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CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 18 janvier 2018

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 18 janvier 2018
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 3e ch. B
Demande : 15/19337
Décision : 2018/009
Date : 18/01/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/10/2015
Décision antérieure : CASS. CIV. 3e, 23 mai 2019
Numéro de la décision : 9
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7374

CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 18 janvier 2018 : RG n° 15/19337 ; arrêt n° 2018/009 

Publication : Jurica

 

Extraits (motifs) : « En vertu de l'acte de vente du 28 décembre 2006, le vendeur s'obligeait à livrer le bien immobilier acheté en VEFA au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de « causes légitimes de suspension » définies au contrat. Il était précisé que « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier. Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre » (pages 14 et 15 de l'acte). M. Y. et Mme X. épouse Y. demandent de déclarer abusive cette clause au terme de laquelle la société venderesse serait en droit de bénéficier d'un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés, alors que la SCCV SCI [...] estime au contraire que cette clause est valide.

En application de l'alinéa 1er de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au moment de la signature du contrat, texte qui est d'ordre public : […]. En l'espèce, M. Y. et Mme X. épouse Y. sont des particuliers et doivent donc être considérés comme étant des consommateurs vis-à-vis de leur vendeur, professionnel de l'immobilier. Et la clause ayant pour objet de doubler la durée des jours de retard non indemnisés par le vendeur s'analyse en une clause réduisant de façon importante l'indemnisation due aux acquéreurs, contredisant la portée d'une obligation essentielle du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement de livrer le bien acheté à la date convenue, et, en cas de retard non justifié contractuellement, de devoir l'indemniser, permettant ainsi au vendeur de limiter les conséquences d'un retard de livraison et de réduire très sensiblement l'indemnisation accordée à l'acquéreur, créant ainsi au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente.

Elle constitue donc une clause abusive en ce qu'elle permet un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés, et, à ce titre, doit être réputée non écrite. »

Extraits (dispositif) : « DÉCLARE ABUSIVE et en conséquence, nulle et de nul effet, la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV SCI [...] et M. Y. et Mme X. épouse Y., sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison », en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des événements relatés « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier » »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

TROISIÈME CHAMBRE B

ARRÊT DU 18 JANVIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/19337. Arrêt n° 2018/009. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 24 juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 12/13328.

 

APPELANTS :

Madame X. épouse Y.

demeurant [adresse], représentée par Maître Maud D.-G., avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Sophie R.-B. de l'AARPI CABINET B.-R.- R., avocate au barreau de MARSEILLE

Monsieur Y.

demeurant [adresse], représenté par Maître Maud D.-G., avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Sophie R.-B. de l'AARPI CABINET B.-R.-R., avocate au barreau de MARSEILLE

 

INTIMÉE :

SCCV SCI MARSEILLE

[...], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par Maître Agnès E.-C. de la SCP E.-L.-A. & ASSOCIES, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Stéphane E. de la SELARL B.-E.-DE C., avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Maître Caroline S.-B. de la SELARL B.-E.-DE C., avocate au barreau de MARSEILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 novembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur), Mme Patricia TOURNIER, Conseillère, Mme Sophie LEYDIER, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2018.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2018, Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

Par acte notarié du 28 décembre 2006, M. Y. et Mme X. épouse Y. ont acquis en l'état futur d'achèvement auprès de la société civile de construction vente SCI [...], dont la gérante est la SARL KAUFMAN ET BROAD MEDITERRANEE, au prix de 590.000 euros, trois lots consistant en un appartement de type 4 situé au 4ème étage, d'une surface habitable de 99,56 m² avec 61,19 m² de terrasse, ainsi que deux boxes, dans un ensemble immobilier dénommé « Park S. », situé [adresse].

La livraison du bien était prévue au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de causes légitimes de suspension du délai de livraison.

La livraison avec réserves est finalement intervenue le 26 janvier 2010.

D'autres réserves ont été formulées par les acquéreurs par lettres des 4 et 13 février 2010.

Par acte du 25 février 2011, M. Y. et Mme X. épouse Y. ont fait assigner en référé la SCCV SCI [...] devant le président du tribunal de grande instance de Marseille aux fins d'obtenir la désignation d'un expert.

Par ordonnance du 13 mai 2011, ce magistrat ordonnait une expertise et commettait pour y procéder Mme M., remplacée par la suite par M. C.

