CA POITIERS (2e ch. civ.), 20 février 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7521
CA POITIERS (2e ch. civ.), 20 février 2018 : RG n° 16/04004 ; arrêt n° 132
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Les conditions générales de vente du bon de commande produites en pièce 41 par les appelants se réfèrent expressément aux articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation. En l'espèce, il n'est pas établi que l'opération financée serait en lien avec la profession ou les activités exercées par M. et Mme X., retraité pour l'un et sans profession pour l'autre, dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale. En outre, le contrat de crédit fait référence (article 9) à l'article L. 311-49 (ancien) du Code de la consommation et prévoit la compétence du tribunal d'instance en cas de litige, et non du tribunal de commerce. Il ne comporte aucune disposition stipulant de manière expresse et non ambiguë la destination professionnelle du prêt.
En conséquence, les parties tant au contrat de vente qu'au contrat de crédit ont entendu soumettre leurs relations aux dispositions du code de la consommation, notamment celles relatives au démarchage à domicile, ce qui est parfaitement possible, contrairement à ce qu'allègue l'intimée. »
2/ « Par ailleurs, contrairement à ceux passés par un commerçant, les actes accomplis par un particulier sont habituellement de nature civile et ne peuvent être qualifiés d'actes de commerce par nature que s'ils correspondent exactement aux définitions de l'article L. 110-1 du Code de commerce. En l'espèce, il n'est pas allégué que les époux X. auraient acheté les panneaux photovoltaïques pour les revendre au sens du 1° de l'article L. 110-1 susvisé. Il n'est pas non plus établi qu'ils ont cherché à mettre en place une quelconque activité de production et à bénéficier de revenus commerciaux lucratifs. Ils ont seulement accepté l'installation qui leur était proposée dans le cadre d'un démarchage, au vu d'une plaquette d'information qu'ils produisent en pièce 45 et qui vante en page 6 « un amortissement rapide de l'installation grâce à un crédit d'impôt ». S'ils admettent dans leurs conclusions revendre toute l'électricité produite à EDF, ainsi que cela apparaît dans le contrat de revente d'électricité, ce seul fait n'en fait pas des commerçants et n'exclut pas l'application des règles sur le démarchage à domicile, d'autant qu'il n'est pas du tout établi qu'ils en aient eu conscience lors de leur engagement, le bon de commande ne mentionnant cet élément pourtant important. Enfin, au sujet de l'arrêt du 20 juin 2013 de la Cour de justice de l'union européenne citée par l'intimée qui indique que […], il convient d'observer d'une part qu'il n'est pas démontré en l'espèce que la quantité d'électricité produite par les époux X. devait être inférieure à celle qu'ils consomment, et d'autre part que l'intimée entretient une confusion entre le « caractère économique » reconnu en matière fiscale par la directive 77/388/CEE à certaines activités de production et le « caractère commercial » de ces mêmes activités. Or, la loi fiscale ne se superpose pas à la loi commerciale ou civile et l'éventuelle qualification d'opération économique donnée par l'administration fiscale n'entraîne pas pour autant la qualification d'opération commerciale du point de vue des règles non fiscales applicables, ce qui prive d'intérêt la production, par la société BNP Paribas Personal Finance du bulletin officiel des impôts du 25 mars 2013 dans lequel il est mentionné que « la vente d'énergie par des personnes physiques est un acte de commerce dont l'imposition à l'impôt sur le revenu relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ». En conséquence, le contrat principal et le contrat de crédit affecté ne sont pas soumis au droit commercial. »
3/ « En l'espèce, il n'y a pas lieu de retenir de motif de nullité liée à une contradiction entre la mention manuscrite « garantie 20 ans installation » figurant sur le bon de commande et les conditions générales de vente produites en pièce 41 dans lesquelles est indiqué à l'article 2 : « la durée de ces garanties varient selon le constructeur et la nature du produit ». En effet, les conditions générales ont vocation à s'appliquer à plusieurs types de produits ayant des constructeurs différents alors que les mentions particulières manuscrites apposées par le représentant de la société l'ont été en connaissance du produit commandé et de son constructeur. »
4/ « Le grief tiré du fait que le bordereau de rétractation ne pourrait être détaché sans amputer une partie du contrat, en l'espèce le haut du contrat comportant le nom et l'adresse de M. X., ne sera pas non plus retenu, car il ne s'agit pas d'une cause de nullité expressément prévue par l'article R. 121-3 du Code de la consommation ».
5/ « La nullité encourue est une nullité relative qui est couverte si l'acheteur a consenti au contrat et poursuivi son exécution en connaissance des irrégularités qui l'affectaient. En l'espèce, les époux X. ont accepté la livraison des biens, signé l'attestation de fin de travaux, effectué les démarches en vue du raccordement au réseau EDF puis signé un contrat avec EDF pour la vente d'électricité mais il ne ressort d'aucune pièce qu'ils ont agi ainsi en connaissance des vices affectant le contrat litigieux et avec la volonté de les réparer. »
6/ « Il est établi que la société Solfea a été amenée à financer de nombreux contrats proposés par des sociétés spécialisées en matière d'énergie photovoltaïque. S'agissant d'un crédit affecté à un contrat principal, pour lequel le vendeur est autorisé par la banque à faire signer par l'acquéreur- emprunteur l'offre préalable de crédit, celle-ci se doit de vérifier, avant de verser les fonds empruntés, la régularité de l'opération financée au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 121-23 du Code de la consommation afin d'avertir les acheteurs si elle constate des causes de nullité. A défaut, elle commet une faute. (Cf pour exemple, C. Cassation Civ. 1 10 décembre 2014, n° 13-26.585 et 14-12.290 et C. Cassation Com. 18 janvier 2017 n°15-19349). »
7 « La société Banque Solfea, qui ne démontre pas avoir accompli ces diligences, a donc commis une faute en débloquant les fonds sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation. Pour autant, les fautes retenues à l'encontre de la société Solfea, ne dispensent pas ipso facto les emprunteurs de leur obligation de rembourser le capital à la suite de l'annulation du prêt. En effet, toute faute quelle qu'elle soit n'entraîne une sanction que lorsqu'elle a causé un préjudice né et actuel qui doit être caractérisé et que les juges doivent apprécier. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/04004. Arrêt n° 132. Décision déférée à la Cour : jugement du 1er septembre 2016 rendu(e) par le Tribunal d'Instance de POITIERS.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville]
Ayant pour avocat postulant Maître Yann M. de la SCP ERIC T. - YANN M., avocat au barreau de POITIERS. [N.B. une autre version mentionne Me B. E. de la SCP A. TAPON - B. E., avocat au barreau de POITIERS] Ayant pour avocat plaidant Maître Samuel HABIB., avocat au barreau de PARIS.
