n° 2047 (la cour d’appel « a exactement retenu que cette clause n’était pas abusive ») - Cass. civ. 1re, 1er février 2005 : pourvoi n° 03-13779 ; Bull. civ. I, n° 61 ; Cerclab n° 1995 (la cour d’appel « en a justement déduit que la clause susvisée n’entraînait pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice du consommateur ») - Cass. civ. 1re, 12 mai 2011 : pourvoi n° 10-15786 ; Cerclab n° 3215 (cassation pour violation de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom., en affirmant qu’un art. 3 des conditions générales « a pour effet de créer, au détriment du cocontractant de l’établissement, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties »).
V. cependant, pour une décision du fond (excédant quelque peu ses prérogatives…) : il appartient au juge d’apprécier souverainement le caractère abusif d’une clause au regard de l’existence ou non d’un déséquilibre significatif. TGI Grenoble (6e ch.), 3 juillet 2003 : RG n° 2002/03139 ; jugt n° 202 ; Cerclab n° 3173.
Comp. estimant que l’appréciation du déséquilibre des obligations dans le cadre de l’art. L. 612-107-2e C. com. relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Cass. soc. 20 octobre 2002 : pourvoi n° 00-45612 ; arrêt n° 3076 ; Cerclab n° 1896 (texte prévoyant la nullité des contrats commutatifs conclus par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, lorsque les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie).
Limites : respect de la procédure propre à la Cour de cassation. L’examen du caractère abusif d’une clause par la Cour de cassation suppose toutefois que celle-ci soit procéduralement en mesure de le faire. En effet, la Cour de cassation ne juge qu’en droit. Dès lors, les moyens nouveaux, mélangés de fait et de droit, qui n’ont pas été présentés aux juges du fond, sont irrecevables devant la Cour (V. Cerclab n° 5714). L’art. 619 CPC réserve les moyens de pur droit, mais cette exception risque en la matière d’être inutilisable, puisque l’appréciation du déséquilibre significatif ne peut s’appuyer que sur une analyse préalable de l’ensemble du contrat qui paraît échapper à la Cour de cassation.
La loi du 17 mars 2014 a modifié les données du problème en instaurant une obligation pour le juge d’écarter d’office l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat (ancien art. L. 141-4 C. consom., transféré au nouvel art. R. 632-1 C. consom.). Si le moyen tiré d’une clause abusive n’a pas été soumis aux juges du fond, il est désormais possible de reprocher à ce juge du fond de ne pas l’avoir relevé d’office et la question est posée de savoir si la Cour de cassation elle-même est concernée par cette obligation de relevé d’office (V. Cerclab n° 5721).
Conséquences : cassation sans renvoi. Dès lors que la Cour de cassation peut directement apprécier le caractère abusif ou non d’une clause, celle-ci peut faire usage de la possibilité qui lui est offerte par l’art. 627, al. 2, CPC, de casser la décision attaquée, sans renvoyer à une autre juridiction, en mettant fin au litige par application de la règle de droit appropriée. V. par exemple : Cass. civ. 1re, 14 novembre 2006 : pourvoi n° 04-15646 ; arrêt n° 1433 ; Bull. civ. I, n° 488 ; Cerclab n° 2801 (association de consommateurs ; cassation sans renvoi, le dispositif déclarant une clause non abusive et plusieurs autres abusives et réputées non écrites) - Cass. civ. 1re, 14 novembre 2006 : pourvoi n° 04-15890 ; arrêt n° 1434 ; Bull. civ. I, n° 489 (arrêt n° 2) ; Cerclab n° 2802 (association de consommateurs ; « déclare abusives lesdites clauses ; dit, en conséquence, qu'elles sont réputées non écrites ») - Cass. civ. 1re, 14 novembre 2006 : pourvoi n° 04-17578 ; arrêt n° 1435 ; Bull. civ. I, n° 489 (arrêt n° 3) ; Cerclab n° 2803 (vente de voiture ; déclare abusive « la