CA CHAMBÉRY (2e ch.), 18 janvier 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7466
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 18 janvier 2018 : RG n° 16/01710
Publication : Jurica
Extrait : « Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne doit porter ni sur l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
M. X. critique les conditions générales d'inscription qui comporteraient des dispositions abusives, en leur article 13 « Remboursements » qui traite des modalités de restitution des frais d'inscription au profit de l'étudiant et en leur article 13.1 « Annulation/Clause convention de stage ». Toutefois, M. X. ne caractérise pas en quoi il existe un déséquilibre significatif entre les parties. Il ne rapporte pas la preuve à ce titre, que l'université disposerait à son désavantage, d'un pouvoir unilatéral ou encore que les conditions générales procurent à cet établissement un avantage non réciproque. En effet, la faculté de rompre le contrat n'est pas unilatérale et l'université s'engage à procéder au remboursement des frais de scolarité dans plusieurs cas listés de façon exhaustive, mais il est également légitime pour elle, en cas d'annulation de l'inscription de manière tardive de conserver les frais d'inscription à son profit. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 18 JANVIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/01710. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance d'ANNEMASSE en date du 25 août 2016 : R.G. 14-000801.
Appelant :
M. X.
né le [date], demeurant. ANNEMASSE, assisté de la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY
Intimée :
dont le siège social est sis [adresse], GENEVE (SUISSE) prise en la personne de son représentant légal, assistée de Maître Catherine REY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et de Maître Thierry DURAFFOURD, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 17 octobre 2017 avec l'assistance de Madame Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par : - Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président, qui a procédé au rapport, - Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, - Monsieur D. C., Vice-Président Placé,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, procédure et prétentions des parties :
[minute page 2] En date du 18 juin 2012, Monsieur X. s'est inscrit à l'université Wesford Genève en Bachelor 3ème année, dont les droits d'inscription ont été fixés à 15.000 CHF. Un acompte a été versé à l'inscription d'un montant de 2.500 CHF.
Par ordonnance d'injonction de payer du 25 novembre 2013, le président du tribunal d'instance d'Annemasse a enjoint M. X. de payer à l'université la somme de 9.469,65 en principal avecintérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2013, et 226,57 au titre des frais et les dépens.
Monsieur X. a formé opposition à l'ordonnance par courrier reçu par le tribunal d'instance le 4 août 2014.
Par jugement en date du 25 août 2015, le tribunal d'instance d'Annemasse a :
- déclaré recevable l'opposition à l'injonction de payer,
- mis à néant l'ordonnance,
- condamné M. X. à payer à l'université Wesford Genève la somme de 7.585,79 avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2013, date de la sommation de payer,
- condamné M. X. aux dépens.
M. X. a relevé appel du jugement par déclaration au greffe en date du 28 juillet 2016.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 14 septembre 2017, il demande à la Cour de :
- à titre liminaire, débouter l'université de sa demande de paiement de toutes les sommes qu'elle requiert, en raison de clauses abusives au contrat d'adhésion,
- à titre principal, prendre acte qu'il renonce à se prévaloir de la prescription,
- à titre subsidiaire, juger l'action de l'université mal fondée et l'en débouter,
- en tout état de cause, à titre reconventionnel, condamner l'université à lui payer les sommes de 9.829,64 € au titre du préjudice matériel, 7.000 € au titre du préjudice moral, 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il estime que les clauses des conditions générales d'inscriptions sont abusives au sens de l'article 1171 du Code civil. Par conséquent, elles lui sont inopposables et l'action de l'université est mal fondée.
Il fait valoir qu'il a été convenu entre les parties le 10 juin 2015, que le versement de 2.000 CHF versé le même jour intervenait pour solde de tout compte. Aucun écrit n'a été formalisé mais M. X. a interrogé l'université sur cette question par mail. Cet accord étant indéniable, il estime ne plus être redevable envers l'université, et sollicite, à ce titre, qu'elle soit déboutée de ses demandes.
De plus, l'appelant estime avoir été trompé par l'université qui lui aurait promis notamment, des stages dans des entreprises internationales, ce qui n'a nullement été le cas et lui a causé un préjudice matériel et moral puisqu'il s'est acquitté du montant de l'inscription pour seulement 4 mois de cours [minute page 3] et n'a par la suite, ébranlé par une telle mésaventure, pas réussi dans la voie de la comptabilité qu'il avait choisie. Il sollicite donc le remboursement de la somme de 9.829,64 €, payée au titre de l'inscription et soutient l'existence en outre d'un préjudice moral car il a quitté un cursus à La Roche sur Foron pour l'université de Genève, avant d'y revenir sans avoir pu obtenir sa deuxième année. Il a ainsi renoncé à devenir expert-comptable. C'est pourquoi il sollicite le paiement de la somme de 7.000 €.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 20 janvier 2017, l'université Wesford Genève demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner M. X. au paiement de la somme de 3.456 compte tenu du paiement intervenu postérieurement au jugement,
- constater qu'aucune prescription ne peut lui être opposée,
- débouter le débiteur de l'intégralité de ses demandes,
- le condamner au paiement de la somme de 4.000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que M. X. était régulièrement inscrit à l'université, avait accepté de régler les frais de scolarité avant d'abandonner la formation. Il n'en reste pas moins redevable de l'intégralité de la scolarité due.
Elle ajoute que l'appelant invoque le caractère abusif des conditions générales d'inscription non applicables en l'espèce puisqu'il ne sollicite pas l'annulation de son inscription. Il ne peut se fonder sur cet argument pour échapper au paiement.
Concernant l'accord pour un solde de tout compte en 2015, l'université le conteste et précise que l'appelant n'en apporte pas la preuve alors que cette charge probatoire lui incombe.
Enfin, elle estime que M. X. ne peut prétendre avoir subi un préjudice pour avoir quitté son ancienne formation au profit de l'université Wesford, alors que son CV indique qu'il a quitté sa formation au mois de mai 2012. De plus, c'est lui qui est venu se renseigner lors du salon de l'étudiant. Quant aux stages, l'université peut aider à la recherche mais leur obtention reste à l'initiative de l'étudiant. La demande de condamnation n'est donc pas justifiée.
La clôture de l'instruction est intervenue le 2 octobre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motivation de la décision :
Aux termes de ses dernières écritures, M. X. indique à la Cour qu'il renonce à se prévaloir de la prescription de l'action en recouvrement engagée par l'intimée.
Sur le caractère abusif des conditions générales d'inscription :
Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
[minute page 4] L'appréciation du déséquilibre significatif ne doit porter ni sur l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
M. X. critique les conditions générales d'inscription qui comporteraient des dispositions abusives, en leur article 13 « Remboursements » qui traite des modalités de restitution des frais d'inscription au profit de l'étudiant et en leur article 13.1 « Annulation/Clause convention de stage ».
Toutefois, M. X. ne caractérise pas en quoi il existe un déséquilibre significatif entre les parties. Il ne rapporte pas la preuve à ce titre, que l'université disposerait à son désavantage, d'un pouvoir unilatéral ou encore que les conditions générales procurent à cet établissement un avantage non réciproque. En effet, la faculté de rompre le contrat n'est pas unilatérale et l'université s'engage à procéder au remboursement des frais de scolarité dans plusieurs cas listés de façon exhaustive, mais il est également légitime pour elle, en cas d'annulation de l'inscription de manière tardive de conserver les frais d'inscription à son profit.
Dès lors, il y a donc lieu de rejeter la contestation de M. X. de ce chef.
Sur les manquements de l'établissement de formation :
M. X. réclame l'application de l'article 1103 du code civil qui dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ce qui les ont faits. Il expose que l'Université Wesford Genève n'a pas respecté ses engagements de lui fournir des stages dans le secteur de la comptabilité d'une part, et que le diplôme final ne bénéficie d'aucune reconnaissance par l'Etat de Genève, d'autre part.
Or, aucune disposition des conditions générales d'inscription dûment régularisées par M. X. ne prévoit l'obligation pour l'université de trouver un stage aux étudiants. M. X. ne verse au dossier aucune pièce en ce sens, pour établir de telles promesses ou engagements, et même tromperies, mis à part des mails émanant de lui-même pour faire part de son mécontentement, élément de preuve irrecevable s'il n'est pas étayé par des éléments extérieurs objectifs, nul ne pouvant se constituer preuve à lui-même.
Sur l'existence d'un accord transactionnel :
Monsieur X. affirme l'existence d'un accord amiable conclu avec l'Université lors du versement du dernier chèque de 2.000 CHF le 10 juin 2015, pour qu'il constitue un solde de tout compte entre les parties.
En vertu de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
M. X. dans un courriel en date du 2 mars 2015, qu'il a lui-même adressé à un membre de l'équipe administrative de l'université, expose être toujours dans l'attente d'un mail reprenant « les termes de l'arrangement ». Il ne produit cependant devant la cour d'appel, aucune réponse de l'établissement permettant de confirmer l'existence de cet accord entre les parties. Cet accord n'est donc pas démontré.
Sur les sommes à payer :
[minute page 5] Il ressort des justificatifs de règlement versés aux débats que monsieur X. s'est d'ores et déjà acquitté de la somme de 9.000 CHF, de sorte qu'il lui reste devoir à l'Université la somme de 3.700 CHF (12.700 CHF - 1.000 CHF - 4.000 CHF - 2.000 CHF - 2.000 CHF = 3.700 CHF), soit la somme de 3.182,16 euros (1 CHF = 0,860164 EUR) avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2013 date de la sommation de payer.
Sur la demande en dommages et intérêts formulée par M. X. :
La motivation qui précède rend sans objet la demande en dommages et intérêts de monsieur X., aucune faute contractuelle n'ayant été admise par la cour d'appel.
En l'état du dossier, c'est M. X. qui a décidé de quitter l'établissement en cours d'année et de ne plus suivre les cours.
Sur les demandes annexes :
Il est inéquitable de laisser à la charge de l'Université Wesford Genève les frais irrépétibles engagés dans l'instance d'appel, une somme de 3.000 lui sera accordée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et mise à la charge de M. X.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de M. X.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. X. à payer à l'Université Wesford Genève la somme de 7.585,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2013 date de la sommation de payer,
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE M. X. à payer la somme de 3.700 CHF, soit 3.182,16 euros à l'Université Wesford Genève, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2013,
Y ajoutant,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE M. X. à payer à l'Université Wesford Genève la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LE CONDAMNE aux entiers dépens.
Ainsi prononcé publiquement le 18 janvier 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN,
Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.
- 5984 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Règles de preuve
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6041 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Professionnel - Contraintes de gestion
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6321 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Enseignement - Enseignement scolaire et professionnel - Rupture du contrat