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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 13 septembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 13 septembre 2017
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 15/24117
Date : 13/09/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7048

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 13 septembre 2017 : RG n° 15/24117 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Par application des articles 2 et 2224 du code civil, ensemble l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. La prescription part à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Les versements opérés par la société Gelco au titre de la coopération commerciale devant être effectués au 15 juin et au 15 décembre 2002 (pièce 3 appelante), les demandes présentées à ce titre n'apparaissent pas prescrites.

S'agissant des ristournes au titre de l'année 2002, elles étaient dues en fonction de la réalisation d'une condition, soit le chiffre d'affaire réalisé au cours de l'année, lequel ne peut être connu qu'à la fin de l'exercice. Aussi, ce n'est que le 31 décembre 2002 qu'était connu le chiffre d'affaire exact réalisé par la société Gelco au vu duquel le montant de la ristourne pouvait être établi (ainsi, pièce 22 appelante, soit un courrier du 18 avril 2003 indiquant à la société EMC le chiffre d'affaires ristournable en 2002). »

2/ « Si la société EMC soutient que les ristournes ne constitueraient pas la contrepartie de services rendus par le fournisseur, au sens de l'article précité, il ressort des pièces versées que le législateur visait une « coopération commerciale dite « fictive », c'est à dire dépourvue de contrepartie réelle, le fournisseur se voyant alors contraint de verser des primes ou de consentir des ristournes sans obtenir en retour un avantage commercial particulier ». De même, la circulaire du 8 décembre 2005 relatives aux relations commerciales indique que « toute demande de rémunération de services de coopération commerciale ou de services distincts, ou d'obtention de réduction de prix au titre des CGV/CPV, doit correspondre, respectivement, à un service effectivement rendu, ou à une contrepartie effectivement obtenue... ». Aussi convient-il de retenir que le « service commercial » tel que prévu par le texte, n'est pas limité à l'application de ces seuls services, ainsi que l'a estimé la commission d'examen des pratiques commerciales, et que l'article L. 442-6-I-1er s'applique aux ristournes telles qu'elles sont prévues dans les contrats conclus entre les deux parties. »

3/ « Il s'en suit que ces ristournes s'analysent en une remise effectuée par le fournisseur, au profit de la centrale de référencement, afin de tenir compte de l'importance des volumes de vente réalisés auprès des membres du groupe Casino, en retenant un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé. La société EMC explique du reste qu'elles correspondaient pour le fournisseur à une incitation à s'approvisionner pour la totalité ou la quasi-totalité de ses besoins chez lui. La société Gelco n'a du reste pas contesté au cours des années le bien-fondé ou le caractère proportionné de ces ristournes, dont elle ne pouvait ignorer la cause, ce d'autant que les contrats étant d'une année, leur signature devait être précédée de discussions entre les parties. »

4/ « Aussi, les pièces versées [justifient] de la réalité des services assurés par la société EMC pour la société Gelco. S'agissant du grief lié au caractère proportionné de la rémunération de ces services, la société Gelco dénonce une augmentation importante des rémunérations au titre des services effectués par la société EMC, sans que leur matérialité n'augmente en conséquence. Cela étant, la disproportion doit, pour être répréhensible, être manifeste au regard de la valeur du service rendu, selon l'article L. 442-6-I-1er du code de commerce ».

5/ « En l'occurrence, les demandes présentées en première instance par la société Gelco tendaient déjà, sur le fondement de l'article 442-6-I-1er du code de commerce, à obtenir le remboursement de la somme de 5.574.988 euros par la société EMC, soit une fin identique à celle poursuivie par la société Gelco en présentant pour la 1ère fois en cause d'appel sa demande sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2ème du code de commerce. Aussi, la demande présentée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2ème ayant la même fin que celle présentée en première instance, elle n'apparaît pas nouvelle, et sera déclarée recevable.

Par ailleurs, la demande présentée par la société Gelco repose non seulement sur l'article L. 442-6-I-2ème, mais également sur l'article 1131 du code civil applicable au moment des faits, selon lequel « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause illicite, ne peut avoir d'effet ». »

6/ « Par conséquent, il n'est pas démontré que la société Gelco ait été soumis par la société EMC à des clauses qui lui ont été imposées au sens de l'article L. 442-6-I-2ème du code de commerce, ce d'autant que l'appelante n'a pas établi avoir contesté ces clauses précédemment alors que les contrats successifs, d'une durée d'une année, ont été renouvelés à plusieurs reprises. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G n° 15/24117 (19 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 septembre 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2011073610.

 

APPELANTE :

SA GELCO FRANCE

Ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Anne G.-B. de la SCP G. B., avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, Ayant pour avocat plaidant MaîtreNadège P. et Maître Jean-Christophe G. de la SELARL G. & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : P0040

 

INTIMÉE :

SAS EMC DISTRIBUTION

dont l'établissement secondaire est [adresse], Ayant son siège social [adresse], N° SIRET YYY, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Ayant pour avocat plaidant Maître Marie P. et Maître Anne-Sophie B., avocat au barreau de PARIS, toque C0353

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Irène LUC, Présidente, chargée du rapport et Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Monsieur François THOMAS, Conseiller, rédacteur, qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur. Vincent BRÉANT

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS :

La société Gelco conçoit et commercialise des articles dans le domaine de la salle de bain, ses principaux clients sont des grands distributeurs.

La société EMC Distribution (ci-dessous, la société EMC) est une centrale de référencement du groupe Casino qui a pour mission de référencer les fournisseurs et de négocier avec eux au nom et pour le compte des membres du groupe Casino.

En 2000, la société Opéra, agent commercial des deux groupes Casino et Cora-Match, et qui était chargée de conclure au nom et pour le compte des sociétés qu'elle représentait les contrats de coopération commerciale avec les fournisseurs, a conclu un contrat de coopération commerciale avec la société Gelco.

Les relations entre la société Gelco et la centrale Opéra se sont poursuivies en 2001 et 2002 et à compter du 31 décembre 2002, les activités de recherche et de référencement de la centrale Opéra ont été reprises, pour le compte du groupe Casino uniquement, par la société EMC Distribution, filiale du groupe Casino.

Chaque année, des accords commerciaux pour l'année en cours étaient conclus entre la société Gelco et la société EMC au nom et pour le compte des distributeurs du groupe Casino.

La société EMC étant une centrale de référencement, la société Gelco facturait directement à chaque distributeur du groupe Casino le prix de vente de ses produits, selon les commandes passées par chaque société, et déclarait à la centrale Opéra puis à la société EMC le chiffre d'affaires réalisé ; la société EMC facturait et encaissait pour le compte des distributeurs du groupe Casino les ristournes octroyées par la société Gelco au regard du volume des achats effectués par les sociétés du groupe, ainsi que les rémunérations dues par la société Gelco au titre des prestations de coopération commerciale fournies par les distributeurs du groupe Casino.

En février 2009, la société EMC a interpellé la société Gelco sur le fait qu'elle n'aurait déclaré de 2002 à 2008 qu'une partie de son chiffre d'affaires auprès des sociétés du groupe et non l'intégralité de celui-ci, conformément aux accords commerciaux passés de 2002 à 2008.

Le 10 avril 2009, la société EMC a notifié à la société Gelco la rupture de leurs relations commerciales à effet au 31 mars 2010.

Le 17 novembre 2009, la société EMC a demandé à la société Gelco de régulariser le règlement d'une somme de 488.957,69 euros correspondant, selon elle, aux arriérés de ristournes et aux services distincts sur le chiffre d'affaires réalisé par la société Gelco avec les sociétés du groupe Casino de 2002 à 2008 et non déclaré par la société Gelco.

