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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 16 octobre 2013

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 16 octobre 2013
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 12/03608
Date : 16/10/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/05/2012
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 5 mars 2015
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7379

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 16 octobre 2013 : RG n° 12/03608

 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Contrairement à ce que soutient Monsieur X., c'est bien de la loi que La Poste tire son obligation de rédiger des conditions générales de vente, créatrices d'obligations contractuelles opposables aux usagers et aux clients de La Poste. Les conditions générales de vente courrier-colis ont été validées par l'Autorité de Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ce qui les rend opposables aux usagers. Il s'évince de ces dispositions que la distribution s'effectue en boîte aux lettres facilement accessible, située à l'entrée de la propriété, en bordure de la voie ouverte à la circulation. Ces dispositions ont vocation à s'appliquer à tous, sans discrimination et sans créer de déséquilibre entre les usagers. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la poste n'a nullement créé un déséquilibre dans les conditions de distribution du courrier au préjudice de Monsieur X. en prétendant lui livrer son courrier dans une boîte en bordure de sa propriété. »

2/ « S'agissant de la remise contre émargement des objets devant être remis à la personne, soit les lettres recommandées et les colis, c'est à bon droit en revanche que le premier juge a retenu qu'ils devaient être remis à la réception du camping. En effet, La Poste ne démontre pas l'inaccessibilité des lieux alors que les clients, les livreurs, les secours empruntent la voie carrossable, et ce sans danger particulier. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/03608. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 AVRIL 2012, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN : RG n° 10/02940.

 

APPELANTE :

SA LA POSTE

agissant poursuites et diligences de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social, représentée par Maître Catherine COUCHIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, représenté par Maître Yves GARRIGUE de la SCP YVES GARRIGUE, YANN GARRIGUE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Maître Jean-Pierre NICOLAU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 27 août 2013

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 SEPTEMBRE 2013, en audience publique, Madame Chantal RODIER ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Mathieu MAURI, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller, Madame Chantal RODIER, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Mathieu MAURI, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur X. est propriétaire, sur la commune [ville E.], d'un camping à l'enseigne « Le P. » qu'il exploite sur un terrain de plus de 6 hectares.

Durant des années, le facteur distribuait le courrier dans la boîte aux lettres du camping située contre le mur de la réception, soit la maison d'habitation qu'il occupe.

Depuis 2005 et l'ouverture progressive à la concurrence du marché postal, le secteur de la distribution a été réglementé et encadré par :

- La loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales et instituant la Poste en un prestataire de service universel,

- Le décret d'application du 5 janvier 2007,

- Les modifications des dispositions du code des postes et télécommunications électroniques, notamment en ses articles L.1, L.2, L.9 et R.1-1-5,

- Les conditions générales de vente courrier-colis, validées par l'Autorité de Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP),

- Le contrôle de l'Autorité de Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) qui peut prononcer des sanctions pécuniaires à l'encontre de la Poste pour l'absence d'une offre qu'elle estime nécessaire au sein du service universel,

En application des conditions générales de vente, il était précisé à Monsieur X. qu'un aménagement des conditions de distribution de son courrier devenait nécessaire.

Par courrier du 2 juillet 2008, la Poste informait Monsieur X. qu'à compter du 4 août suivant, il serait raccordé à la batterie de boîtes aux lettres CIDEX située à la limite du chemin communal goudronné où trois boîtes aux lettres parmi les douze, restaient disponibles, et qu'il pourrait disposer à cet endroit de la faculté de déposer gratuitement son courrier départ.

Monsieur X. ne se manifestait pas, mais à l'expiration de ce délai, refusait de réceptionner les clefs de sa boîte aux lettres CIDEX.

Dans ces conditions, la Poste l'informait que l'ensemble de ses plis seraient mis à disposition au bureau de poste de PRADES.

Par acte d'huissier en date du 11 juin 2010 Monsieur X. faisait assigner la SA LA POSTE devant le tribunal de grande instance de Perpignan aux fins de la voir condamner à réparer son préjudice en raison de l'interruption de la distribution de son courrier depuis le début du mois d'août 2008 à la réception du camping et au rétablissement sous astreinte de la distribution comme précédemment, à la réception du camping.

Par jugement contradictoire du 12 avril 2012, le tribunal de grande instance de Perpignan, au visa de la loi du 20 mai 2005, du décret du 5 janvier 2007 et de l’article 1134 du code civil, a condamné la SA la Poste à :

- rétablir sans délai la distribution du courrier destiné à Monsieur X. et aux résidents du Camping « Le P. » dans la boîte aux lettres normalisée située à l'entrée du camping et les envois postaux destinés à être remis à personne à la réception dudit camping contre émargement,

- payer à Monsieur X. :

* à titre de dommages et intérêts, la somme de 4.185,45 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 1.500 euros en réparation de son préjudice moral,

* celle de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- payer les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

 

APPEL

La SA LA POSTE a relevé appel de ce jugement par déclaration du 11 mai 2012.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 août 2013.

* * *

Dans ses dernières conclusions en date du18 juillet 2013, la SA LA POSTE, au visa de la loi du 20 mai 2005, du décret du 5 janvier 2007, des dispositions du code des postes et télécommunications électroniques, notamment en ses articles L. 1, L. 2, L. 9 et R. 1-1-5, des conditions générales de vente demande à la cour constatant qu'elle s'est en tous points conformée à ses obligations légales et contractuelles, dans le respect du droit, et que le non-respect par Monsieur X. de la règlementation postale est seul à l'origine du préjudice qu'il allègue, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de :

-rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur X. come non-fondées,

- le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

 

Dans ses dernières conclusions en date du 26 septembre 2012, Monsieur X. demande de confirmer le jugement et

Au visa des articles 1134 et suivants du code civil et des dispositions du code des postes et télécommunications électroniques, notamment en ses articles L. 1, R. 1-1-5 et R. 1-1-6, de la violation par la poste de ses engagements depuis le 4 août 2008 et la rupture unilatérale et sans préavis du contrat depuis le 4 août 2008,

- faire droit à son appel incident,

- condamner la SA LA POSTE à rétablir sans délai la distribution de son courrier et de celui des résidents du camping dans la boîte aux lettres normalisée installée à la réception du camping à l'enseigne « Le P.» sur la commune [ville E.], domicile du requérant, et à tout le moins dans la seconde boîte aux lettres installée à l'entrée du camping et à livrer les envois postaux destinés à être remis à personne à la réception dudit camping contre émargement sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

La condamner à réparer les préjudices à ce jour subis par le paiement des sommes suivantes :

- 4.185,45 euros en réparation du préjudice matériel,

- 5.000 euros par année, au titre du préjudice économique, à compter du 1er janvier 2009 et à parfaire au jour de l'arrêt,

- 10.000 euros en réparation du préjudice moral,

- 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

La condamner aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la distribution du courrier en boîte aux lettres :

Il s'évince de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales et instituant la Poste en un prestataire de service universel, et de son décret d'application du 5 janvier 2007, que : « par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé visible approprié, les prestataires de services postaux informent les utilisateurs d'envois postaux sur les tarifs, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle, le délai d'un an durant lequel toutes réclamations sont recevables et les conditions particulières de la vente, selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des postes, après consultation du conseil national de la consommation. »

Contrairement à ce que soutient Monsieur X., c'est bien de la loi que La Poste tire son obligation de rédiger des conditions générales de vente, créatrices d'obligations contractuelles opposables aux usagers et aux clients de La Poste. Les conditions générales de vente courrier-colis ont été validées par l'Autorité de Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ce qui les rend opposables aux usagers.

Il s'évince de ces dispositions que la distribution s'effectue en boîte aux lettres facilement accessible, située à l'entrée de la propriété, en bordure de la voie ouverte à la circulation.

Ces dispositions ont vocation à s'appliquer à tous, sans discrimination et sans créer de déséquilibre entre les usagers. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la poste n'a nullement créé un déséquilibre dans les conditions de distribution du courrier au préjudice de Monsieur X. en prétendant lui livrer son courrier dans une boîte en bordure de sa propriété.

Les clients de la Poste disposent chacun d'une boîte aux lettres, située en limite de propriété.

La boîte aux lettres CIDEX dont Monsieur X. a refusé de prendre réception des clefs, est précisément située en limite de sa propriété. En effet, la propriété de Monsieur X. fait plusieurs hectares, commençant à la limite du chemin communal goudronné où est située cette batterie de boîtes aux lettres CIDEX, soit à l'entrée du chemin d'accès au camping.

Ce chemin de terre d'accès au camping, carrossable et en partie couvert de béton à rainures, fait plusieurs centaines de mètres. Même s'il accessible au public et notamment à la clientèle, aux livreurs, aux services de sécurité et aux secours, il reste un chemin privatif dont l'entretien est laissé à l'initiative du propriétaire.

Dès lors, on ne saurait reprocher à la poste sa position consistant à ce que la livraison de courrier de Monsieur X., se fasse, comme pour tout un chacun, en limite de propriété, à l'entrée de ce chemin privatif, soit en l'espèce au niveau des boîtes CIDEX. Cette position de déroge pas aux dispositions applicables et ne crée aucun déséquilibre significatif au préjudice de Monsieur X.

Si Monsieur X. souhaite d'autres modalités, les dérogations peuvent être négociées dans le cadre contractuel. Le médiateur de la poste lui avait d'ailleurs proposé deux autres alternatives qu'il a cependant refusées.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

 

Sur la remise contre émargement des objets devant être remis à la personne :

S'agissant de la remise contre émargement des objets devant être remis à la personne, soit les lettres recommandées et les colis, c'est à bon droit en revanche que le premier juge a retenu qu'ils devaient être remis à la réception du camping.

En effet, La Poste ne démontre pas l'inaccessibilité des lieux alors que les clients, les livreurs, les secours empruntent la voie carrossable, et ce sans danger particulier.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

 

Sur les demandes de Monsieur X. au titre de ses divers préjudices et sur les autres demandes :

Alors que la cour n'estime pas légitime son opposition d'utiliser la boîte CIDEX en bordure de sa propriété, il ne saurait obtenir réparation d'un préjudice qui n'est lié qu'à son refus de ce mode de distribution du courrier ordinaire.

Le jugement sera donc infirmé sur la somme allouée au titre du préjudice matériel et du préjudice moral.

Le seul préjudice qu'il a subi résulte de la contrainte d'avoir à chercher les colis et lettres recommandées au bureau de poste de [ville P.], du fait de leur non-remise à la réception du camping.

Cependant, ce type d'envoi est occasionnel et Monsieur X. ne démontre nullement que ces seuls envois auraient nécessité de se rendre à Prades pour ce seul motif, une fois par semaine. Dès lors, le préjudice matériel et moral subi au titre du retrait des objets contre émargement sera justement réparé par la somme de 1.000 euros.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a rejeté les demandes de Monsieur X. au titre d'un préjudice économique non démontré.

Au regard de la somme allouée par le premier juge à Monsieur X. au titre de ses frais irrépétibles de première instance, laquelle sera confirmée, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 en cause d'appel.

La poste qui succombe partiellement, et reste en définitive débitrice, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Vu la loi du 20 mai 2005, et son décret du 5 janvier 2007, les dispositions du code des postes et télécommunications électroniques, notamment en ses articles L. 1, L. 2, L. 9 et R. 1-1-5, et les conditions générales de vente,

La COUR, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré ses dispositions relatives à :

- la condamnation de la Poste à rétablir sans délai à la réception du camping, la livraison pour remise contre émargement des envois postaux destinés à être remis à personne,

- la condamnation de la Poste, en son principe, à des dommages et intérêts pour le préjudice matériel et moral résultant de la non-remise des objets devant être remis à la personne à la réception du camping depuis le mois d'août 2008,

- au débouté de Monsieur X. de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice économique non démontré,

- aux frais irrépétibles,

- aux dépens,

L'INFIRME pour le surplus, en ce compris en ses dispositions relatives au montant des dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau de ces chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne La poste à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts,

Déboute Monsieur X. de ses autres demandes, et notamment celle de rétablir sans délai la distribution de son courrier et de celui des résidents du camping dans la boîte aux lettres normalisée installée à la réception du camping à l'enseigne « Le P. » sur la commune [ville E.], domicile du requérant, et à tout le moins dans la seconde boîte aux lettres installée à l'entrée du camping,

Rejette toutes autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Met les dépens de l'appel à la charge de la SA LA POSTE, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT