CA PARIS (pôle 5 ch. 3), 2 juillet 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 7357
CA PARIS (pôle 5 ch. 3), 2 juillet 2014 : RG n° 12/14759
Pourvoi rejeté par Cass. civ. 3e, 14 janvier 2016 : pourvoi n° 14-24681 ; arrêt n° 36
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-015863
Extraits : 1/ « Il convient de préciser que la demande de la SARL Tahiti tend en réalité à faire réputer non écrite la clause d'indexation contenue dans le bail sur le fondement de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier et qu’elle n'est pas une action en nullité ; elle n'est donc enfermée dans aucun délai de prescription, pas même celui de la prescription quinquennale revendiqué par la SARL Tahiti et encore moins celui de l'article L. 145-60 du code de commerce invoqué par le bailleur et qui est sans application au cas d'espèce ; que l'action de la SARL Tahiti est donc recevable. »
2/ « Le texte de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier dont les dispositions relèvent d'un ordre public de direction, prohibe l'organisation contractuelle d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions. En l'espèce, la clause d'échelle mobile telle qu'elle est libellée organise la distorsion prohibée ; en effet, la modification « automatique » du loyer est annoncée pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice licite choisi lequel est susceptible de variation à la hausse comme à la baisse, ce qui est le propre d'une clause d'échelle mobile ; or toute modification du loyer en cas de baisse de l'indice étant écartée et le loyer étant alors maintenu au montant du loyer en vigueur, la modification du loyer en cas de baisse de l'indice interviendra nécessairement sur une période plus longue que celle de la variation des indices.
Ainsi et par la prise en considération de la seule variation de l'indice à la hausse, nonobstant le rappel des dispositions de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, la clause d'indexation organise, en cas de baisse de l'indice choisi, un gel de l'indice devant servir à l'indexation du loyer de telle sorte que contrairement à ce qui est rappelé de façon liminaire par la clause, les révisions du loyer ne seront pas opérées « chaque année successive sur la base de l'indice du trimestre de la révision ».
La clause d'indexation telle qu'elle est rédigée est au surplus indivisible et elle est donc réputée non écrite dans son entier sans qu'il y ait lieu de distinguer le principe de l'indexation lui-même qui aurait été voulu par les parties, de ses modalités de mise en œuvre qui en découlent ; la circonstance au surplus que son application concrète n'a pas abouti à la distorsion prohibée en l'absence de toute baisse effective de l'indice choisi est indifférente dès lors que la clause l'organise de façon délibérée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 3
ARRÊT DU 2 JUILLET 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/14759 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 juillet 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 10/04850.
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, avocat postulant, Assisté de Maître Boris HOCHMAN de l'AARPI PARTNERS IN LAW, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMÉE :
SARL TAHITI
prise en la personne de ses représentants légaux, Représentée par Maître Jacques GOURLAOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0396
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, Madame Odile BLUM, conseillère, Monsieur Christian BYK, conseiller, qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Mme Orokia OUEDRAOGO
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 3 décembre 2002, M. X. a donné à bail à la société Tahiti un local commercial situé [...] à usage de « centre de bronzage, soins de beauté, esthétique et accessoirement de vente de cosmétiques, de produits de parfumerie et accessoires s'y rapportant ».
Le bail a été consenti à compter du 1er décembre 2002 moyennant un loyer initial de 45.735 euros.
En application de la clause d'indexation contenue dans le bail, le loyer annuel a été porté à la somme de 58.323 euros à compter du mois de mai 2009.
Par acte extrajudiciaire du 15 octobre 2009, la SARL Tahiti, après avoir notifié une demande de révision du loyer, a par acte du 19 mars 2010 assigné M. X. afin de voir fixer le montant annuel du loyer révisé à la somme de 34.650 euros à compter du 15 octobre 2009 sur le fondement de l'article L. 145-39 du code de commerce.
