CA ANGERS (1re ch. A), 27 mai 1997
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 687
CA ANGERS (1re ch. A), 27 mai 1997 : RG n° 9600912 ; arrêt n° 412/97
(sur pourvoi Cass. com. 15 février 2000 : pourvoi n° 97-19793)
Extrait : « Au vu de ce qui précède, il ressort que le contrat d'exploitation et le contrat de location avec option d'achat de ce matériel « très spécifique » étaient interdépendants. La clause sus-rappelée que la Société CMV Financement a insérée dans le contrat de location avec option d'achat et qui n'a pour seule finalité que de la faire échapper aux conséquences de l'interdépendance des contrats est donc abusive. Elle ne peut recevoir application. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 27 MAI 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 9600912. Arrêt n° 412/97.
APPELANTE :
NOM ou raison sociale : SA CMV FINANCEMENT
Adresse ou siège : [adresse]
Représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoué Assistée de Maître DIEBOLT, avocat au barreau de PARIS,
INTIMÉ :
NOM ou raison sociale : Monsieur X.
Adresse ou siège : [adresse]
Représenté par la SCP CHATTELEYN et GEORGE, avoué Assisté de Maître BOIZARD, avocat au barreau d'ANGERS,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. MICAUX, Président de Chambre, M. CHESNEAU et Mme LOURMET, Conseillers
GREFFIER : S. LE GALL,
DÉBATS : à l'audience publique du 01/04/1997
ARRÊT : contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 27/05/1997, date indiquée par le président à l'issue des débats.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LA COUR,
Le 15 janvier 1991, M. X., pharmacien, a conclu avec la SARL DCM PHARMEDIA non [N.B. lire sans doute un] contrat d'adhésion au réseau télé-informatique Pharmédia, d'une durée de quatre années, aux termes duquel il s'engageait à se procurer auprès de DCM des matériels télé-informatiques comprenant une console télématique double sortie, un écran couleur, deux supports connectiques et un ensemble de logiciels-images et à maintenir en service permanent le moniteur TV pendant les heures d'ouverture de son officine en contrepartie de quoi DCM s'engageait à diffuser sur le terminal de l'adhérent un magazine vidéographique et à lui payer une rémunération dite « régie » à hauteur de 30 % des recettes de publicité enregistrées et à celles réglées relatives au terminal de l'adhérent lui confiant la régie exclusive de l'espace publicitaire contenu dans le magazine diffusé sur le réseau Pharmedia. Pour financer ce matériel d'un prix de 68.636,60 Francs TTC, M. X. a signé le 6 mars 1991, avec la Société Compagnie Médicale de Financement de voitures et matériels (dite la Société C.M.V. Financement) un contrat de location avec option d'achat, d'une durée de quatre ans, le premier loyer à payer étant de 1.935,53 Francs TTC et les 47 suivants de 1.935,54 Francs l'option d'achat après la 48ème échéance étant de 686,39 Francs TTC.
A compter de l'échéance du 5 décembre 1991, M. X. a cessé de régler les loyers motifs pris de l'interruption de la diffusion des messages publicitaires par la Société DCM Pharmedia et de l'arrêt du versement des avances sur droit de régie.
Par acte du 11 juin 1992, la Société CMV Financement a fait assigner M. X. devant le Tribunal de Commerce d'ANGERS en paiement des loyers à compter du 5 décembre 1991.
Postérieurement M. X. a, par acte du 11 avril 1995, assigné devant la même juridiction Maître SOUCHON es-qualités de représentant des créanciers de la Société DCM Pharmédia en résolution du contrat signé entre eux et en paiement de la somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 31 janvier 1996, le Tribunal de Commerce a
- joint les dossiers,
- prononcé la résiliation des contrats liant M. X. à DCM PHARMEDIA et M. X. à la Société CMV à compter du 25 novembre 1991,
- donné acte à M. X. de ce qu'il est prêt à restituer le matériel,
- condamné la Société DCM et CMV in solidum à payer à M. X. une somme de 10.000 Francs à titre de dommages intérêts,
- [minute page 3] mais compte tenu de la procédure collective de la Société DCM, fixé pour celle-ci le montant des dommages intérêts sans prononcer de condamnation et renvoyé M. X. devant le Juge-Commissaire pour la production de sa créance,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- condamné la Société CMV à payer à M. X. une somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.
La Société CMV Financement a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 20 juin 1996, elle demande à la Cour :
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il lui fait grief,
- de condamner M. X. à lui payer :
* 71.614,98 Francs correspondant aux loyers mensuels des 5 décembre 1991 et 5 décembre 1994 avec intérêts conventionnels au taux de 1,50 % par mois,
* avec capitalisation des intérêts de trois mois en trois mois en application de l'article 1155 du code civil,
* 686,39 Francs avec intérêts au même taux conventionnel que dessus à compter du 5 janvier 1995,
* avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code Civil,
- de condamner M. X. à lui restituer les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement savoir 10.984,48 Francs (dommages intérêts et frais y afférents),
- de le condamner à lui payer la somme de 20.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- de le condamner enfin aux dépens de première instance d'appel.