[minute page 2]
INTIMÉES :
BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la BANQUE SOLFEA et SYGMA BANQUE
représentée par son Président en exercice et agissant également poursuites et diligences de ce même mandataire social domicilié en cette qualité audit siège social. Ayant pour avocat postulant Maître Éric A. de la SCP G. A., avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HACSOET-HEALIN, avocat au barreau de VIRY CHATILLON.
Défaillant
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, Madame Carole CAILLARD, Conseiller, Monsieur Laurent WAGUETTE, Conseiller, qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT : - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Selon bon de commande du 3 octobre 2012, M. X. a commandé auprès de la société [minute page 3] Nouvelle régie des jonctions des énergies de France exerçant sous le nom commercial Groupe solaire de France (ci-après dénommée, « société Nouvelle régie ») la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque de 2,960WC, pour un montant TTC de 19.900 euros. M. X. et son épouse Mme Y. ont signé le même jour un prêt pour financer cette acquisition de 19.900 euros souscrit auprès de la société Banque Solfea remboursable en 180 mensualités avec un différé d'amortissement de 11 mois, au taux de 5,60 %.
Une attestation de fin de travaux a été signée le 10 octobre 2012.
Par courrier du 13 décembre 2004, la société Solfea a mis en demeure les époux X. de régulariser les échéances impayées dans le délai de huit jours en leur indiquant qu'à défaut la déchéance du terme était prononcée.
Par acte du 25 mars 2015, elle les a fait assigner en paiement du solde du prêt devant le tribunal d'instance de Poitiers. La société Nouvelle régie ayant été placée en liquidation judiciaire, M. et Mme X. ont appelé à la cause son liquidateur la SCP M.-B. par acte du 2 septembre 2015.
Suivant jugement en date du 1er septembre 2016, le Tribunal de Grande Instance de Poitiers a :
- condamné solidairement M. et Mme X. à verser à la société Solfea :
* 22.699,13 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 5,6 % à compter du 13 décembre 2014 sur la somme de 19.670,78 euros, et au taux légal pour le surplus ;
* 300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2014,
- débouté la société Solfea de ses autres demandes et de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme X. aux dépens.
M. et Mme X. ont formé appel le 16 novembre 2017 de la décision et demandent à la Cour, par dernières conclusions du 17 novembre 2017 de :
Vu les articles L. 111-1, L. 311-1, L. 311-6, L. 311-8, L. 311-13, L. 311-32, L. 311-35, L. 312-2, L. 312-7, L. 312-11, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-3 à L. 313-5, et D. 311-4-3 du Code de la consommation,
Vu les articles L. 121-21, L. 121-23 à L. 121-26, et R.121-5 du Code de la consommation dans leur rédaction applicable au cas d'espèce,
Vu les articles L. 421-1 à L.421-5 et L. 480-4 du Code de l'urbanisme,
Vu les articles L. 313-5-1, L. 519-1 et L. 546-1 du Code monétaire et financier,
Vu l'article L. 512-1 du Code des assurances,
Vu les articles 1109, 1116, 1710 et 1792 du Code civil,
Vu les articles 11, 132, 133, 515 et 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces produites,
- [minute page 4] Débouter la Banque Solfea de l'ensemble de ses demandes et notamment de la demande tendant à soutenir que les agissements de M. et Mme X. sont de nature commerciale, ou à défaut relèvent du droit commun, et que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables,
- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- Prononcer l'annulation du contrat de vente en date du 3 octobre 2012 liant M. et Mme X. et la société Groupe solaire de France,
- Prononcer l'annulation du contrat de crédit affecté en date du 3 octobre 2012 liant M. et Mme X. et la Banque Solfea,
- Dire et juger que la Banque Solfea a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité à l'égard de M. et Mme X.,
- Dire et juger que la Banque Solfea ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs,
En conséquence,
- Ordonner le remboursement par la Banque Solfea de l'intégralité des sommes qui lui ont été versées par M. et Mme X., et ce jusqu'au jour du jugement à intervenir, outre les mensualités postérieures acquittées, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- Condamner la Banque Solfea à verser à M. et Mme X. la somme de :
* 6.000,00 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
* 3.000,00 euros au titre de leur préjudice moral,
Condamner la Banque Solfea à verser à M. et Mme X. la somme de 3.520,00 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial,
A titre subsidiaire :
- Ordonner au liquidateur de la société Groupe solaire de France, que soit effectuée à sa charge, la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de l'habitation de M. et Mme X., dans les deux mois de la signification de la décision à intervenir.
- Dire que passé ce délai de deux mois, de la signification du jugement, si le liquidateur de la société Groupe solaire de France n'a pas effectué à sa charge, la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de l'habitation, M. et Mme X. pourront en disposer comme bon leur semblera.
- Condamner la Banque Solfea, à payer à M. et Mme X. la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la Banque Solfea au paiement des entiers dépens.
Au sujet de leurs pièces, ils indiquent qu'ils ont communiqué leurs pièces et conclusions dès le 10 mars 2017 et que la demande de rejet des pièces par la banque est aberrante.
[minute page 5] Sur le droit applicable, ils font valoir :
- que le contrat de crédit fait référence aux articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation et à la compétence du tribunal d'instance en cas de litige,
- que la jurisprudence de la Cour de cassation indique clairement que les litiges nés de l'achat de panneaux photovoltaïques relèvent de la compétence du tribunal d'instance dès lors que les emprunteurs ne sont pas commerçants, ont été démarchés à leur domicile et que le crédit affecté ne stipule pas expressément qu'il est destiné à financer une activité professionnelle,
- que la cour d'appel de Toulouse dont la jurisprudence est soulevée par la société Solfea est revenue sur sa position et dénie la compétence du tribunal de commerce et l'application du droit commercial dans une telle hypothèse,
- que la jurisprudence de Cour de justice de l'union européenne du 20 juin 2013 n'est pas non plus applicable compte tenu de l'autonomie de la loi fiscale par rapport à la loi civile, et il ne peut être déduit du fait qu'une personne propriétaire d'une installation photovoltaïque peut récupérer la TVA le fait que toute détenteur d'une telle installation serait un commerçant,
- que dans un avis du 13 avril 2012, le Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés a retenu que lorsque la production issue de panneaux solaires installés chez un particulier était injectée dans le réseau collectif, l'opération n'était pas considérée comme un acte commercial mais comme un acte accessoire de l'activité civile,
- que M. X. est retraité et son épouse sans emploi et n'exercent pas d'acte de commerce à titre habituel, étant ajouté qu'ils perçoivent uniquement 740,59 euros par an au titre de la revente de l'électricité, pour une charge de crédit de 2.422,68 euros par an outre des frais de location de compteur ERDF de 64euros par an.
Ils demandent l'annulation du contrat principal pour non-respect des dispositions du Code de la consommation et pour vices du consentement, notamment dol, dès lors que la société Nouvelle régie a sciemment fait état de partenariats mensongers avec les sociétés GDF SUEZ sur le bon de commande et sa plaquette publicitaire ; qu'elle a présenté de manière fallacieuse une garantie de rendement à hauteur de 90 % pendant 25 ans, ce qui est impossible puisque le rendement futur d'une centrale photovoltaïque dépend de la météorologie future, de la durée de vie de l'installation et de la fixation du prix de revente de l'électricité par EDF ; qu'elle leur a en outre fait croire qu'il s'agissait d'une candidature sans engagement. Ils en déduisent la nullité du contrat de crédit affecté.
Sur la faute de la société Sygma Banque la privant de son droit à restitution, ils soutiennent :
- que la banque a financé une opération nulle, ce que la jurisprudence de la Cour de cassation sanctionne depuis un arrêt du 10 décembre 2014,
- que le vendeur du crédit, soit la société Groupe solaire de France n'était nullement accrédité, contrairement aux exigences de l'article L. 546-1 du Code monétaire et financier,
- que la participation de la banque au dol de la société venderesse est avérée,
- que la banque a manqué à ses obligations en sa qualité de dispensateur de crédit, en manquant à ses obligations de surveillance de vigilance, de conseil et de mise en garde,
- qu'elle a libéré les fonds alors que les travaux objet du contrat n'avaient aucunement été achevés ne même autorisés,
- [minute page 6] que la nature du crédit des appelants est inappropriée.
Enfin ils insistent sur leurs préjudices et indiquent que le liquidateur de la société venderesse ne fera pas désinstaller la centrale et qu'ils vont devoir démonter l'installation et remettre en état la toiture à leur frais et subissent un préjudice financier et moral et un trouble de jouissance
La société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société Banque Solfea demande à la cour, dans ses dernières conclusions du 6 juillet 2017 de :
- Voir dire et juger M. et Mme X. mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions en cause d'appel et les en débouter.
- Voir dire et juger la SA BNP Paribas personal finance recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- Confirmer le jugement du Tribunal d'Instance de Poitiers du 1er septembre 2016 en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme X. au paiement tant du capital que des intérêts.
- Réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- Réformer le jugement en ce qu'il a fait application des dispositions du code de la consommation.
- Voir rappeler que les agissements de M. et Mme X. sont de nature commerciale et juger que seules les dispositions du code de commerce, et à défaut de textes spécifiques, les articles 1905 et suivants du Code civil sont applicables en l'espèce, à l'exclusion des dispositions du code de la consommation.
- Subsidiairement, voir dire et juger que les agissements des consorts X. sont constitutifs d'actes civils relevant du seul droit commun, le but étant au minimum d'obtenir un complément de revenu,
- Voir dire et juger que seules les dispositions du droit commun des articles 1905 et suivants du Code Civil sont applicables, à l'exclusion pure et simple des dispositions du Code de la consommation,
En conséquence :
- Après les avoir déboutés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, Condamner solidairement M. et Mme X. à payer à la SA BNP Paribas personal finance la somme de 24.515,04 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,6 % l'an à compter de la mise en demeure du 13 décembre 2014.
- Voir rappeler que la nullité ou la résolution du contrat de vente n'aurait aucun effet sur le contrat de prêt, conformément à l’arrêt de la Cour de Cassation du 28 octobre 2015.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Poitiers devait faire application des dispositions du Code de la consommation et prononçait la nullité ou la résolution du contrat de prêt, par suite de la nullité ou de la résolution du contrat de vente :
- Voir rappeler que la SA BNP Paribas Personal Finance n'a commis aucune faute à quelque titre que ce soit,
- Voir dire et juger que la SA Banque Solfea a libéré les fonds sans faute au vu d'une attestation de [minute page 7] livraison en bonne et due forme,
- Voir dire et juger que la prétendue faute d'avoir financé un bon de commande nul ne peut en aucun cas priver la banque de son droit à restitution du capital,
- Voir dire et juger, quel que soit les fautes qui pourraient être retenues à l'encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance, que les consorts X. ne justifient pas d'un préjudice suffisant pouvant priver la banque de son droit à restitution du capital,
- Condamner alors solidairement M. et Mme X. à rembourser à la SA BNP Paribas Personal Finance le capital emprunté de 19.900 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir
En tout état de cause,
- Condamner solidairement M. et Mme X. à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner solidairement M. et Mme X. aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, elle indique que les appelants ont transmis à l'avocat de l'intimée uniquement leurs conclusions sans dénoncer simultanément leurs pièces et n'ont pas régularisé la situation de sorte que les pièces sont irrecevables.
Elle fait valoir que depuis un arrêt du 25 février 2016, la Cour de cassation invite le juge à rechercher quel est le devenir de l'énergie produite par les emprunteurs et à distinguer les cas dans lesquels les installations sont principalement destinées à une auto consommation et relèvent des dispositions du Code de la consommation et de la compétence des juridictions civiles, et les cas dans lesquels les installations sont principalement destinées à revendre l'électricité à EDF et relèvent alors des dispositions du Code de commerce et de la compétence des tribunaux de commerce.
Elle soutient qu'en l'espèce, les panneaux sont raccordés au réseau ERDF et que l'installation est totalement destinée à la production d'électricité ; que le contrat principal est de nature commerciale et le prêt affecté également, car le but recherché est bien la production d'énergie aux fins de sa revente, ce qui constitue un acte de commerce au sens de l'article L. 110-1 du Code de commerce. Elle ajoute qu'il ne peut être soutenu que la banque se serait volontairement soumise au Code de la consommation alors que la combinaison des articles 1162 du Code civil et L. 311-1 2° du Code de la consommation d'ordre public, interdisent d'appliquer les dispositions du Code de la consommation à toute activité commerciale ou professionnelle. Elle indique enfin que si la Cour ne retenait pas la nature commerciale de l'opération elle devrait retenir que l'activité de production et de vente d'électricité vise à obtenir un complément de revenu et est au minimum un acte civil relevant du droit commun.
Elle conteste la preuve d'un dol et indique qu'à supposer que la nullité soit retenue, elle est relative et que M. et Mme X. ont clairement réitéré leur consentement en acceptant la livraison des panneaux et en faisant raccorder l'installation sur le réseau.
A titre subsidiaire, en cas d'annulation des contrats, elle soutient n'avoir commis aucune faute. Elle fait valoir qu'aucune disposition législative ou contractuelle ne lui impose de vérifier la régularité du bon de commande et que si la Cour retenait néanmoins une faute de sa part à ce titre, le préjudice causé ne peut être qu'une perte de chance. Elle ajoute que la signature sur l'attestation de fin de travaux comporte un ordre de paiement et excluait les autorisations administratives données par des tiers qui ont un monopole en la matière, de sorte qu'elle pouvait donc débloquer les fonds au vu de ce document.
[minute page 8] Elle précise à titre très subsidiaire, que si la Cour retenait une faute de Solfea, elle devrait caractériser le préjudice subi et devrait relever que les emprunteurs vendent de l'électricité tous les jours à EDF et pour une durée minimum de 20 ans, ne justifient nullement d'un préjudice suffisant pouvant priver la banque de son droit à restitution du capital.
Elle indique enfin que la banque n'encourt aucune déchéance du droit aux intérêts pour absence de justificatif de la formation du vendeur, l'obligation de formation pensant sur l'employeur de l'intermédiaire de crédit et non sur la banque, et qu'elle n'a pas non plus d'obligation d'informer les emprunteurs sur la rentabilité de l'opération, le devoir de mise en garde de la banque Solfea ne s'exerçant que relativement au crédit qu'il est censé accordé.
Il est référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits et de leurs moyens et prétentions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 20 novembre 2017.
La SCP M.-B., en qualité de mandataire liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des jonctions des énergies de France, à laquelle la déclaration d'appel a été régulièrement signifiée par acte du 9 janvier 2017 délivrée à personne morale, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, il sera observé que la société BNP Paribas Personal Finance justifie venir aux droits de la société Solfea et que son intervention volontaire à la procédure par conclusions est recevable, étant au surplus observé qu'elle n'est pas contestée même si les appelants ont conclu à l'encontre de la société Solfea.
Sur les pièces des appelants :
La société BNP Paribas Personal Finance indique dans les motifs de ses conclusions que les pièces des appelants doivent être déclarées irrecevables faute d'avoir été communiquées à leurs conclusions, mais ne formule pas cette demande dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la Cour en application de l'article 954 du Code de procédure civile. La Cour constatera donc qu'elle n'est pas saisie de cette demande.
Sur le droit applicable :
Le bon de commande signé le 3 octobre 2012 stipule qu'il a été signé à [ville C.], commune dans laquelle résident M. et Mme X. et il ne peut être contesté qu'il a été conclu à la suite d'un démarchage à domicile de ces derniers, sans doute précédé d'un appel téléphonique ainsi qu'ils l'indiquent dans leurs écritures.
Or, l'article L. 121-21 du Code de la consommation dans sa version applicable en octobre 2012, dispose qu'est « soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique) sa résidence ou à son lieu de travail même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services. L'article L. 121-22-4° du même code exclut l'application des articles L. 121-23 à L. 121-29 du Code de la consommation des ventes ou prestations de service lorsqu'elle ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, ou de toute autre profession ».
Les conditions générales de vente du bon de commande produites en pièce 41 par les appelants se réfèrent expressément aux articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation.
[minute page 9] En l'espèce, il n'est pas établi que l'opération financée serait en lien avec la profession ou les activités exercées par M. et Mme X., retraité pour l'un et sans profession pour l'autre, dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale.
En outre, le contrat de crédit fait référence (article 9) à l'article L. 311-49 (ancien) du Code de la consommation et prévoit la compétence du tribunal d'instance en cas de litige, et non du tribunal de commerce. Il ne comporte aucune disposition stipulant de manière expresse et non ambiguë la destination professionnelle du prêt.
En conséquence, les parties tant au contrat de vente qu'au contrat de crédit ont entendu soumettre leurs relations aux dispositions du code de la consommation, notamment celles relatives au démarchage à domicile, ce qui est parfaitement possible, contrairement à ce qu'allègue l'intimée.
Par ailleurs, contrairement à ceux passés par un commerçant, les actes accomplis par un particulier sont habituellement de nature civile et ne peuvent être qualifiés d'actes de commerce par nature que s'ils correspondent exactement aux définitions de l'article L. 110-1 du Code de commerce.
En l'espèce, il n'est pas allégué que les époux X. auraient acheté les panneaux photovoltaïques pour les revendre au sens du 1° de l'article L. 110-1 susvisé. Il n'est pas non plus établi qu'ils ont cherché à mettre en place une quelconque activité de production et à bénéficier de revenus commerciaux lucratifs. Ils ont seulement accepté l'installation qui leur était proposée dans le cadre d'un démarchage, au vu d'une plaquette d'information qu'ils produisent en pièce 45 et qui vante en page 6 « un amortissement rapide de l'installation grâce à un crédit d'impôt ». S'ils admettent dans leurs conclusions revendre toute l'électricité produite à EDF, ainsi que cela apparaît dans le contrat de revente d'électricité, ce seul fait n'en fait pas des commerçants et n'exclut pas l'application des règles sur le démarchage à domicile, d'autant qu'il n'est pas du tout établi qu'ils en aient eu conscience lors de leur engagement, le bon de commande ne mentionnant cet élément pourtant important.
Enfin, au sujet de l'arrêt du 20 juin 2013 de la Cour de justice de l'union européenne citée par l'intimée qui indique que « l'exploitation d'une installation photovoltaïque située au-dessus ou à proximité d'une maison d'habitation conçue de telle sorte que la quantité d'électricité produite, est toujours inférieure à la quantité totale d'électricité consommée à titre privé par son exploitant, et est livrée au réseau en échange de recettes ayant un caractère de permanence, relève de la notion « d'activité économique, au sens de l'article 4 de la sixième directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires », il convient d'observer d'une part qu'il n'est pas démontré en l'espèce que la quantité d'électricité produite par les époux X. devait être inférieure à celle qu'ils consomment, et d'autre part que l'intimée entretient une confusion entre le « caractère économique » reconnu en matière fiscale par la directive 77/388/CEE à certaines activités de production et le « caractère commercial » de ces mêmes activités.
Or, la loi fiscale ne se superpose pas à la loi commerciale ou civile et l'éventuelle qualification d'opération économique donnée par l'administration fiscale n'entraîne pas pour autant la qualification d'opération commerciale du point de vue des règles non fiscales applicables, ce qui prive d'intérêt la production, par la société BNP Paribas Personal Finance du bulletin officiel des impôts du 25 mars 2013 dans lequel il est mentionné que 'la vente d'énergie par des personnes physiques est un acte de commerce dont l'imposition à l'impôt sur le revenu relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux'.
En conséquence, le contrat principal et le contrat de crédit affecté ne sont pas soumis au droit commercial.
Ils ne sont pas non plus soumis au droit commun puisqu'ainsi qu'il a été dit, ils font référence au [minute page 10] Code de la consommation et sont soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Sur la demande de nullité du contrat de vente et d'installation de panneaux photovoltaïques :
M. et Mme X. soulèvent le non-respect des dispositions des articles L. 121-23 et R. 121-5 du code de la consommation.
L'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa version en vigueur au 3 octobre 2012 dispose :
« Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur,
2° adresse du fournisseur,
3° adresse du lieu de conclusion du contrat,
4° désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts, ou des services proposés,
5° conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et les délais de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,
6° prix global à payer et modalités de paiement, en cas de vente à tempérament ou à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L313-1,
7° faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté, et de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25, L. 121-26 ».
L'article R. 121-3 du code de la consommation (anciens) dispose en outre que le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévu à l'article L. 121-25 fait partie de l'exemplaire du contrat laissé au client, doit pouvoir en être facilement séparé.
En l'espèce, il n'y a pas lieu de retenir de motif de nullité liée à une contradiction entre la mention manuscrite « garantie 20 ans installation » figurant sur le bon de commande et les conditions générales de vente produites en pièce 41 dans lesquelles est indiqué à l'article 2 : « la durée de ces garanties varient selon le constructeur et la nature du produit ». En effet, les conditions générales ont vocation à s'appliquer à plusieurs types de produits ayant des constructeurs différents alors que les mentions particulières manuscrites apposées par le représentant de la société l'ont été en connaissance du produit commandé et de son constructeur.
Le grief tiré du fait que le bordereau de rétractation ne pourrait être détaché sans amputer une partie du contrat, en l'espèce le haut du contrat comportant le nom et l'adresse de M. X., ne sera pas non plus retenu, car il ne s'agit pas d'une cause de nullité expressément prévue par l'article R. 121-3 du Code de la consommation. L'adresse de la société Nouvelle régie figure sur le bordereau de rétractation produit en pièce 41.
En revanche, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts, ou des services proposés fait défaut puisqu'il est fait état dans le bon de commande, d'une centrale [minute page 11] photovoltaïque de 2,960WC sans autre précision notamment quant au nombre de panneaux photovoltaïques et quant aux autres biens livrés dans le cadre de la centrale (onduleur notamment). Le détail de l'installation n'apparaît que dans la facture du 11 octobre 2012.
Le bon de commande ne comporte pas non plus les noms du fournisseur et du démarcheur, les modalités et délais de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services, ni les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L313-1.
