CA DIJON (2e ch. civ.), 11 janvier 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7355
CA DIJON (2e ch. civ.), 11 janvier 2018 : RG n° 15/01812
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Toutefois, il est constant que le contrat a pour objet la création d'un site internet ayant pour seul objet de promouvoir et de développer l'activité professionnelle d'exploitant forestier et d'élagueur de M. X. Il a donc incontestablement un rapport direct avec les activités exercées par l'appelant dans le cadre de sa profession. Or, par application de l'article L. 121-22 alinéa 2 4° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. »
2/ « Le procès-verbal de réception a en l'occurrence été signé par M. X. le 8 février 2013. Par ce document, il a notamment déclaré avoir pris connaissance de la mise en ligne de son site internet (composé de la charte graphique et de l'arborescence), avoir librement choisi le contenu de la charte, avoir contrôlé le bon fonctionnement du site internet et accepter celui-ci ainsi que les prestations sans restriction ni réserve. Ces mentions ne manquent pas d'étonner, comme étant incohérentes avec les conditions générales du contrat, puisque le client atteste de la mise en ligne et accepte sans restriction ni réserve le site dès la signature du procès-verbal de réception, alors qu'aux termes des conditions générales la mise en ligne est censée n'intervenir que dans un délai de 70 jours à compter de la signature du procès-verbal, et l'acceptation sans restriction ni réserve est quant à elle prévue pour être acquise seulement à défaut de modifications demandées dans les 72 heures de cette mise en ligne. […]
Or, l'examen de la copie écran du site internet versée au dossier révèle que si l'arborescence et les éléments d'identification ont été dûment créés et renseignés, aucun texte individualisé n'a en revanche été inséré dans le site, dont tous les champs sont composés de textes en langue latine parfaitement étrangers à l'objet du site. Force est ainsi de constater que la société Arobase Systèmes a manqué aux obligations contractuelles qu'elle avait elle-même édictées en s'abstenant de mettre en ligne le site objet du contrat en l'état des éléments de contenu dont elle disposait. Au regard de ce manquement, qui a pour effet de priver le site de toute espèce d'utilité et de fonctionnalité, comme ne fournissant à la clientèle potentielle de M. X. absolument aucun renseignement exploitable, l'appelant est bien fondé à opposer l'exception d'inexécution à la demande en résiliation à ses torts du contrat pour non-paiement des loyers contractuels. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 JANVIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01812. Décision déférée à la Cour : au fond du 3 septembre 2015, rendue par le tribunal de commerce de Dijon : RG n° 2014/1789.
APPELANT :
Monsieur X.
domicilié : [adresse], représenté par Maître Claire G., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
INTIMÉE :
SARL AROBASE SYSTÈMES
agissant sur poursuites et diligences de son représentant légal dont le siège est : [adresse], représentée par Maître Karine S., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 103
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 9 novembre 2017 en audience publique devant la cour composée de : Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, Président, Sophie DUMURGIER, Conseiller, Michel WACHTER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elisabeth GUÉDON,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 11 janvier 2018,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et par Elisabeth GUÉDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 21 janvier 2013, M. X., exploitant forestier, a souscrit auprès de la SARL Arobase Systèmes un contrat de site internet pour une durée de 48 mois moyennant le paiement de mensualités de 90 euros HT, soit 107,64 euros TTC.
Le 8 février 2013, M. X. a régularisé le procès-verbal de livraison, la mise en ligne étant cependant différée dans l'attente de l'apport de modifications.
Par courrier recommandé du 6 mars 2013, la société Arobase Systèmes, affirmant avoir respecté l'intégralité de ses obligations contractuelles en procédant à la création du site, à la réservation du nom de domaine, et au référencement de ce dernier, a indiqué à M. X. qu'elle était toujours dans l'attente des éléments complémentaires qu'il devait lui communiquer pour valider les textes réalisés pour chacune des rubriques du site et la charte graphique.
Par exploit du 14 janvier 2014, faisant valoir que M. X. n'avait donné aucune suite aux demandes qui lui avaient été faites, et qu'il se refusait à régler les mensualités prévues au contrat, la société Arobase Systèmes l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Dijon en résiliation du contrat à ses torts exclusifs, ainsi qu'en condamnation au paiement de la somme de 5.166,72 euros TTC à titre d'indemnité contractuelle de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2013.
M. X. s'est opposé à ces demandes, faisant valoir que le site livré n'était pas conforme à ses attentes, qu'il avait été induit en erreur par son cocontractant, et a réclamé à titre reconventionnel la condamnation de la société Arobase Systèmes à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 3 septembre 2015, le tribunal de commerce a rappelé que les conventions légalement formées tenaient lieu de loi à ceux qui les avaient faites, et a retenu que M. X. ne démontrait pas en quoi le site ne répondait pas à ses attentes, alors qu'il s'était abstenu de communiquer à la société Arobase Systèmes les textes qui devaient être mis en ligne, qu'il ne rapportait pas la moindre preuve à l'appui de son allégation selon laquelle il avait été induit en erreur, et qu'il ne justifiait d'aucun préjudice. Le tribunal a en conséquence :
- prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de M. X. au 25 août 2013 ;
- condamné M. X. à payer à la société Arobase Systèmes la somme de 5.166,72 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 12 août 2013 ;
- débouté M. X. de sa demande reconventionnelle ;
- condamné M. X. à payer à la société Arobase Systèmes la somme de 600 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal-fondées, les en a déboutées ;
- condamné M. X. en tous les dépens de l'instance.
M. X. a relevé appel de cette décision le 14 octobre 2015.
Par ordonnance d'incident du 18 février 2016, le conseiller de la mise en état a débouté la société Arobase Systèmes de sa demande en radiation de l'instance.
Par conclusions notifiées le 5 janvier 2016, l'appelant demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré ;
- de le réformer ;
- de déclarer nul le contrat signé le 23 janvier 2013, et subsidiairement de déclarer que M. X. est fondé à se prévaloir de l'exception d'inexécution ;
En conséquence,
- de débouter la société Arobase Systèmes de toutes ses demandes ;
Subsidiairement,
- de déclarer nul l'article 5 du contrat litigieux et de débouter la société Arobase Systèmes de ses demandes ;
Très subsidiairement,
- de rejeter la demande d'indemnité contractuelle de la société Arobase Systèmes au motif qu'elle n'est pas justifiée ;
A titre infiniment subsidiaire,
- de déclarer que l'article 5 du contrat litigieux est une clause pénale et en conséquence de diminuer considérablement la condamnation prononcée ;
En tout état de cause,
- de condamner la société Arobase Systèmes à payer à M. X. des dommages-intérêts équivalent à toute somme qui pourrait être due en vertu de l'arrêt à intervenir au titre de manquement à l'obligation d'information et de conseil et d'ordonner compensation ;
- de condamner la société Arobase Systèmes à payer à M. X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 4 mars 2016, la société Arobase Systèmes demande à la cour :
Vu l'article 1134 du code civil,
Vu l'article 1152 du code civil,
- de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;
- de débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes ;
- de le condamner à verser à la société Arobase Systèmes la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de le condamner aux dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 16 mai 2017.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Sur la nullité du contrat :
M. X. se prévaut de la nullité du contrat conclu avec la société Arobase Systèmes au motif que cette convention, signée à son domicile après démarchage d'un préposé de l'intimée, ne répond pas aux exigences des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige, en ce qu'il n'indique pas l'adresse du lieu de conclusion, qu'il ne mentionne pas l'existence d'un délai de rétractation de sept jours et qu'il ne comporte pas de bordereau de rétractation détachable.
Toutefois, il est constant que le contrat a pour objet la création d'un site internet ayant pour seul objet de promouvoir et de développer l'activité professionnelle d'exploitant forestier et d'élagueur de M. X. Il a donc incontestablement un rapport direct avec les activités exercées par l'appelant dans le cadre de sa profession.
Or, par application de l'article L. 121-22 alinéa 2 4° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
La demande tendant à l'annulation du contrat ne pourra dans ces conditions qu'être rejetée.
Sur l'exception d'inexécution :
L'article 1184 du code civil dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
En l'espèce, M. X. fait valoir que le site proposé par l'intimée est quasiment vierge d'informations personnalisées et que ses champs ne comportent que des textes en langue latine, alors pourtant que la société disposait de nombreux éléments sur son activité qu'il lui appartenait de mettre en ligne.
