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6127 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Suspension volontaire

Nature : Synthèse
Titre : 6127 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Suspension volontaire
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6127 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

INEXÉCUTION DU CONTRAT - SUSPENSION DU CONTRAT - SUSPENSION VOLONTAIRE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Présentation. La suspension de l’exécution d’une obligation par le débiteur peut être justifiée par l’absence d’exécution de l’obligation de son cocontractant, en raison d’un manquement imputable à celui-ci (Cerclab n° 6125 pour l’inexécution du consommateur et n° 6126 pour l’inexécution du professionnel) ou d’une impossibilité résultant d’un cas de force majeure (Cerclab n° 6113). Il existe cependant une troisième hypothèse où la suspension résulte de la volonté des parties (rappr. pour la modification ou la résiliation d’un commun accord, Cerclab n° 6103). Elle est en général sollicitée par le consommateur et ne recouvre pas nécessairement un cas de force majeure (un vol de portable, de carte bancaire ou d’identifiant peuvent résulter d’une faute d’imprudence). La question ne porte donc pas sur l’origine de l’événement provoquant la suspension, ni sur son principe puisque le professionnel ne peut, sans manquer à son obligation de bonne foi, refuser à son cocontractant une mesure évitant des fraudes. Les clauses concernent dont essentiellement l’aménagement du régime de la suspension.

Mise en place de la suspension. Les moyens de communication modernes sont massivement utilisés par les professionnels et il serait abusif d’en priver le consommateur. Dans les situations où la rapidité de la réaction est essentielle, les clauses ralentissant la mise en place de la suspension sont abusives. § V. en ce sens : la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées les clauses permettant de subordonner la mise en opposition d’une carte perdue ou volée à un formalisme particulier et de prévoir un délai d’invalidation excédant trois jours à compter de la mise en opposition effectuée par lettre simple, télex ou, sous réserve de confirmation écrite, télécopie. Recomm. 95-01/4° : Cerclab n° 2163 (abonnement autoroutier). § Pour les juges du fond : est abusive la clause reportant la suspension de la ligne en cas de vol ou de perte de la carte SIM à la réception d’une demande écrite en ce qu’elle fait supporter indûment à l’abonné des communications passées par un tiers du fait de la perte ou du vol, alors qu’il en a averti le donneur d’accès qui peut seul suspendre sans attendre l’accès aux lignes satellitaires. TGI Nanterre (1re ch. A), 10 septembre 2003 : RG n° 02/03296 ; Cerclab n° 3991 ; Juris-Data n° 2003-221400 (jugement estimant pertinent l’argument de l’association tiré d’une comparaison avec les contrats d’autres opérateurs qui admettent une suspension immédiate et rapprochant cette situation de celle des usagers de carte bancaire). § Est abusive la clause qui fait supporter à l’abonné des communications téléphoniques éventuellement passées par un tiers alors que l'opérateur a été préalablement averti par l'abonné par téléphone. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 30 mars 2018 : RG n° 16/16694 ; Cerclab n° 7534 (B-23 ; N.B. l’association évoquait le fait que cette clause avait été déclarée abusive par le jugement du 30 septembre 2008, mais qu’elle n’avait été supprimée qu’en 2013…), confirmant TGI Paris, 17 mai 2016 : RG n° 12/09999 ; Dnd. § V. aussi : TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038 (suppression de la clause donnant effet, en cas de contestation, à la déclaration de perte ou de vol, à la réception d’une lettre recommandée, alors que l’abonné en a averti téléphoniquement le donneur d’accès ; N.B. le jugement rejette l’exigence générale d’une lettre recommandée avec accusé de réception avant la restriction de services de téléphonie mobile, formulée par l’association de consommateurs, qui serait inadaptée dans certaines hypothèses, telle l’utilisation de mobile volé, et contraire aux intérêts du consommateur), et sur l’appréciation de l’exécution du jugement CA Paris (pôle 4 ch. 8), 22 septembre 2011 : RG n° 09/25055 ; Cerclab n° 3344 (remédie au grief retenu par le jugement la nouvelle rédaction qui supprime cette phrase et la prévoit la mise hors service immédiate de la libre en protégeant l’abonné contre tout risque d’utilisation frauduleuse), infirmant TGI Paris (JEX), 26 novembre 2009 : RG n° 09/83431 ; Dnd (jugement prononçant une astreinte) - CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 8 février 2019 : RG n° 17/05367 : Cerclab n° 8243 (art. 8.2.2. et 8.2.3 CG abon. ; n’est pas abusive la clause qui prévoit que l’opérateur tire immédiatement les conséquences de l'alerte donnée par le client en suspendant la ligne ; la demande de confirmation et de justification par pli recommandé des informations données est légitime ; mais est abusive la clause prévoyant que l'abonné est responsable de l'usage de la carte et du paiement des communications passées jusqu'à réception des documents établissant le vol et permettant à l'opérateur de ne pas tirer les conséquences de l'information donnée oralement par le consommateur), sur appel de TGI Nanterre (pôle civ. ch. 7), 30 mai 2017 : RG n° 13/01009 ; Dnd.

V. inversement : n’est pas abusive la clause relative à la perte ou au vol de la carte SIM, dès lors qu’elle prévoit que l'interruption intervient immédiatement dès communication de l'information par téléphone, évitant ainsi toute utilisation frauduleuse de la ligne, et que l’exigence d’une confirmation écrite avec copie du dépôt de plainte en cas de vol a pour but de se prémunir contre la fraude, cette procédure de confirmation n'exonérant pas l'opérateur de sa responsabilité. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 30 mars 2018 : RG n° 15/08688 ; Cerclab n° 7532 (art. préliminaire - perte et vol et art. 3.2), confirmant TGI Paris, 24 février 2015 : RG n° 13/01136 ; Dnd.