Ce dernier clôturait son rapport le 12 mai 2012.

Par acte du 19 décembre 2012, M. Y. et Mme X. épouse Y. faisaient assigner la SCCV SCI [...] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d'être indemnisés des préjudices résultant du retard de livraison, des désordres affectant leur appartement et du trouble de jouissance subi.

 

Par jugement du 24 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- écarté la demande d'annulation de la clause contractuelle concernant le délai de livraison et les causes de suspension de ce délai,

- condamné la SCCV SCI [...] à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. :

1°/ 1.800 euros au titre des travaux de reprise,

2°/ 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison,

3°/ 800 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

4°/ 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- rejeté le surplus des demandes indemnitaires de M. Y. et Mme X. épouse Y.,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné la SCCV SCI [...] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

Le 30 octobre 2015, M. Y. et Mme X. épouse Y. interjetaient appel.

 

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le R.P.V.A. le 20 octobre 2017, M. Y. et Mme X. épouse Y. demandent à la cour :

Vu l'article 1642-1 du code civil, de :

Déclarer recevable et bien fondé leur appel,

Dire et juger abusive la clause du contrat au terme de laquelle la société venderesse serait en droit de bénéficier d'un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés,

En conséquence,

Condamner la SCCV SCI [...] à leur payer 14.600 euros au titre du préjudice de retard, valeur mai 2012 avec actualisation au jour du paiement effectif, majorée de la somme de 3.830 euros au titre des frais de logement et de garde meubles qu'ils ont dû exposer,

Subsidiairement,

Dire et juger que si cette clause n'était pas déclarée abusive et que l'indemnisation des époux Y. était calculée sur une durée inférieure à 146 jours, le calcul de l'indemnité se fera sur une base de 197 euros par jour, augmentée de la somme de 3.830 euros justifiée au titre des frais de logement et de garde meubles,

Ecarter les contestations de la SCCV SCI [...] au titre des désordres affectant le logement et Condamner la SCCV SCI [...] à leur payer :

** 5.464,30 euros au titre des réparations à effectuer pour supprimer certains désordres,

** 7.700 euros pour compenser l'existence des désordres non totalement réparables,

** 4.000 euros en réparation de leur trouble de jouissance,

** 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la SCCV SCI [...] aux entiers dépens y compris les frais de référé et d'expertise.

 

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le R.P.V.A. le 3 octobre 2017, la SCCV SCI [...] demande à la cour :

Vu les articles 1103, 1104, 1193 (anciens articles 1147 et 1134 du Code civil), les articles 1792 et suivants du Code civil,

Vu le rapport d'expertise de Monsieur C. en date du 12 mai 2012 et ses annexes,

de :

- débouter les époux Y. de l'ensemble de leurs demandes,

et notamment,

- déclarer parfaitement valable la clause contractuelle de l'acte de vente afférente aux causes légitimes de retard,

- confirmer le jugement déféré de ce chef,

- débouter les époux Y. de leurs demandes d'indemnisation au titre du retard de livraison à hauteur de la somme de 18.430 euros comme étant tout aussi exorbitante qu'infondée et injustifiée,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a été jugé qu'il ne pouvait être retenu tout au plus que 26 jours de retard indemnisable,

- réformer le jugement déféré en ce qui concerne l'indemnité de 800 euros allouée pour préjudice de jouissance comme étant dépourvue de preuve et justification,

- réformer le jugement déféré en ce qui concerne la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- condamner les époux Y. au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré, sauf en ce qui concerne les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la responsabilité du vendeur en l'état futur d'achèvement :

En vertu de l'article 1648 alinéa 2 du Code civil, dans sa version antérieure à la loi du 25 mars 2009 applicable au litige, l'acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents même dénoncés postérieurement à l'écoulement du délai d'un mois après la prise de possession prévue par l'article 1642-1 du même code.

Et, en application de l'article 1646-1 du Code civil, le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations légales des constructeurs telles qu'elles résultent des articles 1792 et suivants du code civil, ces garanties bénéficiant aux propriétaires successifs de l'immeuble.

La responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur, résultant des articles 1147 et suivants du Code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, peut également être engagée pour des fautes contractuelles ne conditionnant pas la qualité de l'ouvrage lui-même, comme le dépassement du délai ou du prix convenu.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les désordres et inachèvements invoqués par les acquéreurs dans la présente instance sont apparents et ressortent donc d'abord de la responsabilité du vendeur d'immeuble résultant des articles 1642-1 et 1648 du Code civil, dans leur rédaction applicable au 28 décembre 2006, date de signature du contrat de vente en l'état futur d'achèvement, et que les dommages immatériels invoqués, qu'ils résultent du retard de livraison ou de troubles de jouissance ressortent de sa responsabilité contractuelle de droit commun.

 

Sur les désordres invoqués et leur indemnisation :

1°/ travaux de reprise :

Il ressort des recherches de l'expert commis et des autres pièces produites, dont le constat d'huissier du 3 mai 2016 établi à la requête des acquéreurs, que les trois coffres de volets roulants du séjour ne sont pas alignés, que pour remédier à ces écarts « hors tolérance » d'alignement, les travaux de reprise consistant à mettre en place un cache menuisé de ces coffres sont évalués par l'expert, à qui aucun devis n'avait été produit, à la somme de 1.800 euros TTC.

C'est donc avec raison, que pour remédier à ce désordre esthétique le premier juge a condamné le vendeur à payer aux acquéreurs ladite somme, le devis du 8 octobre 2012 de 2.664,30 euros, produit par ces derniers n'ayant pas été soumis au technicien commis et comportant en outre des travaux supplémentaires afin de poser une rampe lumineuse, ne pouvant être pris en compte.

Par contre, les époux Y. établissent bien la persistance de venues d'air provenant des coffres des volets roulants et des boîtiers de commande électrique.

En effet, malgré intervention de la société SMAF à deux reprises : les 25 novembre 2010 et 15 février 2012, ils ont maintenu leurs réserves sur le « quitus » établi à cette dernière date en formulant la « remarque » suivante :

« de la mousse expansive a été mise dans les coffres au niveau du passage des câbles électriques et au niveau des boîtiers de commande des volets roulants (buse de 15cm), mais rien n'a pu être fait entre les coffres et les boîtiers de commande. Il reste à vérifier l'efficacité du travail réalisé par fort mistral et après que la mousse soit expansée » (annexe du rapport).

Il n'y eut aucune intervention postérieure de nature à mettre fin à ce désordre, comme le révèle le constat dressé le 3 mai 2016 établi à la requête des acquéreurs, non contredit par des pièces contraires, où l'huissier décrit la persistance de ces venues d'air, que ce soit pour les trois chambres côté nord, ou dans le séjour.

D'ailleurs, dans son rapport, l'expert commis n'excluait nullement, si le phénomène persistait, de « compléter la prestation (de l'entreprise) jusqu'à l'obtention d'un quitus », après avoir, dans ses pré-conclusions, estimé le coût global des travaux à effectuer à 700 euros TTC.

En l'absence de tout devis de travaux produit par l'une ou l'autre des parties, il ne peut être fait droit à la réclamation des acquéreurs formulée à hauteur de 700 euros X 4 = 2.800 euros.

Compte tenu des seuls éléments produits, le coût des travaux de reprise de ce désordre doit donc être fixé à la seule somme de 700 euros, le jugement déféré étant ici partiellement réformé.

Au titre des travaux de reprise, il sera donc alloué aux appelants la somme de :

1.800 euros + 700 euros = 2.500 euros.

 

2°/ moins values :

Ayant fait l'acquisition à Marseille, au prix de 590.000 euros, d'un appartement avec terrasse de près de 100 m² de surface habitable ainsi que de deux boxes, les époux Y. sont en droit d'attendre de leur vendeur la délivrance d'un bien immobilier correspondant non seulement à ce qui était contractuellement prévu, notamment au vu de la notice descriptive, mais encore aux différentes normes techniques et règles de l'art.

Pour un certain nombre de « désordres », dont il est relevé par l'expert lui-même qu'ils ne peuvent donner lieu à reprise, mais seulement à « réfaction », les acquéreurs sont fondés, s'ils en établissent l'existence, à réclamer une indemnisation correspondant à une « moins-value » du bien acheté.

S'il n'est pas contesté qu'à l'origine, en façade nord, furent installés des volets roulants bois à projection motorisés, en raison de problèmes de fonctionnement, ceux-ci furent changés et remplacés par des volets roulants à lames PVC sans projection, ce qui fut accepté par les acquéreurs. Il est relevé par l'expert que le système de volets à projection était peu compatible avec une motorisation de la manœuvre. Ces volets roulants à lames PVC sont en outre conformes à la notice descriptive. En conséquence, c'est avec raison que le premier juge a estimé que les acquéreurs ne pouvaient prétendre à ce titre à aucune moins-value.

En outre, les acquéreurs ayant donné le 21 janvier 2011 quitus des travaux de remplacement et de nettoyage des dalles tâchées de la terrasse, ne produisant aucune pièce permettant de connaître l'état de cette terrasse après le 21 janvier 2011, alors que le constat d'huissier du 3 mai 2016 n'évoque nullement ce problème, c'est également à juste titre que le premier juge a débouté les appelants de leur demande d'indemnisation concernant ces dalles.

De même, alors que les 7 septembre 2010 et 15 décembre 2010 les acquéreurs ont, suite à l'intervention des sociétés Plastic Bois et Plakybat concernant notamment le remplacement et la mise en jeu de plusieurs portes, donné quitus, que le constat d'huissier précité ne comporte aucune description de portes voilées, c'est avec raison que le premier juge a estimé qu'aucune moins-value n'était ici justifiée.

Enfin, il en va de même pour les joints de carrelage, suite à intervention de la société M., l'expert commis ayant d'ailleurs relevé que ce problème était devenu « sans objet ».

Tel n'est pas le cas pour l'absence de verticalité d'une cloison du séjour, l'expert ayant signalé 'un point concave sur la cueillie de la cloison du séjour’avec des 'écarts constatés sur place..hors normes (5mm sur une hauteur de 250cm/ 5mm sous la règle de 20 cm)’et précisé que ce type de désordre 'uniquement esthétique ‘est cependant de faible ampleur et très localisé et qu'il a pour origine une mise en oeuvre peu soignée.

S'il propose une « réfaction » de 150 euros TTC, les époux Y. réclament une indemnisation de 2.500 euros en se fondant sur un devis de travaux de reprise de cette cloison du 29 juin 2016, établi par la société Travaux du Midi pour un montant de 2.079 euros TTC et en invoquant une « fissuration » presque généralisée des murs du séjour.

A juste titre, la SCCV SCI [...] indique que l'invocation de fissures intervient six ans après la livraison, sans que ce point ait pu être analysé de façon contradictoire par l'expert, alors même que les appelants fondent leur demande sur les dispositions de l'article 1642-1 du code civil relatives aux vices apparents, ce qui n'est pas le cas ici.

En conséquence, au titre de la seule cloison présentant des défauts de verticalité, les époux Y. sont fondés à obtenir une moins-value, qu'il convient de fixer, compte tenu notamment de la situation de cette cloison dans le séjour, à la somme de 900 euros.

 

Sur le retard de livraison et son indemnisation :

En vertu de l'acte de vente du 28 décembre 2006, le vendeur s'obligeait à livrer le bien immobilier acheté en VEFA au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de « causes légitimes de suspension » définies au contrat. Il était précisé que « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier. Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre » (pages 14 et 15 de l'acte).

M. Y. et Mme X. épouse Y. demandent de déclarer abusive cette clause au terme de laquelle la société venderesse serait en droit de bénéficier d'un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés, alors que la SCCV SCI [...] estime au contraire que cette clause est valide.

En application de l'alinéa 1er de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au moment de la signature du contrat, texte qui est d'ordre public :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Et le sixième alinéa de ce texte précise que : « les clauses abusives sont réputées non écrites ».

En l'espèce, M. Y. et Mme X. épouse Y. sont des particuliers et doivent donc être considérés comme étant des consommateurs vis-à-vis de leur vendeur, professionnel de l'immobilier.

Et la clause ayant pour objet de doubler la durée des jours de retard non indemnisés par le vendeur s'analyse en une clause réduisant de façon importante l'indemnisation due aux acquéreurs, contredisant la portée d'une obligation essentielle du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement de livrer le bien acheté à la date convenue, et, en cas de retard non justifié contractuellement, de devoir l'indemniser, permettant ainsi au vendeur de limiter les conséquences d'un retard de livraison et de réduire très sensiblement l'indemnisation accordée à l'acquéreur, créant ainsi au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente.

Elle constitue donc une clause abusive en ce qu'elle permet un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés, et, à ce titre, doit être réputée non écrite.

En l'espèce, alors que le délai initial de livraison expirait le 30 juin 2009, la livraison est intervenue le 26 janvier 2010, soit un retard de livraison de six mois et 26 jours correspondant à un total de 210 jours.

Selon attestation du maître d'œuvre du 26 octobre 2010, dite « d'intempéries », le total des jours ouvrés justifiant d'un arrêt du chantier est de 70 jours, ce qui correspond à 14 semaines de 5 jours ouvrés. Il convient d'y ajouter 2 jours non ouvrés par semaine, soit 2 jours X 14 semaines = 28 jours, et un total de 98 jours.

Le retard de livraison dont les acquéreurs peuvent se prévaloir est donc de :

210 jours - 98 jours = 112 jours.

En raison du retard de livraison, les acquéreurs justifient avoir exposé :

- pour la période allant du 15 septembre 2009 au 31 janvier 2010, des frais de location d'un logement de 650 euros par mois,

- du 21 septembre 2009 au 31 janvier 2010, des frais de garde-meubles de 220 euros par mois.

Compte tenu du bien acquis : un appartement de type 4 avec deux boxes garage, de son emplacement, de l'importance du retard de livraison, des fonds mobilisés par l'acquéreur pour cette opération immobilière (achat d'un bien au prix de 590.000 euros), des désagréments de toute nature subis en raison de ce retard, de l'obligation qu'ont ainsi eu les acquéreurs de devoir, en raison du retard de livraison de leur bien immobilier, exposer divers frais : loyers, frais de garde meubles, dépenses engagées pour déménager dans un logement provisoire, ils justifient de la réalité du préjudice financier qu'ils invoquent, qui sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 10.000 euros.

Et, compte tenu des demandes des appelants, en application de l'article 1153-1 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2012, date de délivrance de l'assignation au fond.

La décision déférée doit donc être ici réformée.

 

Sur le trouble de jouissance :

En raison du dysfonctionnement des volets roulants des 3 chambres pendant six mois, du temps mis pour procéder aux divers travaux de levée de la plupart des réserves, du trouble qu'ils subiront nécessairement lorsque seront réalisés les travaux de reprise précédemment évoqués, les époux Y. ont incontestablement subi des troubles dans la jouissance de cet appartement de près de 100 m² avec terrasse et boxes, acheté au prix de 590.000 euros, dont il n'est pas contesté qu'il constitue leur résidence principale, préjudice qu'il convient, compte tenu des circonstances de la cause, d'indemniser par l'allocation d'une somme de 2.000 euros.

Ici encore, la décision déférée sera partiellement réformée.

 

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Succombant, la SCCV SCI [...] supportera les dépens.

Si, en première instance, l'équité commandait d'allouer à M. Y. et Mme X. épouse Y. une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, il en est de même en appel et il convient de leur allouer une indemnité complémentaire de 1.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR :

Statuant publiquement,

Contradictoirement,

RÉFORME partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a :

Débouté M. Y. et Mme X. épouse Y. de leur demande aux fins de voir juger abusive la clause du contrat de vente au terme de laquelle le vendeur serait en droit de bénéficier d'un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés,

Condamné la SCCV SCI [...] à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. :

- 1.800 euros au titre des travaux de reprise,

- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison,

- 800 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

Débouté M. Y. et Mme X. épouse Y. de leur demande d'indemnisation concernant l'absence de verticalité d'une cloison du séjour,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DÉCLARE ABUSIVE et en conséquence, nulle et de nul effet, la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV SCI [...] et M. Y. et Mme X. épouse Y., sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison », en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des événements relatés « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier»,

CONDAMNE la SCCV SCI [...] à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. :

1°/ 2.500 euros au titre des travaux de reprise,

2°/ 900 euros à titre de moins value pour défaut de verticalité d'une cloison du séjour,

3°/ 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison,

4°/ 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

5°/ 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que la somme de 10.000 euros correspondant aux dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du retard de livraison portera intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2012,

DIT que la condamnation aux dépens de première instance concerne non seulement le coût de l'expertise judiciaire mais encore les dépens des procédures de référé,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes et notamment la SCCV SCI [...] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que le greffe communiquera à l'expert C. une copie du présent arrêt,

CONDAMNE la SCCV SCI [...] aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE                             LE PRÉSIDENT