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CA RENNES (2e ch.), 23 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 23 février 2018
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 15/03595
Décision : 18/110
Date : 23/02/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 5/05/2015
Numéro de la décision : 110
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7452

CA RENNES (2e ch.), 23 février 2018 : RG n° 15/03595 ; arrêt n° 110

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Contrairement à ce que soutient l'appelante, les conditions générales du contrat lui sont bien opposables, dès lors qu'elle a reconnu, en signant les conditions particulières, en avoir pris connaissance et les avoir acceptées. »

2/ « Cependant, il résulte de l'article L. 121-22 de ce code, applicable à la cause, que les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de service ne sont pas soumises à la réglementation du démarchage à domicile lorsqu'elles ont un rapport direct avec une activité agricole, industrielle, commerciale, artisanale ou plus généralement professionnelle exercée par le client. Or, en l'occurrence, le contrat du 25 mars 2011 a été conclu par Mme X. en qualité d'auto-entrepreneuse, sous son enseigne commerciale « Coaching A. », avec indication de l'immatriculation de la société, et en vue de promouvoir son activité sur un site dénommé « www.coaching-scolaire.x.com ». Par conséquent, l'objet du contrat était la réalisation d'un site de l'Internet dont la vocation professionnelle était en lien direct avec l'activité professionnelle de l'appelante. »

3/ « Il est de principe que l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date à laquelle elle est souscrite. En l'occurrence, l'obligation de Mme X. de régler les loyers financiers trouve sa cause dans la régularisation du procès-verbal de réception du 25 mars 2011 impliquant son acceptation sans réserve du site et des prestations fournies, et entraînant corrélativement le décaissement pour la société Locam des droits d'exploitation du site internet. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/03595. Arrêt n° 110.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller.

GREFFIER : Madame Marlène ANGER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 18 janvier 2018, devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 23 février 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], représentée par Maître Alexandra I., avocat au barreau de NANTES

 

INTIMÉE :

LOCAM SAS

Représentée par Maître Christophe L. de la SCP G./L., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître SELARL LEXI CONSEIL ET DEFENSE, Plaidant,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat du 25 mars 2011, Mme X. a, pour les besoins de son activité professionnelle, confié à la société Cortix la création d'un site de l'Internet, avec faculté pour le fournisseur d'en céder à diverses sociétés de location financière la licence d'exploitation consentie, moyennant le paiement de 60 mensualités de 149,50 euros TTC.

Se présentant comme cessionnaire des droits d'exploitation du site, et prétendant que le locataire ne s'était plus acquitté des loyers depuis janvier 2013, la société Locam s'est, par lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure du 19 avril 2013, prévalue de la clause résolutoire du contrat et, par acte du 17 juillet 2013, a fait assigner Mme X. en paiement devant le tribunal d'instance de Nantes.

Mme X. soulevait l'irrecevabilité de l'action de la société Locam, subsidiairement l'inexécution du contrat et formait une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 9 février 2015, le premier juge a :

- déclaré recevable l'action en paiement formée par la société Locam,

- condamné Mme X. à régler à la société Locam la somme de 5.682 euros en exécution du contrat de location du 25 mars 2011, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2013,

- condamné Mme X. aux dépens.

 

Par déclaration du 5 mai 2015, Mme X. a relevé appel de ce jugement, en demandant à la cour de :

- constater l'absence d'intérêt à agir de la société Locam,

à titre subsidiaire, constater la nullité du contrat ou, à défaut, faire droit à l'exception d'inexécution,

- en tout état de cause, débouter la société Locam de ses demandes,

- condamner la société Locam à lui payer la somme de 3.766,04 euros à titre de dommages-intérêts,

- à titre infiniment subsidiaire, constater que l'indemnité de résiliation, comprenant le solde des loyers à échoir et la majoration de 10 % de ceux-ci, constitue dans son ensemble une clause pénale,

- diminuer la clause pénale à de plus justes proportions qui ne saurait excéder le préjudice réellement subi par la société Locam,

- condamner la société Locam à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

 

La société Locam demande quant à elle à la cour de :

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a réduit sa créance,

- condamner en conséquence Mme X. à lui payer la somme principale de 6.249,10 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 avril 2013,

- en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts par année entière,

- condamner Mme X. à lui régler une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme X. le 12 décembre 2017, et pour la société Locam le 30 septembre 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la qualité à agir de la société Locam :

Le contrat conclu entre la société Cortix et Mme X. stipule en son article 1er des conditions générales :

« Le client reconnaît au fournisseur la possibilité de céder les droits résultant du présent contrat au profit d'un cessionnaire et il accepte dès aujourd'hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du cessionnaire. Le client ne fait pas de la personne du cessionnaire une condition de son accord. Le client sera informé de la cession par tout moyen et notamment par le libellé de la facture échéancier ou de l'avis de prélèvement qui sera émis [...] ».

