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CA RENNES (3e ch. com.), 20 juin 2017

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (3e ch. com.), 20 juin 2017
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 3e ch. com.
Demande : 14/09465
Décision : 17/292
Date : 20/06/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 292
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6927

CA RENNES (3e ch. com.), 20 juin 2017 : RG n° 14/09465 ; arrêt n° 292

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais l'article liminaire du code de la consommation rappelle que pour l'application de ce code, on entend par : - consommateur, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; - non-professionnel, toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; - professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel.

Il s'en infère que la société Prodicom, personne morale, ne peut être qualifiée de consommateur. Elle revêt la forme d'une société commerciale dont les actes ont la nature d'actes de commerce. Elle a contracté les obligations litigieuses, en qualité de professionnel, à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale et pour les besoins de celle-ci, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté l'application des articles L. 132-1 et L. 133-2 du code de la consommation. »

2/ « C'est à juste titre que le tribunal a jugé que les conventions conclues simultanément, d'une part, le 30 juin 2009 et, d'autre part, le 2 juillet 2009, comportant à la fois un contrat d'abonnement et de maintenance et un contrat de location de matériel, d'une durée identique, en contrepartie desquels le cocontractant s'engageait au paiement d'une mensualité globale indivisible, s'inscrivaient dans une seule opération et étaient interdépendants de sorte que les clauses niant cette interdépendance doivent être réputées non écrites. »

3/ « Lorsque des contrats sont interdépendants, l'anéantissement du contrat principal, qui entraîne non pas la résiliation mais la caducité du contrat de location, est un préalable nécessaire au prononcé de la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location. »

4/ « La SARL Prodicom […] reconnaît que deux contrats distincts ont été signés tant le 30 juin que le 2 juillet 2009 et ne conteste pas le fait que seuls les contrats de location ont été cédés à la société Parfip France de sorte que la résiliation des deux contrats d'abonnement ne pouvait être poursuivie qu'en présence du titulaire des dits contrats. Cependant elle n'a pas fait constater leur résiliation par le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société prestataire et n'a pas maintenu sa demande en résiliation des dits contrats à l'encontre du liquidateur judiciaire de cette société qu'elle avait pourtant attrait devant les premiers juges ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE  RENNES

TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G : 14/09465 ARRÊT N° 292

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : M. Pierre CALLOCH, Président,

Assesseur : Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, rapporteur

Assesseur : M. Bruno CREPIN, Conseiller, désigné par ordonnance de M. le premier président de la Cour d'appel de Rennes en date du 30 mars 2017,

GREFFIER : Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 25 avril 2017

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 20 juin 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

SAS PARFIP France

immatriculée au RCS de Paris sous le n° XXX, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège : Représentée par Maître Cyril D. de la SCP OUEST AVOCAT CONSEILS, postulant, avocat au barreau de NANTES, Représentée par Maître Annie A., plaidant, avocat au barreau de LYON

 

INTIMÉE :

SARL PRODICOM

immatriculée au RCS de SAINT NAZAIRE sous le n° B YYY, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège : Représentée par Maître Fathi B. de la SCP B.-L.-M., plaidant/postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite d'un démarchage, la SARL Prodicom a conclu, le 30 juin 2009, avec la société Innovatys, deux contrats d'abonnement de prestation de visiomobilité et de location de matériel portant sur un « Pack Visiomobile Touch », d'une durée de 60 mois moyennant le paiement de mensualités de 120 euros hors taxes. Le 2 juillet 2009, elle a conclu, avec la même société, deux autres contrats d'abonnement de prestation de visiomobilité et de location de matériel ayant pour objet l'installation du matériel « Sentinelle IP », d'une durée de 60 mois, moyennant des mensualités de 60 euros hors taxes.

Les deux contrats de location ont été cédés à la société Parfip France qui en a avisé la société Prodicom par lettres du 18 septembre 2012. La société Prodicom a cessé d'en régler les mensualités à compter du mois de juin 2012.

Le 13 février 2012, le tribunal de commerce d'Aix en Provence a prononcé la liquidation judiciaire de la société Innovatys devenue Safetic, Maître Vincent de C. étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 2 septembre 2013, la société Parfip France a adressé à la société Prodicom une lettre de relance, puis le 14 décembre 2012, une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 5.943,05 euros sous peine de résiliation du contrat. Elle a obtenu, à son encontre, le 22 janvier 2013 une ordonnance portant injonction de payer envers laquelle la société Prodicom a formé opposition.

La société Prodicom a parallèlement assigné le liquidateur judiciaire de la société Innovatys et la société ADS France devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire en résiliation des contrats litigieux, les deux procédures étant jointes. Elle s'est néanmoins désistée de son action à leur égard.

 

Le 22 octobre 2014, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a avec exécution provisoire :

- dit que la société Prodicom est partie professionnelle aux contrats de « prestation de visio mobilité et de location » en date des 30 juin 2009 et 2 juillet 2009 et qu'elle ne peut bénéficier des dispositions du code de la consommation ;

- dit que les contrats de prestation de visiomobilité et de location forment un tout indivisible ;

- prononcé la résiliation des contrats de prestation de visiomobilité et de location des 30 juin 2009 et 2 juillet 2009 à effet au 13 juillet 2012,

- débouté la société Parfip France de ses demandes ;

- condamné la société Parfip France à payer à la société Prodicom :

* la somme de 215,28 euros au titre du loyer du mois de juin 2012,

* la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* et à reprendre à ses frais les matériels objet des contrats ;

- débouté la société Prodicom de ses autres demandes ;

- pris acte de ce que la société Prodicom se désiste de son action à l'encontre de la SAS ADS France et de Maître Vincent de C. ès qualités,

- débouté la société Parfip de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Innovatys.

 

La SAS Parfip France a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de :

- constater la résiliation des contrats de location aux torts de la société Prodicom ;

- la condamner à lui verser une somme de 5.943,05 euros outre intérêts de droit à compter de l'assignation et une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner à restituer les biens objet de la location aux lieu et place qui seront fixés par elle dans les deux mois du prononcé du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date qui sera fixée pour la restitution.

 

En réponse, la société Prodicom conclut à titre principal :

- au constat de l'inopposabilité à son égard de la cession des contrats de prestation visiomobilité et location des 30 juin et 2 juillet 2009, intervenue entre la SAS Parfip et la société Innovatys,

- à l'irrecevabilité de l'action de la SAS Parfip à son encontre pour défaut de qualité à agir,

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de dire :

- qu'elle est partie non professionnelle aux contrats ;

- que la clause d'indépendance est abusive ;

- que les contrats de location et les contrats de prestation de service sont indivisibles ;

- de prononcer la résiliation de l'ensemble des contrats et de condamner la société Parfip à lui payer la somme de 215,28 euros au titre des loyers payés au mois de juin 2012 outre la somme de 1.000 euros à titre des dommages et intérêts et de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par la société Parfip France le 18 janvier 2017 et par la société Prodicom le 11 juin 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur le moyen tiré du défaut de qualité à agir de la société Parfip France :

Par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, le tribunal a jugé, d'une part, que les pièces produites attestaient de la cession des deux contrats de location litigieux à la société Parfip France et, d'autre part, de l'opposabilité de cette cession à la société Prodicom.

 

Sur la nature commerciale des actes contractés par la société Prodicom :

La société Prodicom invoque les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version alors applicable selon lequel dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Mais l'article liminaire du code de la consommation rappelle que pour l'application de ce code, on entend par :

- consommateur, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

- non-professionnel, toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel.

Il s'en infère que la société Prodicom, personne morale, ne peut être qualifiée de consommateur. Elle revêt la forme d'une société commerciale dont les actes ont la nature d'actes de commerce. Elle a contracté les obligations litigieuses, en qualité de professionnel, à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale et pour les besoins de celle-ci, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté l'application des articles L.132-1 et L.133-2 du code de la consommation.

 

Sur la résiliation du contrat d'abonnement :

C'est à juste titre que le tribunal a jugé que les conventions conclues simultanément, d'une part, le 30 juin 2009 et, d'autre part, le 2 juillet 2009, comportant à la fois un contrat d'abonnement et de maintenance et un contrat de location de matériel, d'une durée identique, en contrepartie desquels le cocontractant s'engageait au paiement d'une mensualité globale indivisible, s'inscrivaient dans une seule opération et étaient interdépendants de sorte que les clauses niant cette interdépendance doivent être réputées non écrites.

La SARL Prodicom soutient, sans en justifier, qu'elle ne recevait plus aucune prestation au titre du contrat d'abonnement depuis le mois de juin 2012 de sorte que le matériel n'était plus utilisable et qu'aucune surveillance ne fonctionnait. Mais elle reconnaît que deux contrats distincts ont été signés tant le 30 juin que le 2 juillet 2009 et ne conteste pas le fait que seuls les contrats de location ont été cédés à la société Parfip France de sorte que la résiliation des deux contrats d'abonnement ne pouvait être poursuivie qu'en présence du titulaire des dits contrats. Cependant elle n'a pas fait constater leur résiliation par le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société prestataire et n'a pas maintenu sa demande en résiliation des dits contrats à l'encontre du liquidateur judiciaire de cette société qu'elle avait pourtant attrait devant les premiers juges.

Or lorsque des contrats sont interdépendants, l'anéantissement du contrat principal, qui entraîne non pas la résiliation mais la caducité du contrat de location, est un préalable nécessaire au prononcé de la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location.

L'inexécution des obligations à la charge de la société Parfip n'étant pas alléguée dans la mesure où les obligations de maintenance découlant du contrat d'abonnement ne lui incombaient pas, la demande de résiliation des contrats de location n'est pas fondée.

Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé et la demande de paiement des loyers, indemnité de résiliation et clause pénale, soit un montant de 5.669,09 euros, accueillie, les intérêts de retard réclamés n'étant en revanche pas justifiés.

La société Parfip France qui savait pertinemment qu'elle prêtait son concours financier à des opérations pour le moins risquées au bénéfice d'une société dont elle connaissait ou aurait dû connaître la fragilité, ne justifie d'aucun préjudice en rapport avec la résistance de la société Prodicom.

La société Parfip persiste à demander la restitution du matériel qu'elle aurait pu récupérer depuis plus de deux ans sans préciser les modalités matérielles de cette restitution de sorte que sa demande ne peut être admise en l'état. Il y a lieu d'en tirer les conséquences et de dire en ce qu'il lui appartiendra de récupérer, si elle le souhaite, le dit matériel dans les locaux de la société Prodicom à ses frais dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 22 octobre 2014 par le tribunal de commerce de Saint-Nazaire en ce qu'il a :

- dit que la société Prodicom est partie professionnelle aux contrats de « prestation de visio mobilité et de location » en date des 30 juin 2009 et 2 juillet 2009 et qu'elle ne peut bénéficier des dispositions du code de la consommation ;

- rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Prodicom ;

Le réformant pour le surplus de ses dispositions contestées,

Rejette la demande de résiliation des contrats d'abonnement en ce qu'elle n'est pas dirigée contre le contractant titulaire de ces contrats ;

Rejette la demande de résiliation des contrats de location ;

Condamne la société Prodicom à payer à la société Parfip France la somme de 5.669,09 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2013 ;

Autorise la société Parfip France à récupérer à ses frais le matériel loué dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Condamne la société Prodicom aux entiers dépens.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT