CA DIJON (ch. civ. B), 28 février 2006

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 627
CA DIJON (ch. civ. B), 28 février 2006 : RG n° 05/00484 ; arrêt n° 148 B
Publication : Juris-Data n° 294745
Extraits : « Attendu que Madame Y. revendique l'application à son profit des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du Code de la Consommation au motif que son activité professionnelle, l'exploitation d'un débit de boissons, étant sans rapport avec l'objet des contrats souscrits, elle doit bénéficier de la protection particulière accordée par la loi aux consommateurs ordinaires ayant contracté avec des professionnels ; Mais attendu que l'appelante qui est une professionnelle de la vente et qui a contracté en cette qualité ne peut prétendre être dans la même situation de déséquilibre économique qu'un consommateur ordinaire vis-à-vis de son co-contractant vendeur professionnel ; Qu'en sa qualité de commerçante elle était tout à fait apte à apprécier, avant de signer les contrats, l'étendue des obligations réciproques des parties qui en découleraient ; Que le fait que son domaine d'activité soit étranger à la télésurveillance ne la mettait pas, vis-à-vis de son contractant, dans la situation d'une consommatrice moyenne, les dispositions du contrat qu'elle a signé n'étant pas dérogatoire au droit commun ; Que dès lors Madame Y. n'est pas fondée à demander qu'il soit fait application, en l'espèce, des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du Code de la Consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL : R.G. n° 05/00484. Arrêt n° 148 B. Décision déférée à la Cour : AU FOND du 22 NOVEMBRE 2004, rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE CHAUMONT - RG 1ère instance : 03/001596.
APPELANTE :
Madame X. veuve Y.
née le [date] à [ville], domiciliée [adresse], représentée par la SCP BOURGEON - KAWALA et BOUDY, avoués à la Cour, assistée de Maître Maria ALFONSO, avocat au barreau de HAUTE-MARNE
INTIMÉE :
SA ADT TÉLÉSURVEILLANCE
dont le siège social est [adresse], représentée par la SCP FONTAINE-TRANCHAND et SOULARD, avoués à la Cour, assistée de Maître Alain NIZOU LESAFFRE, avocat au barreau de LIMOGES
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 janvier 2006 en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur LITTNER, Conseiller le plus ancien, présidant la chambre, désigné à ces fonctions par ordonnance de Monsieur le Premier Président, en date du 12 décembre 2005, Président, Monsieur PETIT, Conseiller, assesseur, Madame ROUX, Conseiller, assesseur, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame REBY, Greffier
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
SIGNÉ par Monsieur LITTNER, Conseiller, et par Madame GARNAVAULT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
Madame Y. qui a exploité jusqu'en 2000 un fonds de commerce de débit de boissons à [ville] a souscrit, le 29 décembre 1998, auprès de la société CIPE FRANCE aux droits de laquelle se trouve actuellement la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE, deux contrats d'abonnement de télésurveillance avec option de « prestation sécuritaire » pour une durée de 48 mois moyennant le versement, mensuellement, d'une somme de 663,30 Francs soit 101,12 €.
Madame Y. n'ayant réglé que les loyers de janvier à juin 1998, et après une mise en demeure restée vaine, la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE l'a assignée en paiement devant le Tribunal de Commerce de Chaumont; elle a appelé en garantie Monsieur Abdelkader A..
