TI METZ, 6 août 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 665
TI METZ, 6 août 1996 : RG n° 3733/95
(sur appel CA Metz (4e ch.), 4 mars 1999 : RG n° 96/02874)
Extrait : « Aux termes des articles L. 121-21 et L. 121-22-4° du Code de la consommation, les ventes, locations, ou locations-ventes de biens ou les prestations de services conclues au lieu de travail d'une personne physique sont par exception exclues de l'application des articles L. 121-23 à L. 121-28 du même Code lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ou de tout autre profession.
Les deux contrats concernent l'installation et le fonctionnement d'un système de détection des chèques non provisionnés ou volés qui requière l'utilisation d'un matériel électronique et d'un logiciel informatique. Ces matières n'ont pas de rapport direct, au sens de l'article L. 121-22-4° précité, avec l'activité professionnelle de M. X., qui tient un débit de tabac : elles échappent en effet à la compétence professionnelle du demandeur qui se trouvait dans le même état d'ignorance que n'importe quel consommateur.
Aussi les deux contrats litigieux sont-ils soumis aux dispositions des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation, ce que reconnaît d'ailleurs la Société PREFI. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE METZ
JUGEMENT DU 6 AOÛT 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 3733/95.
DEMANDEUR :
Monsieur X.
exploitant à l'enseigne « […] », [adresse], Représenté par Maître VORMS, DALBIN et GOURVENNEC, Avocats au Barreau de Metz
DÉFENDEURS :
- Société TELESIX
[adresse], Représentée par Maître ARNON, Avocat au barreau de Lyon
- Société PREFI
[adresse], Représentée par Maître KREMER, Avocat au Barreau de Metz
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
JUGE : Monsieur MOLLARD
GREFFIER : Madame RUBINSTEIN
Débats à l'audience publique du 25 JUIN 1996
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DES FAITS :
Par acte d'huissier en date du 9 novembre 1995, M. X., commerçant à l'enseigne « […] » a assigné les Société TELESIX SA et PREFI SA devant le Tribunal de céans aux fins de voir annuler le contrat de maintenance et de location de lecteur de chèques conclu avec la Société TELESIX et condamner la Société TELESIX à payer la somme de 1.156,35 Francs. Subsidiairement, il demande au Tribunal de juger que ledit contrat a été valablement résilié par lui et qu'il ne reste tenu d'aucunes sommes envers les Sociétés TELESIX et PREFI. En tout état de cause, il sollicite la condamnation des défenderesses solidairement à lui payer la somme de 5.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC.
M. X. explique que démarché par la Société TELESIX, il a signé le 27 février 1995 un contrat de maintenance pour un lecteur de chèques permettant l'accès au Fichier national des chèques irréguliers géré par la Banque de France et a versé la somme de 578,17 Francs au titre des frais d'adhésion et de l'abonnement au service informatique assurant la connexion entre le lecteur et le Fichier ; que dès le 5 mars 1995, il rétractait son engagement ; que cependant la Société TELESIX prélevait de nouveau la somme de 578,18 Francs, montant du loyer mensuel.
Il considère que les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation s'appliquent, nonobstant sa qualité de commerçant, dans la mesure où le service objet du contrat litigieux était sans rapport direct avec son exploitation professionnelle ; qu'il disposait donc d'un délai de réflexion de sept jours ; que faute de le rappeler, le contrat est nul et de nul effet et la Société TELESIX tenue de lui rembourser la somme de 1.156,35 Francs.
Subsidiairement, il fait valoir que son consentement a été vicié en ce que le contrat ne précisait pas de manière claire que M. X. s'engageait d'abord dans une opération de crédit-bail avec la Société PREFI, portant sur le lecteur, le contrat de maintenance conclu avec la Société TELESIX n'en étant que l'accessoire ; que le contrat doit être annulé pour dol, conformément à l'article 1116 du Code civil.
Dans l'hypothèse où le contrat serait jugé valable, M. X. considère que la rétractation de son consentement a résilié le contrat.
La Société PREFI réplique que M. X. a en réalité signé deux contrats, un contrat de maintenance avec la Société TELESIX et un contrat de location incluant la prestation de maintenance avec elle-même ; que les stipulations du second contrat sont claires et n'ont pu laisser aucun doute à M. X. quant à la nature de son engagement ; que, de plus, ce contrat contient un formulaire détachable de renonciation dans les sept jours ; qu'il est donc parfaitement valable. Elle admet que M. X. avait la possibilité de dénoncer le contrat dans le délai de sept jours à compter de sa signature mais fait valoir qu'il n'a pas fait usage de cette faculté, la lettre de rétractation du 5 mars 1995 adressée à la Société TELESIX, personne étrangère au contrat de location, étant inopposable à la Société PREFI.
La Société PREFI, qui dit avoir prononcé la résolution du contrat au 14 septembre 1995 pour non paiement des loyers, forme demande reconventionnelle et sollicite la [minute page 3] condamnation de M. X. à lui payer, avec exécution provisoire :
- la somme de 30.374,05 Francs au titre des loyers échus avant la résolution et impayés et de l'indemnité contractuelle de résiliation ;
- la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.
La Société TELESIX conteste que les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation s'appliquent à l'opération litigieuse, au motif que le service proposé à M. X. avait un rapport direct avec les activités exercées par le demandeur dans le cadre de son exploitation commerciale, s'agissant de s'assurer de la validité des chèques, mode de paiement habituel, remis par les clients. Elle reprend les conclusions de la Société PREFI concernant l'absence de dol et ajoute que le contrat de maintenance est lui-même parfaitement clair.
Elle forme demande reconventionnelle et sollicite la condamnation de M. X. à lui payer :
- la somme de 5.000 Francs en réparation du dommage à son image commerciale auprès de la Société PREFI causé par la présente instance ;
- la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
M. X. affirme qu'il n'avait pas réalisé qu'il avait signé deux contrats et qu'aucun exemplaire du contrat de location ne lui a été laissé. Il maintient que les dispositions précitées du Code de la consommation doivent recevoir application puisque malgré sa qualité de commerçant il n'avait aucune compétence particulière dans le type de matériels et de services proposés. Il considère que la lettre de rétractation envoyée à la Société TELESIX est opposable à la Société PREFI, la première ayant agi en qualité de mandataire de la seconde.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur le fond :
M. X., commerçant personne physique, a été démarché dans sa boutique par un représentant de la Société TELESIX qui lui a fait signer deux contrats pour les besoins de son activité professionnelle, un contrat de location (et non de crédit-bail) d'un lecteur de chèques avec la Société PREFI et un contrat de maintenance et abonnement à un service permettant l'utilisation ce lecteur avec la Société TELESIX.
Le contrat de location est rédigée de manière suffisamment claire pour que M. X. n'ait pu se méprendre sur la teneur de son engagement ; aussi convient-il de rejeter sa demande d'annulation pour vice du consentement.
[minute page 4] Aux termes des articles L. 121-21 et L. 121-22-4° du Code de la consommation, les ventes, locations, ou locations-ventes de biens ou les prestations de services conclues au lieu de travail d'une personne physique sont par exception exclues de l'application des articles L. 121-23 à L. 121-28 du même Code lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ou de tout autre profession.
Les deux contrats concernent l'installation et le fonctionnement d'un système de détection des chèques non provisionnés ou volés qui requière l'utilisation d'un matériel électronique et d'un logiciel informatique. Ces matières n'ont pas de rapport direct, au sens de l'article L. 121-22-4° précité, avec l'activité professionnelle de M. X., qui tient un débit de tabac : elles échappent en effet à la compétence professionnelle du demandeur qui se trouvait dans le même état d'ignorance que n'importe quel consommateur.
Aussi les deux contrats litigieux sont-ils soumis aux dispositions des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation, ce que reconnaît d'ailleurs la Société PREFI.
Le contrat de maintenance ne reproduit pas les mentions obligatoires exigées par l'article L. 121-23 et n'est pas accompagné d'un formulaire détachable de renonciation ; il doit être annulé.
Le contrat de location reproduit en revanche les mentions obligatoires, notamment la faculté de renonciation offerte au client, et contient un formulaire de rétractation détachable. Toutefois, ce contrat n'est valable au regard des dispositions de l'article L. 121-23 du Code la consommation qu'autant qu'un exemplaire en a été remis à M. X.
Devant l'affirmation du demandeur selon laquelle il ne lui a pas été laissé copie du contrat de location, c'est à la Société PREFI de rapporter la preuve contraire. Elle ne le fait pas : le contrat précise certes qu'il a été établi autant d'exemplaires que de parties mais ne contient aucune formule par laquelle le consommateur, en le signant, reconnaîtrait qu'il en a reçu copie. Il doit donc être annulé.
La Société TELESIX qui a perçu la somme de 1.156,35 Francs sera condamnée à rembourser cette somme à M. X., majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 1995, date de l'assignation.
Sur l'article 700 du NCPC :
Il convient de condamner les Sociétés TELESIX et PREFI à payer la somme de 2.000 Francs en compensation des frais non compris dans les dépens exposés par le demandeur au cours de la présente instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort :
ANNULE les contrat de location et de maintenance conclus le 27 février 1995 entre Monsieur Francis X. et les Sociétés PREFI SA pour le premier et TELESIX SA pour le second ;
CONDAMNE la Société TELESIX SA à payer à monsieur X. la somme de 1.156,35 Francs, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 1995 ;
CONDAMNE les Sociétés TELESIX SA et PREFI SA à payer à Monsieur X. la somme de 2.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
CONDAMNE les Sociétés TELESIX SA et PREFI SA aux dépens.
Le présent jugement a été prononcé en audience publique du 6 août 1996, par M. MOLLARD, Juge, assisté de Mme RUBINSTEIN, Greffier, et a été signé par eux.
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- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5904 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration du service offert au client
- 5941 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Paiement du professionnel