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CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch. civ.), 20 mars 1980

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch. civ.), 20 mars 1980
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 2e ch. civ.
Demande : 79/2000
Date : 20/03/1980
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Revues privées
Décision antérieure : T. COM. MARSEILLE, 20 novembre 1978
Numéro de la décision : 189
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 763

CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch. civ.), 20 mars 1980 : RG n° 79/2000 ; arrêt n° 189

Publication : D. 1982, p. 131, note Ph. Delebecque

 

Extraits : 1/ « Attendu que pour échapper au paiement de cette somme, Mademoiselle X. soutient qu'elle n'a pu, en fait, qu’« adhérer » au contrat qui lui était proposé, document qui était imprimé, « comprenait 12 articles sans interligne ni espace pour compléter ou modifier les termes » et qu'ainsi, elle n'a pu imposer aucune clause à la Société ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE ; Mais attendu qu'il ressort du texte du contrat que diverses clauses ont été modifiées ; qu'ainsi, le loyer a été stipulé payable d'avance et trimestriellement alors que les clauses imprimées prévoyaient un paiement d'avance et annuel ; que pareillement, au lieu des deux annuités initialement prévues, Mademoiselle X. a obtenu de ne verser, en garantie du matériel loué, qu'une annuité de location ; Qu'il en résulte que le contrat a été librement discuté par les parties et que Mademoiselle X. l'a signé après y avoir fait apporter diverses modifications qui lui sont favorables et qui, si elles ne sont pas de nature à changer l'économie générale de la convention, n'en sont pas moins révélatrices de sa libre détermination ; Qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé »

2/ « Mais attendu que la loi du 10 janvier 1978 « portant sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services » - si elle pose le principe que les non-professionnels ou les consommateurs doivent être protégés contre l'abus de la puissance économique de l'autre partie - précise que les clauses ne pourront être qualifiées abusives et réputées non écrites qu'après décret en Conseil d'État pris après avis d'une commission spécialement créée à cet effet ; Que le décret n° 78-464 du 24 mars 1978, visé par l'appelante, a déclaré « abusives au sens de l'alinéa 1er de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978... la clause ayant pour objet ou pour effet de constater l'adhésion du non-professionnel ou consommateur à des stipulations contractuelles qui ne figurent pas sur l'écrit qu'il signe... la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations... la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre... ; Qu'il s'ensuit qu'à ce jour, n'ont été déclarées abusives ni les dispositions d'un contrat relatives à la location d'un bien mobilier pendant une longue durée et notamment pendant 15 ans ni la révision du prix du loyer de ce bien calculée par référence à un élément extérieur aux parties et ne dépendant pas de celles-ci ; Qu'ainsi, le second moyen n'est pas davantage fondé ».

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 MARS 1980

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 79/2000. Arrêt n° 189.

COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur MASSON, Conseillers : Messieurs BIROUSSE et BADI,

Secrétaire-Greffier : Monsieur GIRAUD, présent uniquement aux débats.

DÉBATS : A l'audience publique du mardi 11 mars 1980.

PRONONCÉ : A l'audience publique du 20 mars 1980 par Monsieur le Conseiller GIROUSSE, assisté de Monsieur GIRAUD, Secrétaire-Greffier,

NATURE DE L'ARRÊT : - Contradictoire - Sur appel d'un jugement rendu le 20 novembre 1978 par le Tribunal de Commerce de MARSEILLE. 

[minute page 2]

NOM DES PARTIES :

LE CABINET CAMI

agissant par sa Directrice, Mademoiselle X., née le [date] à [ville], de nationalité française, domiciliée à [adresse]. Appelant, représenté par Maître JOURDAN, avoué à la Cour, assisté par Maître Alain LAZARD, avocat au Barreau de TOULOUSE,

 

CONTRE :

LA SA ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE

au capital de […], dont le siège est à [adresse]. Intimée, représentée par Maître LATIL, avoué à la Cour, assistée par Maître Jacques BARBIER, avocat au Barreau de MARSEILLE.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Statuant sur l'appel de Mademoiselle X., exploitant sous l'enseigne « CABINET CAMI », d'un jugement du 20 novembre 1978 du Tribunal de Commerce de MARSEILLE l'ayant condamnée à payer à la Société ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE, la somme de 4.500 Francs avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en Justice ;

Attendu que l'appelante expose qu'ayant souscrit le 8 mars 1974, avec la Société ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE, un contrat de location d'appareils téléphoniques pour une durée de 15 ans, elle a, le 25 août 1977, résilié ce contrat ; qu'aucune indemnité de résiliation ne saurait lui être réclamée car le contrat dont s'agit est un contrat d'adhésion, qu'il contient des clauses léonines (durée de 15 ans et même davantage, formule incompréhensible de révision du loyer) et qui à ce titre, par application de la loi du 10 janvier 1978 sur la protection des consommateurs et le décret d'application du 24 mars 1978 doivent « être réputées non écrites » ;

Qu'en toute hypothèse, à supposer que la Cour ne fasse pas application de ce texte de loi, il conviendrait de dire que la clause pénale est, en l'espèce, manifestement excessive puisqu'aboutissant à faire payer les 3/4 des loyers restant à courir pendant 12 ans ; que certes les premiers juges ont réduit le montant de cette indemnité mais dans des proportions très insuffisantes ; qu'en effet le préjudice subi par ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE est nul puisque par application de l'article 6 du contrat, l'abonné doit verser, dès la signature de la convention, le montant d'une année de location à titre de garantie imputable sur la cinquième année de location, somme restant acquise en l'espèce à ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE puisque le contrat a été résilié avant la 5ème année ;

[minute page 3] Qu'elle conclut à la réformation du jugement entrepris, au principal, demande à la Cour de dire et juger que les clauses contenues dans le contrat ont un caractère léonin et doivent être sanctionnées par les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 les réputant non écrites, de débouter ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE de ses demandes, subsidiairement, dire et juger que le montant de la garantie correspond à une juste indemnisation, plus subsidiairement, accorder des délais de paiement ;

Attendu que l'intimée réplique - qu'elle n'a ni situation de monopole ni position dominante sur le marché des locations d'installations téléphoniques, que les contrats qu'elle soumet à la signature de des clients sont susceptibles d'être modifiés à la demande de ces derniers et qu'ainsi, la convention litigieuse ne présente nullement le caractère de contrat d'adhésion ; - que la durée et l'existence d'une indemnité de résiliation n'ont pas été, à ce jour, qualifiées d'abusives par la commission qui fonctionne dans le cadre de la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs et qu'ainsi, ce texte ne saurait trouver application ; - qu'enfin, la clause pénale, outre n'est pas abusive, ne présente en l'espèce aucun caractère excessif, le coût de la location étant calculé par rapport à un amortissement pendant une période de 15 ans et la reprise de l'installation, avant cette date, ne présentant aucun intérêt puisque l'installation est adaptée aux besoins de chaque client et n'est pas réutilisable en l'état, pour un autre ;

Qu'elle conclut à la confirmation pure et simple de la décision entreprise ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que suivant contrat du 8 mars 1974, la Société ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE a donné en location à Mademoiselle X., exploitant sous l'enseigne « CABINET CAMI », une installation téléphonique intérieure, pour une durée de 15 ans, suivant l'année en cours au moment de la mise en fonctionnement, moyennant un loyer de 68 Francs hors taxe par trimestre ; qu'il a été notamment stipulé, à l'article 9 de la convention, « qu'en cas de non-observation par l'abonné d'une des clauses du présent contrat, la Société ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE a le droit d'exiger le paiement d'une indemnité égale aux trois quarts des annuités restant à courir » ;

Que Mademoiselle X. a régulièrement payé le montant des locations jusqu'à fin 1977, après avoir averti ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE, par lettre recommandée du 25 août 1977, qu'elle résiliait le contrat à compter du 31 décembre 1977 ;

Qu'ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE lui a fait alors sommation d'avoir à payer la somme de 5.099,13 Francs, montant de l'indemnité de résiliation et représentant 3/4 des 12 annuités restant à courir ;

[minute page 4] Attendu que pour échapper au paiement de cette somme, Mademoiselle X. soutient qu'elle n'a pu, en fait, qu’« adhérer » au contrat qui lui était proposé, document qui était imprimé, « comprenait 12 articles sans interligne ni espace pour compléter ou modifier les termes » et qu'ainsi, elle n'a pu imposer aucune clause à la Société ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE ;

Mais attendu qu'il ressort du texte du contrat que diverses clauses ont été modifiées ; qu'ainsi, le loyer a été stipulé payable d'avance et trimestriellement alors que les clauses imprimées prévoyaient un paiement d'avance et annuel ; que pareillement, au lieu des deux annuités initialement prévues, Mademoiselle X. a obtenu de ne verser, en garantie du matériel loué, qu'une annuité de location ;

Qu'il en résulte que le contrat a été librement discuté par les parties et que Mademoiselle X. l'a signé après y avoir fait apporter diverses modifications qui lui sont favorables et qui, si elles ne sont pas de nature à changer l'économie générale de la convention, n'en sont pas moins révélatrices de sa libre détermination ;

Qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé ;

Attendu que Mademoiselle X. soutient également que l'article 6 du contrat prévoyant une durée de location pen­dant plus de 15 ans et l'article 8 relatif à la révision des prix du loyer, édictant une formule mathématique avec des indices de références incompréhensibles pour un non-professionnel, constitueraient des clauses « léonines » et « abusives », susceptibles, à ce titre, d'être réputées non écrites, et ce par application de la loi du 10 janvier 1978 et du décret du 24 mars 1978 ;

Mais attendu que la loi du 10 janvier 1978 « portant sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services » - si elle pose le principe que les non-professionnels ou les consommateurs doivent être protégés contre l'abus de la puissance économique de l'autre partie - précise que les clauses ne pourront être qualifiées abusives et réputées non écrites qu'après décret en Conseil d'État pris après avis d'une commission spécialement créée à cet effet ;

Que le décret n° 78-464 du 24 mars 1978, visé par l'appelante, a déclaré « abusives au sens de l'alinéa 1er de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978... la clause ayant pour objet ou pour effet de constater l'adhésion du non-professionnel ou consommateur à des stipulations contractuelles qui ne figurent pas sur l'écrit qu'il signe... la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations... la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre... ;

Qu'il s'ensuit qu'à ce jour, n'ont été déclarées abusives ni les dispositions d'un contrat relatives à la location [minute page 5] d'un bien mobilier pendant une longue durée et notamment pendant 15 ans ni la révision du prix du loyer de ce bien calculée par référence à un élément extérieur aux parties et ne dépendant pas de celles-ci ;

Qu'ainsi, le second moyen n'est pas davantage fondé ;

Attendu, en revanche, qu'il serait excessif d'appliquer, sans les modérer, les dispositions de l'article 9 de la convention du 8 mars 1974 suivant lesquelles en cas de résiliation du contrat, est due « une indemnité égale aux 3/4 des annuités restant à courir », ce qui représenterait en l'occurrence la somme de 5.099,13 Francs ;

Qu'en effet la Société ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE ayant récupéré début 1978 une installation qui devait lui être restituée le 31 décembre 1989, a pu la louer à un autre client, retirant ainsi un certain profit de cette location, même si des aménagements ont du être apportés au matériel pour qu'il soit utilisable par le nouveau locataire ;

Qu'ainsi c'est à bon droit que les premiers juges, estimant cette clause manifestement excessive, l'ont, par application de l'article 1152 du Code Civil, réduite à 4.500 Francs ; qu'il échet en conséquence de confirmer purement et simplement leur décision ;

Attendu, en ce qui concerne le dépôt de garantie visé à l'article 6 dernier alinéa du contrat et d'un montant égal à une annuité de location, qu'aucune pièce n'établit qu'il ait été versé par Mademoiselle X., et, a fortiori, qu'il ait été restitué par l'intimée ;

Qu'il convient, par conséquent, de préciser que si cette somme a été remise par l'appelante et conservée par ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE, elle se compensera à due concurrence avec celle de 4.500 Francs, montant de la condamnation prononcée contre Mademoiselle X. ;

Attendu que l'appelante doit être déboutée de sa demande tendant à l'octroi de délais de grâce, celle-ci ne démontrant nullement qu'elle est une débitrice malheureuse et de bonne foi ; que de toute manière, elle s'est octroyée, par le jeu de la procédure d'appel, des délais de paiement très supérieurs à ceux d'une année ;

Attendu que Mademoiselle X. qui succombe, doit supporter les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort,

[minute page 6] En la forme, reçoit Mademoiselle X. exploitant sous l'enseigne CABINET CAMI en son appel,

Au fond, l'en déboute, confirme purement et simplement le jugement entrepris, sauf à préciser que si Mademoiselle X. a versé le montant du dépôt de garantie et si la Société ABONNEMENT TÉLÉPHONIQUE ne le lui a pas restitué, cette somme sera compensée à due concurrence avec celle de quatre mille cinq cents franco (4.500 Francs), montant de la condamnation prononcée envers Mademoiselle X.,

Condamne Mademoiselle X. aux dépens d'appel ; en prononce distraction au profit de Maître LATIL, avoué, dans la mesure de ses avances sans provision.