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CA VERSAILLES (16e ch.), 22 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 22 février 2018
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 16/06472
Date : 22/02/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/08/2016
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2018-003466
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7451

CA VERSAILLES (16e ch.), 22 février 2018 : RG n° 16/06472

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il est rappelé que les demandes de « constat » comme de « dire et juger » ne sont pas des demandes en justice en ce qu'elles ne confèrent pas - hormis les cas prévus par la loi - de droits aux parties en faisant la demande ; il s'en déduit que la cour ne statuera pas sur celles-ci. »

2/ « En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation applicable à l'espèce, le contrat litigieux ayant été conclu avant l'abrogation du texte par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 « […] ». En l'espèce, il résulte de la lecture de l'article 10 des conditions générales du prêt octroyé par le Crédit du Nord que « le prêt devient immédiatement et de plein droit exigible par anticipation sans que le préteur ait à remplir une formalité judiciaire [...] notamment en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur dès  lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du préteur ». Cette clause, qui ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au prêteur sanctionne un manquement avéré des emprunteurs au principe de bonne foi.

Or, les renseignements inexacts fournis ont participé à la prise de décision d'octroi du prêt par la banque en ce qu'ils - s'agissant de relevés de compte de M. X. - l'éclairaient sur la surface financière des emprunteurs et le fonctionnement de leurs comptes. Sur ce point la BNP Paribas a expressément indiqué au Crédit du Nord que les relevés de compte soumis dans le cadre de l'instruction de la demande de prêt « étaient falsifiés avec cumul des débits minorés et cumul des crédits majorés ». Il en découle comme l'a relevé par de justes motifs le premier juge que l'article 10-1 du contrat de prêt n'a pas un caractère abusif.

A titre surabondant, la circonstance que selon M. et Mme X., la production de documents erronés ne soit pas de leurs faits mais de ceux d'un courtier, est sans conséquence sur l'application de la clause susvisée d'autant que M. et Mme X. ont expressément signé et ce faisant validé les renseignements qui figuraient sur l'offre de prêt. »

3/ « La cour observe au demeurant que la déchéance du terme a été portée à la connaissance des emprunteurs selon courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 26 septembre 2013 ; à cette date, le prêt ne présentait pas d'arriéré de sorte qu'au surplus une mise en demeure préalable dont les appelants ne précisent d'ailleurs pas l'objet aurait été dénuée de sens dès lors que la communication de faux documents ne pouvait être par eux réparée. »

4/ « Or, ce n'est qu'à l'occasion de l'action en justice initiée par le Crédit du Nord pour obtenir paiement des sommes dues que l'emprunteur a fait procéder à un contrôle du taux de 5,575 % et a eu connaissance que ce taux ne correspondait qu'aux intérêts du prêt et aux cotisations de l'assurance groupe. L'action ayant été introduite le 22 avril 2014, le délai de 5 ans posé à l'article 1304 du code civil court jusqu'au 23 avril 2019. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/06472. Code nac : 00A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 juin 2016 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE : R.G. n° RG : 14/03914.

LE VINGT DEUX FÉVRIER DEUX MILLE DIX HUIT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentant : Maître Virginie B., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 495 - Représentant : Maître Fiona B., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0169

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentant : Maître Virginie B., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 495 - Représentant : Maître Fiona B., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0169

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT DU NORD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège, N° SIRET : XXX, Représentant : Maître Alexandre O. de la SCP G. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269 - N° du dossier 234/16 - Représentant : Maître Ali EL A., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0289

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 janvier 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Patricia GRASSO, Président, Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller, Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Catherine CHARPENTIER,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur et Mme X. ont, solidairement, souscrit un contrat de crédit immobilier auprès de la société anonyme Crédit du Nord, ce, le 16 septembre 2008 et portant sur le décaissement d'une somme de 116.532 euros remboursable en 240 mensualités.

Par avenant en date du 8 mars 2011, le taux du crédit qui avait été consenti a été ramené de 5,12 % (taux fixe) à 3,96 % (taux variable).

Par courrier en date du 26 septembre 2013, le Crédit du Nord a prononcé la déchéance du terme du prêt sous le motif que les renseignements communiqués pour obtenir le prêt auraient été inexacts.

La banque a fait assigner les époux X. devant le Tribunal de grande instance de Pontoise par acte d'huissier du 22 avril 2014, aux fins d'obtenir le paiement du solde du prêt.

Par jugement contradictoire du 27 juin 2016, le tribunal de grande instance de Pontoise a :

- dit que l'article 10-1 des conditions générales du crédit immobilier souscrit par les époux X. auprès de la banque n'est pas une clause abusive réputée non écrite,

- dit que la banque s'est valablement prévalue de la clause d'exigibilité anticipée du crédit immobilier,

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels et de déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

- condamné solidairement les époux X. à verser à la banque la somme de 96.851,77 euros au titre du solde du crédit immobilier, outre intérêts au taux conventionnel de 3,96% sur la somme de 96.850,77 euros à compter du 26 septembre 2013,

- débouté la banque de sa demande de capitalisation des intérêts,

- débouté les époux X. de leur demande de dommages-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné in solidum les époux X. à verser à la banque la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les époux X. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître P. conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le 29 août 2016, les époux X. ont interjeté appel de la décision.

 

Dans leurs conclusions transmises le 25 novembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les époux X., appelants, demandent à la cour de :

- les recevoir en leur appel du 29 août 2016 à l'encontre de la décision du 27 juin 2016 rendue par le tribunal de grande instance de Pontoise et les déclarer bien fondés,

- recevoir les époux X. en leurs demandes et les dire bien fondés,

- infirmer intégralement la décision du 27 juin 2016 et statuant à nouveau,

À titre principal,

- dire et juger que l'article 10 des conditions générales des prêts constitue une clause abusive,

- dire et juger que cette clause doit être réputée non écrite,

- constater en tout état de cause l'absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme du prêt,

- débouter la banque de l'intégralité de ses demandes,

- dire et juger que le contrat de prêt litigieux devra continuer à être exécuté selon ses termes initiaux sauf en ce qui concerne la clause de stipulation d'intérêts conventionnels,

À titre reconventionnel,

À titre principal,

- prononcer la nullité de la clause de stipulations d'intérêts du prêt litigieux,

- prononcer la substitution du taux légal année par année au taux d'intérêt conventionnel sans que le taux d'intérêt légal ne puisse être supérieur à 50 % du taux d'intérêt conventionnel,

- ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre, la banque, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau tableau d'amortissement, prenant en considération cette substitution année par année, du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,

- enjoindre la banque, de produire à la date de chaque publication au journal officiel du taux d'intérêt légal en vigueur, un nouvel échéancier prenant en compte la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel et cette imputation sur le capital restant dû,

À titre subsidiaire,

- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt litigieux à hauteur du taux d'intérêt légal,

- ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre, la banque de produire un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte cette déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal applicable année par année, et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,

- enjoindre la banque, de produire à la date de chaque publication au journal officiel du taux d'intérêt légal en vigueur, un nouvel échéancier prenant en compte la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû,

À titre subsidiaire,

- constater que la banque ne rapporte pas la preuve que les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la clause de déchéance du terme prévue à l'article 10 des conditions générales du prêt étaient réunies, en ce qu'il n'est pas prouvé, qu'au jour du prononcé de la déchéance du terme, elle disposait de la preuve que les concluants lui avaient remis des documents faux déterminants à sa décision de leur octroyer leur contrat de prêt,

- constater que la banque a mis en œuvre de mauvaise foi la clause de déchéance du terme,

- constater l'erreur de calcul de TEG du prêt litigieux,

- constater l'erreur de calcul du coût total du prêt litigieux,

Par conséquent,

- débouter la banque de l'intégralité de ses demandes,

À titre reconventionnel,

- dire et juger que la banque a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de prêt,

- condamner la banque à verser aux appelants la somme de 20.000 euros au titre de leur préjudice subséquent,

À titre principal,

- prononcer la nullité de la clause de stipulations d'intérêts du prêt litigieux,

- prononcer la substitution du taux légal année par année au taux d'intérêt conventionnel sans que le taux d'intérêt légal ne puisse être supérieur à 50 % du taux d'intérêt conventionnel,

- ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre la banque, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau tableau d'amortissement, prenant en considération cette substitution année par année, du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,

- enjoindre la banque de produire à la date de chaque publication au journal officiel du taux d'intérêt légal en vigueur, un nouvel échéancier prenant en compte la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel et cette imputation sur le capital restant dû,

À titre subsidiaire,

- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt litigieux à hauteur du taux d'intérêt légal,

- ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre la banque de produire un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte cette déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal applicable année par année, et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,

- enjoindre la banque de produire à la date de chaque publication au journal officiel du taux d'intérêt légal en vigueur, un nouvel échéancier prenant en compte la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû,

En tout état de cause :

À titre principal,

- prononcer la nullité de la clause de stipulations d'intérêts du prêt litigieux,

- prononcer la substitution du taux légal année par année au taux d'intérêt conventionnel sans que le taux d'intérêt légal ne puisse être supérieur à 50 % du taux d'intérêt conventionnel,

- ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre la banque, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau décompte de sa créance, prenant en considération cette substitution année par année, du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,

À titre subsidiaire,

- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt litigieux à hauteur du taux d'intérêt légal,

- ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre la banque de produire un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte cette déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal applicable année par année, et cette imputation sur le capital restant dû des intérêts indûment perçus,

- enjoindre la banque de produire à la date de chaque publication au journal officiel du taux d'intérêt légal en vigueur, un nouveau décompte de sa créance prenant en compte la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal et cette imputation sur le capital restant dû,

En tout état de cause,

- condamner la banque à verser aux appelants la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Fiona B. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, les époux X. font valoir :

- que la clause de déchéance du terme doit être considérée comme non écrite en vertu de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; que la clause du prêt litigieux selon laquelle le solde deviendrait immédiatement et de plein droit exigible « sans que le Prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque » en cas de « fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'Emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du Prêteur », est abusive ; que les premiers juges ne pouvaient écarter le caractère abusif de cette clause au motif que la situation ne pouvait pas être régularisée ;

- qu'en tout état de cause, la déchéance du terme n'est pas valable car elle n'a été précédée d'aucune mise en demeure ; que la Cour de cassation s'est prononcée d'une manière particulièrement claire en la matière en rappelant que la déchéance du terme ne pouvait être valablement prononcée en cas d'absence de mise en demeure préalable (Cass., 1re Civ., du 3 juin 2015, n° 14-15655) ; que la clause relative à la déchéance du terme du contrat litigieux ne prévoit pas la nécessité d'une mise en demeure ; que la banque n'a pas fait effectuer de mise en demeure préalable ;

- que, à titre subsidiaire, la banque ne démontre pas la fausseté de renseignements déterminants pour l'octroi du prêt, ce dont il résulte que la banque a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat, et engage sa responsabilité ; que les documents ayant servi à monter le dossier de prêt ont été remis à la banque par un intermédiaire, la société « Pi Finances », et non pas directement pas les appelants ; que la banque a manqué à la bonne foi en mettant en œuvre la clause de déchéance du terme de façon mal fondée, et précipitée sans laisser la possibilité aux emprunteurs de se défendre ;

- que l'action des appelants en contestation du taux effectif global (TEG) n'étaient pas prescrite, car le point de départ du délai de cinq ans prévu à l'article 1304 du code civil est, lorsque l'examen de la convention ne permet pas de constater l'erreur, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur (Cass., 1re Civ., du 11 juin 2009, n° 08-11755) ; qu'en l'espèce il est manifeste que la simple lecture de l'offre de prêt ne permet pas à l'emprunteur de se convaincre par lui-même de l'erreur affectant le TEG ;

- que le TEG et le coût total du crédit mentionnés dans l'offre de prêt contreviennent aux dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation ; qu'ainsi le TEG n'a pas pris en compte le montant total des participations financières (1.432,26 euros), au titre de l'accord de cautionnement, en tant que frais et commissions ; que, en outre, le TEG annuel n'est pas proportionnel au taux de période ; que le TEG affiché était de 5,575 % alors qu'il devait en principe être égal au taux de période multiplié par douze, c'est à dire 5,58 % (0,465 x 12) ; que ces irrégularités doivent être sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts stipulés ;

- qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais qu'ils ont dû engager afin d'assurer la défense de leurs intérêts.

 

Dans ses conclusions transmises le 27 décembre 2016, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Crédit du nord, intimée, demande à la cour de :

- déclarer les époux X. mal fondés en leur appel,

- les débouter, ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner les époux X. à payer à l'intimée la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société Crédit du Nord fait valoir :

- que la clause de déchéance du terme n'est pas abusive ; que les appelants invoquent le fait que les pièces inexactes ont été remises par le courtier, mais n'apportent pas pour autant la preuve que ce ne sont pas ces mêmes pièces qui ont été remises au courtier ; qu'en tout état de cause les appelants ont participé à la fourniture de faux renseignements en signant et en paraphant l'offre de prêt mentionnant des revenus qu'ils ne perçoivent pas ; que ces renseignements étaient manifestement nécessaires à la prise de décision du préteur et la banque était dès lors en droit de prononcer l'exigibilité anticipée du prêt ; que, selon la jurisprudence, sont abusives les causes de résiliation de plein droit qui sont étrangères au manquement par l'emprunteur à son obligation essentielle ou se rapportent à des informations qui ne sont pas de nature à éclairer le prêteur sur le risque de défaillance de l'emprunteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- que la demande en nullité des intérêts conventionnels en raison des erreurs affectant le TEG est prescrite ; que l'offre de prêt contenait tous les éléments permettant le cas échéant de vérifier par soi-même ou par un tiers l'exactitude du TEG ; que, concernant la critique du TEG relative à la prise en compte des frais de cautionnement, l'offre de prêt comportait un paragraphe correspondant au coût du crédit mentionnant les frais de constitution de garantie pour 1.432 euros ; que, concernant la critique du TEG relative au fait qu'il n'est pas proportionnel au taux de période, en application du point d de l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, « Le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale », ce dont il résulte qu'une erreur inférieure à une décimale n'est pas susceptible d'être sanctionnée ; qu'en outre, les appelants n'établissent pas en quoi cette prétendue erreur leur aurait été préjudiciable.

* * *

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 décembre 2017.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 24 janvier 2018 et le délibéré au 22 février suivant.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est rappelé que les demandes de « constat » comme de « dire et juger » ne sont pas des demandes en justice en ce qu'elles ne confèrent pas - hormis les cas prévus par la loi - de droits aux parties en faisant la demande ; il s'en déduit que la cour ne statuera pas sur celles-ci.

 

Sur l'application de l'article 10-1 du contrat de prêt :

Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable à l'espèce « Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles doivent être exécutées de bonne foi ».

En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation applicable à l'espèce, le contrat litigieux ayant été conclu avant l'abrogation du texte par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

En l'espèce, il résulte de la lecture de l'article 10 des conditions générales du prêt octroyé par le Crédit du Nord que « le prêt devient immédiatement et de plein droit exigible par anticipation sans que le préteur ait à remplir une formalité judiciaire [...] notamment en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur dès  lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du préteur ».

Cette clause, qui ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au prêteur sanctionne un manquement avéré des emprunteurs au principe de bonne foi.

Or, les renseignements inexacts fournis ont participé à la prise de décision d'octroi du prêt par la banque en ce qu'ils - s'agissant de relevés de compte de M. X. - l'éclairaient sur la surface financière des emprunteurs et le fonctionnement de leurs comptes.

Sur ce point la BNP Paribas a expressément indiqué au Crédit du Nord que les relevés de compte soumis dans le cadre de l'instruction de la demande de prêt « étaient falsifiés avec cumul des débits minorés et cumul des crédits majorés ».

Il en découle comme l'a relevé par de justes motifs le premier juge que l'article 10-1 du contrat de prêt n'a pas un caractère abusif.

A titre surabondant, la circonstance que selon M. et Mme X., la production de documents erronés ne soit pas de leurs faits mais de ceux d'un courtier, est sans conséquence sur l'application de la clause susvisée d'autant que M. et Mme X. ont expressément signé et ce faisant validé les renseignements qui figuraient sur l'offre de prêt.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que l'article 10-1 des conditions générales du contrat ne constitue pas une clause abusive réputée non écrite.

 

Sur le manquement de la banque à une obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat :

Les emprunteurs indélicats ne sauraient reprocher au préteur un quelconque manquement à une obligation de bonne foi tenant à « la précipitation » avec laquelle ce dernier s'est prévalu des clauses contractuelles, et « sans être assuré de son bon droit à la mettre en œuvre », alors que si la bonne foi des emprunteurs est présumée, il est patent que les renseignements communiqués sont faux ce dont d'ailleurs M. et Mme X. ne discutent pas.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté toute demande de dommages-intérêts.

 

Sur la mise en œuvre de l'exigibilité du prêt :

Comme indiqué supra, l'article 10-1 du contrat indique de façon parfaitement claire que la production de documents inexacts entraîne de plein droit l'exigibilité de la totalité de la créance.

L'obligation de loyauté contractuelle à laquelle au sein de leurs conclusions, se réfèrent M. et Mme X. les oblige tout autant qu'elle oblige le préteur.

Or, les renseignements (surface financière, solde en crédit du compte de M. X.) confirmés par les emprunteurs en ce qu'ils signaient la demande de crédit reprenant les éléments de leur situation financière se sont avérés faux ce que M. et Mme X. ne peuvent aujourd'hui prétendre avoir ignoré en ratifiant l'offre émanant de la banque.

Parce que le contrat de prêt - sur lequel les ressources de M. et Mme X. sont portées pour un montant de 4.870 euros mensuel - est un contrat consensuel dont les emprunteurs ont validé les termes en y apposant paraphes et signatures, il convient, confirmant en cela la décision dont appel de dire que la déchéance du terme a été valablement prononcée par la banque.

La cour observe au demeurant que la déchéance du terme a été portée à la connaissance des emprunteurs selon courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 26 septembre 2013 ; à cette date, le prêt ne présentait pas d'arriéré de sorte qu'au surplus une mise en demeure préalable dont les appelants ne précisent d'ailleurs pas l'objet aurait été dénuée de sens dès lors que la communication de faux documents ne pouvait être par eux réparée.

 

Sur la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts et de déchéance du droit aux intérêts conventionnels :

Il résulte des dispositions des articles 1304 et 1907 du code civil et de l'article L. 313-2 du code de la consommation qu'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts à raison d'une erreur affectant le TEG, se situe à la date où l'emprunteur a eu connaissance de cette erreur.

En l'espèce, à l'examen du contrat de prêt du 16 septembre 2008, il apparaît que le coût total du crédit est renseigné pour 74.654,79 euros.

Or, la simple addition des frais d'assurance (4.754,40 euros) et du montant des intérêts calculés à 5,12% (soit à hauteur de 69.900,39 euros) pour un capital emprunté de 116.532 euros permet de se convaincre que la somme de 74.654,79 euros n'équivaut pas au coût total du crédit puisque la somme de 1.432 euros qui correspond aux frais estimés de la constitution des garanties n'est pas comprise dans le calcul du coût total.

Toutefois, la présentation des caractéristiques du prêt en ce que le taux effectif global annuel figure juste sous la ligne « frais de constitution des garanties » - dont il est, par ailleurs, incontestable que ces frais doivent être inclus dans l'assiette du TEG - participe à ce que le lecteur pense légitimement que ces frais de constitution sont bien intégrés dans le taux qui le renseigne sur le coût de l'opération.

Or, ce n'est qu'à l'occasion de l'action en justice initiée par le Crédit du Nord pour obtenir paiement des sommes dues que l'emprunteur a fait procéder à un contrôle du taux de 5,575 % et a eu connaissance que ce taux ne correspondait qu'aux intérêts du prêt et aux cotisations de l'assurance groupe.

L'action ayant été introduite le 22 avril 2014, le délai de 5 ans posé à l'article 1304 du code civil court jusqu'au 23 avril 2019.

La cour infirmant le jugement entrepris dit non prescrite l'action de M. et Mme X. tendant au prononcé de la nullité de la clause d'intérêts comme de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

 

Sur la sanction des erreurs relatives au taux effectif global :

L'erreur relative au taux effectif global est mentionnée tout à la fois dans l'offre de prêt et le contrat de sorte que sont encourues tant la déchéance du droit aux intérêts que la nullité de la stipulation d'intérêts.

Au cas présent, l'intégration des frais de garantie dans l'assiette du taux effectif global porte ce dernier taux à 5,58 % et non 5,575 %.

La modicité de l'écart en ce qu'il est inférieur à une décimale a pour effet qu'il n'y a lieu de ce chef de prononcer la déchéance du droit aux intérêts.

Par ailleurs, il est fait valoir que le taux d'intérêt mentionné - soit TEG de 5,575 % - ne correspondrait pas à 12 fois le taux de période qui est au cas présent de 12 mois.

En l'espèce, il résulte de l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de l'offre que « Sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 du présent code pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur »

Au cas présent le taux de période indiquée sur l'offre de prêt est de 0,465 % pour un mois ce qui signifie que sur 12 mois le taux du prêt est de 5,58% (0,465 x 12 = 5,58) étant rappelé que ce taux comme dit plus haut est inexact puisque les frais de garantie n'y sont pas inclus.

Toutefois et comme précédemment relevé la différence entre le taux erroné et le taux réel de l'opération de crédit est inférieur à une décimale de sorte que toute demande à fin de déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour la banque ne peut prospérer.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce que M. et Mme X. ont été condamnés à payer au Crédit du Nord la somme de 96.851,77 euros au titre du solde du prêt et outre intérêts au taux conventionnels de 3,96 %.

 

Sur les demandes annexes :

M. et Mme X. succombent en leurs demandes.

Ils sont condamnés in solidum à payer au Crédit du Nord la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

Ils sont condamnéq aux dépens de la procédure en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit non prescrite l'action de M. et Mme X.,

Statuant à nouveau de ce chef de décision

DIT non prescrite l'action à fin de nullité de la stipulation d'intérêts et de déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

DÉBOUTE M. X. et Mme Y. épouse X. de toute demande tendant à l'annulation de la clause de stipulation des intérêts comme de déchéance de droit aux intérêts pour le Crédit du Nord,

CONDAMNE in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. à payer au Crédit du Nord la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

CONDAMNE in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. à payer au Crédit du Nord aux dépens en cause d'appel,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                            Le président,