Le 18 novembre 2009, la société Gelco s'est opposée au paiement de cette somme tout en affirmant sa volonté de trouver un terrain d'entente afin d'assurer la pérennité des relations commerciales.

Par ailleurs, les parties ne sont pas parvenues à s'accorder sur les termes d'un nouvel accord commercial pour les trois premiers mois de l'année 2010.

Les relations ont pris fin le 31 mars 2010.

Le 21 juin 2010, la société EMC a sollicité le paiement par la société Gelco d'une somme de 111.864,60 euros, correspondant aux ristournes sur le chiffre d'affaires réalisé par la société Gelco avec les sociétés du groupe Casino sur la période du premier trimestre 2010.

Le 1er décembre 2010, la société EMC a adressé une mise en demeure à la société Gelco, lui réclamant le paiement des ristournes contractuelles au titre des mois de janvier et février 2010.

La société Gelco s'y est opposée.

Par acte du 10 octobre 2011, la société EMC a assigné la société Gelco devant le tribunal de commerce de Paris en lui reprochant l'inexactitude systématique de ses déclarations de chiffre d'affaires et le défaut de paiement de ristournes contractuelles au titre des mois de janvier et février 2010.

 

Par jugement du 29 septembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la SA Gelco France à verser à la SAS EMC Distribution la somme de 488.307,48 euros en principal, cette somme devant être augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 17 novembre 2009, date de sa première mise en demeure par la SAS EMC Distribution,

- condamné la SA Gelco France à verser à la SAS EMC Distribution la somme de 26.101,74 euros en principal, cette somme devant être augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 1er décembre 2010, date de sa première mise en demeure par la SAS EMC Distribution déboutant pour le surplus,

- condamné la SA Gelco France à verser à la SAS EMC Distribution la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la SA Gelco France aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 121,44 euros dont 20,02 euros de TVA.

La société Gelco France a fait appel de ce jugement.

 

Par conclusions du 20 mars 2017, la société Gelco France demande à la cour de :

Vu l'ancien article 1134 du code civil,

Vu l'ancien article L. 442-6-I-2°, a) du code de commerce et les articles L. 442-6-I-1°, L. 442-6-I-2° et L. 442-6-I-5° du code de commerce et les anciens articles 1131 et 1133 du code civil et l'article 6 du code civil,

Vu les articles 2222, 2224 et 2233 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- recevoir la société Gelco en sa saisine comme en ses écritures et l'y déclarer bien fondée,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 septembre 2015 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société EMC Distribution de sa demande à hauteur de 85.762,86 euros en paiement d'une ristourne indue,

et statuant à nouveau,

- dire que la société EMC Distribution ne rapporte pas la preuve de ses allégations et que ses demandes sont infondées et injustifiées,

- dire qu'en revanche il résulte des faits et pièces de cette affaire que la société Gelco pouvait légitimement exclure du chiffre d'affaires ristournable déclaré à la société EMC Distribution les factures relatives non seulement aux promotions, produits liquidés et soldés mais également aux implantations,

- dire que les deux demandes d'avoir pour un montant total de 111.864,60 euros ne sont pas dues par Gelco,

- dire que la société Gelco n'a pas manqué à ses obligations à l'égard de la société EMC Distribution,

- dire que la société EMC Distribution n'apporte pas la preuve des contreparties et/ou services rendus entre 2002 et 2009 à la société Gelco et facturés au titre des ristournes de gamme puis des ristournes spécifiques ou des prestations de services,

- dire que la société EMC Distribution a facturé à la société Gelco au titre des ristournes de gamme puis ristournes spécifiques et prestation de services des sommes non justifiées par l'existence d'une contrepartie et/ou d'un service réellement rendu par EMC ou dont le montant est manifestement disproportionné par rapport à la valeur des services rendus,

- dire que la société EMC Distribution a imposé à son fournisseur Gelco des obligations dépourvues de cause ou créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

- dire que la société EMC Distribution a mis fin de façon brutale à ses relations avec la société Gelco ce qui a entraîne un préjudice pour cette dernière,

en conséquence,

- débouter la société EMC Distribution de son appel incident ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- annuler les clauses figurant dans les accords de la société EMC Distribution de 2002 à 2009 imposant à la société Gelco le versement de ristournes de gamme puis de ristournes spécifiques, ainsi que des rémunérations de prestations de services, en l'absence de contrepartie ou de manière manifestement disproportionnée,

- condamner la société EMC Distribution à réparer le préjudice subi par la société Gelco au titre des ristournes de gamme puis des ristournes spécifiques indûment versées à EMC pour les années 2002 à 2009, et condamner en conséquence la société EMC Distribution à verser à la société Gelco la somme de 2.065.867 euros,

- condamner la société EMC Distribution à réparer le préjudice subi par la société Gelco au titre des rémunérations de prestations de services indûment versées à EMC pour les années 2002 à 2009, en l'absence de contrepartie ou de manière manifestement disproportionnée, et condamner en conséquence la société EMC Distribution à verser à la société Gelco la somme de 5.574.988 euros,

à titre subsidiaire et si par impossible la cour ne faisait pas droit aux demandes de la société Gelco de répétition de l'indu sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce,

- dire que les clauses imposées par la société EMC Distribution dépourvues de cause et créant un déséquilibre significatif au détriment de la société Gelco sont nulles

- et condamner la société EMC Distribution à réparer le préjudice ainsi causé à la société Gelco, à hauteur de 7.640.855 euros,

- condamner la société EMC Distribution à verser à la société Gelco une somme de 1.897.520 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies,

e n tout état de cause,

- ordonner la compensation entre les sommes qui seraient par impossible mises à la charge de la société Gelco avec les sommes auxquelles la société EMC Distribution sera condamnée du fait de ses agissements contraires au code de commerce,

- condamner la société EMC Distribution à verser à la société Gelco une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société EMC Distribution aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP G.B., avocats à la cour.

 

Par conclusions du 28 avril 2017, la société EMC Distribution demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,

Vu les articles L. 442-6-I-1°, L. 442-6-I-2° et L. 442-6-I-5° du code de commerce,

Vu les accords commerciaux conclus entre les parties,

Vu les pièces apportées aux débats,

- dire que les accords commerciaux conclus entre Opéra et Gelco entre 2000 et 2003 prévoyaient une facturation de la coopération commerciale sur la base d'un chiffre d'affaires « hors promotions »,

- dire que les accords commerciaux conclus entre EMC et Gelco de 2004 à 2008 ne prévoyaient pas une facturation de la coopération commerciale sur la base d'un chiffre d'affaires « hors promotions »,

- dire que les accords commerciaux conclus entre Opéra et Gelco entre 2000 et 2001 prévoyaient une facturation de la coopération commerciale sur la base d'un chiffre d'affaires « hors implantations »,

- dire que les accords commerciaux conclus entre EMC et Gelco de 2002 à 2008 ne prévoyaient pas une facturation de la coopération commerciale sur la base d'un chiffre d'affaires « hors implantations »,

- dire que Gelco, en ne déclarant pas la totalité de son chiffre d'affaires, a manqué à ses obligations contractuelles de paiement,

- dire que le défaut de paiement par Gelco à EMC des ristournes dues au titre des mois de janvier et février 2010 constitue une faute contractuelle de Gelco,

- dire prescrites les demandes formées par Gelco au titre des sommes versées à la EMC avant le 5 juin 2002 (soit 100.095,63 euros au titre de 2002),

- dire que Gelco ne rapporte pas la preuve d'une disproportion manifeste entre les rémunérations perçues au titre des contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 août 2005,

- dire que l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce concerne les seuls services rendus et n'est pas applicable s'agissant des ristournes consenties par Gelco à hauteur de 2.463.778 euros,

- dire que les rémunérations perçues par EMC en contrepartie des services rendus ne sont pas manifestement disproportionnées,

- dire que le préavis d'un an accordé par EMC à l'occasion de la rupture des relations commerciales était d'une durée raisonnable, tant au regard de l'ancienneté des relations des parties qu'à la nature de ces relations,

de plus,

- à titre principal, dire que la demande d'annulation des clauses de ristournes de gammes et des clauses relatives à la rémunération des services de coopération commerciale constitue une demande nouvelle qui ne peut être formée pour la première fois à hauteur d'appel, et la déclarer irrecevable,

- à titre subsidiaire, dire que lesdites clauses ne créent pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, et débouter Gelco des demandes d'annulation et d'indemnisation formées sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,

en conséquence,

- accueillir EMC en ses demandes, et l'y déclarer bien fondée,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 septembre 2015, en ce qu'il a :

* condamné Gelco à s'acquitter de ses obligations de paiement au titre des accords commerciaux 2002 à 2008 en versait à EMC la somme de 488.307,48 euros en principal, cette somme devant être augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 17 novembre 2009 date de sa première mise en demeure par la société EMC Distribution,

* débouté Gelco de ses demandes reconventionnelles fondées sur les articles L. 442-6-I-1° et L. 442-6-I-2° du code de commerce,

* débouté Gelco de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,

- réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 septembre 2015, en ce qu'il a limité la condamnation de Gelco à 26.101,74 euros au titre de son obligation de paiement pour l'Accord Commercial 2009,

- condamner Gelco à s'acquitter de son obligation de paiement au titre de l'Accord Commercial 2009 en versant à EMC la somme de 111.864,60 euros en principal cette somme devant être augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 1er décembre 2010, date de sa première mise en demeure par la société EMC Distribution,

en tout état de cause,

- débouter Gelco de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Gelco à verser à la société EMC Distribution la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Gelco aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur l'exécution par la société Gelco de ses obligations à l'égard de la société EMC :

Sur l'exécution des accords commerciaux de 2002 à 2008 :

La société EMC reproche à la société Gelco de ne pas avoir déclaré spontanément la totalité du chiffre d'affaires net qu'elle réalisait avec les entités du groupe Casino et de n'en avoir déclaré qu'une partie, alors que les dispositions contractuelles précises ne l'y autorisaient pas. Elle lui fait grief d'avoir déduit de son chiffre d'affaires ristournable les factures correspondant aux commandes d'implantations et aux promotions et soldes destinées à liquider les marchandises existantes, alors que si les accords commerciaux de 2000 et de 2001 prévoyaient bien l'exclusion des promotions et des implantations pour le calcul du chiffre d'affaires ristournable, ce n'était pas le cas pour les accords de 2002 et de 2003 qui n'excluaient plus que les promotions et encore moins pour les accords signés à partir de l'année 2004 qui n'excluaient ni les implantations ni les promotions pour le calcul du chiffre d'affaires ristournable. Elle demande donc la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 488.307,48 euros au titre des inexécutions contractuelles constatées quant à l'application des accords commerciaux conclus de 2002 à 2008.

La société Gelco affirme avoir toujours déclaré à la société EMC la totalité de son chiffre d'affaires avec la précision du chiffre d'affaires ristournable, servant de base à la facturation de la société EMC.

Elle soutient que ce chiffre d'affaires ristournable excluait expressément les promotions et les implantations conformément aux usages établis. Elle rappelle que les parties étaient d'accord pour considérer qu'en 2000, le chiffre d'affaires ristournable excluait les montants correspondant aux 'commandes d'implantations, aux promotions et soldes destinés à liquider les marchandises existantes’et indique qu'après 2001, l'usage d'exclusion des implantations et des promotions du chiffre d'affaires ristournable s'est renouvelé tacitement en l'absence de dénonciation de celui-ci.

Sur ce

L'article 1134 du code civil alors applicable prévoyait notamment que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Le contrat cadre de coopération commerciale conclu le 18 décembre 2001 entre la société OPERA représentant Distribution Casino France et la société Gelco, applicable pour l'année 2002, précise qu'il convient d'exclure du chiffre d'affaires les promotions, afin d'appliquer le taux déterminant la somme due à la société EMC (pièce appelante 3).

De la même façon, le contrat conclu le 30 juin 2003 entre les sociétés EMC et Gelco, applicable à compter du 1er janvier 2003, précise que le pourcentage s'appliquant « sur le montant des achats (net facturé) hors promo » (pièce appelante 4).

A la suite de ce contrat, celui du 23 mars 2004 conclu entre les mêmes parties que le précédent, et applicable pour l'année 2004 du 1er janvier au 31 décembre, indique également un pourcentage s'appliquant aussi « sur le montant des achats (net facturé) » mais ne précisant pas l'exclusion des promotions.

Il en est de même pour le contrat applicable en 2005, le contrat conclu pour l'année 2007 ne fait pas non plus référence à l'exclusion des promotions, et précise « les bases de calcul applicables se font sur la totalité du chiffre d'affaires net facturé par le fournisseur pour toute la période de l'accord commercial et pour l'ensemble des produits compris dans le périmètre dudit accord ».

Enfin, l'accord applicable entre les mêmes parties pour l'année 2009 contient une clause identique.

Les accords 2006 et 2008 n'ont pas été produits ; cependant, alors que les contrats conclus pour les exercices 2002 et 2003 avaient exclu les promotions du chiffre d'affaires auquel devait être appliqué le pourcentage, aucun des accords suivants n'a repris cette exclusion depuis 2004, spécifiant que le pourcentage devait être appliqué à la totalité du chiffre d'affaires, de sorte que la cour considérera comme avant elle le tribunal de commerce que les conditions relatives aux ristournes sont identiques à celles des contrats conclus pour les années 2004, 2005 et 2007.

Il ressort de ce qui précède que les promotions ne devaient pas être déduites, pour l'année 2004 et les années suivantes, du chiffre d'affaires ristournable que la société Gelco réalisait avec les sociétés du groupe Casino, avant de déclarer ce chiffre d'affaires à la société EMC, ce d'autant que les accords applicables à ces années révèlent l'importance donnée à cette obligation de déclaration du chiffre d'affaires.

La société Gelco ne peut soutenir utilement qu'il convient d'exclure le chiffre d'affaires lié aux promotions du chiffre d'affaires sur lequel était calculée la ristourne de la société EMC, alors que les accords commerciaux pour les années 2004 et suivants précisaient le contraire.

S'agissant des « implantations », soit le chiffre d'affaire réalisé sur les produits nouvellement implantés, les différents contrats versés, conclus par la société Gelco tant avec la société OPÉRA qu'avec la société EMC, ne font pas mention d'une exclusion de ces implantations du chiffre d'affaire ristournable.

Une lettre du 16 mars 2000 de la société Opéra à la société Gelco exclut les commandes d'implantation des ristournes (pièce 24 intimée), et la société Gelco soutient qu'à sa suite un usage est intervenu entre les parties, pour exclure les implantations du chiffre d'affaires ristournable.

Pour autant, cette lettre porte expressément en mention « objet : accord implantation 2000 » et liste les engagements pris en contrepartie par la société Gelco, de sorte qu'il ne ressort pas de cette lettre qu'elle contenait un engagement pérenne ; le courrier de la société Gelco du 30 novembre 2000, dans lequel elle indique s'agissant des « conditions 2000 » qu'elle avait « bien conscience qu'un rattrapage sera effectué lors de la collection 2001 » conforte le caractère dérogatoire des dispositions convenues en 2000 avec la société OPÉRA.

Aucun des accords négociés annuellement n'a précisé que les implantations étaient exclues des chiffres d'affaires ristournables, alors que pour les années 2002 et 2003 l'exclusion des promotions y avait été expressément mentionnée, et que les contrats précisaient que toute adjonction approuvée par les parties était nulle.

Il est de plus à relever qu'à partir de l'année 2004 ces accords annuels de coopération ont été négociés non plus entre les sociétés Gelco et OPÉRA, mais entre les sociétés Gelco et EMC, de sorte que la société Gelco ne peut soutenir que cette dernière serait tenue par une lettre de la société Opéra pour l'année 2000, pour les années ultérieures.

Les trois courriels de la société Gelco adressés à la société EMC dans lequel elle évoque le caractère non ristournable des implantations ne sauraient révéler l'acceptation de la société EMC, alors que celui de 2006 évoque une absence d'implantation et que celui de 2009 est intervenu justement au moment où la société EMC interrogeait la société Gelco sur la déductibilité des implantations.

Il ressort de ce qui précède que les factures dressées par la société EMC l'étaient sur la base des factures présentées par la société Gelco, sur lesquelles celle-ci excluait de son chiffre d'affaires ristournable, outre les promotions, les implantations, sans accord des parties sur ce point.

S'il convient sur ce point de confirmer le jugement, il apparaît que la société EMC ne distingue pas dans sa présentation des montants dus (sa pièce 2) ce qui est dû au titre de l'exclusion des promotions de ce qui est dû au titre de l'exclusion des implantations, alors que pour les années 2002 et 2003 les promotions étaient exclues du chiffre d'affaire ristournable.

En conséquence, faute de pouvoir établir la créance de la société EMC sur ces années au titre de la ristourne pour les seules implantations, la cour exclura les sommes revendiquées au titre des ristournes pour les années 2002 et 2003 (soit, selon la pièce 9 de l'intimée, 9.250,16 euros et 7.950 euros).

Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Gelco, mais la somme à laquelle elle sera condamnée sera ramenée à 471.107,32 euros.

 

Sur l'exécution de l'accord 2009 pour le mois de janvier et février 2010 :

La société EMC reproche à la société Gelco de ne pas lui avoir versé les sommes qui lui étaient dues au titre des mois de janvier et février 2010, en application de l'accord 2009, soit un montant de 111.864,60 euros. Elle soutient qu'en l'absence d'accord commercial pour le début de l'année de 2010, c'est l'accord commercial pour 2009 qui a continué à s'appliquer entre les parties, conformément à ses dispositions contractuelles qui prévoient qu'en cas d'absence de nouvel accord commercial, l'accord pour l'année 2009 sera prorogé entre les parties.

La société Gelco affirme que l'accord commercial pour 2009 n'a pas été prorogé dans la mesure où, selon les termes même de l'accord, celui-ci pouvait simplement être prorogé pendant la durée des négociations pour l'année 2010. Or, la société Gelco indique qu'il n'y a eu aucune négociation pour l'année 2010, les relations commerciales devant prendre fin le 31 mars 2010. Elle relève qu'il n'existe aucune contrepartie aux ristournes réclamées par la société EMC au titre des mois de janvier et février 2010.

Sur ce

Les demandes portent sur les commissions qu'aurait perçues la société EMC si la société Gelco lui avait versé les ristournes pour les mois de janvier et de février 2010, année pour laquelle il n'y a pas eu d'accord commercial spécifique, et les relations ont cessé à la fin du mois de mars 2010.

L'article 5 du contrat applicable au titre de l'année 2009 exclut une reconduction tacite au-delà.

Il prévoit qu’« en cas de besoin les conditions commerciales de la dernière année contractuelle au titre des conditions tarifaires, des prestations de services et autres avantages financiers seront prorogées pour l'année suivante, sauf refus de cette prorogation par l'une des parties qui devra dans ce cas en informer l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard trois mois avant le 31 décembre de chaque année. Cette prorogation ne prendra effet que pour la durée nécessaire à la renégociation de l'accord commercial ».

S'il n'y a pas eu de renégociation de l'accord commercial de 2009, dont la fin au 31 mars 2010 avait été annoncée par courrier du 10 avril 2009, cette absence de renégociation ne s'explique que par la fin prochaine de ces relations, mais la société Gelco ne peut en tirer argument pour écarter l'extension prévue par les conditions tarifaires 2009 de leur application aux premiers mois de l'année 2010, alors qu'il n'est pas contesté que les relations commerciales se sont poursuivies entre les parties durant ces premiers mois de l'année 2010.

S'agissant des « ristournes spécifiques » (131) à hauteur de 26.101,34 euros, elles ont été négociées par les parties pour être applicables au cours de l'exercice 2009, et le caractère sibyllin de leur intitulé dénoncé par la société Gelco ne peut suffire à empêcher leur application.

S'agissant de la demande présentée au titre des « ristournes CPV Optimisation & marketing », numéro de ligne 161, une telle ligne ne se retrouve pas dans l'accord commercial applicable pour l'année 2009, de sorte que cette demande n'est pas fondée.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Gelco au paiement de la somme de 26101,74 euros, augmentée des intérêts au taux légal.

 

Sur les demandes reconventionnelles de la société Gelco à l'égard de la société EMC :

Sur la prescription des demandes reconventionnelles de la société Gelco :

La société EMC estime qu'une partie des demandes de la société Gelco est prescrite dans la mesure où celle-ci réclame le remboursement intégral des sommes versées en 2002 alors qu'elle n'est en droit d'agir rétroactivement que sur 10 ans et ne saurait donc être en droit de réclamer des sommes versées avant le 5 juin 2002.

La société Gelco affirme que concernant ses demandes relatives à l'année 2002, la prescription n'est pas acquise dans la mesure où :

- concernant les prestations de services, le point de départ de la prescription est la date de fin de réalisation de ces services, soit le 31 décembre 2002 et,

- pour les ristournes spécifiques conditionnelles, le point de départ de la prescription à retenir est la date à laquelle le chiffre d'affaires annuel pouvait être constaté, soit le 31 décembre 2002.

Sur ce

Les parties conviennent que la demande a été présentée pour la 1ère fois par conclusions de la société Gelco du 5 juin 2012, et en application de la loi du 17 juin 2008 cette société est fondée à agir rétroactivement sur 10 ans à compter de cette date.

Par application des articles 2 et 2224 du code civil, ensemble l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

La prescription part à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les versements opérés par la société Gelco au titre de la coopération commerciale devant être effectués au 15 juin et au 15 décembre 2002 (pièce 3 appelante), les demandes présentées à ce titre n'apparaissent pas prescrites.

S'agissant des ristournes au titre de l'année 2002, elles étaient dues en fonction de la réalisation d'une condition, soit le chiffre d'affaire réalisé au cours de l'année, lequel ne peut être connu qu'à la fin de l'exercice. Aussi, ce n'est que le 31 décembre 2002 qu'était connu le chiffre d'affaire exact réalisé par la société Gelco au vu duquel le montant de la ristourne pouvait être établi (ainsi, pièce 22 appelante, soit un courrier du 18 avril 2003 indiquant à la société EMC le chiffre d'affaires ristournable en 2002).

Par conséquent, la demande présentée par la société Gelco au titre de l'année 2002 n'apparaît pas prescrite.

 

Sur l'application de l'article L. 442-6-I-1er du code de commerce aux ristournes :

L'article L. 442-6-I-1er du code de commerce prévoit qu’« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

1er d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu.'...

Cet article vise expressément l'obtention d'un avantage correspondant à un service commercial, et l'intimée souligne que le versement d'une ristourne ne saurait s'analyser en une contrepartie à un service rendu, une ristourne étant accordée par le fournisseur au distributeur afin d'augmenter ses volumes de vente.

La lettre du texte vise un « avantage quelconque » et un « service commercial », sans précision.

Si la société EMC soutient que les ristournes ne constitueraient pas la contrepartie de services rendus par le fournisseur, au sens de l'article précité, il ressort des pièces versées que le législateur visait une « coopération commerciale dite « fictive », c'est à dire dépourvue de contrepartie réelle, le fournisseur se voyant alors contraint de verser des primes ou de consentir des ristournes sans obtenir en retour un avantage commercial particulier ».

De même, la circulaire du 8 décembre 2005 relatives aux relations commerciales indique que « toute demande de rémunération de services de coopération commerciale ou de services distincts, ou d'obtention de réduction de prix au titre des CGV/CPV, doit correspondre, respectivement, à un service effectivement rendu, ou à une contrepartie effectivement obtenue... ».

Aussi convient-il de retenir que le « service commercial » tel que prévu par le texte, n'est pas limité à l'application de ces seuls services, ainsi que l'a estimé la commission d'examen des pratiques commerciales, et que l'article L. 442-6-I-1er s'applique aux ristournes telles qu'elles sont prévues dans les contrats conclus entre les deux parties.

Le contrat cadre de coopération commerciale de 2003 prévoit une « ristourne de gamme » (131) de 6 % en 2003 et en 2004, sur les « budgets annuels en valeur relative (%) ou en valeur absolue HT », étant précisé que ces « % s'appliquent sur le montant des achats (net facturé) hors promo ».

L'accord commercial de 2007 mentionne, au titre des ristournes conditionnelles, des ristournes spécifiques à un taux de 7 %. Si la société Gelco souligne que les développements du contrat qui suivent cette indication sont peu compréhensibles, la cour relève que la page 13 de cet accord évoque les avantages tarifaires différés octroyés par le fournisseur et indique que « les bases de calcul applicables se font sur la totalité du chiffre d'affaires net facturés par le fournisseur pour toute la période de l'accord commercial et pour l'ensemble des produits compris dans le périmètre dudit accord », de sorte que cette ristourne se comprenait comme la contrepartie d'un niveau élevé de vente.

Enfin, l'accord commercial 2009 prévoit au titre de « ristourne hors facture » des ristournes spécifiques (131) d'un taux négocié de 7 %, payable mensuellement par avoir sur le CA réel.

Il s'en suit que ces ristournes s'analysent en une remise effectuée par le fournisseur, au profit de la centrale de référencement, afin de tenir compte de l'importance des volumes de vente réalisés auprès des membres du groupe Casino, en retenant un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé. La société EMC explique du reste qu'elles correspondaient pour le fournisseur à une incitation à s'approvisionner pour la totalité ou la quasi-totalité de ses besoins chez lui.

La société Gelco n'a du reste pas contesté au cours des années le bien-fondé ou le caractère proportionné de ces ristournes, dont elle ne pouvait ignorer la cause, ce d'autant que les contrats étant d'une année, leur signature devait être précédée de discussions entre les parties.

Au surplus, elle ne produit pour fonder sa demande à hauteur de 2.065.867 euros correspondant au remboursement des ristournes versées, qu'un document interne « évolution RFA » certifié par son propre dirigeant.

Par conséquent, la société Gelco sera déboutée de sa demande quant aux ristournes.

 

Sur l'application de l'article L. 442-6-I-1er du code de commerce aux services :

La société Gelco estime par ailleurs que les rémunérations versées par la société Gelco au titre des prestations de services n'ont pas eu de contrepartie, ou étaient manifestement disproportionnées eu égard à la valeur réelle de la contrepartie donnée par la société EMC.

Elle estime que la société EMC n'apporte pas la preuve de l'existence d'une définition même des services mentionnés dans les accords, ni de leur bon accomplissement par la société EMC, et fait état de leur caractère disproportionné au regard de l'avantage obtenu par la société EMC.

Elle souligne que selon les accords commerciaux conclus avec la société EMC, la rémunération des services distincts était fixée de manière globale et non pas en fonction de la valeur réelle de ces services, est passée d'un taux de 3 % en 2002 à un taux de 24 % en 2009 alors qu'aucun service nouveau n'a été réalisé par la société EMC.

Elle sollicite en conséquence la condamnation de la société EMC à lui rembourser les sommes indûment versées entre les années 2002 et 2009 pour un montant total de 5 574 988 euros.

La société EMC estime que l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce n'est pas applicable aux rémunérations versées par la société Gelco au titre des prestations de services, en l'absence de disproportion manifeste.

Elle soutient notamment qu'il convient de distinguer la définition formelle des services et leur effectivité, et affirme qu'il existait un rapport de force équilibré entre elle et son fournisseur qui disposait d'une réelle capacité de négociation.

Selon elle, les services visés dans les accords commerciaux successifs étaient parfaitement définis et effectivement fournis, et les rémunérations y afférentes étaient raisonnables au regard, d'une part, de la valeur de services équivalents fournis par des sociétés externes, et, d'autre part, des taux pratiqués pour des services équivalents par d'autres distributeurs.

Sur ce

L'accord applicable en 2002 avait pour libellé des services proposés « coopération commerciale »,

- celui de 2003 listait « 502 collaboration merch. » « 515 parution catalogue » « 533 sélectivité »,

- en 2004 et 2005 : « L521 Collab merchandising planogrammes »  « L502 Optimisation revente réseaux » « L503 Collaboration et optimisation promo »,

- en 2007 : « Collab merchandising / plano » « colla marketing / études » et « collab et optimisation promo », en page 10, avant d'être explicitées et détaillées en page 30,

- en 2009 enfin l'accord visait « optimisation marketing » et « optimisation de la diffusion », et développait le contenu de chacune de ses prestations.

Si la société Gelco fait état du caractère abstrait de certaines définitions de services, elle a reconnu que ces définitions avaient été étoffées et détaillées quant à leur contenu à partir de l'année 2007.

Par ailleurs, elle ne justifie pas avoir émis de réserves quant à ces services, alors que des négociations entre les parties intervenaient avant la signature de ces accords annuels.

La cour relève que les intitulés employés évoquent des notions concrètes attachées à la distribution commerciale, telles que la préparation de planogrammes, l'édition de catalogues, la réalisation d'études de marketing ou la diffusion des produits, de sorte que la société Gelco ne pouvait ignorer leur contenu.

Par ailleurs, il ne saurait être déduit d'une imprécision des intitulés, telle que dénoncée par la société Gelco, la preuve que les services en question n'ont pas été rendus, l'imprécision en cause étant distincte de l'effectivité du service correspondant.

La société EMC fait état d'un courrier du 18 janvier 2000 de la société Gelco qui révèle le travail accompli par la centrale de référencement Opéra, soit une opération de promotion en juillet, l'organisation, et indiquant les directions suivies (travail sur les premiers prix, les packaging, le volume de la collection et la définition d'un nouveau concept merchandising). Elle mentionne également un fax du 6 octobre 2000 annonçant à l'appelante le référencement de certains de ses produits pour les catalogues des 2ème et 3ème trimestres 2001 pour des opérations de promotion), pour justifier l'effectivité de son travail.

Si la société Gelco souligne que ses demandes portant sur les années 2002 à 2009, la production de pièces portant sur la période antérieure ne saurait justifier l'effectivité des services rendus pour la période considérée, néanmoins son courrier du 30 novembre 2000 montre que la préparation de la gamme de l'année 2002 était en discussion entre les parties, et que le distributeur donnait des conseils pour une meilleure exposition des produits (introduction de vitrines tournantes) ou de produits correspondant aux attentes du public.

Le courriel du 17 juillet 2003 de la société Gelco est une réponse à l'intimée, et révèle l'existence d'échanges entre les parties sur le planning d'implantation prévisionnel des produits, lequel devait être finalisé via des prises de rendez-vous avec les magasins.

De même, le courrier du 23 décembre 2004 (pièces 10 et 11 appelante) fait état de différents entretiens intervenus entre les parties, qui devaient retravailler prochainement (au mois de janvier suivant, donc en 2005) ensemble sur les linéaires.

Ces deux courriers montrent également que la société EMC était alors à l'initiative des discussions menées entre ces partenaires commerciaux.

De plus, la société Gelco confirme dans ce courrier du 23 décembre 2004 son accord pour les conditions de remises qu'elle détaille, soit

2004 2005 2006

521 collaboration merchandising 5 % 5 % 6 %

502 optimisation revente réseaux 6 % 7 % 8 %

503 collaboration et optimisations promotionnelles 6 % 7 % 8 %

131 ristourne de gamme 6 % 7 % 8 %

donc un accord donné après avoir mentionné le travail effectué entre les sociétés sur les plans d'implantation et de segmentation, ce qui révèle qu'elle était informée des services assurés par la société EMC.

Le courriel du 4 décembre 2007 (pièce 7 appelante) révèle que la société EMC avait défini différentes gammes de produits - ce qui induit la préparation d'un cahier des charges - qu'elle a présentées à la société Gelco, dont une élaborée « fin 2006/début 2007 », ce courriel évoquant notamment la remise par la société EMC de visuels au cours des rendez-vous entre les équipes des sociétés.

Le 23 janvier 2009, la société Gelco adressait à la société EMC un courriel contenant une liste des « différentes opérations réalisées ensemble l'année dernière » (pièce 39 intimée).

De même un courriel du 3 février 2009 de la société EMC demande à la société Gelco de lui « communiquer au plus vite le CA promo non ristournable dans le détail (c'est à dire le montant de CA par catalogue (Hyper et Super) comme vous me l'avez donné pour l'année 2008) pour les années 2007 et 2006. » (pièce 56 intimée)

La pièce 38 de l'intimée liste également les opérations commerciales réalisées au cours de chacune des années 2005 à 2008 par la société EMC, au cours desquelles était assurée la promotion des produits Gelco.

Enfin, ses pièces 38 et 39 constituent des planogrammes préparés pour les années 2008 et 2009.

Si l'appelante soutient qu'elle réalisait ces planogrammes, il ressort de ses pièces (pièces 26 à 28) qu'elle produisait des photographies de suggestions de rayonnage, qui étaient ensuite retravaillées par la société EMC, laquelle assurait leur représentation graphique, puis les éditait sous forme de livrets et de les diffusait aux magasins.

Il sera au surplus relevé que la société Gelco ne justifie pas pour l'ensemble des planogrammes versés par la société EMC qu'ils ont été réalisés à partir de ses photographies, ni que la disposition des produits qui y figurent reprend celle qu'elle aurait proposée, ce d'autant que les planogrammes diffusés par la société EMC étaient adaptés à la taille des différents magasins dans lesquels les produits étaient proposés.

Il ressort de ce qui précède que les services assurés par la société EMC ne sont pas limités à une communication du plan d'implantation de ses produits à la société Gelco, ce d'autant que ces implantations étaient arrêtées lors de réunion de collaboration entre les équipes des deux sociétés (pièce 11 appelante), de sorte que l'élaboration par la société EMC de ces planogrammes comme leur diffusion constitue en l'espèce un service assuré par cette société.

Il sera en outre relevé que la société Gelco ne s'est, au cours des années pendant lesquelles elle a entretenu des relations commerciales avec la société EMC, jamais plainte de l'absence de réalité des services facturés par la société EMC.

Aussi, les pièces versées [justifient] de la réalité des services assurés par la société EMC pour la société Gelco.

S'agissant du grief lié au caractère proportionné de la rémunération de ces services, la société Gelco dénonce une augmentation importante des rémunérations au titre des services effectués par la société EMC, sans que leur matérialité n'augmente en conséquence.

Cela étant, la disproportion doit, pour être répréhensible, être manifeste au regard de la valeur du service rendu, selon l'article L. 442-6-I-1er du code de commerce.

En l'espèce, il ressort des chiffres retenus par la société EMC et non contesté que l'augmentation du taux de coopération commerciale a accompagné celle du chiffre d'affaires réalisé par la société Gelco avec la société EMC, passant d'un chiffre d'affaires de 2.898.368 euros et un taux de coopération commerciale de 2 % en 2001 à un chiffre d'affaires de 5.392.515 euros et un taux de coopération commerciale de 23% en 2006, même si un léger fléchissement du chiffre d'affaires a été constaté en 2005, et que le taux de 23 % a été maintenu ensuite alors que le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société Gelco a diminué.

Si la société Gelco soutient que cette augmentation corrélative des taux de rémunération des services de la société EMC et des chiffres d'affaires de la société Gelco ne saurait à elle seule justifier la rémunération desdits services, il résulte du courrier de cette société du 23 décembre 2004 qu'après avoir souligné que les conditions de remise pratiquées étaient déjà à un niveau élevé, elle a confirmé son accord d'une augmentation du taux des différentes remises pratiquées au titre de ces services entre les années 2004 et 2006, et acceptait ainsi un taux de rémunération de 22% pour cette année 2006, alors que le taux arrêté finalement l'a été à 23 %.

Par ailleurs, la société Gelco précisait dans ce courrier le taux de remise accepté pour les différents services listés, soit « collaboration merchandising », « optimisation revente réseaux », « collaboration et optimisations promotionnelles », de sorte que la rémunération n'était pas fixée de manière globale, mais ventilée en fonction de chacun des services, et révèle l'existence d'une discussion entre les parties sur les services à mettre en œuvre.

La société Gelco souligne que l'accord commercial de l'année 2009 prévoit un taux de rémunération fixé de manière globale à 23 % pour l'ensemble des prestations proposées, ce qui révélerait qu'il n'a pas été affecté à chacun des services en fonction de leur valeur réelle.

Cependant, dans un courriel du 17 mars 2009, elle indiquait être d'accord sur la partie chiffrée des contrats, et donc notamment le taux de rémunération de 23 %, mais en discutait d'autres points, ce qui révèle la possibilité qu'elle avait de négocier les contrats qu'elle concluait avec la société EMC (pièce 53 intimée et 25 appelante).

Au vu de ce qui précède, et la société Gelco ayant accepté ces taux de rémunération des prestations de services de la société EMC, elle ne démontre pas leur caractère manifestement disproportionné.

Elle sera donc déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1er du code de commerce, et le jugement du tribunal de commerce de paris sera confirmé sur ce point.

