CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 octobre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6329
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 octobre 2016 : RG n° 14/01745
Publication : Jurica
Extrait : « Le code de la consommation s'applique, en vertu de l'article L. 311-1 du code de la consommation, aux emprunteurs, personne physique ou morale, autres que les personnes morales de droit public, pourvu que l'opération ne soit pas destinée à financer les besoins d'une activité professionnelle, la location avec option d'achat étant assimilée, selon l'article L 312-2 (anciennement L. 311-2), aux opérations de crédit.
Aux termes de ses statuts, le syndicat CGT des PTT de l'Isère a pour but « la défense des droits et intérêts matériels et moraux des salariés, retraités et salariés privés d'emploi (...), la promotion dans l'entreprise d'une activité syndicale (...), l'organisation de la solidarité morale et matérielle des salariés (...), la promotion des activités sociales, sportives et culturelles ». Il dispose à cet effet de ressources financières « cotisations » et peut recevoir des subventions, dons et legs. Ainsi, quand bien même il ne poursuit aucun but lucratif, il exerce une activité qui s'apparente à une activité professionnelle.
La location avec option d'achat d'un dupli copieur s'inscrit dans l'exercice de cette activité.
Le syndicat a d'ailleurs expressément reconnu cette destination, lors de la conclusion du contrat, en apposant sa signature à proximité immédiate de la clause suivante, parfaitement lisible : « Le locataire après avoir pris connaissance des conditions particulières de la location et des conditions générales au verso certifie que le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celui-ci ».
C'est donc à bon droit que le tribunal a dit que les dispositions du code de la consommation ne s'appliquaient pas. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/01745. Appel d'une décision (R.G. n° 11/02345) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 24 mars 2014, suivant déclaration d'appel du 3 avril 2014.
APPELANTE :
LE SYNDICAT CGT DES PTT DE L'ISÈRE
Représentée par Maître Laure G.-P. de la SCP G.-P. - S., avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
LA SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE
Représentée par Maître Alexis G. de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me François L., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Hélène COMBES, Président de chambre, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, Assistées lors des débats de Madame Laetitia GATTI, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 12 septembre 2016 Madame JACOB, Conseiller chargé du rapport en présence de Madame COMBES, Président de chambre, assistées de Madame Laetitia GATTI, greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 16 mai 2007, le syndicat CGT des PTT de l'Isère a régularisé avec la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE un contrat de location avec option d'achat d'un dupli-copieur HC 5500 de marque RISO pour une durée de 63 mois, moyennant le paiement d'un premier loyer de 467,52 euros TTC et de 21 loyers trimestriels de 2.629,78 euros TTC.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2010, la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE a mis en demeure le syndicat CGT des PTT de l'Isère de payer la somme de 3.000,44 euros en visant la clause résolutoire de plein droit.
Le syndicat n'ayant effectué aucun règlement, la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE l'a assigné, par acte du 26 avril 2011, devant le tribunal de grande instance de Grenoble.
Par jugement du 24 mars 2014, le tribunal a :
- dit que les dispositions du code de la consommation ne s'appliquaient pas au contrat et rejeté en conséquence les demandes reconventionnelles du syndicat CGT des PTT de l'Isère,
- constaté la résiliation du contrat de location avec option d'achat conclu le 16 mai 2007,
- condamné le syndicat CGT des PTT de l'Isère à payer à la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE la somme de 29.112,62 avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2010,
- ordonné au syndicat CGT des PTT de l'Isère de restituer le matériel objet du contrat de location avec option d'achat au lieu désigné par la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte, passé ce délai, de 20 euros par jour de retard pendant 90 jours,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le syndicat CGT des PTT de l'Isère aux dépens.
Le syndicat CGT des PTT de l'Isère a relevé appel de cette décision le 3 avril 2014. Au dernier état de ses conclusions notifiées le 26 août 2016, il demande à la cour, au visa des articles 1126 et 2224 du code civil, L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation, d'infirmer le jugement et de :
- constater que la législation relative au consommateur lui est applicable,
- dire que l'article 11 des conditions générales du contrat relève de la législation sur les clauses abusives et est réputé non écrit,
- subsidiairement, requalifier la clause relative à la résiliation et à ses conséquences en clause pénale,
- constater que cette clause est excessive et la ramener à de plus justes proportions,
- en tout état de cause, débouter la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Il fait valoir que :
- sa qualité de non professionnel quant à l'objet du litige ne peut être contestée,
- la clause type du contrat selon laquelle « le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle » est insérée de manière peu lisible, en petits caractères, au bas du contrat, et ne fait partie d'aucun article des conditions générales,
- il n'a pas pu en prendre connaissance,
- il n'a aucune activité économique de sorte que le critère de l'affectation à l'activité économique est inopérant,
- depuis la date de résiliation du contrat, il tient le matériel à la disposition du bailleur,
- le paiement de loyers, de frais d'entretien et d'une pénalité de 10 % pour une machine dont il n'a plus l'usage, est plus qu'abusif et crée un déséquilibre significatif tel que l'article 11 des conditions générales (sur les modalités de résiliation du contrat) est réputé non écrit,
- la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes,
- subsidiairement, l'indemnité de résiliation égale au montant des loyers restant à échoir doit être qualifiée de clause pénale,
- son montant est excessif, en l'état de la restitution du matériel, et doit être ramené à un euros symbolique.
