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CA PAU (3e ch.), 19 septembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA PAU (3e ch.), 19 septembre 2017
Pays : France
Juridiction : Pau (CA), 3e ch.
Demande : 15/01174
Décision : 17/3606
Date : 19/09/2017
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/04/2015
Numéro de la décision : 3606
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7036

CA PAU (3e ch.), 19 septembre 2017 : RG n° 15/01174 ; arrêt n° 17/3606 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'article 1250-1° du code civil, dans sa dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ;

N'est pas l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ; Il s'ensuit qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule ;

La clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix du vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 (voir en ce sens l'avis de la Cour de cassation n° 16011 du 28 novembre 2016) ;

Il convient donc, dans le cadre de la présente procédure de surendettement, de constater que la clause de subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur est réputée non écrite et donc inopposable à Mme X., seule propriétaire du véhicule litigieux sur lequel la société Credipar n'a aucun droit ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PAU

TROISIÈME CHAMBRE (SURENDETTEMENT)

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/01174. Arrêt n° 17/3606. Nature affaire : Contestation des mesures imposées ou recommandées par la commission de surendettement des particuliers.

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 septembre 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 4 juillet 2017, devant : M. DARRACQ, magistrat chargé du rapport, assisté de Monsieur LOM, faisant fonction de greffier présent à l'appel des causes,

M. DARRACQ, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur DARRACQ, Conseiller, faisant fonction de Président, M. CASTAGNE, Conseiller, Mme ROSA-SCHALL, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

 

APPELANTE :

SA CREDIPAR

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social. Représentée par Maître Gilbert G., avocat au barreau de PAU

 

INTIMÉS :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, comparante en personne

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, comparant en personne

BANQUE ACCORD

Service surendettement

BNP PARIBAS

CFR

RECOUVREMENT

non comparants

CILGERE

FACET CHEZ NEUILLY CONTENTIEUX

FIDEM CHEZ NEUILLY CONTENTIEUX

TRESORERIE BORDEAUX AMENDES

TRESORERIE PARENTIES EN BORN

non comparants

 

sur appel de la décision en date du 24 MARS 2015 rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONT DE MARSAN.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par décision du 6 novembre 2014, la commission de surendettement des particuliers des Landes a élaboré des mesures de traitement de la situation de surendettement de M. Y. et de Mme X.

Par lettre recommandée du 21 novembre 2017, les débiteurs ont contesté les mesures recommandées.

Par jugement du 24 mars 2015, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal d'instance de Mont-de-Marsan, statuant en matière de surendettement, a :

- arrêté les modalités d'apurement de certaines créances, sans intérêt pendant la durée du plan (détail dans le dispositif),

- ordonné l'effacement du reliquat de l'endettement à l'issue du plan manifestée par le paiement de la dernière mensualité des créanciers suivants :

* trésorerie de Parentis

* CFR recouvrement

* Banque Accord

* BNP Paribas

* société Crédipar

* Facet

* Fidem

Par déclaration au greffe de la cour faite le 7 avril 2015, la société Credipar (sa) a relevé appel de ce jugement « exclusivement à l'égard de Mme X. », dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées et à l'égard desquelles les seuls éléments portés à la connaissance de la cour ne font pas ressortir qu'elles seraient contraires à l'ordre public.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 14 juin 2017, le greffe a convoqué les parties à l'audience du 4 juillet 2014 à 14 h 30.

Les créanciers de la procédure n'ont pas comparu.

La société Credipar, représentée par son conseil, a demandé à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- constater qu'elle est bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété sur le véhicule automobile Citroën C3 immatriculé XXX,

- dire que cette clause est opposable à Mme X. et que les mesures d'apurement du passif n'ont pas pour effet de transférer la propriété du véhicule au profit de la débitrice,

- dire n'y avoir lieu à effacement de la créance de Credipar dans la mesure où celle-ci a comme contrepartie la valeur du véhicule objet du financement et alors que ce véhicule se trouve dans les mains de Mme X. et que la valeur du véhicule qui peut faire l'objet d'une vente est de nature à permettre le paiement des sommes restant dues soit la somme de 6.139,30 euros au 7 avril 2015,

- valider le montant de cette créance et dire n'y avoir lieu à effacement de la dette,

- constater que la valeur argus du véhicule s'établissait à la même date à une somme de l'ordre de 7.200 euros,

- vu les dispositions de l'article L. 733-8 du code de la consommation, dire qu'au titre des mesures prévues aux articles L. 733-1 et L. 733-7 du code de la consommation, l'effacement de la dette correspondant à la créance de la société Credipar doit être subordonnée à la vente par le débiteur du véhicule qui devra être confié à la société Credipar en sa qualité d'organisme prêteur, et que celle-ci pourra alors bénéficier du prix en déduction de sa créance,

- autoriser, par voie de conséquence, la vente du véhicule et dire que celle-ci devra être faite dans les 60 jours de la notification de la décision à intervenir,

- dire que le prix de vente viendra en réduction de l'ensemble du passif,

- dire que le prix de vente sera affecté par privilège au règlement de la créance de la société Credipar qui sera fixé à la somme de 6.638,75 euros,

- dire que le solde du prix de vente s'il y a lieu et du véhicule sera versé à Mme X. et réparti entre les autres créanciers au prorata de leurs créances

- dire que Mme X. a la qualité de cocontractant de la société Credipar et que dès lors c'est à tort que le premier juge a cru pouvoir faire valoir au profit de M. Y. un droit d'usage à titre professionnel pour tenir en échec la clause de réserve de propriété,

- très subsidiairement, lui donner acte de ce qu'elle engagera une procédure devant le tribunal compétent aux fins de saisie-appréhension du véhicule,

L'appelante fait valoir qu'étant subrogée, en vertu de l'offre préalable de crédit, dans les droits du vendeur bénéficiaire de la clause de réserve de propriété stipulée par l'acte de vente, elle est propriétaire du véhicule litigieux dont le prix n'a pas été payé à ce jour. Selon l'appelante, l'effacement de sa dette n'est nullement justifié et, ayant financé l'acquisition du véhicule litigieux, tout effacement de sa dette devrait être subordonné à la vente préalable du véhicule pour permettre le paiement de la dette. Si la vente du véhicule ne pouvait être confiée à l'organisme de crédit, il conviendrait d'imposer au débiteur d'y procéder lui-même.

Mme X. a conclu à la confirmation du jugement entrepris en faisant valoir qu'elle avait besoin du véhicule pour rechercher un emploi ainsi que dans le cadre de l'exercice du droit de visite et d'hébergement sur son enfant.

A l'audience, la cour a invité les parties à formuler, le cas échéant dans une note en délibéré, leurs observations sur le caractère éventuellement abusif, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de la clause subrogeant le prêteur dans la réserve de propriété du véhicule en considération de l'avis de la Cour de cassation n° 16011 du 28 novembre 2016.

Par une note en délibéré reçue le 17 août 2017, la société Credipar, a indiqué que, « indépendamment de l'avis rendu par la Cour de cassation le 28 novembre 2016 », sur lequel elle n'a fait aucune observation, il lui paraît légitime, au titre des mesures de traitement du surendettement de la débitrice, de demander la vente du véhicule qu'elle a financé afin de permettre d'apurer, au moins à concurrence du produit de la vente, sa créance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

1 - Sur la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété :

En l'espèce, le véhicule litigieux a été financé au moyen d'un crédit affecté, suivant offre préalable du 7 février 2012 d'un montant de 9.237 euros consenti à Mme. X., le prix étant réglé par le prêteur au vendeur lequel, par un acte spécial annexé à l'offre préalable, s'est réservé la propriété du véhicule jusqu'au paiement du prix et a subrogé le vendeur dans la réserve de propriété ;

L'article 1250-1° du code civil, dans sa dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ;

N'est pas l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ;

Il s'ensuit qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule ;

La clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix du vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 (voir en ce sens l'avis de la Cour de cassation n° 16011 du 28 novembre 2016) ;

Il convient donc, dans le cadre de la présente procédure de surendettement, de constater que la clause de subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur est réputée non écrite et donc inopposable à Mme X., seule propriétaire du véhicule litigieux sur lequel la société Credipar n'a aucun droit ;

 

2 - Sur la vente du véhicule comme condition du plan d'apurement du passif et de l'effacement des dettes :

Aux termes des dispositions des articles L. 733-13 et L. 733-8 du code de la consommation, le juge du surendettement, saisi d'une contestation contre certaines mesures recommandées et imposées, peut subordonner les mesures qu'il adopte à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ;

Si dans ce cadre, le débiteur peut se voir imposer de vendre un bien, aucune disposition légale ne permet d'en confier la vente à un créancier sans droit sur ce bien, sans le consentement du débiteur ; quant à l'affectation du prix de vente, si ce dernier a vocation à être affecté à l'apurement du passif, il est possible aussi de l'affecter au paiement d'une dette particulière indépendamment de toute sûreté ;

En l'espèce, Mme X., vit en concubinage avec M. Y., avec deux enfants à charge, à [ville B.] ;

La situation financière examinée par le premier juge n'a pas évolué : les ressources mensuelles du couple s'élèvent à 2.311,58 euros et les charges de la vie courante de 2.289,61 euros, soit une capacité de remboursement de 21,97 euros ;

En décidant de favoriser l'apurement prioritaire de la dette locative, puis celui des dettes fiscales sur 72 mois, durée résiduelle légale maximale, et d'effacer l'ensemble des autres dettes, le premier juge a fait une exacte appréciation, en droit et en fait, de la situation du débiteur et des intérêts des créanciers ;

S'agissant du véhicule automobile litigieux, mis en circulation en 2010 et ayant parcouru 180.000 kms, il est établi que ce véhicule est indispensable aux besoins de Mme X., en recherche d'emploi, devant se déplacer à Pôle emploi situé à 20 kms de son domicile, et se rendre à [ville L.], à 40 kms, tous les 15 jours et pendant les vacances scolaires pour récupérer son enfant chez son père ; en outre, satisfaisant aux besoins du couple, le véhicule peut être légitimement utilisé pour les propres besoins professionnels de M. Y. ;

Il suit de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de subordonner l'effacement de la créance de la société Credipar à la vente du véhicule automobile ;

Le jugement entrepris sera entièrement confirmé et la société Credipar déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

CONSTATE, au titre de la procédure de surendettement, que la clause subrogeant la société Credipar dans la réserve de propriété du vendeur doit être réputée non écrite, comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et inopposable à Mme X.,

DÉBOUTE la société Credipar de l'ensemble de ses demandes,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

LAISSE les dépens à la charge de la société Credipar.

Le présent arrêt a été signé par M. DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président et par M. LOM faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                    P/LE PRESIDENT

P. LOM                                 P. DARRACQ