clause stipulée à l'article 2, sauf à ce que soit précisé que le consommateur a le droit correspondant de rompre le contrat au cas où le prix final serait trop élevé par rapport au prix convenu lors de la commande », outre deux autres clauses, et « dit, en conséquence, qu'elles sont réputées non écrites ») - Cass. civ. 1re, 30 octobre 2007 : pourvoi n° 06-11032 ; arrêt n° 1165 ; Cerclab n° 2809 (association de consommateurs ; clause déclarée abusive dans le dispositif) - Cass. civ. 1re, 8 novembre 2007 : pourvoi n° 05‑20637 et 06‑13453 ; arrêt n° 1230 ; Cerclab n° 2810 ; Juris-Data n° 2008-041313 (clause jugée non abusive et cassation sans renvoi, le dispositif mentionnant « rejette la demande de cette même association en suppression de la clause… ») - Cass. civ. 1re, 27 novembre 2008 : pourvoi n° 07-15226 ; Bull. civ. I, n° 275 ; Cerclab n° 2831 (cassation sans renvoi sur le caractère abusif de la clause, constaté par la Cour), cassant CA Paris (15e ch. B), 9 mars 2007 : RG n° 05/15957 ; Cerclab n° 1654 ; Lexbase, et sur renvoi CA Paris (pôle 5 ch. 6), 22 mars 2012 : RG n° 09/03663 ; Cerclab n° 3693 (arrêt analysant précisément les conséquences de la déchéance injustifiée d’un crédit immobilier) - Cass. civ. 1re, 20 mars 2013 : pourvoi n° 12-14432 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 4348 (association de consommateurs ; absence de renvoi et déclaration directe du caractère abusif de deux clauses, l’arrêt ajoutant qu’il « en ordonne la suppression ») - Cass. civ. 3e, 19 novembre 2015 : pourvoi n° 13-24109 ; arrêt n° 1265 ; Cerclab n° 5387 (arrêt déclarant directement certaines clauses illicites, une clause abusive, et les déclarant toutes réputées non écrites, le renvoi étant limité à l’appréciation du montant des dommages et intérêts) - Cass. civ. 1re, 3 novembre 2016 : pourvoi n° 15-20621 ; arrêt n° 1227 ; Cerclab n° 6527 (« vu les articles L. 411-3 COJ et 1015 CPC ; déclare abusive la clause… »), cassant partiellement sans renvoi CA Grenoble (1re ch. civ.), 28 avril 2015 : RG n° 12/94733 ; Cerclab n° 5149 - Cass. civ. 1re, 12 décembre 2018, : pourvoi n° 17-15427 ; arrêt n° 1198 ; Cerclab n° 7864 (dispositif précisant : « déclare non abusive ladite clause »), cassant sans renvoi sur ce point CA Nîmes (1re ch. civ.), 26 janvier 2017 : RG n° 15/04266 ; Cerclab n° 6947.
Saisine pour avis. Pour un refus, la question n’étant pas nouvelle : CA Paris (pôle 5 ch. 6), 19 mai 2017 : RG n° 15/22284 ; Cerclab n° 6871 (prêt immobilier ; absence de caractère abusif de la clause permettant l’exigibilité anticipée du prêt en cas de fourniture de renseignement inexacts sur un élément déterminant du consentement du prêteur dans l'octroi du crédit « sans qu'il soit besoin de solliciter l'avis de la Cour de cassation sur cette question, qui n'est pas nouvelle »), confirmant TGI Meaux, 1er septembre 2015 : RG n° 12/05173 ; Dnd.
Juridictions supérieures et arrêts de règlement. Rappr. : la directive 93/13/CEE, lue à la lumière de l’art/ 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction suprême d’un État membre adopte, dans l’intérêt d’une interprétation uniforme du droit, des décisions contraignantes au sujet des modalités de mise en œuvre de cette directive, pour autant que celles-ci n’empêchent le juge compétent ni d’assurer le plein effet des normes prévues dans ladite directive et d’offrir au consommateur un recours effectif en vue de la protection des droits qu’il peut en tirer, ni de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle à ce titre, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier. CJUE (3e ch.), 14 mars 2019, Zsuzsanna Dunai / ERSTE Bank Hungary Zrt : Aff. C 118/17 ; Cerclab n° 8155. § N.B. La question s’est posée dans le cadre de l’action des associations de consommateurs, V. Cerclab n° 5755.