CA RENNES (1re ch.), 22 janvier 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7824
CA RENNES (1re ch.), 22 janvier 2019 : RG n° 16/02883 ; arrêt n° 31/2019
Publication : Jurica
Extrait : « Les mandats de vente des 13 et 16 juillet 2012 prévoient que le bien sera proposé à la vente au prix de 140.000 euros net vendeur et que la rémunération du mandataire sera de 11.800 euros. Ils prévoient en outre que : « Pendant la durée du mandat, et durant les 12 mois suivant son terme, le mandant devra informer le mandataire en cas de vente du bien, en lui communiquant, par lettre recommandée avec accusé de réception, les coordonnées de l'acquéreur et du notaire chargé de la rédaction de l'acte authentique, la date de signature sous-seing-privé ainsi que le prix de vente.
En cas de non-respect d'une des obligations ci-dessus mentionnées en caractères gras le mandant versera au mandataire, à titre de dommages et intérêts, une indemnité forfaitaire qu'il accepte entièrement et définitivement, d'un montant égal à la rémunération stipulée ci-contre. »
Les consorts X. soutiennent que cette clause est abusive en ce qu'elle sanctionne le défaut d'envoi d'un courrier par le paiement de sommes « pourtant encadrées par la Loi Hoguet ».
Il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat.
Il résulte des dispositions combinées des article 6-I et 7 de la loi du 2 janvier 1970 et 78 du décret du 20 juillet 1972, dans leur rédaction applicable au litige que lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant, si elle est mentionnée en caractères très apparents, et que ces effets sont limités dans le temps.
La clause de l'espèce n'est pas au nombre des clauses présumées abusives de manière irréfragable énumérées à l'article R. 212-1 du code de la consommation, elle est rédigée en caractères apparents et explique sans équivoque l'étendue de l'obligation du mandant, elle est limitée dans le temps. De plus, elle doit être appréciée au regard du paragraphe précédent de la clause pénale qui interdit au mandant, pendant la durée du mandat et durant 12 mois au-delà de son terme, de vendre à un acquéreur qui lui aura été présenté par le mandataire au cours du mandat sans le concours de ce dernier.
Ainsi, l'obligation d'informer a pour finalité d'une part, d'éviter que soit dissimulé par le mandant, son manquement à l'obligation qui résulte de l'interdiction pendant la durée du mandat et les 12 mois suivants de vendre sans le concours du mandataire à un acquéreur que ce dernier lui a présenté et d'autre part, de permettre, le cas échéant, au mandataire de trouver un acquéreur avant la signature de l'acte authentique de vente.
Ainsi, cette clause ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dès lors d'une part, que le mandataire qui a fourni un travail sans pouvoir percevoir d'honoraires par la faute du mandant doit pouvoir obtenir une indemnisation ; et d'autre part, que le montant des dommages et intérêts prévu dans une clause pénale reste soumis à l'appréciation du juge.
Par acte authentique du 30 août 2013, les consorts X. ont vendu leur bien à Monsieur Y. Ils en ont avisé la société Foncia par lettre du 28 janvier 2014. Cette information postérieure à l'acte authentique constitue de la part des mandants un manquement à leur obligation qui était d'informer le mandataire préalablement à l'acte authentique de vente. Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Foncia de sa demande au titre de la clause pénale du contrat de mandat. Mais dès lors qu'il n'est ni justifié ni même allégué par la société Foncia d'une part, quelle avait présenté Monsieur Y. aux vendeurs, et d'autre part, qu'elle pouvait proposer un acquéreur à de meilleures conditions que Monsieur Y., le montant de la clause pénale est manifestement excessif au regard du préjudice subi par la société Foncia. Le montant de la clause pénale sera réduit à la somme de 5.000 euros. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 22 JANVIER 2019
- 5806 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (5) - Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 - Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009
- 5985 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Présentation générale
- 6009 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation globale
- 6120 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Principes
- 6331 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence immobilière - Mandat de vente ou de location