Les conditions générales du contrat prévoient, à la rubrique « création de site et mise en ligne », que « la société Arobase Systèmes s'engage à concevoir un site internet en étroite collaboration avec le client, sur la base des données du client dont ce dernier est seul responsable ». Elles énoncent qu'un procès-verbal de réception sera soumis à l'approbation du client, et qu'en cas d'acceptation comme de refus de signature de ce procès-verbal, le client bénéficiera d'un délai de 72 heures pour présenter les modifications souhaitées. Elles ajoutent que le client s'engage à adresser à la société Arobase Systèmes les données pour enrichir la charte dans un délai de 10 jours à compter de la signature du procès-verbal de réception et que « passé ce délai, le site sera mis en ligne en l'état dans un délai maximum de 60 jours ». Enfin, il est stipulé que « le client bénéficie d'un nouveau délai de 72 heures à compter de la mise en ligne pour solliciter des modifications éventuelles » et que « passé ce délai, le client est réputé avoir accepté le site en l'état, sans aucune restriction ni réserve, et avoir reconnu son état de bon fonctionnement. »
Le procès-verbal de réception a en l'occurrence été signé par M. X. le 8 février 2013. Par ce document, il a notamment déclaré avoir pris connaissance de la mise en ligne de son site internet (composé de la charte graphique et de l'arborescence), avoir librement choisi le contenu de la charte, avoir contrôlé le bon fonctionnement du site internet et accepter celui-ci ainsi que les prestations sans restriction ni réserve.
Ces mentions ne manquent pas d'étonner, comme étant incohérentes avec les conditions générales du contrat, puisque le client atteste de la mise en ligne et accepte sans restriction ni réserve le site dès la signature du procès-verbal de réception, alors qu'aux termes des conditions générales la mise en ligne est censée n'intervenir que dans un délai de 70 jours à compter de la signature du procès-verbal, et l'acceptation sans restriction ni réserve est quant à elle prévue pour être acquise seulement à défaut de modifications demandées dans les 72 heures de cette mise en ligne.
D'ailleurs, il résulte des propres explications et pièces fournies par la société Arobase Systèmes que, contrairement à ce qui résulte des énonciations du procès-verbal de réception, le site n'était aucunement opérationnel à la date du 8 février 2013, puisque l'intimée indique elle-même que si divers éléments avaient été communiqués par M. X. à sa commerciale le jour de la signature du procès-verbal de réception, il restait encore à l'appelant à valider les textes que la société Arobase Systèmes avait élaborés.
S'il est constant que M. X. n'a, par la suite, plus communiqué aucun élément ni donné suite aux demandes de validation des textes, la stricte application des stipulations contractuelles aurait donc dû amener, compte tenu de ce silence, la société Arobase Systèmes, à mettre le site en ligne « en l'état » dans les 70 jours de la signature du procès-verbal de réception, la mention « en l'état » s'entendant bien évidemment comme désignant une mise en ligne du seul contenu dont la société Arobase Systèmes disposait d'ores et déjà.
L'intimée produit elle-même aux débats (pièce n°4 de son bordereau de communication de pièces) les divers textes qu'elle a établis pour renseigner chaque élément de l'arborescence du site (accueil, qui suis-je, élagage, abattage, bois de chauffage, actualités, devis gratuit, plan/contact). Bien que non expressément validés par M. X., ces textes ont néanmoins été élaborés sur la base des données qu'il avait lui-même fournies à sa cocontractante, et présentent dans le détail les spécificités de sa formation, de son activité professionnelle, de son domaine d'intervention, mais aussi de sa biographie. Ils apparaissent ainsi suffisamment complets pour être mis en ligne. Dès lors, la mise en ligne « en l'état » prévue aux conditions générales du contrat s'entendait nécessairement de la mise en ligne de ce contenu.
Or, l'examen de la copie écran du site internet versée au dossier révèle que si l'arborescence et les éléments d'identification ont été dûment créés et renseignés, aucun texte individualisé n'a en revanche été inséré dans le site, dont tous les champs sont composés de textes en langue latine parfaitement étrangers à l'objet du site.
Force est ainsi de constater que la société Arobase Systèmes a manqué aux obligations contractuelles qu'elle avait elle-même édictées en s'abstenant de mettre en ligne le site objet du contrat en l'état des éléments de contenu dont elle disposait.
Au regard de ce manquement, qui a pour effet de priver le site de toute espèce d'utilité et de fonctionnalité, comme ne fournissant à la clientèle potentielle de M. X. absolument aucun renseignement exploitable, l'appelant est bien fondé à opposer l'exception d'inexécution à la demande en résiliation à ses torts du contrat pour non-paiement des loyers contractuels.
Ainsi, il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Arobase Systèmes à l'encontre de M. X., le jugement déféré étant en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes :
La société Arobase Systèmes sera condamnée, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à M. X. la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
Déclare M. X. recevable et partiellement fondé en son appel ;
Rejette la demande de nullité du contrat formée par M. X. ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 septembre 2015 par le tribunal de commerce de Dijon ;
Statuant à nouveau :
Rejette l'ensemble des demandes formées par la SARL Arobase Systèmes à l'encontre de M. X. ;
Condamne la société Arobase Systèmes à payer à M. X. la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Arobase Systèmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
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