CA AMIENS (1re ch. civ.), 7 juillet 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6945
CA AMIENS (1re ch. civ.), 7 juillet 2017 : RG n° 15/04991
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2017-014591
Extraits : 1/ « N'est pas l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule. Ce client est en effet devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur. La remise des fonds par l'emprunteur acheteur au vendeur n'était aucunement fictive comme le soutient la société Crédipar et le mandat de verser les fonds au vendeur a été consenti par l'emprunteur au prêteur et non l'inverse. Il s'ensuit qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule et que la clause prévoyant une telle subrogation, qui laisse croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix aux vendeurs, que la sûreté réelle a été valablement transmise au prêteur, a pour effet d'entraver l'exercice de son droit de propriété sur le bien acquis et de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors en vigueur. Elle sera réputée non écrite. »
2/ « La société Crédipar ne s'est en réalité jamais prévalue de la clause lui attribuant un droit de gage sur le véhicule dès lors qu'elle n'a jamais renoncé au bénéfice de la subrogation dans la clause de réserve de propriété stipulée au profit du vendeur. En tout état de cause, cette clause, qui serait mise en œuvre sans information des emprunteurs, créerait un déséquilibre significatif à leur détriment. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 7 JUILLET 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/04991. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE D'ABBEVILLE DU VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE QUINZE.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA CREDIPAR
agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Fabrice C. de la SELARL C. S., avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, Assigné à domicile, le 4 février 2016
Madame Y.
de nationalité Française, Assignée à personne, le 4 février 2016
DÉBATS : A l'audience publique du 12 mai 2017, l'affaire est venue devant Mme Véronique BAREYT-CATRY, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 7 juillet 2017.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Fabienne BONNEMAISON, Président, Mme Odile GREVIN et Mme Véronique BAREYT-CATRY, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Le 7 juillet 2017, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Fabienne BONNEMAISON, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Par arrêt du 28 mars 2017 auquel il est expressément référé pour l'exposé des faits, de la procédure et des demandes des parties, cette cour a :
- dit recevable comme non forclose l'action en paiement formée par la société Crédipar contre M. X. et Mme Y. ;
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Crédipar la somme de 18.392,64 euros au titre du remboursement du crédit, avec intérêts au taux contractuel de 10,95 % l'an à compter du 19 décembre 2014 et la somme de 300 euros au titre de l'indemnité légale de 8 %, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 6 mars 2015 ;
- rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;
Avant dire-droit sur la demande de remise du véhicule formée par la société Crédipar,
- ordonné la réouverture des débats afin de permettre à la société Crédipar de faire toutes observations utiles sur le moyen pris du caractère éventuellement abusif de la clause prévoyant la subrogation dans la réserve de propriété du vendeur.
Par conclusions signifiées le 17 mai 2017, la société Crédipar maintient sa demande de remise du véhicule dans les 15 jours suivant la signification de l'arrêt et à défaut demande à être autorisée à appréhender ce véhicule. Elle sollicite en outre la condamnation in solidum des intimés à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
La société Crédipar soutient,
1) que la subrogation conventionnelle qui est intervenue répond aux dispositions de l'article 1250-2 alinéa 2 du code civil et qu'elle n'avait pas à faire l'objet d'un acte notarié dès lors qu'elle a été consentie en présence du créancier ;
2) que la Cour de cassation n'invalide l'acte sous seing privé prévoyant la subrogation du prêteur dans les droits du vendeur qu'au simple motif que les fonds ne proviennent pas d'un tiers, ces fonds étant fictivement remis par le débiteur quand bien même seraient-ils matériellement remis par le prêteur entre les mains du vendeur, alors qu'il faut déduire de l'absence de libération des fonds à la date de régularisation de l'offre et de l'acte de subrogation du 19 mars 2012 que cet acte contenait mandat donné au débiteur de payer le vendeur pour le compte du prêteur, étant rappelé que le prêteur peut donner mandat à l'emprunteur de régler pour son compte ;
3) que la clause contenue dans les conditions générales du crédit stipulant que le prêteur pourra à son seul gré faire enregistrer son gage en préfecture, l'emprunteur reconnaissant l'existence en ce cas d'un gage contractuel au profit du prêteur, constitue une stipulation englobant une clause de réserve de propriété et un gage sans dépossession au seul gré du prêteur ;
4) qu'il n'existe aucun déséquilibre au détriment de l'emprunteur qui disposait, selon le contrat de crédit, de la faculté de procéder à la vente du bien à l'amiable.
