CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 10 avril 1997
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 756
CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 10 avril 1997 : RG n° 94/10946 ; arrêt n° 335
Publication : Juris-Data n° 044815
Extrait : « Il s'agit donc en l'espèce d'une clause de dédit permettant à M. X. de ne pas donner suite à sa commande en perdant les arrhes, et qui aurait d'ailleurs pu être opposée au chantier italien dans la situation inverse.
Confirmation de la connaissance exacte qu'avait M. X. de la portée de cette clause est donnée par le fax qu'il a reçu le 30 juillet 1991 d'EXOCET MARINE insistant sur « l'extrême gravité de la situation », et précisant : « D'ici ce soir nous attendons une preuve concrète de votre engagement (fax daté, chèque) preuve qui vous éviterait la perte pure et définitive de votre acompte de 400 000 Francs ». Loin de contester cette interprétation M. X. a répondu le 1er août en demandant un délai ; puis sous la signature d'un mandataire a confirmé le 5 août 1991 son accord pour que, dans le cas où le financement ne serait pas obtenu dans les dix jours, le chèque remis en paiement du solde du prix de vente soit restitué, mais l'acompte versé soit conservé par le chantier NAVALI DELL’ADRIATICO.
Une telle clause n'apparaît nullement avoir été imposée à M. X. qui avait le choix d'acquérir aux conditions proposées par le constructeur, et qui au surplus a pu négocier le montant du dédit. Elle ne peut en conséquence être qualifiée d'abusive. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 10 AVRIL 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 94/10946. Arrêt n° 335.
ARRÊT DE LA 2ème CHAMBRE CIVILE en date du 10 avril 1997, Prononcé sur appel d'un JUGEMENT rendu le 11 mars 1994, par le Tribunal de Commerce d'ANTIBES.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur ISOUARD, Conseiller faisant fonction de Président,
Conseillers : Madame CORDAS, Monsieur SEMERIVA.
Greffier (lors des débats) : Mme Sylvie CARBUCCIA.
DÉBATS : A l'audience publique du 4 mars 1997, Monsieur le Président a avisé les parties que le délibéré serait rendu le 10 avril 1997.
PRONONCÉ : A l'audience publique du 10 avril 1997, par Madame CORDAS, assistée de Madame CARBUCCIA, Greffier.
NATURE DE L'ARRÊT : contradictoire.
[minute page 2]
NOMS DES PARTIES :
APPELANT :
- Monsieur X.
né à [ville] le [date] demeurant et domicilié : [adresse]. APPELANT
INTERVENANTE :
- La SCI BUREAUX SERVICES
dont le siège est : [adresse], agissant poursuites et diligences de sa gérante Madame X., domiciliée de droit audit siège. INTERVENANTE
Représentée par la SCP SIDER, Avoués associés près la Cour. Assistée par Maître ROSENFELD, substitué par Maître RACHLIN, Avocats au Barreau de MARSEILLE.
CONTRE/
INTIMÉS :
- SARL EXOCET MARINE INTERNATIONAL
au capital social de 60 000,00 Francs, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse]
- CANTIERI NAVALI DELL'ADRIATICO
pris(e) en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis S.R.L. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse] -
INTIMES, APPELANTS INCIDEMMENT, Représentés par la SCP BLANC, Avoués associés près la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :
Par un acte du 4 juin 1991 M. X. s'est engagé à acquérir un bateau de type PEARSHING 45 construit par « CANTIERI NAVALI DELL’ADRIATICO SRL » pour le prix de 437.000.000 de lires payable aux conditions suivantes :
- 86.000.000 d'arrhes confirmatoires à la signature ;
- 351.000.000 à la livraison.
Cet engagement a été pris par l'intermédiaire de la société EXOCET MARINE INTERNATIONAL, concessionnaire de la marque PEARSHING à Golfe Juan, qui a encaissé le chèque d'arrhes de 86.000.000 de lires soit 400.000 Francs remis par M. X. et en a effectué le virement à la société CANTIERI DELL’ADRIATICO le 9 juillet 1991.
Le 5 août 1991 le solde du prix de vente, soit 1.635.000 Francs était payé par un chèque à l'ordre de CHANTIER NAVAL DE L'ADRIATIQUE, et une convention était signée le même jour entre M. Y. administrateur du chantier naval italien et un mandataire agissant « par procuration pour le compte de M. X. », aux termes de laquelle le chèque serait restitué si dans les dix jours il ne pouvait être encaissé, et l'acompte versé reviendrait au chantier dans le cas où l'affaire ne se ferait pas.
L'affaire ne s'étant pas faite M. X. a réclamé la restitution de la somme de 400.000 Francs au motif que le contrat de vente ne s'était pas formé, et qu'en tout état de cause la clause prévoyant la conservation par le vendeur de l'acompte devait être réputée non écrite car abusive.
Par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 11 mars 1994 il a été débouté de l'ensemble de ses demandes présentées tant à l'égard de la SARL EXOCET MARINE INTERNATIONAL que de la SRL CANTIERI NAVALI DELL’ADRIATICO.
Il est appelant de cette décision.
Devant la Cour il reprend les mêmes moyens qu'il a soutenus devant le tribunal en prétendant :
- que ses relations avec le chantier naval italien n'ont jamais dépassé le stade précontractuel ;
- que le document du 5 août 1991 - dont il n'est pas le signataire - établit que les parties ont entendu soumettre la réalisation de la vente à l'obtention d'un prêt qui n'a jamais été obtenu ;
[minute page 4] Et subsidiairement il soutient que le contrat rédigé en italien est nul et que la clause autorisant le vendeur à conserver l'acompte est abusive au regard tant de la loi du 10 janvier 1978 que de la directive européenne du 5 avril 1993 ;
A défaut il demande que la clause, qui s'analyse en une clause pénale, soit réduite conformément à l'article 1152 du code civil.
Il sollicite 50.000 Francs de dommages et intérêts pour procédure abusive, et 20.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés intimées ont conclu à la confirmation du jugement en rappelant que les relations contractuelles n'existent qu'entre M. X. et CANTIERI NAVALI DELL ADRIATICO et non SARL EXOCET MARINE, et en faisant valoir que l'article 3 de la loi du 18 janvier 1992 est suffisamment clair pour que l'action de l'appelant ne puisse prospérer et que les textes qu'il vise soient écartés.
Elles prétendent également que M. X. qui n'est ni le titulaire du compte, ni le gérant de la société sur le compte de laquelle les chèques ont été tirés est sans droit ni titre à agir.
La SCI BUREAUX SERVICES sur le compte de laquelle les chèques ont été tirés est intervenue volontairement pour déclarer se joindre à l'action engagée par M. X. et en tant que de besoin le rendre recevable à agir.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
L'irrecevabilité de l'appel n'est pas soulevée. Rien dans le dossier ne conduit la cour à le faire d'office.
Le moyen tiré de l'irrecevabilité à agir de M. X. n'apparaît pas sérieux dés lors que CANTIERI NAVALI se prévaut d'un contrat signé par ce dernier et qu'en tout état de cause le paiement effectué par un tiers pour le compte de M. X. reste valable à l'égard du créancier.
1° Sur les relations contractuelles entre les parties
Il est versé aux débats l'offre d'acquisition signée par M X. le 4 juin 1991, et l'exemplaire signé en retour pour acceptation par l'administrateur de CANTIERI NAVALI.
[minute page 5] Cette offre contenait les spécifications du bateau acheté ainsi que celles du constructeur et vendeur, son prix et les modalités de paiement.
Aux termes de l'acte il était précisé en outre que « La présente proposition vaut engagement irrévocable, et deviendra efficace uniquement après acceptation par la société CANTIERI NAVALI ».
Aucune condition suspensive de la réalisation de la vente tenant à l'obtention d'un prêt n'est par ailleurs mentionnée
La vente était donc parfaite dès l'acceptation par le vendeur qui est intervenue selon toute vraisemblance le 12 juin 1991 puisque cette date figure sur l'inventaire des éléments d'aménagement du bateau annexé à l'offre.
Il doit être ajouté que le contrat de vente ne pouvait être intervenu qu'entre M. X. et la société CANTIERI NAVALI dont l'acceptation était expressément requise, la société EXOCET MARINE n'étant manifestement qu'un intermédiaire facilitant les ventes en France du constructeur Italien.
En conformité des conditions de paiement qui étaient prévues, M. X. par le moyen d'une société BUREAU SERVICE qui ne conteste pas ce paiement, a signé un chèque tiré sur le compte de cette société du montant de 400.000 Francs prévu à titre « d'arrhes confirmatoires à la signature ».
Certes le cinq août 1991 M. X. par fax du même jour a fait état d'un moyen de financement qu'il essayait d'obtenir.
On ne peut considérer cependant, comme il tente de le faire admettre, que l'obtention préalable de ce financement était connue du vendeur et surtout qu'il suspendait la réalisation de la vente, alors qu'aucune pièce n'est versée permettant de démontrer la connaissance et l'acceptation par le vendeur d'une telle condition suspensive.
Le premier moyen est donc à écarter.
2° Sur la validité de la clause permettant au vendeur de conserver la somme versée à titre d'arrhes
L'article 3 des conditions générales du contrat qui, bien que rédigées en italien ont été signées et donc acceptées par M. X., énonce que « la somme versée à titre d'arrhes sera entièrement conservée par le CANTIERI NAVALI DELL ADRIATICO [minute page 6] en cas de dédit ou de renonciation du proposant ».
Le contrat prévoit par ailleurs que 20 % du prix soit 86.000.000 de lires ou 400.000 Francs seront versés à titre d'arrhes de confirmation à la signature.
Il s'agit donc en l'espèce d'une clause de dédit permettant à M. X. de ne pas donner suite à sa commande en perdant les arrhes, et qui aurait d'ailleurs pu être opposée au chantier italien dans la situation inverse.
Confirmation de la connaissance exacte qu'avait M. X. de la portée de cette clause est donnée par le fax qu'il a reçu le 30 juillet 1991 d'EXOCET MARINE insistant sur « l'extrême gravité de la situation », et précisant :
« D'ici ce soir nous attendons une preuve concrète de votre engagement (fax daté, chèque) preuve qui vous éviterait la perte pure et définitive de votre acompte de 400 000 Francs ».
Loin de contester cette interprétation M. X. a répondu le 1er août en demandant un délai ; puis sous la signature d'un mandataire a confirmé le 5 août 1991 son accord pour que, dans le cas où le financement ne serait pas obtenu dans les dix jours, le chèque remis en paiement du solde du prix de vente soit restitué, mais l'acompte versé soit conservé par le chantier NAVALI DELL’ADRIATICO.
Une telle clause n'apparaît nullement avoir été imposée à M. X. qui avait le choix d'acquérir aux conditions proposées par le constructeur, et qui au surplus a pu négocier le montant du dédit.
Elle ne peut en conséquence être qualifiée d'abusive.
Le deuxième moyen de l'appelant est donc également à écarter.
M. X. demande enfin la réduction de la somme devant revenir au chantier naval en application de l'article 1152 du code civil.
Cependant les arrhes, qui ne sanctionnent pas une inexécution du contrat, mais permettent l'exercice d'une faculté de dédit, ne peuvent être assimilés à une clause pénale. L'article 1152 du code civil ne reçoit donc pas d'application en l'espèce.
L'appel n'apparaissant pas fondé le jugement sera confirmé.
M. X. qui succombe sur son appel supportera la charge des dépens et des frais non répétibles des intimées à hauteur de 5.000 Francs chacune.
Aucune faute de sa part de nature à rendre abusif l'exercice de son recours n'est par contre démontrée, qui justifierait la condamnation au paiement des dommages et [minute page 7] intérêts qui sont réclamés à ce titre.
Les sociétés intimées seront donc déboutées de cette demande.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Donne acte à la SCI BUREAUX SERVICES de son intervention volontaire,
Confirme le jugement et y ajoutant :
Condamne M. X. à payer à la SARL EXOCET MARINE INTERNATIONAL et à la S.R.L. CANTIERI NAVALI DELL'ADRIATICO la somme de 5.000 Francs chacune en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. X. aux dépens de l'appel qui seront distraits au profit de la SCP BLANC conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6029 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Acceptation des clauses - Clauses négociées
- 6082 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Clause de dédit ou d’annulation
- 6469 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (1) - Formation du contrat - Règles générales