 

Sur la demande présentée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2ème et l'absence de cause des obligations de paiement des ristournes et des prestations de services pesant sur la société Gelco et la soumission de la société Gelco par la société EMC à un déséquilibre significatif :

La société Gelco sollicite aussi que les clauses prévoyant les ristournes et celles relatives aux prestations de services soient jugées dépourvues de cause au sens de l'ancien article 1131 du code civil et soutient qu'il existe un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties : il existe un rapport de force déséquilibré entre les sociétés caractérisant sa soumission à des obligations significativement déséquilibrées dans la mesure où elle n'a à aucun moment bénéficié, à l'égard de l'intimée, d'une position qui lui aurait permis de faire valoir ses intérêts et d'aboutir à une négociation équilibrée.

Elle soutient qu'elle était privée de toute possibilité de négociation avec la société EMC, qui ne prenait pas en compte les observations qu'elle émettait et lui imposait des clauses non négociables, ce qui révèle un rapport de force déséquilibré.

Elle avance que les clauses prévoyant les ristournes dites de « gammes » puis « spécifiques » constituent des réduction de prix dépourvues de toute contrepartie, et que les clauses de prestations de services commerciales dans les accords commerciaux de 2002 à 2009 portent sur des services fictifs, sans contrepartie, ou dont la rémunération est disproportionnée eu égard à la valeur réelle des services proposés.

Elle précise que ces demandes ne sont pas nouvelles car elles tendent aux mêmes fins que celles présentées en 1ère instance, soit à l'annulation de ces clauses et la restitution des sommes versées.

La société EMC soutient que la demande reconventionnelle de la société Gelco, fondée pour la première fois en cause d'appel sur l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce et sur l'ancien article 1131 du code civil est irrecevable au regard de l'article 564 du code de procédure civile.

Elle estime à titre subsidiaire, que le manquement relatif au déséquilibre significatif ne peut être formulé que lorsque les conventions auxquels les faits se rapportent ont été conclus postérieurement au 1er janvier 2009, date d'entrée en vigueur du manquement correspondant au déséquilibre significatif.

Elle ajoute que les éléments constitutifs des comportements prohibés par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ne sont pas réunis en l'espèce dans la mesure où il existait un rapport de force équilibré ente la société EMC et son fournisseur, la société Gelco, qui disposait d'une réelle capacité de négociation et qui n'était pas soumise à l'application de contrats d'adhésion.

Elle estime enfin que la société Gelco ne saurait alléguer que ses obligations de paiement étaient dépourvues de cause puisqu'elles trouvaient leur contrepartie soit dans les conditions d'achat, soit dans les services rendus par la société EMC.

Sur ce

L'article 564 du code de procédure civile prévoit que :

« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait »,

et l'article 565 précise que :

« Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

En l'occurrence, les demandes présentées en première instance par la société Gelco tendaient déjà, sur le fondement de l'article 442-6-I-1er du code de commerce, à obtenir le remboursement de la somme de 5.574.988 euros par la société EMC, soit une fin identique à celle poursuivie par la société Gelco en présentant pour la 1ère fois en cause d'appel sa demande sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2ème du code de commerce.

Aussi, la demande présentée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2ème ayant la même fin que celle présentée en première instance, elle n'apparaît pas nouvelle, et sera déclarée recevable.

Par ailleurs, la demande présentée par la société Gelco repose non seulement sur l'article L. 442-6-I-2ème, mais également sur l'article 1131 du code civil applicable au moment des faits, selon lequel « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause illicite, ne peut avoir d'effet ».

La demande présentée par la société Gelco repose sur la soumission d'une des parties au contrat par l'autre, laquelle peut être déduite de l'existence d'un rapport de force déséquilibré entre les parties.

L'appelante souligne qu'il n'est pas nécessaire que des pressions ou des contraintes soient exercées pour que soit retenue la condition de soumission, et les deux parties ont une lecture différente des échanges de courriels intervenus entre le 17 et le 26 mars 2009.

Si la société Gelco met en avant le fait que la négociation des conditions générales de la société EMC qui imposait à ses fournisseurs le texte de ses conditions commerciales, l'appelante ne justifie pas avoir soulevé une quelconque objection, ni proposé ses conditions commerciales, alors qu'il résulte de ces courriels qu'il existait un échange entre les parties sur les conditions contractuelles.

Ainsi, dans son courriel du 17 mars 2009, la société Gelco indique que certains points lui posent problème mais qu'elle est d'accord sur la partie chiffrée des contrats, et la société Gelco ne peut utilement soutenir qu'elle n'avait d'autres choix que de faire part de son accord sur cette partie chiffrée alors qu'elle émet des objections sur les autres dispositions contractuelles envisagées.

Il ressort de ce courriel que la société Gelco a obtenu que des précisions soient apportées sur les bases de calcul retenues, que lorsqu'elle a demandé que la déclaration du chiffre d'affaires mensuel soit repoussé du 4 au 10 de chaque mois le service juridique de la société EMC a donné son accord pour une dérogation exceptionnelle au délai prévu dans les conditions générales et le service commercial proposé de transmettre le chiffre d'affaires prévisionnel à 95 % au 4 et le reste au 10 de chaque mois en demandant à la société Gelco de lui confirmer que cette proposition lui convenait.

Si certaines demandes de la société Gelco n'ont pas prospéré, elle sollicitait également de n'être pas tenue à reprendre les produits invendus et qu'une telle reprise relève de négociations ponctuelles entre les parties, ce dont a convenu la société EMC.

Ainsi, cet échange révèle que des discussions existaient bien entre les parties sur les termes du contrat, et que la société Gelco pouvait obtenir que des modifications y soient apportées.

Par ailleurs, si la société Gelco fait état des efforts qu'elle devait effectuer pour écouler son stock compte-tenu des choix stratégiques du groupe Casino, elle ne saurait faire grief à la société EMC d'avoir dû réviser sa collection, et les échanges intervenus en juin 2008 entre les parties -s'ils révèlent le caractère parfois difficile des négociations, qui ne saurait caractériser un déséquilibre entre les parties- se sont conclus par un accord quant à une reprise négociée de certains produits et une remise sur le stock magasin d'un côté, une garantie de référencement d'un an de l'autre.

Par conséquent, il n'est pas démontré que la société Gelco ait été soumis par la société EMC à des clauses qui lui ont été imposées au sens de l'article L. 442-6-I-2ème du code de commerce, ce d'autant que l'appelante n'a pas établi avoir contesté ces clauses précédemment alors que les contrats successifs, d'une durée d'une année, ont été renouvelés à plusieurs reprises.

Aussi, la société Gelco sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2ème du code de commerce.

 

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :

La société Gelco soutient que la société EMC a rompu de façon brutale et abusive les relations commerciales établies avec un partenaire de vingt ans, ce qui engage sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce. Elle conteste l'existence d'un préavis écrit et sans équivoque dans la mesure où la lettre de rupture du 10 avril 2009 ne visait que la rupture des relations commerciales pour les magasins du groupe Casino, à l'exception des magasins à enseigne Géant, et précisait que la rupture n'était pas 'définitive'.

Elle estime que la durée du préavis de 11,5 mois n'est pas suffisante au regard de la durée de la relation commerciale de plus de 20 ans et des circonstances de l'espèce, qu'en l'occurrence un préavis de 18 mois aurait dû être respecté.

Enfin, elle reproche à l'intimée de ne pas avoir exécuté le préavis accordé jusqu'à son terme, car la société EMC n'a pas respecté un volume d'affaires équivalent à celui existant antérieurement à la rupture en diminuant ses commandes de 36 %, de sorte que le préavis dont elle a bénéficié n'était que de 8 mois.

