CA ANGERS (ch. com. A), 9 octobre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7648
CA ANGERS (ch. com. A), 9 octobre 2018 : RG n° 15/02229
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En l'absence de comparution du défendeur, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime recevable et bien fondée.Par ailleurs, le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaire à cet effet. »
2/ « L'article 11 b du contrat de prêt prévoit qu'il est dérogé à la constitution de gage prévue à l'article 11 a si le prêteur exige d'être subrogé dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété du vendeur. Il s'ensuit que la société CGL n'apparaît pas pouvoir présenter une demande de restitution sur les fondements cumulés de la constitution du gage et de sa subrogation dans les effets de la clause de réserve de propriété. »
3/ « Le fait que les époux X. ont signé la quittance subrogative portant les mentions plus haut rappelées et la convention de prêt prévoyant la faculté pour l'organisme prêteur de se faire subroger dans les droits du vendeur dans les effets de la clause de réserve de propriété ne saurait, nonobstant le caractère inopérant de la subrogation consentie par le vendeur, justifier la demande de restitution du véhicule. En effet la clause prévoyant une telle subrogation qui figure tant dans le contrat lui-même que dans la quittance subrogative signée par le vendeur, l'acquéreur et l'organisme prêteur laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Ces clauses doivent dès lors être réputées non écrites comme abusives. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/02229. N° Portalis DBVP-V-B67-DXXJ. Jugement du 4 mai 2015, Tribunal de Grande Instance d'ANGERS, n° d'inscription au RG de première instance 14/03217.
APPELANTE :
SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION ET D'EQUIPEMENTS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Sophie D., avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 01-101, et Maître Hervé LE C., avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville]
Assignés, n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 25 juin 2018 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller, faisant fonction de Président qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller faisant fonction de Président, Madame PORTMANN, Conseiller, Madame LE BRAS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame DURAND
Greffier lors du prononcé : Madame TAILLEBOIS
ARRÊT : par défaut, Prononcé publiquement le 9 octobre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Véronique VAN GAMPELAERE, Conseiller faisant fonction de Président, et par Sophie TAILLEBOIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant offre préalable de crédit accessoire à une vente acceptée le 24 septembre 2010, destinée au financement d'un véhicule de marque Volkswagen Touran TDI, la société Compagnie générale de location et d'équipement (CGL) a consenti M. X. et Mme X. née Y. (les époux X.) un prêt de 24.378.50 euros remboursable en 84 échéances mensuelles incluant des intérêts au taux nominal de 8,081 % l'an.
Il était précisé à l'article 11 a de l'offre préalable que les emprunteurs affectaient et constituaient le bien financé en gage au bénéfice exclusif du prêteur pour sûreté des sommes dues.
Les époux X. ont bénéficié d'un plan conventionnel de redressement de leur situation de surendettement approuvé par la commission de surendettement des particuliers de Maine et Loire, entrant en application le 31 janvier 2013 aux termes duquel, ils devaient, notamment, s'acquitter auprès de la société CGL d'une somme de 27.818,92 euros au titre du crédit du 24 septembre 2010 en 71 échéances de 400,19 euros, le taux d'intérêt ayant été ramené à 0,71 %.
Se prévalant de ce que le plan de redressement n'avait pas été respecté, la société CGL, suivant mises en demeure du 24 juin 2014, en a notifié la résolution aux époux X., par lettre recommandée avec avis de réception.
Par acte du 10 septembre 2014, elle les a ensuite fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Angers pour les voir solidairement condamner à lui payer la somme de 24.323,01 euros avec intérêts au taux conventionnel de 8,081 % sur la somme de 22.039,07 euros à compter du 11 juillet 2014 jusqu'à parfait paiement outre une indemnité de procédure de 1.200 euros.
Elle sollicitait en outre leur condamnation à lui restituer le véhicule financé sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.
Par jugement du 4 mai 2012, le tribunal de grande instance d'Angers a débouté la société CGL de l'intégralité de ses demandes au motif que cette dernière n'avait pas justifié du non-respect par les emprunteurs du plan conventionnel de redressement approuvé par la commission de surendettement.
Par déclaration reçue au greffe le 21 juillet 2015, la société CGL a interjeté appel de cette décision, intimant les époux X.
Régulièrement assignés le 27 octobre 2015 :
- par acte remis à sa personne pour Mme X.,
- par acte remis à domicile pour M. X.,
les intimés n'ont pas constitué avocat.
L'appelante a conclu.
Une ordonnance du 9 octobre 2017 a clôturé l'instruction de l'affaire.
Par arrêt du 6 mars 2018, la cour :
- a Infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société CGL de sa demande en paiement,
Statuant à nouveau de ce chef infirmé, et y ajoutant,
- a condamné solidairement M. X. et Mme X. née Y. à payer à la société Compagnie générale de location d'équipement :
- la somme de 19.274,68 euros avec intérêts au taux de 8,081 % l'an à compter du 17 juillet 2014,
- la somme de 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2014,
- a débouté la société CGL du surplus de sa demande en paiement en principal et intérêts.
Aux termes de son arrêt la cour a en outre relevé que :
- en application de l'article 11 b du contrat, il était dérogé à la clause de constitution de gage prévue à l'article 11 a lorsque, comme en l'espèce, le prêteur avait exigé d'être subrogé dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété du vendeur, de sorte que la société CGL ne paraissait pas pouvoir présenter une demande de restitution du véhicule sur les fondements cumulés de la constitution de gage et de sa subrogation dans les effets de la clause de réserve de propriété,
- l'article 1250-1 du code civil visé dans la quittance subrogative exige que le créancier subrogeant reçoive son paiement d'une tierce personne, ce qui ne paraissait pas être le cas en l'espèce ;
- la clause prévoyant une subrogation de l'organisme prêteur dans la réserve de propriété du vendeur paraissait abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause.
La cour a ordonné la réouverture des débats et invité l'appelante à présenter toutes les observations qu'elle estimerait utiles par une note écrite au plus tard à l'ouverture des débats.
Aux termes d'une note écrite parvenue à la cour le 13 avril 2018, l'appelante fait observer qu'elle conteste le caractère abusif de la clause 11 du contrat relative à la constitution d'une sûreté, qu'une telle clause existe dans ses contrats depuis longtemps sans que son caractère abusif n'ait jamais été allégué, que les époux X. l'ont acceptée en signant le contrat.
Elle ajoute qu'aux termes de la clause litigieuse elle avait la faculté d'inscrire un gage, ce qu'elle n'a pas fait et qu'elle est fondée à se prévaloir de la clause de réserve de propriété étant observé qu'au vu de leur déclaration de surendettement il est permis de penser que les intimés ne détiennent plus le véhicule.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de l'appelante il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à ses conclusions déposées au greffe le 16 octobre 2015, signifiées aux intimés le 27 octobre 2015, complétées par ses observations sur le moyen relevé d'office par la cour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Observation liminaire
L'arrêt du 6 mars 2018 comporte, en son dispositif, une erreur matérielle relative au prénom de l'intimé en ce que ce dernier est prénommé Pascale et non Pascal.
Il convient, d'office, de rectifier cette erreur.
Sur la demande de restitution à la société CGL du véhicule financé :
En l'absence de comparution du défendeur, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime recevable et bien fondée.
Par ailleurs, le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaire à cet effet.
La société CGL sollicite la restitution du véhicule en se prévalant :
- d'une part de la clause du contrat aux termes de laquelle l'emprunteur constituait le bien financé en gage au bénéfice exclusif du prêteur pour sûreté des sommes dues (article 11a),
- d'autre part d'une quittance subrogative non datée, contresignée par les époux X. aux termes de laquelle le vendeur a rappelé que ses conditions générales de vente comportaient une clause de réserve de propriété jusqu'à parfait paiement du prix de vente et a subrogé la société CGL dans ses droits et actions en application des dispositions de l'article 1250-1° du code civil et notamment dans l'entier effet de la clause de propriété.
L'article 11 b du contrat de prêt prévoit qu'il est dérogé à la constitution de gage prévue à l'article 11 a si le prêteur exige d'être subrogé dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété du vendeur.
Il s'ensuit que la société CGL n'apparaît pas pouvoir présenter une demande de restitution sur les fondements cumulés de la constitution du gage et de sa subrogation dans les effets de la clause de réserve de propriété.
Aux termes des observations écrites prises à la demande de la cour, elle déclare qu'en réalité elle n'a pas constitué de gage.
Elle ne se prévaut donc plus que de sa subrogation dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété du vendeur en se référant à la quittance subrogative, d'ailleurs non datée, signée par le vendeur, la société CGL et les époux X.
Aux termes de cette quittance :
- le vendeur a déclaré subroger la société CGL dans les effets de la clause de réserve de propriété conformément aux dispositions de l'article 1250-1° du code civil,
- les époux X. ont déclaré, notamment, avoir reçu notification de la subrogation, s'interdire de vendre le bien jusqu'au jour où la propriété leur en aura été transférée définitivement et s'obliger, en cas de défaillance, à restituer le véhicule au prêteur.
L'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne.
Or, n'apparaît pas être l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur.
Il s'ensuit qu'apparaît donc inopérante la subrogation consentie par le vendeur, sur le fondement de l'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule.
Le fait que les époux X. ont signé la quittance subrogative portant les mentions plus haut rappelées et la convention de prêt prévoyant la faculté pour l'organisme prêteur de se faire subroger dans les droits du vendeur dans les effets de la clause de réserve de propriété ne saurait, nonobstant le caractère inopérant de la subrogation consentie par le vendeur, justifier la demande de restitution du véhicule.
En effet la clause prévoyant une telle subrogation qui figure tant dans le contrat lui-même que dans la quittance subrogative signée par le vendeur, l'acquéreur et l'organisme prêteur laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Ces clauses doivent dès lors être réputées non écrites comme abusives.
Dès lors, la société CGL ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution.
Par substitution de motifs, le jugement entrepris sera donc confirmé qui a débouté la société CGL de sa demande de restitution du véhicule.
Aux termes de l'arrêt du 6 mars 2018, il a très largement été fait droit aux prétentions de l'appelante.
Les époux X. seront donc condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à l'appelante la charge des ses frais non répétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par défaut,
Vu l'arrêt du 6 mars 2018,
Ordonne d'office la rectification de l'arrêt du 6 mars 2018 et dit qu'au dispositif de cet arrêt il convient de lire :
« Condamne solidairement M. Pascal X. et Mme X. née Y. à payer à (...) «
Au lieu de
« Condamne solidairement M. Pascale X. et Mme X. née Y. à payer à (...) »
Dit qu'à la diligence du greffe mention de cette rectification sera portée sur la minute et les expéditions de l'arrêt du 6 mars 2018,
Statuant dans la limite des chefs réservés par cet arrêt,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Compagnie générale de location et d'équipement de sa demande de restitution du véhicule Volkswagen Touran et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme en ce qu'il a condamné la société Compagnie générale de location et d'équipement aux dépens de première instance,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne in solidum M. X. et Mme X. née Y. aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
S. TAILLEBOIS V. VAN GAMPELAERE
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