Les appelants invoquent aussi la nullité du contrat pour vice du consentement, en visant l'erreur et le dol, notamment parce qu'ils n'ont pas été pleinement renseignés sur les caractéristiques des biens acquis, le délai de raccordement, la durée de vie, l'assurance obligatoire, que la société Groupe solaire de France a fait état de partenariats mensongers avec GDF SUEZ et Solfea et d'une présentation fallacieuse de la rentabilité de l'installation et qu'elle leur a fait croire qu'il s'agissait d'une candidature sans engagement.
Néanmoins, les époux X. n'établissent pas qu'ils n'auraient pas contracté s'ils avaient reçu davantage d'information sur les caractéristiques des biens acquis ou le délai de raccordement. Le partenariat avec Solfea n'est pas mensonger puisque les sociétés Nouvelle énergie et Solfea travaillaient effectivement ensemble. Il n'est pas démontré l'absence de partenariat entre la société Nouvelle énergie et la société GDF-SUEZ, le courrier produit en pièce 44 relatif à l'absence de partenariat avec les installateurs de panneaux photovoltaïques émanant de ERDF et non de EDF-SUEZ. Il ressort de la simple lecture du contrat intitulé « bon de commande » et du contrat affecté qu'il ne s'agit pas d'une simple candidature et que les époux X. s'engageaient bien à hauteur de 19.900 euros. Enfin si la plaquette publicitaire a présenté de manière très avantageuse la rentabilité de l'installation en évoquant « un amortissement rapide de l'installation grâce à un crédit d'impôt », « un système d'autofinancement pensé avec la Banque Solfea », et si le bon de commande indique « garantie 25 ans production », il convient de constater que la société venderesse ne s'est pas engagée de manière précise sur un montant de revenu et un prix de revente de l'électricité à EDF, qu'en l'état des dernières écritures des époux X., l'installation fonctionne et leur rapporte des revenus même s'ils sont inférieurs à ce qu'ils escomptaient, et qu'ils n'est pas démontré que ces éléments soient mensongers et aient déterminé l'engagement du couple.
La nullité pour vice du consentement ne sera donc pas retenue. Le contrat conclu entre la société Nouvelle régie et M. X. est en revanche affecté de plusieurs causes de nullité au regard des dispositions du Code de la consommation, ainsi qu'il a été dit.
La nullité encourue est une nullité relative qui est couverte si l'acheteur a consenti au contrat et poursuivi son exécution en connaissance des irrégularités qui l'affectaient.
En l'espèce, les époux X. ont accepté la livraison des biens, signé l'attestation de fin de travaux, effectué les démarches en vue du raccordement au réseau EDF puis signé un contrat avec EDF pour la vente d'électricité mais il ne ressort d'aucune pièce qu'ils ont agi ainsi en connaissance des vices affectant le contrat litigieux et avec la volonté de les réparer.
La nullité n'est donc pas couverte et il convient de prononcer la nullité du contrat principal de ce chef, le jugement étant infirmé de ce chef.
Sur les conséquences de l'annulation du contrat de vente et d'installation de panneaux photovoltaïques :
L'annulation d'un contrat a pour effet son effacement rétroactif, les parties devant être remises dans l'état où elles se trouvaient avant le contrat.
[minute page 12] La société Nouvelle régie étant en liquidation judiciaire, il convient de dire que son liquidateur fera procéder aux frais de la liquidation judiciaire à la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de l'habitation de M. et Mme X., dans les trois mois de la signification de la décision à intervenir et que passé ce délai, M. et Mme X. pourront en disposer comme bon leur semblera. La restitution du prix n'est pas demandée contre le liquidateur ès-qualités.
Le prêt conclu avec la société banque Solfea étant un contrat de crédit affecté au contrat principal, il est nul en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation (ancien article L. 311-32) qui dispose que « le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé », ce sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre motif de nullité du contrat de crédit soulevé.
Sur la demande de restitution du capital prêté formé par la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Solfea :
S'agissant d'un contrat de prêt annulé, le prêteur doit restituer à l'emprunteur les mensualités payées et l'emprunteur lui rembourser le capital prêté par lui, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur.
Il ressort du tableau d'amortissement et des décomptes de créance produits par l'intimée et non contestés par les époux X. que ceux-ci n'ont honoré aucune mensualité du prêt. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner le remboursement de mensualités dont le paiement n'est pas établi.
Pour s'opposer à la restitution du capital, les appelants invoquent plusieurs fautes à l'encontre de la société Solfea qui la priverait de son droit à obtenir le remboursement du capital prêté.
Ils lui reprochent en premier lieu d'avoir financé une opération nulle.
Il est établi que la société Solfea a été amenée à financer de nombreux contrats proposés par des sociétés spécialisées en matière d'énergie photovoltaïque. S'agissant d'un crédit affecté à un contrat principal, pour lequel le vendeur est autorisé par la banque à faire signer par l'acquéreur- emprunteur l'offre préalable de crédit, celle-ci se doit de vérifier, avant de verser les fonds empruntés, la régularité de l'opération financée au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 121-23 du Code de la consommation afin d'avertir les acheteurs si elle constate des causes de nullité. A défaut, elle commet une faute. (Cf pour exemple, C. Cassation Civ. 1 10 décembre 2014, n° 13-26.585 et 14-12.290 et C. Cassation Com. 18 janvier 2017 n°15-19349).
En l'espèce, il a été retenu que le contrat était affecté de plusieurs causes de nullité au regard des dispositions du code de la consommation. La société Banque Solfea qui n'a pas procédé aux vérifications nécessaires et n'a pas informé les époux X. d'une difficulté à ce titre avant de débloquer les fonds, a commis une faute.
Les appelants reprochent ensuite à la société Solfea de ne pas justifier que la société Groupe solaire de France était régulièrement immatriculée au registre prévu par l'article L. 512-1 du code des assurances, conformément à l'article L546-1 du Code monétaire et financier et remplissait ses obligations de formation continue prévues par les articles L. 311-8 et D. 311-4-3 du Code de la consommation.
Néanmoins, l'article L. 546-1 du Code monétaire et financier s'applique uniquement aux intermédiaires en opération de banque que l'article L. 519-1 du même code définit comme étant « toute personne qui exerce à titre habituel contre une rémunération ou toute autre forme d'avantage économique l'intermédiation en opération de banque et en service de paiement sans se porter ducroire ». Il n'est pas établi que la société Nouvelle Régie réponde à cette définition. En outre, cette obligation d'immatriculation pèse sur l'intermédiaire lui-même. Ce moyen sera donc écarté.
[minute page 13] Par ailleurs, s'il est exact que les articles L. 311-8 et D. 311-4-3 du Code de la consommation imposent aux personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur le crédit proposé d'être formées à la distribution du crédit à la consommation, cette obligation de formation pèse sur l'employeur de l'intermédiaire de crédit et non sur la banque.
M. et Mme X. font en troisième lieu valoir que la société Solfea a participé au dol de la société Nouvelle Régies. Le dol commis par la société Nouvelle régies n'a toutefois pas été retenu et aucune faute ne peut donc être retenue contre Solfea de ce chef.
S'agissant ensuite des manquements de la banque à ses obligations en qualité de dispensateur de crédit et de la mise en place de crédits délibérément inappropriés, la société Solfea n'avait pas ainsi que les appelants l'allèguent, à « éclairer son client consommateur profane quant au caractère illusoire des rendements promis », ce caractère illusoire n'étant au demeurant pas établi.
Même si la société Solfea a financé à plusieurs reprises des contrats de vente d'installation photovoltaïque, elle n'est pas un professionnel de l'installation photovoltaïque et reste un établissement de crédit. Elle n'a donc pas à conseiller les acquéreurs au sujet de la rentabilité de l'opération. De même la conclusion d'un crédit à la consommation plutôt qu'un crédit immobilier n'a aucun caractère fautif.
Il appartenait en revanche à la société Solfea, avant d'octroyer le crédit demandé, de se renseigner sur les capacités financières des emprunteurs et sur leur solvabilité et de les mettre en garde en cas de prêt excessif et de risques de surendettement. Elle devait aussi en application de l'article L. 311-6 du Code de la consommation (ancien), préalablement à la conclusion du contrat de crédit, donné à l'emprunteur par écrit les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
En l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Banque Solfea justifie en pièce 2 avoir interrogé le fichier des incidents de paiement (FICP). Elle produit en pièce 3 une fiche de solvabilité signée par les époux X. le 3 octobre 2012 qui mentionne que M. X. est retraité et que le couple n'a aucun crédit ni dépense de loyer. Cette fiche ne comporte aucune mention quant aux revenus des emprunteurs. Néanmoins, si le bulletin de salaire produit en pièce 22 par l'intimée, qui concerne, non pas M ou Mme X. mais une tierce personne étrangère au litige, ne peut être pris en compte, celle-ci produit en pièces 20 l'avis d'imposition sur le revenu 2011 du couple X., mentionnant un revenu total de 12.894 euros soit 1.074,50 euros par mois pour l'année 2010.
La société Solfea s'est donc renseignée sur la situation des emprunteurs, dont le caractère non averti n'est pas contesté. Le crédit affecté signé le 3 octobre 2012, qui prévoyait un différé d'amortissement pendant 11 mensualités puis le paiement de 201,89 euros à compter d'octobre 2013, ce qui représente 18,79 % des revenus justifiés, n'apparaît pas inadapté surtout en l'absence de toute autre charge de prêt et de loyer, ni susceptible de constituer un endettement excessif.
Enfin, la signature par les époux X. de l'offre de prêt est précédée de la mention : « Nous reconnaissons avoir reçu la fiche d'information précontractuelle préalablement à la remise du présent contrat et rester en sa possession ».
Aucune faute de la société Banque Solfea à ses obligations contractées en sa qualité de dispensateur de crédit n'est donc caractérisée et les moyens de ce chef seront écartés.
M. et Mme X. reprochent en cinquième lieu à la Banque Solfea d'avoir libéré les fonds alors que les travaux objet du contrat n'avaient aucunement été achevés ni même autorisés.
Au terme de l'article L. 312-48 du code de la consommation (ancien article L.311-31), les obligations [minute page 14] de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.
Or, l'attestation de fin de travaux signée par M. X. au vu de laquelle la société Banque Solfea a débloqué les fonds et qui indique « Je soussigné M. X. atteste que les travaux, objets du financement visé ci-dessus, (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles) sont terminés et conformes au devis. Je demande à la Banque Solfea de payer la somme de 19.900 euros représentant le montant du crédit » est datée du 10 octobre 2012, soit sept jours après la signature du bon de commande du 3 octobre 2012 et alors que le délai de rétractation était encore en cours. Les fonds ont ensuite été versés dès le 12 octobre 2012 soit neuf jours après la conclusion du contrat (pièce 3 produite par les appelants).
La société Banque Solfea ne pouvait raisonnablement penser que les travaux commandés qui supposent une certaine technicité et englobaient en outre, ainsi que le bon de commande le stipule expressément, la réalisation des démarches de raccordement, aient pu être effectués dans les sept jours de leur commande ainsi que l'attestation de fin de travaux du 10 octobre 2012 l'indiquait et alors que le délai de rétractation était encore en cours. Une vérification élémentaire devait la conduire à s'apercevoir de cette anomalie et à tout le moins, à contacter M. et Mme X. pour s'assurer de ce que la prestation promise avait bien été exécutée.
La société Banque Solfea, qui ne démontre pas avoir accompli ces diligences, a donc commis une faute en débloquant les fonds sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation.
Pour autant, les fautes retenues à l'encontre de la société Solfea, ne dispensent pas ipso facto les emprunteurs de leur obligation de rembourser le capital à la suite de l'annulation du prêt. En effet, toute faute quelle qu'elle soit n'entraîne une sanction que lorsqu'elle a causé un préjudice né et actuel qui doit être caractérisé et que les juges doivent apprécier.
En l'espèce, il est constant que l'installation fonctionne, a pu être raccordée au réseau EDF, ce qui démontre sa conformité aux normes techniques et rapporte un revenu aux époux X. qui produisent en pièce 36 une facture de production d'électricité établie le 14 juin 2016 pour un montant de 740,59 euros.
Les époux X. ne justifient pas du préjudice subi du fait d'un déblocage des fonds seulement 9 jours après la signature du bon de commande puisque l'installation a bel et bien été achevée.
S'agissant de l'absence de vérification par la banque Solfea de la régularité du bon de commande, il convient de retenir qu'au regard des manquements retenus c'est à dire l'absence de précision suffisante quant à la nature et aux caractéristiques des biens offerts, l'absence de mention du nom du fournisseur et du démarcheur et des modalités et délais de livraison des biens, les appelants ne se prévalent pas d'un préjudice justifiant de les dispenser de restituer le capital prêté.
En effet, les biens commandés ont été effectivement livrés et acceptés par eux. Ils n'ont pas invoqué de défauts de fabrication. Le préjudice résultant de l'absence de mention des formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global dans le bon de commande n'est pas non plus démontré puisque l'offre de crédit signée le même jour comportait l'ensemble de ces éléments.
La privation de la créance de restitution qui peut sanctionner la faute commise par le prêteur se justifie habituellement par le préjudice tenant à ce que les emprunteurs se retrouvent en situation de devoir payer le prix d'une installation qui n'assume pas sa fonction, et sans perspective de se retourner utilement contre leur fournisseur en déconfiture.
Tel n'est pas le cas des époux X. dont l'installation fonctionne et produit des revenus.
[minute page 15] En réalité, il ressort de leurs écritures qu'ils se plaignent surtout du rendement insuffisant de leur installation au regard de ce qui leur aurait été promis. Néanmoins, aucune promesse d'un rendement chiffré précis n'est établie et en tout état de cause, un tel préjudice à le supposer établi, n'a aucun lien de causalité avec les fautes retenues à l'encontre de Solfea à savoir, une absence de vérification de la régularité du bon de commande et un déblocage prématuré des fonds.
En conséquence, les époux X. doivent être condamnés à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 19.900 euros au titre du capital emprunté avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, en application de l'article 1153-1 du Code civil (ancien).
Sur les autres demandes formées par les époux X. :
M. et Mme X. demandent la condamnation de la banque à leur payer les devis correspondant au coût de la dépose de l'installation et de la remise en état leur toiture au motif que la société Nouvelles régies est en liquidation judiciaire et que le liquidateur n'aura sans doute pas les moyens de financer les sommes correspondantes. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un préjudice actuel et certain. En outre les fautes commises par la société Solfea de déblocage prématuré des fonds et d'absence de vérification de la régularité du bon de commande ne sont pas à l'origine directe de ce préjudice, à le supposer constitué. Cette demande sera donc rejetée.
Le préjudice lié à la réduction du niveau de vie des appelants résultant de l'obligation de payer les mensualités de crédit ou du moins n'existe pas puisque le crédit est annulé. Les époux X. vont certes devoir restituer le capital emprunté mais ainsi qu'il a été dit, cette obligation résulte de l'annulation du prêt qui a permis de financer une installation en état de fonctionnement. Ils ne peuvent donc se prévaloir d'un préjudice subi à ce titre qui serait en lien avec les fautes retenues à l'encontre de la société Solfea.
Enfin, si Monsieur X. justifie en pièce 21 avoir eu des problèmes de santé, les pièces médicales produites sont antérieures à la conclusion des contrats litigieux et les époux X. ne justifient par aucune pièce du préjudice moral allégué lié aux désagréments subis dans le cadre des travaux d'installation des panneaux, au bruit de l'onduleur électrique, au temps perdu en démarches et à l'angoisse de devoir supporter le remboursement d'un crédit ruineux.
Les appelants seront donc déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Au regard des circonstances du litige et du fait que chacune des parties succombe pour partie dans ses demandes, il convient de dire que chacune des parties gardera la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance comme en appel et qu'il ne sera pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
- Constate que la cour n'est pas saisie par le dispositif des conclusions de la société BNP Paribas Personal Finance d'une demande tendant à dire les pièces des appelants irrecevables ;
- Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action en paiement de la société Solfea aux droits de laquelle vient la société BNP paribas Personal Finance,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
- [minute page 16] Prononce la nullité du contrat conclu le 3 octobre 2012 entre M. X. et son épouse Mme Y. et la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France, exerçant sous l'enseigne 'Groupe solaire de France, ;
- Constate la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu le 3 octobre 2012 entre M. X. et son épouse Mme Y. et la société Banque Solfea ;
- Dit que le liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France fera procéder aux frais de la liquidation judiciaire à la dépose des panneaux et à la remise en état de la toiture de l'habitation de M. X. et son épouse Mme Y., dans les trois mois de la signification de la décision à intervenir et que passé ce délai, ces derniers pourront disposer de l'installation ;
- Condamne solidairement M. X. et son épouse Mme Y. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea la somme de 19.900euros au titre du capital emprunté avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
- Dit n'y avoir lieu à ordonner le remboursement à M. X. et son épouse Mme Y. des mensualités réglées au titre du prêt ;
- Rejette les demandes en dommages et intérêts et en paiement de la somme de 3.520 euros au titre du coût des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture formées par M. X. et son épouse Mme Y. ;
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5702 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Compétence - Compétence d’attribution
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- 5821 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Réforme du Code de la consommation - Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
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