Il était mentionné, parmi les sociétés susceptibles de devenir cessionnaires, la société Locam, avec indication de son siège social et de sa dénomination.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les conditions générales du contrat lui sont bien opposables, dès lors qu'elle a reconnu, en signant les conditions particulières, en avoir pris connaissance et les avoir acceptées.

En outre, les conditions particulières du contrat signées et approuvées par Mme X. comportent un cadre intitulé « identification des bailleurs potentiels » dans lequel est mentionnée la société Locam.

La réalité de la cession au profit de la société Locam résulte suffisamment de la production de la facture de cession de licence d'exploitation du site datée du 15 avril 2011 pour un montant de 5.075,59 euros HT et du règlement par Mme X. à cette société de 22 loyers, jusqu'en décembre 2012.

La cession du contrat, réalisée conformément aux stipulations contractuelles convenues entre les parties, est donc opposable à Mme X. et la société Locam a qualité et intérêt à agir à son encontre.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement sur ce point.

 

Sur l'application des dispositions du code de la consommation :

Prétendant que le contrat de licence d'exploitation du site cédé à la société Locam avait été conclu à l'occasion du démarchage d'un collaborateur de la société Cortix à son domicile en méconnaissance des dispositions du code de la consommation, Mme X. en demande l'annulation.

Cependant, il résulte de l'article L. 121-22 de ce code, applicable à la cause, que les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de service ne sont pas soumises à la réglementation du démarchage à domicile lorsqu'elles ont un rapport direct avec une activité agricole, industrielle, commerciale, artisanale ou plus généralement professionnelle exercée par le client.

Or, en l'occurrence, le contrat du 25 mars 2011 a été conclu par Mme X. en qualité d'auto-entrepreneuse, sous son enseigne commerciale « Coaching A. », avec indication de l'immatriculation de la société, et en vue de promouvoir son activité sur un site dénommé « www.coaching-scolaire.x.com ».

Par conséquent, l'objet du contrat était la réalisation d'un site de l'Internet dont la vocation professionnelle était en lien direct avec l'activité professionnelle de l'appelante.

La demande d'annulation du contrat sera donc rejetée.

 

Sur le défaut d'exécution :

Soutenant par ailleurs que le procès-verbal de réception signé le même jour que le contrat ne vise que l'espace d'hébergement, et non la réalisation du site, et que par conséquent celui-ci n'a fait l'objet d'aucune livraison et, d'autre part, que le référencement du site a été effectué avec retard et de manière insatisfaisante, elle s'estime fondée à opposer à la société Locam, venant aux droits de la société Cortix, l'exception d'inexécution et sa condamnation au paiement de la somme de 3.766,04 euros à titre de dommages-intérêts.

Toutefois, la société Locam n'a pas succédé à la société Cortix dans ses droits et obligations de développeur de site, mais seulement de concédant de la licence d'exploitation de celui-ci.

Il ressort à cet égard des conditions particulières du contrat que Mme X. a reconnu à la société Cortix la possibilité de soumettre au partenaire de son choix, notamment la société Locam, une demande de location financière portant sur la prestation fournie, et les conditions générales de licence d'exploitation du site précisent que le cessionnaire est dégagé de toute responsabilité en cas de défaillance du fournisseur dans la délivrance et de garantie de bon fonctionnement, s'agissant notamment de l'hébergement, du référencement et la maintenance du site.

En outre, il ressort des mêmes conditions générales que la société Locam a mandaté le locataire pour agir en justice contre le fournisseur en cas de vice caché ou rédhibitoire et, en contrepartie, le locataire renonce à demander au cessionnaire toute indemnité ou diminution du montant des échéances si pour une raison quelconque le site devenait temporairement ou définitivement inutilisable.

Dès lors, Mme X. ne saurait, afin de se soustraire à son obligation de paiement des loyers, opposer à la société Locam un prétendu défaut de livraison conforme du site imputable à la société Cortix.

 

Sur la cause et le devoir de conseil :

Il est de principe que l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date à laquelle elle est souscrite.

En l'occurrence, l'obligation de Mme X. de régler les loyers financiers trouve sa cause dans la régularisation du procès-verbal de réception du 25 mars 2011 impliquant son acceptation sans réserve du site et des prestations fournies, et entraînant corrélativement le décaissement pour la société Locam des droits d'exploitation du site internet.

La demande d'annulation du contrat sera donc rejetée.

Mme X. ne peut davantage invoquer, au soutien de sa demande de « nullité » du contrat de licence d'exploitation et de paiement de dommages-intérêts formée à l'encontre de la société Locam, un manquement de la société Cortix à son obligation de conseil concernant le référencement Internet du site, alors, d'une part, qu'elle n'a pas appelé la société Cortix à la cause pour voir juger, et que, d'autre part, il a été précédemment observé que les conditions générales de ce contrat interdisent tout recours contre le cessionnaire concernant les fonctionnalités du site internet prévu au contrat, et notamment son référencement.

 

Sur la demande en paiement de la société Locam et la demande de Mme X. en réduction de la clause pénale :

Il résulte des conditions générales du contrat que la ratification du procès-verbal a entraîné pour la société Locam le décaissement des droits d'exploitation du site internet, le locataire devant en contrepartie régler chacune des échéances mensuelles de loyer à bonne date, et que le défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance entraînait, faute de régularisation dans les huit jours de la mise en demeure, l'exigibilité de la totalité des loyers échus et à échoir ainsi qu'une indemnité forfaitaire de 10 %.

En exécution de ces dispositions, la société Locam réclame une somme totale de 6.249,10 euros se décomposant comme suit :

- 448,50 euros au titre des 3 loyers impayés de janvier à mars 2013,

- 5.232,50 euros au titre de l'indemnité de résiliation égale au montant des 35 loyers à échoir,

- 568,10 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de 10 %,

outre, la capitalisation des intérêts par année entière.

Mme X. sollicite la réduction de la clause pénale prévue à l'article 16 des conditions générales du contrat de licence d'exploitation, comme étant excessive.

L'indemnité de résiliation due par le locataire en cas de non-respect de ses obligations a pour finalité, non seulement de réparer forfaitairement le préjudice résultant pour le loueur du bouleversement de l'économie de l'opération dont la période d'amortissement se trouve réduite du fait de la résiliation anticipée, mais aussi de contraindre le locataire à respecter ses engagements contractuels.

Partant, il s'agit bien d'une clause pénale susceptible, si elle est manifestement excessive, de modération d'office par le juge en application de l'article 1152 devenu l'article 1231-5 du code civil.

A cet égard, il sera observé que le site a été acquis moyennant un prix de 5.075,59 euros HT et que le locataire a honoré son engagement de paiement des 22 loyers de mars 2011 à décembre 2012 puis a été condamné à régler les 3 loyers impayés de janvier à mars 2013.

Au regard du préjudice financier réellement subi par la société Locam, consistant dans l'investissement réalisé diminué des loyers échus au jour de la résiliation et augmenté de sa perte de marge sur les loyers à échoir, l'indemnité de résiliation de 5.232,50 euros est manifestement excessive, de sorte qu'il convient de la réduire à la somme de 3 000 euros.

La société Locam réclame en outre une majoration de 10 % des sommes dues, mais cet accroissement de l'indemnité de clause pénale est manifestement excessive, le loueur étant déjà indemnisé du préjudice qu'il a réellement subi du fait de la résiliation du contrat avant son terme par la perception de l'indemnité de résiliation telle qu'elle a été précédemment arrêtée à 3.000 euros, de sorte qu'il convient de supprimer cette majoration.

Par conséquent, après réformation du jugement, il convient de condamner Mme X. à payer à la société Locam la somme de 3.448,50 euros (448,50 + 3.000), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2013, date de signature de l'avis de réception de la mise en demeure.

En application de l'article 1154 du code civil, les intérêts seront capitalisés par années entières à compter de la demande du 30 septembre 2015.

Enfin, il n'y a pas matière à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 9 février 2015 par le tribunal d'instance de Nantes, en ce qu'il a condamné Mme X. au paiement d'une somme de 5.682 euros ;

Condamne Mme X. à payer à la société Locam la somme de 3.448,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2013 ;

Autorise la capitalisation des intérêts par années entières à compter du 30 septembre 2015 ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

Le Greffier,               Le Président,