Le bailleur ayant soulevé la nullité de la clause d'échelle mobile contenue dans le bail et le fait que les dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce ne trouvaient pas à s'appliquer, le juge des loyers s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance ;
Par ses dernières écritures devant le tribunal, la SARL Tahiti a demandé de réputer non écrite la clause d'indexation contenue dans le bail au visa de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier et de condamner le bailleur à lui restituer un trop perçu de loyers, tandis que le bailleur a soutenu que la clause d'échelle mobile est licite et conforme à la liberté contractuelle mais qu'elle ne revêt pas l'exigence de variation positive et négative de sorte que l'article L.145-39 du code de commerce est inapplicable ; il a demandé dans les motifs de ses écritures de dire la demande de la locataire prescrite.
Par jugement du 5 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté l'exception de prescription de la demande en nullité de la clause d'échelle mobile stipulée au bail 3 décembre 2000,
- déclare nulle et de nul effet la clause d'échelle mobile stipulée au bail,
- condamné M. X. à restituer à la SARL Tahiti pour la période du 1er avril 2005 jusqu'au 30 novembre 2010 la somme de 53.264,31 euros
- condamné M. X. à payer à la SARL Tahiti la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. X. aux entiers dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
M. X. a relevé appel du jugement ; par ses dernières conclusions du 21 janvier 2013, il demande à la Cour de :
Infirmer la décision et statuant à nouveau,
A titre principal :
Déclarer licite et conforme à la liberté contractuelle, la clause d'indexation du bail commercial du 3 décembre 2002 limitée à la hausse,
Constater que la clause d'indexation du bail commercial du 3 décembre 2002 limitée à la hausse n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de la révision posée par les dispositions de l'article L. 145-39 du Code de commerce,
A titre subsidiaire :
Et si par extraordinaire, la Cour considère que la variation à la hausse d'une clause d'indexation est illicite :
Constater la validité de la clause d'indexation en toutes ses dispositions, exception faite du paragraphe 8.8 qui limite la clause à la hausse,
En conséquence, débouter la société Tahiti de l'ensemble de ses demandes,
Condamner la société Tahiti au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner la société Tahiti aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SARL Tahiti, par ses dernières conclusions du 20 novembre 2012 demande à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris,
En conséquence
Rejeter l'exception de prescription de la demande en nullité de la clause d'échelle mobile stipulée au bail du 3 décembre 2002,
Déclarer nulle et de nul effet la clause d'échelle mobile stipulée au bail,
Condamner M. X. à restituer à la société Tahiti pour la période du 1er avril 2005 jusqu'au 30 novembre 2010 la somme de 53.164.31 euros
Condamner M. X. à payer à la société Tahiti la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamner en tous les dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la validité de la clause d'échelle mobile du bail :
M. X. soutient que l'article L. 112-2 du code monétaire et financier qui répute non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce ; que la clause d'indexation contenue dans le bail et qui fait d'ailleurs référence à l'article L. 112-2 du code monétaire et financier ne prévoit pas une période de variation de l'indice supérieure à celle s'écoulant entre chaque révision conformément à la lettre de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, qu'elle prévoit simplement que lorsque le calcul du loyer indexé aboutit à un résultat inférieur au loyer de l'année précédente, le loyer restera fixé au montant du loyer en cours, ce qui est parfaitement valable, que l’article L. 112-2 du code monétaire et financier ne prohibe pas en effet les clauses d'indexation qui ont pour conséquence de faire varier le loyer uniquement à la hausse, que de surcroît, les différentes hausses de loyer ont été calculées en prenant une période de variation de l'indice égale à la durée s'écoulant entre chaque variation ; qu’à admettre qu'une variation à la hausse soit illicite, seul l'élément prévoyant la variation à la hausse doit être réputé non écrit mais non la clause d'indexation elle-même, que la commune intention des parties a été que la variation du loyer n'intervienne qu'à la hausse, que la clause litigieuse est conforme à la liberté dont disposent les parties de convenir aimablement des règles d'indexation, que l'indexation s'est effectuée sans aucune contestation du preneur durant 7 ans ce qui témoigne de leur accord, que l'action du preneur en contestation de la validité de la clause d'indexation à la hausse aurait dû être exercée dans les deux années suivant la conclusion du bail conformément aux termes de l'article L. 145-60 du code de commerce, qu'enfin l'article L. 145-39 du code de commerce sur le fondement duquel la locataire a agi et qui est conditionné à l'évolution du loyer tant à la hausse qu’à la baisse par le jeu de la clause d'indexation, ne trouve pas à s'appliquer au bail dont s'agit qui ne prévoit pas de possibilité de baisse du loyer par le jeu de la clause d'indexation.
