CASS. COM., 8 juin 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6895
CASS. COM., 8 juin 2017 : pourvoi n° 15-25712 ; arrêt n° 873
Publication : Legifrance
Extrait : « Mais attendu, en premier lieu, que si c’est à tort que la cour d’appel a retenu que la cassation partielle prononcée par l’arrêt du 10 septembre 2013, concernant le chef de l’arrêt ordonnant la répétition des sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat par différents partenaires, ne remettait pas en cause le principe de restitution auquel était attachée l’autorité de chose jugée, cependant que ce chef de dispositif ne distinguait pas entre le principe de restitution et son quantum, la cassation n’est pas pour autant encourue, dès lors que les moyens soulevés à cet égard étaient inopérants ; qu’en effet, la cassation prononcée n’ayant pas affecté le chef de dispositif de l’arrêt du 2 février 2012, par lequel la cour d’appel avait jugé que la société Carrefour avait obtenu, en application des accords de partenariat conclus avec différents fournisseurs, des rémunérations manifestement disproportionnées ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, au sens de l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce, et prononcé la nullité de ces clauses, le principe de restitution des sommes ainsi indûment perçues en résultait nécessairement ; que, par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux justement critiqués par les deux premières branches, la décision se trouve justifiée ;
Et attendu, en second lieu, que la règle selon laquelle nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ne s’applique pas en matière délictuelle ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 8 JUIN 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 15-2571. Arrêt n° 873.
DEMANDEUR à la cassation : Société Carrefour hypermarchés
DÉFENDEUR à la cassation : Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi
Mme Mouillard (président), président. SCP Delvolvé et Trichet, SCP François-Henri Briard, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2015), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 septembre 2013, pourvoi n° 12-21804), que le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi (le ministre de l’économie) a assigné la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour) devant le tribunal de commerce en application des dispositions des articles L. 442-6-III et L. 470-5 du code de commerce, en nullité de la clause relative à la rémunération de services distincts de ceux favorisant la commercialisation des produits des fournisseurs et visés dans les accords de partenariat conclus en décembre 2005 et février 2006 par la société Carrefour avec différents fournisseurs, en restitution des sommes trop perçues et en paiement d’une amende civile ; que la cour d’appel a accueilli l’action du ministre par un arrêt du 2 février 2012 qui a fait l’objet d’une cassation partielle ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Carrefour fait grief à l’arrêt de lui ordonner de restituer entre les mains du Trésor public, qui les reversera aux fournisseurs concernés, les sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation annule intégralement le chef du dispositif qu’elle atteint, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu’en l’espèce, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 février 2012 avait prononcé, dans un premier chef de dispositif, la nullité des clauses fixant la rémunération des services de coopération commerciale entre la société Carrefour et seize fournisseurs et ordonné, dans un autre chef de dispositif, la répétition de l’indu par le paiement entre les mains du Trésor public, qui les reversera aux fournisseurs concernés, des sommes indûment perçues par la société Carrefour au titre de ces contrats ; que, dans son arrêt du 10 septembre 2013, accueillant le moyen tiré de ce que la cour d’appel ne pouvait condamner la société Carrefour à restituer l’intégralité des sommes perçues au titre des contrats de coopération commerciale, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 2 février 2012 « en ce qu’il a ordonné la répétition de l’indu, par le paiement entre les mains du Trésor public, qui les reversera aux fournisseurs concernés, de sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat » ; que la société Carrefour faisait valoir devant la cour de renvoi, que, tant en vertu du principe nemo auditur que parce qu’ils avaient commis une faute en qualité de solvens, les fournisseurs ne pouvaient pas obtenir restitution des sommes versées en application de la clause de rémunération annulée ; qu’en considérant que ces moyens se heurtaient à l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt du 2 février 2012 car la cassation n’aurait pas atteint le principe même des restitutions, cependant que l’arrêt du 2 février 2012 ne contenait pas de chef de dispositif sur le principe même des restitutions, la cour d’appel, qui a apprécié la portée de la cassation à l’aune du moyen qui a déterminé la cassation et non à l’aune du chef de dispositif censuré, a violé les articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile ;