Aux termes d'écritures déposées le 28 janvier 1997, M. X. conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et à la condamnation de la Société CMV Financement à lui payer la somme de 13.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.
[minute page 4] Par conclusions déposées le 26 février 1997, la Société CMV Financement demande que M. X. soit débouté de ses prétentions.
Suivant conclusions en réponse du 10 mars 1997 M. X. sollicite l'entier bénéfice de ses précédentes écritures et le rejet de toutes prétentions contraires.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 13 mars 1997.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Pour critiquer le jugement entrepris, la Société CMV Financement fait valoir :
- que le préposé de DCM PHARMEDIA n'est pas son mandataire et n'a pas, par conséquent, pouvoir de l'engager,
- qu'en d'autres termes, tout document qui pourrait être recueilli par le préposé de DCM PHARMEDIA et intéressant un futur contrat de location ne pourrait s'interpréter que comme une demande de location,
- que la connaissance de l'usage d'un matériel loué n'établit aucun lien juridique entre exploitant et loueur,
- qu'elle a pris soin expressément d'indiquer qu'elle n'était pas mandante de DCM PHARMEDIA,
- que dans un contrat de location, la cause de l'obligation de payer les loyers se trouve dans la mise à disposition par le bailleur de la chose convenue,
- que la mise à disposition est attestée par le procès-verbal de livraison,
- que le matériel est resté et est toujours à la disposition de M. X.,
- que la cause dans les contrats s'appréciant au moment de la formation du lien juridique, c'est à tort que le Tribunal a retenu que « l'exploitation s'avérant impossible, le contrat de location devient sans cause ».
- que c'est perdre de vue que les parties sont expressément convenues que l'inexécution du contrat d'exploitation n'aurait aucun retentissement sur l'exécution du contrat de location et ce conformément au classique principe de l'effet relatif des contrats ;
- que la motivation du Tribunal ne se comprend pas dans la mesure où personne ni CMV Financement ni M. X. qui, cependant, avait pouvoir pour le faire, n'a sollicité que soit prononcée la résolution de la vente des matériels litigieux intervenue entre d'une part DCM PHARMEDIA et d'autre part CMV Financement.
[minute page 5] Elle demande donc que soit assuré le respect des stipulations des parties et notamment du paiement des loyers.
M. X. prétend lui :
- que pour prononcer la résiliation du contrat passé entre lui et la Société CMV, le Tribunal a justement estimé que le contrat était lié à celui conclu avec DMC par un lien d'interdépendance tel que la résiliation de l'un entraînait nécessairement celle de l'autre ;
- que les contrats de fourniture de biens et de service et de financement conclus presque simultanément par M. X. sont liés par une indivisibilité évidente tant objectivement que subjectivement,
- que la clause du contrat invoquée par CMV selon laquelle l'attention du souscripteur était attirée sur le fait qu'elle n'entendait point supporter les conséquences d'une défaillance du fournisseur et que le locataire resterait tenu de régler les loyers jusqu'au terme même au cas où le contrat d'exploitation conclu avec DCM ne serait pas exécuté ou serait résilié ou annulé est léonine ou abusive comme ayant pour objet de faire échec à l'interdépendance naturelle et reconnue des conventions,
- que le principe selon lequel la cause et son existence devraient s'apprécier à la souscription du contrat et non après, ne s'applique pas aux conventions à exécutions successives comme en l'occurrence où la disparition de la cause est susceptible de justifier à tout instant la résiliation,
- que la clause du contrat précisant que CMV Financement n'est pas mandante de DCM n'est pas pertinente comme contraire à la réalité dès lors que c'est bien un préposé de la Société DCM qui lui a proposé le contrat litigieux ce qu'il a nécessairement fait au nom de CMV Financement agissant au moins à titre de mandataire apparent de cette société,
- que le fait d'avoir accepté un contrat proposé par DCM établit à tout le moins une confirmation de mandat,
- qu'en toute hypothèse, l'existence d'un mandat entre les deux sociétés n'est pas une condition de l'indivisibilité en l'espèce caractérisée,
- que la rupture du contrat passé entre lui et DCM entraîne inéluctablement celle du contrat conclu avec la Société CMV.