Le contrat de crédit contient une page relative à la Stipulation d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur avec subrogation au profit du prêteur, signée le 19 mars 2012 par le prêteur, le vendeur et l'emprunteur acheteur.
Il est indiqué à l'article 2 que « Le crédit sollicité par l'acheteur devant permettre le règlement du solde du prix de vente du bien, le vendeur déclare qu'il entend subroger le prêteur dans le bénéfice de la réserve de propriété. En conséquence, dès réception du solde du prix de vente par le prêteur, le vendeur subroge ce dernier, conformément à l'article 1250 alinéa 1 du Code civil, dans tous ses droits et actions nés de la clause de réserve de propriété jusqu'au remboursement complet de sa créance ».
Cette clause mentionne que la subrogation est accordée en application de l'article 1250, 1°, et non du paragraphe 2° qui aurait nécessité la signature d'un acte notarié à l'époque du contrat. La première observation faite par la société Crédipar, relative à l'application de l'article 1250, alinéa 2, est donc sans objet.
Par un premier avis du 28 novembre 2016, la Cour de cassation a été d'avis que doit être réputée non écrite comme abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application des dispositions de l'article 1250, 1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
L'article 1250, 1°, du code civil, prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne.
N'est pas l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule. Ce client est en effet devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur. La remise des fonds par l'emprunteur acheteur au vendeur n'était aucunement fictive comme le soutient la société Crédipar et le mandat de verser les fonds au vendeur a été consenti par l'emprunteur au prêteur et non l'inverse.
Il s'ensuit qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule et que la clause prévoyant une telle subrogation, qui laisse croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix aux vendeurs, que la sûreté réelle a été valablement transmise au prêteur, a pour effet d'entraver l'exercice de son droit de propriété sur le bien acquis et de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors en vigueur. Elle sera réputée non écrite.
L'article II.3 des conditions générales du contrat de crédit prévoit que « Si la propriété du véhicule financé est transférée à l'emprunteur, le prêteur pourra, à son seul gré, faire enregistrer son gage en préfecture, l'emprunteur reconnaissant l'existence en ce cas d'un gage contractuel au profit du prêteur. »
Par un 2ème avis du 28 novembre 2016, la Cour de cassation a émis l'opinion que si aucune disposition n'interdit au prêteur de bénéficier successivement d'une réserve de propriété puis d'un gage, sur le bien financé, le passage d'une sûreté à l'autre ne peut toutefois intervenir à l'insu du prêteur, qu'il s'ensuit que la clause qui prévoit la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété et la faculté d'y substituer unilatéralement un gage portant sur le même bien, est présumée abusive, sauf preuve contraire, par l'article R. 132-2, 6°, du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 29 juin 2016, et qu'elle a donc pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.
La société Crédipar ne s'est en réalité jamais prévalue de la clause lui attribuant un droit de gage sur le véhicule dès lors qu'elle n'a jamais renoncé au bénéfice de la subrogation dans la clause de réserve de propriété stipulée au profit du vendeur.
En tout état de cause, cette clause, qui serait mise en œuvre sans information des emprunteurs, créerait un déséquilibre significatif à leur détriment.
La société Crédipar sera donc déboutée de ses demandes de remise du véhicule par M. X. et Mme Y. et d'autorisation d'appréhension de ce véhicule.
Les emprunteurs seront condamnés à payer la somme de 800 euros à la société Crédipar en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant par défaut,
Répute non écrite comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, la clause du contrat de crédit qui prévoit que dès réception du solde du prix de vente par le prêteur, le vendeur subroge ce dernier, conformément à l'article 1250 alinéa 1 du Code civil, dans tous ses droits et actions nés de la clause de réserve de propriété jusqu'au remboursement complet de sa créance ;
En conséquence,
Rejette les demandes formées par la société Crédipar tendant à voir ordonner à M. X. et Mme Y. de remettre le véhicule acquis au moyen du prêt et tendant à être autorisée à appréhender ce véhicule ;
Condamne M. X. et Mme Y. à payer à la société Crédipar la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que M. X. et Mme Y. supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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