[minute page 3] Par jugement en date du 22 novembre 2004 cette juridiction a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Madame Y. et l'a condamnée à payer à la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE la somme de 2.448,16 € avec intérêts à compter du 6 juin 2002 et celle de 2.256,59 € avec intérêts à compter du 8 juillet 2002, avec capitalisation des intérêts ; une somme de 1.000 € a été mise à la charge de Madame Y. au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame DECOSTER a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses écritures en date du 25 novembre 2005 auxquelles il est expressément référé, elle demande de débouter la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 € pour procédure abusive et celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par conclusions en date du 11 octobre 2005 auxquelles il est pareillement référé la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Madame Y. à lui verser la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur l'application des dispositions de Code de la Consommation
Attendu que Madame Y. revendique l'application à son profit des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du Code de la Consommation au motif que son activité professionnelle, l'exploitation d'un débit de boissons, étant sans rapport avec l'objet des contrats souscrits, elle doit bénéficier de la protection particulière accordée par la loi aux consommateurs ordinaires ayant contracté avec des professionnels ;
Mais attendu que l'appelante qui est une professionnelle de la vente et qui a contracté en cette qualité ne peut prétendre être dans la même situation de déséquilibre économique qu'un consommateur ordinaire vis-à-vis de son co-contractant vendeur professionnel ;
Qu'en sa qualité de commerçante elle était tout à fait apte à apprécier, avant de signer les contrats, l'étendue des obligations réciproques des parties qui en découleraient ;
Que le fait que son domaine d'activité soit étranger à la télésurveillance ne la mettait pas, vis-à-vis de son contractant, dans la situation d'une consommatrice moyenne, les dispositions du contrat qu'elle a signé n'étant pas dérogatoire au droit commun ;
[minute page 4] Que dès lors Madame Y. n'est pas fondée à demander qu'il soit fait application, en l'espèce, des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du Code de la Consommation ;
- Sur l'application de la recommandation de la commission des clauses abusives n° 97-01 sur la télésurveillance
Attendu que la commission considère comme abusive la clause prévoyant que les contrats sont conclus pour une durée de trois ou quatre ans « irrévocable » n'envisageant aucune possibilité de rupture anticipée pour le consommateur ;
Que, de même, est considéré comme abusive par la commission la clause prévoyant que « toute rupture anticipée par l'abonné donnera lieu au versement par ce dernier d'une indemnité forfaitaire équivalente au solde de la période contractuelle en cours » ;
Que, se fondant sur ces recommandations Madame Y. demande de déclarer abusifs et non écrits les articles 13 du contrat prévoyant que le contrat est indivisible pendant 48 mois et l'article 11 avant dernier alinéa prévoyant qu'elle devra payer le solde des loyers pour la période de 48 mois en cours ;
Mais attendu que cette recommandation vise expressément les seuls consommateurs à l'exception des professionnels et non professionnels ;
Qu'elle n'est donc pas applicable à Madame Y. qui n'a pas contracté en qualité de consommatrice ; que ce moyen sera écarté ;
Que doit être également écarté le moyen tiré de ce que les articles sus-mentionnés portent atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie en entravant la liberté de cession du fonds de commerce dès lors que Madame Y. qui a vendu son fonds de commerce ne démontre pas en quoi sa liberté de vendre a été limitée par l'existence du contrat qu'elle avait signé avec la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE ;
Qu'enfin l'appelante n'établit pas le caractère manifestement excessif de la clause pénale contractuellement prévue ; que ce moyen sera également écarté ;
- Sur les sommes dues par Madame Y.
Attendu que Madame Y. soutient qu'elle n'a pas à régler les loyers qui lui sont réclamés pour la période de juillet 1999 à mars 2000 dès lors que la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE n'a pas rempli correctement ses obligations contractuelles à son égard ;
Qu'elle soutient en effet que le système mis en place ne fonctionnait pas, ce qu'établit le fait qu'elle ait été victime d'un cambriolage et le fait qu'elle ait subi une agression physique alors qu'elle avait, mais en vain, actionné le signal d'alarme ;
[minute page 5] Attendu qu'une plainte pour vol avec effraction a été déposée par Madame Y. qui en justifie ;
Que toutefois le dépôt de cette plainte remonte au 19 février 1998 c'est à dire antérieurement à la date de conclusion des contrats avec la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE ; qu'elle est donc sans emport en la cause ;
Que l'agression physique alléguée n'est pas évoquée ;
Attendu que Madame Y. n'apporte aucun autre élément établissant le mauvais fonctionnement de l'installation de télésurveillance ;
Qu'elle n'est pas fondée, de ce fait, à invoquer la non exécution par sa co-contractante de ses obligations ;
Or attendu qu'elle ne conteste pas ne pas avoir réglé les loyers dus pour la période de juillet 1999 à mars 2000 ; qu'elle est donc débitrice envers la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE des sommes qui lui sont réclamées ;
Que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que l'équité commande de porter à 1.500 € le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges à la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf à porter à 1.500 € le montant de la somme allouée par les premiers juges à la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Madame Y. aux dépens.
- 5886 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence juridique
- 5905 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Protection et sécurisation de l’activité
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel