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CA BASTIA (ch. civ.), 19 septembre 2018

Nature : Décision
Titre : CA BASTIA (ch. civ.), 19 septembre 2018
Pays : France
Juridiction : Bastia (CA), ch. civ.
Demande : 16/00156
Date : 19/09/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/02/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7760

CA BASTIA (ch. civ.), 19 septembre 2018 : RG n° 16/00156 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il en résulte sans qu'il soit besoin de suivre plus avant le raisonnement des parties, relativement à la profession ou au statut fiscal des associés ou de procéder aux constats sollicités, que les prêts, qui avaient pour objet le financement d'une opération d'agrandissement et de réhabilitation d'immeubles en vue de leur location et sans occupation personnelle, qui pour certains étaient expressément exclus du champ d'application du code de la consommation, ont été accordés pour les besoins professionnels de la SCI et non pour les besoins d'un simple consommateur. En conséquence, ils ne peuvent bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation. »

2/ « La SCI G. qui n'est pas un professionnel des services bancaires, peut opposer le caractère éventuellement abusif de la clause, quand même elle serait un professionnel de l'acquisition, la vente, la gestion et la location de tous biens immobiliers. »

3/ « En l'espèce, les contrats sont à taux fixe. L'indemnité de remboursement anticipé prévue est une indemnité de gestion égale à deux mois d'intérêts sur le capital remboursé et une indemnité financière, calculée selon les modalités reprises dans les écritures. Or, s'agissant de prêts à taux fixes, seule la valeur d'un semestre d'intérêts sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement pouvait être réclamée. Autrement dit, la clause de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé n'est pas conforme aux prévisions du texte en ce qu'elle comprend également une indemnité financière.

De plus, les modalités de calcul de l'indemnité financière, telles qu'elles figurent au contrat, caractérisent un déséquilibre entre les parties. Ainsi, elles énoncent : […]. Ce calcul tel qu'il est détaillé comprend des indications qui ne peuvent être connues que du prêteur, de sorte que la clause revêt un caractère abusif. D'ailleurs, la réponse adressée par la banque le 27 juin 2014, relative à cette indemnité financière qui « a nécessité d'effectuer d'importantes recherches » met en évidence la complexité du calcul et consécutivement le déséquilibre entre les parties au contrat.

La clause abusive est réputée non écrite mais elle laisse survivre le contrat, l'appelante est fondée à réclamer le remboursement par la banque de la somme, non contestée en son montant de 12.806,76 euros représentant la différence entre la somme perçue par la banque (24.678,87 euros) et un semestre d'intérêts (11.872,11 euros), c'est-à-dire l'indemnité de remboursement anticipé conforme au texte diminuée de l'indemnité financière. »

4/ « La demande d'annulation de cette clause de la convention est formée à titre subsidiaire, elle n'a pas lieu d'être examinée étant fait droit à la demande tendant à la réputer non écrite. »

 

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/00156. Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 12 novembre 2015, enregistrée sous le R.G. n° 14/00803.

 

APPELANTE :

SCI G.

représentée par son gérant M. François Charles G. demeurant et domicilié audit siège, ayant pour avocat Maître Chantal S.-F., avocat au barreau d'AJACCIO, Maître Bernadette L., avocat au barreau d'AJACCIO

 

INTIMÉE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE

Société Coopérative à Capital Variable prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant pour avocat Maître Frédérique G. de la SCP CABINET R. & ASSOCIES, avocat au barreau de BASTIA

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 juin 2018, devant Mme Judith DELTOUR, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Christine LORENZINI, Présidente de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller, M. Gérard EGRON-REVERSEAU, Conseiller.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Marie-Jeanne ORSINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2018.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Mme Christine LORENZINI, Présidente de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE :

Suivant acte reçu par Maître A., notaire, le 30 octobre 2004, Mme X., M. X. et Mme Y. et M. Y. ont constitué la SCI G. Alléguant la souscription de cinq prêts destinés à financer d'importants travaux pour un montant total de 821.200 euros et leur remboursement par anticipation avec indemnité pour obtenir une offre plus avantageuse d'un autre établissement bancaire, par acte du 25 juillet 2014, la SCI G. a assigné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 20.799,61 euros au titre des indemnités de remboursement anticipé, subsidiairement l'annulation de la clause de remboursement anticipé et le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 12 novembre 2015, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

- débouté la SCI G. de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné la SCI G. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse la somme de 1.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale,

- condamné la SCI G. au paiement des dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration reçue le 26 février 2016, la SCI G. a interjeté appel de la décision.

 

Par dernières conclusions communiquées le 4 décembre 2017, la SCI G. a sollicité :

- de dire l'appel recevable et fondé,

- d'infirmer la décision du tribunal de grande instance d’Ajaccio du 12 novembre 2015,

- de statuer à nouveau et,

A titre principal, au visa des articles L. 312-21 alinéa 2 et R. 312-2 du code de la consommation,

- de prononcer l'illégalité du calcul de l'indemnité de remboursement anticipé pratiquée par la banque,

- de condamner le Crédit agricole au remboursement de la somme 12.806,76 euros représentant la différence entre la somme reçue par la banque 24.678,87 euros et un semestre d'intérêts soit 11.872,11 euros,

A titre subsidiaire, au visa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation,

- de déclarer abusive la clause litigieuse,

- de l'annuler ou la réputer non écrite,

- de condamner le Crédit agricole au remboursement de 20.799,61 euros correspondant à l'indemnité financière calculée et reçue par la banque,

En tous cas, vu les articles 1134 et 1147 du Code Civil, de :

- juger fautif le comportement de la banque,

En conséquence,

- condamner la banque au paiement de la somme de 5.630,18 euros de dommages et intérêts pour réparer ses préjudices,

- juger irrecevable comme nouvelle la prétention de la banque à la condamnation de la SCI au paiement du découvert bancaire du compte n° [...],

- condamner la banque au paiement des dépens de première instance et d'appel et de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle a fait valoir que les raisonnements résultant de l'application de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2014 devaient être écartés comme étrangers au litige, que la discussion se limitait à l'indemnité de remboursement anticipé, dont elle a soulevé l'illicéité et subsidiairement, la nullité. Elle a exposé que les prêts avaient des fins non professionnelles, en dépit de leur montant, compte tenu du caractère familial de la SCI, les statuts excluant la vente des immeubles, la jurisprudence reconnaissant parfois aux SCI la protection du code de la consommation, alors qu'elle ne gère pas une entreprise, que les associés ne travaillent pas dans l'immobilier. Elle a fait valoir que l'indemnité de remboursement anticipé pratiquée par la banque doublait le plafond légal, qu'elle était abusive, que même un professionnel pouvait soulever ce moyen, se fondant sur le déséquilibre entre les droits et obligations des parties. Elle a développé le défaut de cause de la clause et le défaut de justification de son calcul mathématique, dont elle a dénoncé l'opacité et développé la critique. Elle a estimé que la banque avait manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi, ayant tardé à répondre lorsqu'elle avait voulu renégocier les prêts, ayant refusé le ré-aménagement, lui causant un préjudice, résultant du paiement indu de quatre primes et de la différence entre les montants des échéances. Elle a fait valoir la nouveauté en appel de la demande de la banque.

 

Par dernières conclusions communiquées le 5 décembre 2017, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse a demandé, vu les articles L. 132-1 et suivants L. 312-3 (ancien) du code de la consommation, 1131, 1134 et 1147 du Code civil,

A titre principal, de :

- constater que la SCI G. a pour objet social « l'acquisition, la gestion et la location de tous biens immobiliers »,

- constater que la SCI G. n'est pas un consommateur mais un professionnel,

- dire que le code de la consommation n'est pas applicable aux prêts N° 73XX483, N° 73YY210, N° 73ZZ987, N° 73WW543 et N° 73VV491,

- constater que la clause relative aux « conditions de remboursement anticipé » prévue dans lesdits prêts a bien une cause valide,

- juger que la clause relative aux « conditions de remboursement anticipé » n'est pas abusive,

- constater que le Crédit Agricole n'a commis aucune faute susceptible de causer un préjudice à la SCI G.,

- débouter la SCI G. de ses demandes,

- confirmer le jugement,

A titre reconventionnel, de :

- condamner la SCI G. à lui payer la somme de 5.893,65 euros en principal, frais et accessoires au titre du compte courant professionnel N°[...], avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation, jusqu'à complet règlement, à capitaliser en application de l'article 1154 du Code Civil,

- condamner la SCI G. au paiement des dépens et de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle a fait valoir que l'objet social de la SCI conférait aux prêts une nature professionnelle, confirmée par leur destination : l'agrandissement et la rénovation de locaux à usage locatif et que les articles L.312-1 et L. 132 et suivants du code de la consommation, n'ont pas vocation à s'appliquer et qu'une SCI n'est pas un consommateur. Elle a ajouté que l'indemnité de remboursement anticipé était causée, s'agissant du manque à gagner subi par le prêteur et que les contrats des autres banques ne lui étaient pas opposables. Elle a contesté son caractère abusif, ses modalités de calcul n'étant ni imprécises, ni confuses, ni incalculables et elle a décrit l'application de la clause à chaque prêt. Elle a exposé qu'elle n'avait causé aucun préjudice à la SCI Elle a réclamé le remboursement d'un solde débiteur d'un compte courant professionnel faisant valoir qu'elle n'avait pas pu formuler sa demande antérieurement, le tribunal d'instance d'Ajaccio ayant rejeté cette prétention le 6 août 2016 en considération de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance et que les dommages et intérêts réclamés visaient à compenser cette demande.

 

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2017.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 19 avril 2018. A cette audience, l'affaire a été renvoyée en raison d'un mouvement de grève du barreau à l'audience du 21 juin 2018.

L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2018.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Pour statuer comme il l'a fait le tribunal de grande instance d'Ajaccio a considéré que le montant des prêts ne permettait pas d'exclure un motif professionnel en dépit des liens familiaux unissant les professionnels. Il a estimé que la preuve de l'absence de cause de l'indemnité de remboursement anticipé n'était pas rapportée, qu'elle n'était pas imprécise, que le prêteur n'avait aucune obligation de recevoir la demande de renégociation du prêt et que la SCI était à l'origine du délai écoulé entre la production des décomptes et le remboursement.

 

Sur le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation :

En application des dispositions de l'article L. 312-3 du code de la consommation applicable au litige, sont exclus du champ d'application du chapitre relatif aux prêts immobiliers, notamment, ceux destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.

Il résulte de l'acte de constitution de la SCI du 30 octobre 2004, qu'elle a pour objet l'acquisition, la vente, la gestion et la location de tous biens immobiliers et généralement toutes opérations pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou susceptibles d'en favoriser le développement pourvu qu'elles ne modifient pas le caractère civil de la société. Il s'agit donc d'une société, immatriculée. Si la pièce produite comporte une surcharge sur le terme « vente » à défaut d'une rature approuvée s'agissant d'un acte notarié, la vente fait partie de l'objet social.

Le capital social est de 372.830 euros, la société est propriétaire d'un immeuble à [ville B.] comportant deux appartements, d'une propriété en ruine sur quatre étages à [ville B.], d'un immeuble, comportant deux caves, deux appartements, un grenier et un droit de surélévation à [ville P.], aucun de ces biens n'est décrit comme étant l'habitation principale de l'un ou l'autre des associés, ce qui confirme le caractère professionnel de la SCI De surcroît, la nature des prêts dont les contrats sont versés au débat exclut également leur caractère privé :

- prêt d'investissement immobilier fixe avec anticipation de 396.000 euros du 25 novembre 2006, destiné à l'agrandissement, aux réparations à usage locatif, « hors code de la consommation »,

- prêt immobilier « hors code de la consommation de 18 000 euros du 20 octobre 2008, destiné à l'agrandissement, aux réparations à usage locatif,

- prêt expressément « hors code de la consommation » du 20 janvier 2006 de 354 000 euros. Enfin, le compte courant est un compte professionnel.

Il en résulte sans qu'il soit besoin de suivre plus avant le raisonnement des parties, relativement à la profession ou au statut fiscal des associés ou de procéder aux constats sollicités, que les prêts, qui avaient pour objet le financement d'une opération d'agrandissement et de réhabilitation d'immeubles en vue de leur location et sans occupation personnelle, qui pour certains étaient expressément exclus du champ d'application du code de la consommation, ont été accordés pour les besoins professionnels de la SCI et non pour les besoins d'un simple consommateur. En conséquence, ils ne peuvent bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation.

 

Sur la clause d'indemnité de remboursement anticipé :

En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation applicable au litige, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Se fondant sur un arrêt Cour de Cassation du 4 février 2016, l'appelante fait valoir qu'elle n'a pas la qualité de professionnel et que même si elle l'avait, elle peut revendiquer le caractère abusif d'une clause pour qu'elle soit réputée non écrite.

Suivant le même article, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat (...) les clauses abusives sont réputées non écrites ; l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

La SCI G. qui n'est pas un professionnel des services bancaires, peut opposer le caractère éventuellement abusif de la clause, quand même elle serait un professionnel de l'acquisition, la vente, la gestion et la location de tous biens immobiliers.

En application des dispositions de l'article L. 312-21 du code de la consommation, applicable au litige, l'emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, les prêts régis par les sections 1 à 3 du présent chapitre ; le contrat de prêt peut interdire les remboursements égaux ou inférieurs à 10 % du montant initial du prêt, sauf s'il s'agit de son solde ; si le contrat de prêt comporte une clause aux termes de laquelle, en cas de remboursement par anticipation, le prêteur est en droit d'exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus, celle-ci ne peut, sans préjudice de l'application de l'article 1152 du code civil, excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.

La prévision d'une indemnité de remboursement anticipé découle de la réparation du manque à gagner subi par la banque en cas de remboursement anticipé du prêt. Suivant l'article L. 312-21 du code de la consommation applicable au litige, l'emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, les prêts régis par les sections 1 à 3 du présent chapitre (...) si le contrat de prêt comporte une clause aux termes de laquelle, en cas de remboursement par anticipation, le prêteur est en droit d'exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus, celle-ci ne peut, sans préjudice de l'application de l'article 1152 du code civil, excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret. L'article R. 312-2 du code de la consommation applicable au litige prévoit qu'en cas de remboursement par anticipation, l'indemnité ne peut excéder la valeur d'un semestre d'intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement ; dans le cas où un contrat de prêt est assorti de taux d'intérêts différents selon les périodes de remboursement, l'indemnité prévue à l'alinéa précédent peut être majorée de la somme permettant d'assurer au prêteur, sur la durée courue depuis l'origine, le taux moyen prévu lors de l'octroi du prêt.

En l'espèce, les contrats sont à taux fixe. L'indemnité de remboursement anticipé prévue est une indemnité de gestion égale à deux mois d'intérêts sur le capital remboursé et une indemnité financière, calculée selon les modalités reprises dans les écritures. Or, s'agissant de prêts à taux fixes, seule la valeur d'un semestre d'intérêts sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement pouvait être réclamée. Autrement dit, la clause de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé n'est pas conforme aux prévisions du texte en ce qu'elle comprend également une indemnité financière.

De plus, les modalités de calcul de l'indemnité financière, telles qu'elles figurent au contrat, caractérisent un déséquilibre entre les parties. Ainsi, elles énoncent : l'indemnité financière qui prend en compte une baisse des taux qui « sera mesurée par l'évolution du taux de l'échéance constante à dix ans (TEC10) entre la date de réalisation du prêt la date à laquelle aura lieu le remboursement anticipé (dernier TEC10 connu). L'index de référence et la moyenne mensuelle desTEC10 journaliers d'un mois donné (TEC10= taux de l'échéance constante à dix ans calculés sous l'égide du comité de normalisation obligataire). L'index de référence sera déterminé le jour de la réalisation et du remboursement anticipé : entre le premier et le cinq du mois M, l'index retenu sera celui du mois M-2 entre le six et la fin du mois M, l'index retenu sera celui du mois M-1. Le montant de cette indemnité sera fonction de la durée restant à courir. Cette indemnité financière est égale à un nombre M de mois d'intérêts, calculée au taux d'intérêt courant du prêt sur le capital remboursé par anticipation, le nombre M de mois d'intérêt est déterminé comme suit : s'il s'agit d'un prêt amortissable « capital et intérêts » M=(TECa-TECb) x durée en nombre de mois restant à courir jusqu'à l'échéance finale normale du prêt)/(taux d'intérêt du prêt x2) avec TECa =TEC10 associés la date de réalisation et TECb =TEC10 associés la date de remboursement anticipé, sachant que le nombre M est limité un plancher de trois mois et un plafond de douze mois d'intérêts ».

Ce calcul tel qu'il est détaillé comprend des indications qui ne peuvent être connues que du prêteur, de sorte que la clause revêt un caractère abusif. D'ailleurs, la réponse adressée par la banque le 27 juin 2014, relative à cette indemnité financière qui « a nécessité d'effectuer d'importantes recherches » met en évidence la complexité du calcul et consécutivement le déséquilibre entre les parties au contrat.

La clause abusive est réputée non écrite mais elle laisse survivre le contrat, l'appelante est fondée à réclamer le remboursement par la banque de la somme, non contestée en son montant de 12.806,76 euros représentant la différence entre la somme perçue par la banque (24.678,87 euros) et un semestre d'intérêts (11.872,11 euros), c'est-à-dire l'indemnité de remboursement anticipé conforme au texte diminuée de l'indemnité financière.

 

Sur les autres demandes de la SCI :

La demande d'annulation de cette clause de la convention est formée à titre subsidiaire, elle n'a pas lieu d'être examinée étant fait droit à la demande tendant à la réputer non écrite.

La SCI G. ne prouve pas que le retard de rachat des prêts est imputable au créancier. La demande a été formulée le 7 octobre 2013, un décompte de remboursement anticipé lui a été adressé le même jour. Elle doit être déboutée de sa demande de paiement de la somme de 5.279,70 euros correspondants à la différence entre les mensualités du premier prêt et celles du prêt renégocié avec le Crédit Lyonnais du 10 octobre 2013 au 10 février 2014 et de la demande consécutive de remboursement de la garantie décès liée aux prêts.

 

Sur la demande reconventionnelle de la banque :

En application des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. L'article 567 du Code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Par jugement du 8 août 2016, le tribunal d'instance d'Ajaccio a déclaré la demande de paiement du solde d'un compte courant professionnel « irrecevable en vertu de l'autorité de chose jugée et par application du principe de concentration de moyens ». La banque n'a pas interjeté appel de cette décision, en dépit de la circonstance que cette demande qui n'avait pas été formulée dans la présente instance, ne pouvait avoir été jugée.

En tout état de cause, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la seule condition de se rattacher aux prétentions initiales par un lien suffisant. La SCI G. qui a soutenu devant le tribunal d'instance que ce lien était suffisant pour opposer un principe de concentration des demandes, ne peut se contredire et soutenir devant la cour que ce lien est insuffisant pour constituer une demande reconventionnelle. L'interdiction des demandes nouvelles en appel résulte du principe du double degré de juridiction, dont la demande bénéficie par la décision du tribunal d'instance dont il n'a pas été interjeté appel. De surcroît, cette demande résulte d'un fait nouveau (la décision du tribunal d'instance d'Ajaccio) et oppose compensation aux prétentions adverses. La demande est donc recevable.

L'existence du solde débiteur du compte professionnel litigieux n'est pas contestée, elle résulte en ses principe et montant des relevés de comptes produits. Ce solde a été réclamé notamment par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juillet 2014. La SCI G. doit donc être condamnée à payer à la banque la somme de 5.893,65 euros au titre du solde débiteur du compte avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2014, date de la demande en justice reprise dans le jugement. La capitalisation des intérêts existe par l'effet de la loi, dès lors que les intérêts sont dus pour une année entière.

Chacune des parties succombe pour une part. Il convient de faire masse des frais et dépens et de les répartir par moitié entre la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse d'une part et la SCI

Gamerocca. L'économie de la décision ainsi rendue exclut de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au profit de l'une ou l'autre des parties.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

- Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- Déclare la clause augmentant l'indemnité de remboursement anticipé d'une indemnité financière abusive et la répute non écrite,

- Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse à payer à la SCI G. la somme de douze mille huit cent six euros et soixante seize centimes (12.806,76 euros) représentant l'indemnité financière,

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

- Condamne la SCI G. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse la somme de cinq mille huit cent quatre vingt treize euros et soixante cinq centimes (5.893,65 euros) au titre du solde débiteur du compte avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2014 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- Fait masse des frais et dépens et les répartit par moitié entre la SCI G. d'une part et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse,

- Déboute les parties de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,