N.B. Cette solution n’exclut pas de prévoir une confirmation ultérieure plus formaliste, sans exagérer les conséquences du non-respect de celle-ci, l’information initiale étant essentielle et la preuve de sa réception pouvant résulter de la suspension mise en place (sur les consentements tacites, V. plus généralement Cerclab n° 6077). V. en ce sens : n’est pas abusive la clause par laquelle l’opérateur demande à l’abonné de confirmer l’information donnée dans les jours qui suivent, par écrit, en y joignant les pièces justificatives du vol ou de la perte. TGI Nanterre (1re ch. A), 10 septembre 2003 : RG n° 02/03296 ; Cerclab n° 3991 ; Juris-Data n° 2003-221400.

Effet de la suspension : maintien du contrat. La caractéristique de la suspension du contrat est d’interrompre temporairement son exécution, sans remettre en cause l’existence de l’accord. C’est d’ailleurs son avantage essentiel, puisqu’une fois l’empêchement disparu ou le manquement régularisé, la convention peut reprendre son cours.

S’agissant des contrats successifs donnant droit à l’utilisation d’un service, le vol ou la perte d’un élément quelconque en conditionnant l’accès va entraîner l’interruption temporaire du service, le temps de remplacer l’élément perdu ou/et de modifier les identifiants. Cette situation pose le problème du maintien de la rémunération pendant cette période, alors que le service n’est plus utilisable. Lorsque la suspension est la conséquence d’une faute du consommateur, il peut sembler normal que celui-ci en assume les conséquences, alors que la solution serait plus discutable pour un cas de force majeure. Cependant, il convient de ne pas oublier que dans ces hypothèses, seul le service est suspendu, et non le contrat globalement, puisque la mise en œuvre de la suspension et le déclenchement d’une procédure de remplacement des pièces perdues ou volées (carte bancaire, carte sim, clef, etc.) ne sont que la continuation sous une autre forme de l’exécution du contrat.

V. pour une illustration : n’est pas abusive la clause maintenant l’exigibilité du coût de l’abonnement pendant la période qui s’étend de la mise hors service de sa ligne par suite de la déclaration de perte ou de vol qu’il a faite, et la remise d’une autre carte, dès lors que ce paiement a pour contrepartie le maintien du contrat d’abonnement et l’obtention d’une nouvelle carte SIM. TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 20 octobre 1998 : RG n° 1819/97 ; jugt n° 3 ; Site CCA ; Cerclab n° 4027 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729. § Dans le même sens : TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 16 mars 1999 : RG n° inconnu ; Site CCA ; Cerclab n° 4023 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (suspension de la ligne justifiée dans l’intérêt même de l’abonné, tandis que le paiement de la redevance pendant cette période a pour contrepartie le maintien du contrat et l’obtention d’une nouvelle carte SIM) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038 (n’est pas abusive la clause prévoyant le maintien de la facturation pendant la période de suspension du fait de manquements imputables au consommateur, qui a pour contrepartie le maintien du contrat d’abonnement et le maintien de certaines prestations en cas de simple limitation).

En sens contraire : est irréfragablement abusive, en application de l’ancien art. R. 132-1 [R. 212-1] C. consom., la clause d’un contrat de téléphonie mobile stipulant en cas de vol du portable que, durant la suspension de la ligne, les redevances d’abonnement restent dues à l’opérateur, obligeant ainsi le client à respecter son engagement de paiement, alors qu’aucune prestation n’est fournie en contrepartie. Jur. proxim. Montauban, 24 novembre 2010 : Dnd (clause stipulée dans un contrat de forfait de 24 mois ; N.B. la décision examine aussi le montant des remises consenties au regard de la durée du contrat et juge la durée de l’engagement disproportionnée au regard des avantages accordés), cassé par Cass. civ. 1re, 30 mai 2012 : pourvoi n° 11-12242 ; Cerclab n° 3888 (violation de l’art. 16 CPC lors du relevé d’office du moyen tiré du caractère abusif de la clause).

Issue de la suspension. N’est pas abusive, en dépit d’une formulation maladroite, la clause prévoyant que le contrat pourra être suspendu, pour motif légitime ou d’un commun accord, pour une durée de trois mois, et qu’au-delà il devra être renégocié, dès lors qu’au vu de l’économie du contrat, la suspension est prévue dans l’intérêt exclusif du consommateur au détriment du professionnel, qui ne peut plus pendant le délai contractuel de trois mois exiger de son cocontractant l’exécution de ses obligations, notamment celle de payer, et que le délai est suffisamment long pour être jugé raisonnable, d’autant, que l’élève peut également faire le choix en cas de persistance du motif légitime, de solliciter la résiliation du contrat. TGI Grenoble (4e ch. civ.), 1er mars 2010 : RG n° 08/02845 ; site CCA ; Cerclab n° 4064 (auto-école).

Comp. : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’exclure, en cas de vol, de perte ou de dysfonctionnement de la carte d’un abonnement cinéma, le remboursement des billets achetés, dès lors que le contrat ne prévoit pas de prorogation de son terme pour une durée égale à la période comprise entre la déclaration de l’incident et la délivrance de la nouvelle carte. Recomm. n° 02-02/C-16 : Cerclab n° 2198 (arg. : le consommateur doit régler une prestation dont il ne bénéficie pas, alors que l’envoi d’une nouvelle carte dépend de la seule volonté du professionnel).