Elle sollicite une somme de 1.897.520 euros de dommages et intérêts, correspondant aux 10 mois de préavis qui n'ont pas été respectés.

La société EMC rétorque qu'elle a bien respecté un préavis écrit matérialisé par la lettre du 10 avril 2009 parfaitement clair sur le périmètre du déréférencement et qu'il n'y a pas eu de débat quant au caractère non-équivoque de la rupture.

Elle ajoute que la rupture n'a pas été brutale dès lors qu'un préavis de 12 mois a été respecté, que l'appelante savait que ses produits ne se vendaient plus de manière satisfaisante et qu'il existait entre les parties une perte de confiance (due aux irrégularités alléguées par la société EMC quant à la déclaration du chiffre d'affaires de la société Gelco avec les sociétés du groupe Casino).

Elle estime que l'appelante n'était pas en état de dépendance économique, était en mesure de poursuivre ses relations commerciales existantes avec ses autres clients, grands distributeurs et de développer des solutions alternatives de substitution. Elle souligne la faible baisse du chiffre d'affaires, et l'établissement de nouvelles relations commerciales avec une autre société du groupe Casino, comme des indices supplémentaires de l'absence de brutalité de la rupture.

Enfin, elle affirme avoir parfaitement exécuté le préavis de 12 mois accordé, dans son intégralité.

Sur ce

L'article L. 442-6 du code de commerce prévoit que :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers...

De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».

En l'espèce, la société EMC a adressé le 10 avril 2009 une lettre recommandée avec accusé de réception à l'attention du directeur général de la société Gelco, et celle-ci ne conteste pas l'avoir bien reçue.

Si la société Gelco souligne que cette lettre ne porte pas d'entête et n'est pas signée, elle porte expressément à la suite de la formule de politesse le nom de son rédacteur ainsi que l'indication de sa fonction ; s'agissant de l'interlocuteur de la société Gelco au sein de la société EMC ainsi qu'il ressort des courriels versés, la société Gelco ne pouvait se méprendre sur sa qualité.

Le courrier indiquant expressément « vous informer de notre décision de ne pas reconduire le référencement de la totalité de vos produits pour le réseau GEANT. La première présentation de la présente lettre fera courir un préavis dont le terme est fixé au 31 mars 2010 » était dénué de toute ambiguïté.

Par ailleurs, le dernier contrat contenant en annexe la liste des membres du groupe Casino pour le compte desquels la société EMC négociait les accords avec la société Gelco - laquelle ne pouvait ignorer que les hypermarchés Géant étaient exploités par Distribution Casino France -, de sorte que la société Gelco ne pouvait ignorer que ce courrier portait sur l'ensemble des sociétés représentées par la société EMC avec lesquelles elle était en relation (du reste, elle n'établit pas avoir douté du périmètre de la rupture lors des échanges postérieurs).

Enfin, l'indication qu'une reprise ultérieure des relations n'était pas exclue ne prive pas la lettre du caractère non équivoque de la rupture qu'elle signifie expressément, de sorte que le préavis qui y est indiqué a commencé à courir à réception de cette lettre.

La société Gelco fait état d'une durée de relation commerciale d'une vingtaine d'années, comme le jugement l'a relevé, alors que l'intimée soutient que cette relation n'a duré qu'une dizaine d'années.

La cour relève que la société Gelco a été immatriculée à la mi-septembre 1993, soit quinze années et demi avant la réception du courrier de résiliation du 10 avril 2009.

S'il est justifié d'un courrier de la société Casino France à la société Gelco au mois de février 1994 (pièce 21 appelante), la poursuite de relations stables n'est pas établie jusqu'à l'année 2000, année au cours de laquelle la société Opéra (pièce 2 appelante) a été en tant qu'agent commercial du groupe Casino en relation avec la société Gelco jusqu'en 2002, avant que ses relations ne soient poursuivies par la société EMC.

Dès lors, une relation de dix années sera retenue.

La société Gelco produit plusieurs courriels faisant état de produits spécifiquement développés pour la société EMC (ses pièces 7, 9).

L'augmentation du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec cette société s'est poursuivie jusqu'en 2006 (5.392.515 euros, pièce 13) avant de décroître significativement jusqu'en 2009, année de la réception du courrier de rupture (2007 : 5.026.941 euros, 2008 : 4.454.836 euros, 2009 : 3.089.223 euros).

La société Gelco ne produit pas de pièces justifiant de la part représentée par la société EMC dans son chiffre d'affaires au cours des années précédant la rupture.

L'attestation de son PDG (pièce 14 appelante) sur l'évolution de sa marge commerciale révèle une baisse entre les années 2007 et 2010, mais cette baisse est beaucoup plus importante entre les exercices 2008 et 2009 qu'entre les exercices 2009 et 2010 ; l'analyse des chiffres d'affaires de la société Gelco communiqués par l'intimée (ses pièces 27 à 29) montre aussi une baisse très importante entre 2008 et 2009, plus contenue entre 2010 et 2011, de sorte que ces données ne sauraient établir un impact négatif qu'aurait eu la rupture des relations commerciales sur la situation économique de la société Gelco.

La société EMC établit également que les produits de la société Gelco sont distribués auprès de grands distributeurs comme Castorama ainsi que sur des sites importants de vente en ligne.

Enfin, il ressort des échanges de courriers que la rupture est intervenue dans un contexte de perte de confiance de la société EMC, celle-ci ayant constaté que la société Gelco avait diminué le chiffre d'affaires ristournables. Ainsi la baisse des achats d'EMC auprès de Gelco, pendant les dix mois de préavis s'inscrit dans la continuité d'une baisse tendantielle antérieure à la rupture, de sorte que le préavis ne peut être considéré comme non effectif.

Au vu des éléments qui précèdent, il apparaît que le préavis fixé par la société Gelco dans son courrier du 10 avril 2009 était adapté.

Comme déjà indiqué, le chiffre d'affaire réalisé par la société Gelco avec la société EMC était inférieur en 2007 que celui réalisé en 2006, et cette diminution s'est accélérée en 2008, année où ce chiffre était inférieur de près de 13% de celui réalisé en 2007.

Dans ces conditions, la baisse importante du chiffre d'affaires réalisé par la société Gelco avec la société EMC en 2009 s'inscrit dans la poursuite de l'accélération d'une baisse commencée plusieurs années avant.

A titre surabondant, la seule pièce versée par la société Gelco pour justifier de son taux de marge commerciale de 54,34% pour les années 2007 à 2009 est une déclaration de son dirigeant, ce qui n'apparaît pas suffisant, même si le commissaire aux comptes n'a pas formulé d'observations, cette attestation ne précisant pas s'il s'agit d'une marge brute ou sur coûts variables.

Au vu de ce qui précède, la société Gelco sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales.

 

Sur les autres demandes :

La société Gelco succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens, ainsi qu'au paiement à la société EMC d'une somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 septembre 2015 en ce qu'il a condamné la société Gelco au titre des accords commerciaux de 2002 à 2008, mais ramène le montant de cette condamnation à 471.107,32 euros,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Gelco au paiement de la somme de 26.101,74 euros, sur le mode de calcul des intérêts augmentant ces sommes, et en ses autres dispositions,

y ajoutant,

DÉCLARE recevable la demande de la société Gelco présentée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2ème du code de commerce, mais l'en déboute,

CONDAMNE la société Gelco au paiement d'une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société EMC, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier                La Présidente

Cécile PENG             Irène LUC