2°/ que les motifs d’une décision n’ont pas autorité de chose jugée ; que la cour d’appel a considéré que la société Carrefour tentait de remettre en cause l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt du 2 février 2012 en soutenant, d’une part, que la décision relative aux restitutions devait être prise au regard du tout indivisible que sont l’achat des marchandises aux fournisseurs et la réalisation par la société Carrefour de services de coopération commerciale et, d’autre part, que les deux parties avaient voulu la pratique sanctionnée dont l’objet était de préserver leurs marges, dans la mesure où, dans ses motifs, l’arrêt du 2 février 2012 n’avait reconnu aucune faute des fournisseurs ; qu’en se déterminant ainsi, cependant que les motifs n’ont pas autorité de chose jugée, la cour d’appel a violé l’article 480 du code de procédure civile et l’article 1351 du code civil ;
3°/ qu’en vertu de l’adage nemo auditur, la partie qui a participé à l’illicéité ne peut obtenir restitution des sommes qu’elle a versées en exécution du contrat annulé ; que la circonstance que le contractant ait accepté un contrat à contenu illicite parce que c’était le seul moyen pour lui de conclure ledit contrat n’est pas de nature à exclure l’application de l’adage ; qu’en énonçant, pour conclure que l’adage était invoqué de manière inopérante par la société Carrefour, que, comme le souligne le ministre, « les fournisseurs n’ont aucun intérêt à verser ces marges arrière si ce n’est celui de pouvoir conclure avec leurs clients puissants de la grande distribution », la cour d’appel, qui s’est elle-même prononcée par des motifs inopérants, a méconnu l’adage nemo auditur et violé l’article 1131 du code civil ;
4°/ que, devant la cour d’appel, la société Carrefour faisait valoir que le prix des services de coopération commerciale était le fruit d’une action concertée du distributeur et de ses fournisseurs qui, en l’état d’un prix net élevé fixé par les fournisseurs, avaient compensé l’impossibilité pour le distributeur de réaliser une marge avant par une augmentation de la marge arrière, via le prix des services de coopération commerciale ; qu’en ne s’interrogeant pas, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si l’illicéité des clauses de rémunération n’était pas ainsi le résultat d’une convergence d’intérêts et d’un commun accord de la société Carrefour et des fournisseurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’adage nemo auditur et de l’article 1131 du code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, en premier lieu, que si c’est à tort que la cour d’appel a retenu que la cassation partielle prononcée par l’arrêt du 10 septembre 2013, concernant le chef de l’arrêt ordonnant la répétition des sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat par différents partenaires, ne remettait pas en cause le principe de restitution auquel était attachée l’autorité de chose jugée, cependant que ce chef de dispositif ne distinguait pas entre le principe de restitution et son quantum, la cassation n’est pas pour autant encourue, dès lors que les moyens soulevés à cet égard étaient inopérants ; qu’en effet, la cassation prononcée n’ayant pas affecté le chef de dispositif de l’arrêt du 2 février 2012, par lequel la cour d’appel avait jugé que la société Carrefour avait obtenu, en application des accords de partenariat conclus avec différents fournisseurs, des rémunérations manifestement disproportionnées ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, au sens de l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce, et prononcé la nullité de ces clauses, le principe de restitution des sommes ainsi indûment perçues en résultait nécessairement ; que, par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux justement critiqués par les deux premières branches, la décision se trouve justifiée ;
Et attendu, en second lieu, que la règle selon laquelle nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ne s’applique pas en matière délictuelle ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Carrefour fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que l’accipiens n’est tenu à restitution que de ce dont il s’est enrichi ; qu’ainsi que le faisait valoir la société Carrefour dans ses conclusions, la contrepartie de la rémunération reçue au titre de chacun des contrats de coopération commerciale résidait tout à la fois dans les prestations proprement dites y figurant et dans la part du prix d’acquisition des marchandises négociée en fonction de la coopération commerciale et calculée pour chaque fournisseur en intégrant la rémunération versée au titre de la coopération ; que dès lors, le calcul des sommes dues par les fournisseurs au distributeur imposait d’évaluer la valeur de la prestation de coopération et de la compléter par la fraction du prix d’acquisition des marchandises dont les fournisseurs avaient bénéficié en raison de la coopération, représentée par la différence entre le prix net/net et le prix triple net ; qu’en se bornant, pour calculer la rémunération due au distributeur pour la coopération commerciale, à évaluer les seules prestations fournies à ce titre, sans aucunement prendre en considération l’autre contrepartie de la rémunération, à savoir la part du prix d’acquisition des marchandises venant neutraliser en partie le coût de la coopération, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6, III du code de commerce, 1235 et 1376 du code civil et 1er du Premier protocole additionnel ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que la cour d’appel de renvoi ayant statué en conformité de l’arrêt de cassation qui l’avait saisie, le moyen, qui invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son précédent arrêt, est irrecevable ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Carrefour hypermarchés aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour hypermarchés
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné la restitution par la société Carrefour Hypermarchés entre les mains du Trésor Public qui les reversera aux fournisseurs concernés des sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat : SAS Bresse : 33.606,62 euros, SARL Sacla Italie : 956.340,86 euros, SAS Papeterie Hamelin : 1.322.599,04 euros, SAS Walchi : 77.448,73 euros, SAS La Toque Angevine : 1.647.832,62 euros, SAS Conserveries de Provence : 2.991.757,68 euros, SARL Rana France : 2.775.966,61 euros, SARL Michel Coudène : 107.882,45 euros, SA MHHP Productions : 102.119,27 euros, SAS AGIS : 1.583.517,96 euros, SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés (Malongo) : 2.051.939,73 euros, SAS Valade : 265.826,88 euros, SA Ederki : 533.012,34 euros, SAS Arnaud : 827.947,58 euros, SAS La Fournée Dorée Lorraine : 858.265,44 euros ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que « Sur le périmètre de la cassation, la saisine de la cour et la règle « Nemo auditur » : en vertu de la prérogative de défenseur de l’ordre public économique que le législateur lui a reconnue, le Ministre agit en annulation des contrats, des clauses de contrats conclu par distributeurs et fournisseurs qui comportent des éléments caractérisant un déséquilibre significatif dans les obligations respectives des parties ; qu’en l’espèce le prix payé par le fournisseur ne correspondait soit à aucun service rendu (« Communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin ») soit à un service limité dont le contenu ne pouvait justifier la rémunération reçue (« plan d’action par famille de produits » et « plan de développement des performances des fournisseurs ») ; que le principe de restitution a été précisé par arrêt de la cour d’appel de paris non remis en cause par la cassation partielle de l’arrêt de la cour de Paris du 2 février 2012 prononcée par la Cour de cassation ; que la société Carrefour tente de remettre en cause l’autorité de chose jugée en soutenant : 1) que la spécificité des relations entre Carrefour et ses fournisseurs doit être analysée dans le tout indivisible que sont l’achat des marchandises aux fournisseurs et la réalisation par Carrefour de services de coopération commerciale, préalablement à toute décision relative aux restitutions et 2) que les deux parties avaient voulu la pratique sanctionnée dont l’objet était de permettre de préserver les marges des deux parties que l’application d’un texte législatif avait eu pour effet d’empêcher ; que, tout au plus, la société Carrefour pouvait faire état de ces considérations devant le tribunal de commerce et la cour d’appel afin que ces juridictions examinent en toute connaissance de cause les pratiques traduites par les obligations respectives des parties dans les contrats de coopération commerciale et en tirent les conséquences utiles ; que la société Carrefour l’a d’ailleurs fait et que la cour a ainsi précisé dans l’arrêt du 2 février 2012 : « il convient d’observer que les PME sont confrontées à des difficultés croissantes pour obtenir le référencement de leurs produits par les distributeurs, en particulier pour celles commercialisant leurs produits sous marques propres, et qu’elles subissent un rapport de force de plus en plus déséquilibré face aux groupes de la grande distribution qui s’est traduit par une tendance à la diminution des prix de cession nets qu’elles obtenaient de la part desdits distributeurs. Il est donc illusoire de considérer comme voulait le faire croire l’appelante, que les PME peuvent à loisir revoir leurs tarifs à la hausse pour compenser les demandes de rémunérations abusives de services auxquelles elles se trouvent confrontées dans leurs négociations avec les fournisseurs » ; que la cour n’a reconnu aucune faute des fournisseurs que les motifs ci-dessus rappelés excluent ; qu’enfin, comme le souligne le Ministre, « Les fournisseurs n’ont aucun intérêt à verser ces marges arrières si ce n’est celui de pouvoir conclure avec leurs clients puissants de la grande distribution ; que c’est donc de manière inopérante que la société Carrefour invoque l’adage « Nemo auditur… » pour faire échec à la restitution intégrale ou partielle des sommes versées par les fournisseurs » (arrêt, p. 6-7) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors, en premier lieu, que la cassation annule intégralement le chef du dispositif qu’elle atteint, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu’en l’espèce, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 février 2012 avait prononcé, dans un premier chef de dispositif, la nullité des clauses fixant la rémunération des services de coopération commerciale entre Carrefour Hypermarchés et seize fournisseurs et ordonné, dans un autre chef de dispositif, la répétition de l’indu par le paiement entre les mains du Trésor Public, qui les reversera aux fournisseurs concernés des sommes indûment perçues par Carrefour Hypermarchés au titre de ces contrats ; que dans son arrêt du 10 septembre 2013, accueillant le moyen tiré de ce que la cour d’appel ne pouvait condamner la société Carrefour Hypermarchés à restituer l’intégralité des sommes perçues au titre des contrats de coopération commerciale, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 2 février 2012 « en ce qu’il a ordonné la répétition de l’indu, par le paiement entre les mains du Trésor public, qui les reversera aux fournisseurs concernés, de sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat » ; que la société Carrefour Hypermarchés faisait valoir devant la cour de renvoi, que tant en vertu du principe nemo auditur, que parce qu’ils avaient commis une faute en qualité de solvens, les fournisseurs ne pouvaient pas obtenir restitution des sommes versées en application de la clause de rémunération annulée ; qu’en considérant que ces moyens se heurtaient à l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt du 2 février 2012 car la cassation n’aurait pas atteint le principe même des restitutions, cependant que l’arrêt du 2 février 2012 ne contenait pas de chef de dispositif sur le principe même des restitutions, la cour d’appel, qui a apprécié la portée de la cassation à l’aune du moyen qui a déterminé la cassation et non à l’aune du chef de dispositif censuré, a violé les articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile ;
Alors, en deuxième lieu, que les motifs d’une décision n’ont pas autorité de chose jugée ; que la cour d’appel a considéré que la société Carrefour Hypermarchés tentait de remettre en cause l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt du 2 février 2012 en soutenant d’une part que la décision relative aux restitutions devait être prise au regard du tout indivisible que sont l’achat des marchandises aux fournisseurs et la réalisation par Carrefour de services de coopération commerciale et d’autre part que les deux parties avaient voulu la pratique sanctionnée dont l’objet était de préserver leurs marges, dans la mesure où dans ses motifs, l’arrêt du 2 février 2012 n’avait reconnu aucune faute des fournisseurs ; qu’en se déterminant ainsi, cependant que les motifs n’ont pas autorité de chose jugée, la cour d’appel a violé l’article 480 du code de procédure civile et l’article 1351 du code civil ;
Alors, en troisième lieu, qu’en vertu de l’adage Nemo auditur, la partie qui a participé à l’illicéité ne peut obtenir restitution des sommes qu’elle a versées en exécution du contrat annulé ; que la circonstance que le contractant ait accepté un contrat à contenu illicite parce que c’était le seul moyen pour lui de conclure ledit contrat n’est pas de nature à exclure l’application de l’adage ; qu’en énonçant, pour conclure que l’adage était invoqué de manière inopérante par l’exposante, que “comme le souligne le Ministre, « les fournisseurs n’ont aucun intérêt à verser ces marges arrière si ce n’est celui de pouvoir conclure avec leurs clients puissants de la grande distribution », la cour d’appel qui s’est elle-même prononcée par des motifs inopérants, a méconnu l’adage nemo auditur et violé l’article 1131 du code civil ;
Alors en quatrième lieu, que devant la cour d’appel, la société Carrefour Hypermarchés faisait valoir que le prix des services de coopération commerciale était le fruit d’une action concertée du distributeur et de ses fournisseurs qui, en l’état d’un prix net élevé fixé par les fournisseurs, avaient compensé l’impossibilité pour le distributeur de réaliser une marge avant par une augmentation de la marge arrière, via le prix des services de coopération commerciale (conclusions p. 26-36) ; qu’en ne s’interrogeant pas, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si l’illicéité des clauses de rémunération n’était pas ainsi le résultat d’une convergence d’intérêts et d’un commun accord de Carrefour Hypermarchés et des fournisseurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’adage nemo auditur et de l’article 1131 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné la restitution par la société Carrefour Hypermarchés entre les mains du Trésor Public qui les reversera aux fournisseurs concernés des sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat : SAS Bresse : 33.606,62 euros, SARL Sacla Italie : 956.340,86 euros, SAS Papeterie Hamelin : 1.322.599,04 euros, SAS Walchi : 77. 448,73 euros, SAS La Toque Angevine : 1.647.832,62 euros, SAS Conserveries de Provence : 2.991.757,68 euros, SARL Rana France : 2.775.966,61 euros, SARL Michel Coudène : 107.882,45 euros, SA MHHP Productions : 102.119,27 euros, SAS AGIS : 1.583.517,96 euros, SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés (Malongo) : 2.051.939,73 euros, SAS Valade : 265.826,88 euros, SA Erdeki : 533.012,34 euros, SAS Arnaud : 827.947,58 euros, SAS La Fournée Dorée Lorraine : 858.265,44 euros ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que « sur le quantum des restitutions : que trois services étaient proposés, qu’il a été précisé que le service « Communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin » ne correspondait à aucun service commercial rendu ; qu’il n’y a pas lieu de discuter à nouveau ; que les deux autres services « plan d’action par famille de produits » et « plan de développement des performances des fournisseurs » ont donné lieu à une prestation globale et à une rémunération disproportionnée par rapport aux services rendus ; que le « plan d’action par famille de produits » consiste, comme le définit la société Carrefour en la communication aux fournisseurs de l’ensemble d’informations et d’études commerciales ainsi que de présentations relatives à l’évolution commerciale et à la stratégie de développement des enseignes du groupe Carrefour », que « les informations sont déclinées pour chaque groupe de famille de produits et mises en perspectives avec l’évolution et les tendances du marché » ; que le principe même de ces prestations n’est pas critiquable et d’ailleurs, comme l’explique Carrefour, ces prestations peuvent avoir été « validées » par les services du Ministre de l’Economie ; qu’en revanche, leur contenu, l’intérêt qu’il présente pour les fournisseurs doivent justifier la rémunération de la société Carrefour actuellement sans rapport avec le service rendu, calculée sur le chiffre d’affaires, variant de 4 % de celui-ci (société papeterie Hamelin = 187.714,39 Euros) à 33,5 % (pour la société Salaisons Pyrénéennes 36.448,10 Euros) étant précisé que la rémunération due par la société Rana est de 20 % de son chiffre d’affaires (soit 1.273.775,80 Euros) ; qu’en l’espèce, si les informations sont réalisées à partir des données exhaustives de la société Carrefour, une large partie des informations concerne les marchés de produits sans rapport avec ceux que commercialisent les fournisseurs et sont alors d’un intérêt tout relatif, complétant en quelque sorte les informations des panélistes elles-mêmes établies à partir d’échantillons mais concernant également d’autres distributeurs ; que les informations consistent en données très générales sur la politique de Carrefour ou les résultats enregistrés par ses différentes enseignes ; que les bénéfices que disent en tirer les fournisseurs dont la liberté de propos n’est pas certainement établie (« cette réunion est incontournable et très intéressante » ou « la revue de marché est l’occasion de disposer d’informations précises et actualisées sur l’évolution de la distribution et des marchés... ces connaissances nous donnent la possibilité de prendre en compte vos attentes et d’y répondre au mieux tout au long de l’année. ») ne peuvent en aucun cas justifier la rémunération de Carrefour ; que le plan de « développement des performances du fournisseur » recouvre, comme le précise la société Carrefour, l’élaboration d’un plan de développement des performances du ou des produit(s) concerné(s), incluant notamment les objectifs de chiffre d’affaires global du groupe carrefour générés par les ventes des produits du fournisseur, la construction d’un assortiment adapté aux attentes des clients des magasins Carrefour après consultation du fournisseur et réalisation d’études en interne, l’analyse de la performance des produits du fournisseur, avec données de l’ensemble des ventes dans tous les magasins du groupe, et un tableau de synthèse mensuel détaillant la performance des ventes des produits du fournisseur par sous-catégorie et les performances globales toutes enseignes des ventes de ses produits par catégorie, que ce plan est communiqué via le portail Internet Fournisseur ; que pour ce plan aussi, les données sont de peu d’utilité et le bénéfice qu’en tirent les fournisseurs ne