Par conclusions notifiées le 2 août 2016, la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil, de confirmer le jugement, de dire que le syndicat CGT des PTT de l'Isère devra restituer le matériel dans la huitaine de la signification de l'arrêt sous astreinte de 20 euros par jour de retard, et de le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle fait valoir que :
- le contrat ayant été conclu « sans maintenance intégrée », les problèmes de cet ordre rencontrés par le syndicat avec le prestataire RISO lui sont inopposables,
- le syndicat a contracté pour les besoins de son activité professionnelle et syndicale, de sorte que le tribunal a justement écarté les dispositions du code de la consommation,
- l'indemnité de résiliation a essentiellement une nature indemnitaire puisqu'elle est destinée à réparer le préjudice subi par le bailleur résultant de la résiliation anticipée du contrat, qui est égal au gain manqué et à la perte éprouvée,
- elle ne peut donc faire l'objet d'une réduction,
- seule la clause pénale de 10 % est susceptible de modération.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
Le syndicat CGT des PTT de l'Isère revendique l'application des dispositions protectrices du code de la consommation et soutient que l'article 11 des conditions générales du contrat est abusif au sens de l'article L. 132-1 et, par conséquent, réputé non écrit.
Le code de la consommation s'applique, en vertu de l'article L. 311-1 du code de la consommation, aux emprunteurs, personne physique ou morale, autres que les personnes morales de droit public, pourvu que l'opération ne soit pas destinée à financer les besoins d'une activité professionnelle, la location avec option d'achat étant assimilée, selon l'article L 312-2 (anciennement L. 311-2), aux opérations de crédit.
Aux termes de ses statuts, le syndicat CGT des PTT de l'Isère a pour but « la défense des droits et intérêts matériels et moraux des salariés, retraités et salariés privés d'emploi (...), la promotion dans l'entreprise d'une activité syndicale (...), l'organisation de la solidarité morale et matérielle des salariés (...), la promotion des activités sociales, sportives et culturelles ».
Il dispose à cet effet de ressources financières « cotisations » et peut recevoir des subventions, dons et legs.
Ainsi, quand bien même il ne poursuit aucun but lucratif, il exerce une activité qui s'apparente à une activité professionnelle.
La location avec option d'achat d'un dupli copieur s'inscrit dans l'exercice de cette activité.
Le syndicat a d'ailleurs expressément reconnu cette destination, lors de la conclusion du contrat, en apposant sa signature à proximité immédiate de la clause suivante, parfaitement lisible : « Le locataire après avoir pris connaissance des conditions particulières de la location et des conditions générales au verso certifie que le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celui-ci ».
C'est donc à bon droit que le tribunal a dit que les dispositions du code de la consommation ne s'appliquaient pas.
Aux termes de l'article 11 des conditions générales du contrat :
- le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur en cas de non-paiement d'un seul loyer ;
- la résiliation entraîne l'obligation pour le locataire de restituer immédiatement le matériel et le bailleur a la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dues jusqu'à la date de restitution effective du matériel, le paiement d'une indemnité de résiliation, 'en réparation du préjudice subi', et d'une pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation 'pour assurer la bonne exécution du contrat’;
- l'indemnité est « égale au montant total des loyers hors taxes postérieurs à la résiliation, majoré de la valeur résiduelle hors taxes du matériel ; elle est diminuée, dans la limite du montant encaissé, des sommes hors taxes correspondant au prix de vente du matériel ou à sa relocation ».
Cette indemnité, destinée à sanctionner et réparer forfaitairement une défaillance du débiteur, présente le caractère d'une clause pénale et fait double emploi avec la pénalité de 10 %.
Il y a lieu en conséquence de faire application des articles 1152 et 1231 du code civil, selon lesquels le juge peut, même d'office, en diminuer le montant à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle de l'engagement a procuré au créancier ou si elle apparaît manifestement excessive.
En l'occurrence les indemnités sollicitées s'élèvent à la somme de 17.541,59 euros qu'il convient de ramener, au regard notamment du fait que le bailleur n'a pas fait enlever le matériel comme prévu à l'article 11.2 des conditions générales du contrat, à la somme de 5.000 euros.
Au vu des justificatifs produits « contrat de location, échéancier, mise en demeure du 14 juin 2010, décompte arrêté au 31 mars 2011 » le syndicat CGT des PTT de l'Isère est redevable de la somme de 10.519,12 euros au titre des loyers impayés, outre l'indemnité ci-dessus, soit la somme totale de 15.519,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2010.
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives à la restitution du matériel et à l'indemnité de procédure.
Le syndicat CGT des PTT de l'Isère qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens d'appel.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné le syndicat CGT des PTT de l'Isère à payer la somme de 29.112,62 euros outre intérêts,
et statuant à nouveau,
- Condamne le syndicat CGT des PTT de l'Isère à payer à la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE la somme de 15.519,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2010,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamne le syndicat CGT des PTT de l'Isère aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame GATTI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5868 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Nature de l’activité
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité