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CA ANGERS (ch. A com.), 26 novembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. A com.), 26 novembre 2019
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), 1re ch. A
Demande : 16/02312
Date : 26/11/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/08/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8182

CA ANGERS (ch. A com.), 26 novembre 2019 : RG n° 16/02312

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mme Y. s'oppose à la restitution du véhicule ordonnée par le premier juge sur deux moyens. Elle conclut à la nullité de la clause de réserve de propriété que revendique l'organisme prêteur, ou à tout le moins à son inopposabilité et fait observer en second lieu et subsidiairement qu'elle ne peut restituer un véhicule qu'elle ne détient plus pour l'avoir revendu.

L'intimée produit aux débats un document intitulé « Stipulation d'une clause de réserve de propriété avec subrogation au profit de Somafi (prêteur) » signé par le vendeur du véhicule, la société Masselco, par l'emprunteur et le prêteur et qui précise : « Le vendeur et l'acheteur emprunteur conviennent expressément que la vente est réalisée avec une clause de réserve de propriété au profit du vendeur. Le transfert de propriété à l'acheteur emprunteur est subordonné au complet paiement du prix (...) Conformément à l'article 1250-I° du code civil le prêteur qui a réglé le solde du prix de vente est subrogé dans les droits et actions du vendeur nés de la présente clause de réserve de propriété et ce, jusqu'au remboursement complet de sa créance (...) ». Il est encore mentionné qu'en cas de défaillance de sa part l'acheteur emprunteur s'engage à restituer le bien à première demande du prêteur et que le prêteur sera valablement fondé à engager toutes les poursuites lui permettant de récupérer le véhicule pour le vendre aux enchères et affecter le prix de cette vente au règlement de sa créance totale.

L'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne. Or, n'apparaît pas être l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur. Il s'ensuit qu'apparaît donc inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule, sur le fondement de l'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. Dès lors, le fait que l'appelante a signé la stipulation d'une clause de réserve de propriété portant les mentions plus haut rappelées et accepté la subrogation ne saurait, à raison du caractère inopérant de cette subrogation consentie par le vendeur, justifier la demande de restitution du véhicule.

En effet la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016. Cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive, la sanction attachée au caractère abusif de la clause étant son inopposabilité à l'appelante et non sa nullité.

La société Somafi ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution.

Le jugement sera infirmé qui a condamné l'appelante à restitution sous astreinte. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2019