justifie pas les rémunérations de la société Carrefour, calculée sur le chiffre d’affaires, variant de 1 % de celui-ci (pour la société Salaisons Pyrénéennes) à 17,5 % (pour la société Salaisons Pyrénéennes) étant précisé que la rémunération due par la société Malongo est de 12 % de son chiffre d’affaires (soit 1.328.804,28 Euros) ; que, prenant compte du prix moyen des études réalisées par les panélistes tout en constatant également que l’étude réalisée par ces derniers est légèrement différente de celles que propose Interdis, que les fournisseurs n’ont pas tous accès au même service, que les prestations varient entre les fournisseurs, que certains fournisseurs ont signé plusieurs contrats, il y a lieu de dire que les services rendus par ces deux plans considérés globalement par Carrefour doivent être évalués aux sommes de 48.000 Euros pour les sociétés SARL Sacla Italie, SAS La Toque Angevine, SAS Conserveries de Provence, de 50.000 Euros pour les sociétés SAS Bresse, SAS Papeterie Hamelin, SAS Walchi, de 52.000 Euros pour les sociétés SA Compagnie Méditerranéenne des Cafés (Malongo), SAS Valade, SA Ederki, SAS Arnaud, de 55.000 Euros pour les sociétés SARL Rana France, SAS Michel Coudène, SA MHHP Productions, SAS Agis et de 46.673,67 Euros pour la SA Les Salaisons Pyrénéennes ; que les prestations du plan d’action par famille de produits au profit de la SAS La Fournée Dorée Lorraine doivent être rémunérées à hauteur de 55.000 Euros ; qu’ainsi les sommes devant être restituées sont établies en tenant compte de l’évaluation faite des services rendus et des rémunérations versées sans contrepartie réelle au titre du service « communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasins »
SAS Bresse : 83.606 € - 50.000 € = 33.606,62 Euros
SARL Sacla Italie : (659.098,86 € + 345.242 €) - 48.000 € = 956 340,86 Euros
SAS Papeterie Hamelin : (656.388,04 € + 716.211 €) – 50.000 € = 1.322.599,04 Euros
SAS Walchi : 127.448,73 € - 50.000 € = 77.448,73 Euros
SAS La Toque Angevine : (1.369.262,62 € + 326.570 €) - 48.000 € = 1.647.832,62 Euros
SA Les Salaisons Pyrénéennes : 46.673,67 € - 46.673,67 € = 0
SAS Conserveries de Provence : (2.132.367,68 € + 907.390 €) – 48.000 € = 2.991.757,68 Euros
SARL Rana France : (2.257.767,61 € + 573.199 €) - 55.000 € = 2.775.966,61 Euros
SAS Michel Coudène : (131.357,45 € + 31.525 €) - 55.000 € = 107.882,45 Euros
SA MHHP Productions : (124.690,27 € + 32.429 €) - 55.000 € = 102.119,27 Euros
SAS Agis : (1.531.038,96 € + 107.479 €) - 55.000 € = 1.583.517,96 Euros
SA Compagnie méditerranéenne des Cafés (Malongo) : (1.882.472,73 € + 221.467 €) - 52.000 € = 2.051.939,73 Euros
SAS Valade : (224.348,88 € + 93.478 €) – 52.000 € = 265.826,88 Euros
SA €derki : (412.386,34 €) - 52.000 € = 533.012,34 Euros
SAS Arnaud : (582.456,58 € + 297.491 €) - 52.000 € = 827.947,58 Euros
SAS La Fournée Dorée Lorraine : (684.949,44 € + 228.316 €) - 55.000 € = 858.265,44 Euros
que la société Carrefour versera ces sommes entre les mains du Trésor Public ; que la société Carrefour sera déboutée de ses demandes (arrêt, p. 8 et s.) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors que l’accipiens n’est tenu à restitution que de ce dont il s’est enrichi ; qu’ainsi que le faisait valoir la société Carrefour Hypermarchés dans ses conclusions, la contrepartie de la rémunération reçue au titre de chacun des contrats de coopération commerciale résidait tout à la fois dans les prestations proprement dites y figurant et dans la part du prix d’acquisition des marchandises négociée en fonction de la coopération commerciale et calculée pour chaque fournisseur en intégrant la rémunération versée au titre de la coopération ; que dès lors, le calcul des sommes dues par les fournisseurs au distributeur imposait d’évaluer la valeur de la prestation de coopération et de la compléter par la fraction du prix d’acquisition des marchandises dont les fournisseurs avaient bénéficié en raison de la coopération, représentée par la différence entre le prix net/net et le prix triple net ; qu’en se bornant, pour calculer la rémunération due au distributeur pour la coopération commerciale, à évaluer les seules prestations fournies à ce titre, sans aucunement prendre en considération l’autre contrepartie de la rémunération, à savoir la part du prix d’acquisition des marchandises venant neutraliser en partie le coût de la coopération, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6, III du code de commerce, 1235 et 1376 du code civil et 1er du Premier protocole additionnel.
- 6161 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité à la Constitution
- 6164 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Protection d’ordre public
- 6165 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Nature de l’action du Ministre
- 6250 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Procédure - Voies de recours
- 6254 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Restitutions