Il convient de préciser que la demande de la SARL Tahiti tend en réalité à faire réputer non écrite la clause d'indexation contenue dans le bail sur le fondement de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier et qu’elle n'est pas une action en nullité ; elle n'est donc enfermée dans aucun délai de prescription, pas même celui de la prescription quinquennale revendiqué par la SARL Tahiti et encore moins celui de l'article L. 145-60 du code de commerce invoqué par le bailleur et qui est sans application au cas d'espèce ; que l'action de la SARL Tahiti est donc recevable.
L'article 8 du bail litigieux dispose que « le loyer de base sera ajusté automatiquement pour chaque période annuelle en fonction des variations de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE,
Pour l'application de la clause d'échelle mobile, l'indice de base sera l'indice mentionné aux conditions particulières et les révisions seront opérées chaque année successive à la date anniversaire de la prise d'effet du bail, sur la base de l'indice du même trimestre.
.../.. Les indices de comparaison seront relevés selon une périodicité annuelle, conformément à l'article 10 de la loi du 29 décembre 1977(article L. 112-2 du code monétaire et financier). En conséquence, le premier indice de comparaison sera le premier indice anniversaire de l'indice de base et les indices de comparaison successifs seront séparés les uns des autres d'une période de variation d'un an.
La présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédant la révision. »
Le texte de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier dont les dispositions relèvent d'un ordre public de direction, prohibe l'organisation contractuelle d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions.
En l'espèce, la clause d'échelle mobile telle qu'elle est libellée organise la distorsion prohibée ; en effet, la modification « automatique » du loyer est annoncée pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice licite choisi lequel est susceptible de variation à la hausse comme à la baisse, ce qui est le propre d'une clause d'échelle mobile ; or toute modification du loyer en cas de baisse de l'indice étant écartée et le loyer étant alors maintenu au montant du loyer en vigueur, la modification du loyer en cas de baisse de l'indice interviendra nécessairement sur une période plus longue que celle de la variation des indices.
Ainsi et par la prise en considération de la seule variation de l'indice à la hausse, nonobstant le rappel des dispositions de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, la clause d'indexation organise, en cas de baisse de l'indice choisi, un gel de l'indice devant servir à l'indexation du loyer de telle sorte que contrairement à ce qui est rappelé de façon liminaire par la clause, les révisions du loyer ne seront pas opérées « chaque année successive sur la base de l'indice du trimestre de la révision ».
La clause d'indexation telle qu'elle est rédigée est au surplus indivisible et elle est donc réputée non écrite dans son entier sans qu'il y ait lieu de distinguer le principe de l'indexation lui-même qui aurait été voulu par les parties, de ses modalités de mise en œuvre qui en découlent ; la circonstance au surplus que son application concrète n'a pas abouti à la distorsion prohibée en l'absence de toute baisse effective de l'indice choisi est indifférente dès lors que la clause l'organise de façon délibérée.
En outre, le fait pour la SARL Tahiti d'avoir payé le loyer réclamé et révisé en fonction de la clause d'indexation sans avoir protesté avant 2010 ne saurait valoir renonciation à se prévaloir du caractère illicite de la clause.
Il convient enfin de constater que le preneur n'a plus sollicité devant le tribunal de grande instance l'application de l'article L. 145-39 du code de commerce dont les conditions d'application ne sont d'ailleurs plus réunies, en l'absence de clause d'échelle mobile.
Sur la demande en restitution de l'indu :
La demande de la SARL Tahiti en restitution de l'indu en conséquence du caractère non écrit de la clause d'indexation ne se heurte à aucune contestation sérieuse de son montant ; il y lieu d'y faire droit par confirmation du jugement.
Sur les autres demandes :
M. X. supportera les entiers dépens et paiera à la SARL Tahiti sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 2.000 euros en outre de la somme de 4.000 euros allouée sur ce fondement en première instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré, sauf à préciser que la clause d'échelle mobile contenue dans le bail est réputée non écrite (et non nulle).
Condamne M. X. à payer à la SARL Tahiti la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
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