La Société CMV Financement répond :
- que l'intimé ne précise pas les raisons qui lui permettraient de demander le rejet de ses prétentions sans examen au fond,
- que la signature d'un contrat d'adhésion n'impliquait nullement la signature d'un contrat de location avec option d'achat,
- [minute page 6] que l'indivisibilité technique n'est pas démontrée,
- qu'au regard de l'indivisibilité naturelle, l'indivisibilité revendiquée n'est pas établie, chaque contrat ayant un objet distinct,
- qu'il reste à établir que les parties aient entendu que leurs conventions soient indivisibles,
- que s'agissant d'elle, son but était si peu de réaliser une opération indivisible qu'elle a stipulé le contraire,
- que ce qu'elle a remis en location à M. X., c'est le matériel convenu, celui-même qu'il avait choisi et dont il avait pris la décision de s'équiper,
- que pas plus que l'indivisibilité matérielle, l'indivisibilité relative ne peut être retenue,
- qu'elle a averti son cocontractant que le risque technique commercial et financier pesait sur lui,
- que les clauses critiquées par M. X. sont efficaces,
- que malgré la rupture du contrat d'adhésion, elle en tant que bailleur, fournit la contrepartie qu'elle doit,
- que M. X. ne peut prétendre, eu égard aux dispositions du contrat de location que le préposé de la Société DCM PHARMEDIA aurait été son mandataire apparent.
M. X. réplique enfin que l'objet du contrat ne saurait être un banal poste de télévision, que si tel avait été le cas le coût aurait été exorbitant et l'opération frauduleuse, que le matériel financé à très grands frais n'a jamais servi et ne pourra jamais servir.
* * *
Aux termes de son jugement du 31 janvier 1996, le Tribunal a prononcé la résiliation du contrat liant M. X. à la Société DCM PHARMEDIA à compter du 25 novembre 1991. Il n'a pas été interjeté appel de cette disposition. La résiliation du contrat d'adhésion au réseau télé-informatique PHARMEDIA est donc acquise.
Reste le sort à réserver au contrat de location avec option d'achat conclu entre M. X. et la Société CMV Financement.
Il faut rappeler qu'en même temps qu'il a signé, pour une durée de 4 ans, le contrat d'adhésion au réseau télé-informatique PHARMEDIA avec DCM, Monsieur X. a passé commande à DCM PHARMEDIA du matériel nécessaire à la diffusion du magazine [minute page 7] vidéographique PHARMEDIA (cf. bon de commande du 15 janvier 1991). Dans le même temps encore, il a signé un document intitulé CMV Financement, contrat de location avec option d'achat conditions particulières, relatif au matériel fourni par DCM PHARMEDIA, en déclarant accepter ce contrat de location sur 4 ans, comme il venait d'accepter pour 4 ans le contrat d'adhésion au réseau télé-informatique PHARMEDIA. Ainsi le 15 janvier 1991, M. X. a signé le contrat de fourniture de services, la commande du matériel support de cette fourniture de services et son acceptation du contrat de location avec option d'achat dudit matériel (agréé ultérieurement par CMV Financement).
Par rapport à CMV Financement, il est vrai ainsi qu'elle le fait observer que le contrat stipule :
« Elle attire également l'attention du locataire sur le fait que la CMV n'ayant choisi ni ce matériel très spécifique, ni le fournisseur, n'entend pas supporter une défaillance de l'un ou de l'autre, et ce conformément aux stipulations des conditions générales au verso.
Elle attire notamment l'attention du locataire sur le fait qu'il restera tenu de régler les loyers jusqu'au terme de la convention, même au cas où le contrat d'exploitation conclu par ailleurs avec DCM ne serait pas exécuté ou serait résilié ou annulé ».
Si on se réfère aux termes mêmes de cette stipulation, elle découle du fait que CMV Financement n'a choisi ni « le matériel très spécifique, ni le fournisseur ». Il est encore précisé au contrat : « la CMV est informée que les matériels dont il s'agit sont destinés à être exploités par la Société DCM. En tant que de besoin elle autorise cette exploitation ».
La Société CMV Financement savait donc que le matériel qu'elle avait acheté pour le donner en location était très spécifique et destiné à être exploité par DCM.
Au vu de ce qui précède, il ressort que le contrat d'exploitation et le contrat de location avec option d'achat de ce matériel « très spécifique » étaient interdépendants.
La clause sus-rappelée que la Société CMV Financement a insérée dans le contrat de location avec option d'achat et qui n'a pour seule finalité que de la faire échapper aux conséquences de l'interdépendance des contrats est donc abusive. Elle ne peut recevoir application.
Dès lors que la résiliation du contrat d'exploitation est acquise, elle entraîne la résiliation du contrat de location avec option d'achat.
[minute page 8] Le contrat avec CMV Financement étant résilié, cette dernière est mal fondée à demander à M. X. le paiement des loyers et la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement dont appel.
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. X. les frais irrépétibles qu'il a dû engager. Par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Société CMV Financement sera condamnée à lui payer la somme de 5.000 Francs pour ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Relativement aux frais irrépétibles de première instance, la décision des premiers juges mérité d'être confirmée.
La Société CMV Financement qui succombe n'est pas justifiée à obtenir une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la Société CMV Financement à payer à M. X. la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Société CMV Financement aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP CHATTELEYN et GEORGE, avoué.
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