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CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 9 novembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 9 novembre 2017
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 2e ch.
Demande : 16/07066
Date : 9/11/2017
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/11/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7120

CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 9 novembre 2017 : RG n° 16/07066 

Publication : Jurica

 

Extrait : « S'agissant du manquement à son obligation pré-contractuelle d'information et de conseil et de l'insertion au contrat d'une clause abusive, les fondements juridiques visés sont, d'une part, les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation et, d'autre part, l'article L. 132-1 (devenu l'article L. 212-1) du même code lesquels sont applicables aux relations entre professionnels et consommateurs ainsi qu'aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels en vertu des articles L. 211-3 et L 111-1.

Or, le consommateur s'entend d'une personne physique qui se procure ou est susceptible de se procurer un bien de consommation dans le but unique de satisfaire ses besoins personnels ou ceux de sa famille, et non d'une personne morale comme la société Zoé, cette dernière ayant de surcroît souscrit le contrat litigieux pour les besoins de son activité et en qualité de professionnelle.

Ne pouvant revendiquer l'application des dispositions protectrices du droit de la consommation, la société Zoé n'est pas fondée à opposer l'existence d'une contestation sérieuse tenant au non-respect de ces règles. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/07066 (Rédacteur : Monsieur François BOUYX, Conseiller). Nature de la décision : AU FOND - APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE. Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 4 octobre 2016 (R.G. 2016R00993) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 30 novembre 2016.

 

APPELANTE :

EURL ZOE

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège social [adresse], Représentée par Maître Victoire D. DU R., avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Marie D., avocat au barreau de GRASSE

 

INTIMÉE :

SAS JDC

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social demeurant [adresse], Représentée par Maître Océanne A. DE P., avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Maître Olivier D. de la SELARL CAR, avocat au barreau de ROUEN

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 octobre 2017 en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Roland POTEE, Président, Madame Michèle SERRES-HUMBERT, Conseiller, Monsieur François BOUYX, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société JDC est spécialisée dans le commerce de caisses enregistreuses et de solutions informatiques de gestion ainsi que dans la monétique.

La société Zoé exerce le commerce de chaussures.

La seconde a conclu avec la première un contrat de mise à disposition, maintenance et location d'une caisse enregistreuse et de deux caméras de surveillance fournies par la société Locam.

Les deux contrats, signés le 7 avril 2005 et à une date indéterminée, stipulaient une durée irrévocable de 48 mois et des loyers mensuels de 55.75 euros (contrat n° 11XX58) ainsi qu'une durée irrévocable de 36 mois des loyers mensuels de 134.12 euros (contrat n° 119YY00).

Il y figurait également une clause attributive de compétence au profit des tribunaux du lieu du siège social du loueur.

Le 2 juin 2016, la société JDC, venant aux droits de la société Locam, a saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de Bordeaux afin d'obtenir le paiement provisionnel des loyers impayés.

Par ordonnance du 4 octobre 2016, le juge des référés a :

- rejeté l'exception d'incompétence et s'est déclaré territorialement compétent,

- condamné à titre provisionnel la société Zoé à payer à la société JDC la somme de 6.096,31 euros outre les intérêts sur cette somme à compter du 2 juin 2016,

- condamné la société Zoé à payer à la société JDC la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- débouté la société JDC du surplus de ses demandes,

- condamné la société Zoé aux dépens.

 

Le 30 novembre 2016, la société Zoé a formé appel à l'encontre de cette décision.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2017, elle demande à la cour de :

Infirmer l'ordonnance entreprise ;

In limine litis,

- juger que la clause attributive de compétence n'est pas valable ;

- par conséquent, juger que le Tribunal de commerce de Bordeaux n'était pas compétent territorialement ;

- en conséquence, renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce d'Antibes, ou subsidiairement, si la clause attributive de compétence est valable, devant le Tribunal de commerce de Saint-Étienne ;

- juger que le juge des référés n'était pas compétent pour statuer sur le présent litige en raison des contestations sérieuses soulevées par elle ;

- juger que les quittances subrogatives doivent s'analyser en cessions de créance ;

- par conséquent, constater que les cessions de créance ne lui ont pas été signifiées ;

- juger qu'elles lui sont inopposables ;

- par conséquent, juger la société JDC irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir ;

A titre principal, si les exceptions de procédure et fins de non-recevoir venaient à être rejetées par la présente juridiction :

- juger que la société JDC a manqué à ses obligations contractuelles et à son obligation d'information et de conseil ;

- juger que les contrats litigieux sont porteurs de clauses abusives les rendant nuls ;

- par conséquent, prononcer la résolution des contrats litigieux et condamner la société JDC à lui rembourser la somme de 876,76 euros.

- condamner la société JDC à lui régler la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

 

Selon ses dernières conclusions notifiées le 17 septembre 2017, l'intimée demande à la cour de :

- juger qu'elle a livré et installé un matériel conforme à la commande ;

- juger que la société Zoé n'apporte pas la preuve d'un dysfonctionnement du matériel vendu ;

- juger que la société Zoé n'administre pas la preuve de ses allégations,

En conséquence, et statuant à nouveau :

- débouter la société Zoé de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer la décision entreprise ;

- condamner la société Zoé à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Zoé aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement pourra être assuré conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue 15 jours avant la date de l'audience fixée au 2 octobre 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la compétence territoriale du tribunal de commerce de Bordeaux et la qualité pour agir de la société JDC :

La société Zoé soutient que la clause attributive de compétence ne peut recevoir application puisqu'elle ne respecte pas les conditions posées par l'article 48 du code de procédure civile en ce qu'elle figure avant la signature des parties au recto du contrat et au verso en caractères minuscules et, subsidiairement, qu'elle désigne le tribunal de commerce de Saint-Étienne, lieu du siège social du loueur. Elle estime en outre que la société JDC n'a pas qualité pour agir en justice, la cession de créance consacrée par la quittance subrogative ne lui ayant pas été signifié en violation de l'article 1690 du code civil.

La société JDC rappelle qu'elle agit en vertu de la subrogation de sorte qu'elle bénéficie des dispositions conventionnelles établies au profit du loueur en ce compris la clause attributive de compétence, ainsi que l'a jugé à plusieurs reprises la cour d'appel de Bordeaux, et que les dispositions légales relatives à la cession de créance ne s'appliquent pas.

 

Bien que la société JDC apparaisse en qualité de loueur dans les contrats litigieux, il est manifeste qu'elle est en réalité le fournisseur du matériel donné en location par la société Locam ce dont les parties conviennent dans leurs conclusions, l'établissement par la société Locam de quittances subrogatives au profit de la société JDC ne pouvant d'ailleurs se comprendre autrement.

La clause litigieuse figure en haut et à droite du contrat sous le titre « attribution de juridiction » rédigé en majuscule, l'ensemble formant un paragraphe isolé qui attire immédiatement le regard du lecteur d'attention moyenne.

Elle est ainsi spécifiée de façon très apparente au sens de l'article 48 du code de procédure civile, peu important qu'elle figure avant la signature des parties et qu'elle soit également reproduite en caractères plus petits dans les conditions générales qui figurent au verso du contrat, si bien qu'elle doit recevoir application.

Par ailleurs, la société JDC est subrogée dans les droits de la société Locam par l'effet des deux quittances subrogatives établies par cette dernière à son profit.

Il ne s'agit nullement d'une cession de créance, les termes des quittances étant sans ambiguïté sur l'exécution préalable des obligations incombant au locataire par la société JDC, de sorte que les dispositions de l'article 1690 du code civil ne trouvent pas à s'appliquer.

Il en résulte que la société JDC exerce l'intégralité des droits reconnus conventionnellement au loueur en ce compris la clause d'attribution de compétence et qu'elle a bien qualité pour agir à l'encontre de la locataire.

C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence territoriale.

La fin de non-recevoir tenant à l'absence de qualité pour agir, sur laquelle le juge des référés a effectivement omis de se prononcer, doit également être rejetée pour les mêmes raisons.

 

Sur la provision à valoir sur la créance de la société JDC :

La société Zoé argue que la demande de provision se heurte à une contestation sérieuse puisque la société JDC a :

- manqué à son obligation contractuelle en s'abstenant de paramétrer la caisse enregistreuse dont elle n'a pu se servir,

- manqué à son obligation d'information et de conseil telle qu'elle est définie par les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation notamment en ce qui concerne les caractéristiques de la prestation de service et les conditions contractuelles ce qui lui interdit de se prévaloir de la déchéance du terme,

- inséré au contrat une clause abusive, en ce que la résiliation anticipée est interdite, en violation de l'article L. 132-1 du code de la consommation,

ces trois circonstances justifiant la résolution du contrat et le remboursement des sommes versées.

La société JDC réplique qu'elle agit sur le fondement du trouble manifestement illicite de sorte que la référence à une contestation sérieuse n'est pas pertinente.

Elle soutient en outre que le manquement allégué à ses obligations contractuelles n'est pas démontré alors qu'elle a effectivement paramétré la caisse enregistreuse et conteste l'application des règles du code de la consommation puisque la société Zoé n'est pas une personne physique et que la prestation de service a été commandée pour les besoins de son activité professionnelle.

 

L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile autorise le juge des référés du tribunal de commerce à allouer une provision au créancier d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable.

La société JDC qui réclame une provision à valoir sur le paiement de sa créance ne peut agir que sur ce fondement, qui figure d'ailleurs expressément dans le rappel de ses prétentions formées devant le juge des référés, et non sur celui de l'alinéa premier de l'article 873.

S'agissant du manquement à ses obligations contractuelles, rien ne démontre autrement que par affirmations non probantes que le paramétrage de la caisse n'aurait pas été effectué.

S'agissant du manquement à son obligation pré-contractuelle d'information et de conseil et de l'insertion au contrat d'une clause abusive, les fondements juridiques visés sont, d'une part, les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation et, d'autre part, l'article L. 132-1 (devenu l'article L. 212-1) du même code lesquels sont applicables aux relations entre professionnels et consommateurs ainsi qu'aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels en vertu des articles L. 211-3 et L 111-1.

Or, le consommateur s'entend d'une personne physique qui se procure ou est susceptible de se procurer un bien de consommation dans le but unique de satisfaire ses besoins personnels ou ceux de sa famille, et non d'une personne morale comme la société Zoé, cette dernière ayant de surcroît souscrit le contrat litigieux pour les besoins de son activité et en qualité de professionnelle.

Ne pouvant revendiquer l'application des dispositions protectrices du droit de la consommation, la société Zoé n'est pas fondée à opposer l'existence d'une contestation sérieuse tenant au non-respect de ces règles.

A supposer le contraire établi, la cour ne pourrait d'ailleurs, sans excéder ses pouvoirs en tant que juge des référés, prononcer la résolution d'un contrat et une condamnation à paiement non provisionnelle comme le sollicite l'appelante.

C'est donc à bon droit que le premier juge l'a condamnée à verser à la société JDC le montant cumulé des deux quittances subrogatives.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la société JDC,

Condamne la société Zoé à verser à la société JDC la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Zoé aux dépens d'appel.

La présente décision a été signée par monsieur Roland Potée, président, et madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT