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TGI PARIS, 17 octobre 2019

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS, 17 octobre 2019
Pays : France
Juridiction : Paris (TGI)
Demande : 16/01008
Date : 17/10/2019
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Juris Data
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2019-018156
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8253

TGI PARIS, 17 octobre 2019 : RG n° 16/01008

Publication : Juris-Data n° 2019-018156

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

JUGEMENT DU 17 OCTOBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/01008.

Résumé

Sont illicites ou abusives quatorze clauses des conditions générales d'une plateforme internet de distribution en ligne de contenus numériques (jeux vidéo, logiciels, films, séries, etc.).

1/ Conditions générales d’utilisation de la plateforme

Alors que l'exploitant de la plateforme est une société de droit américain, les clauses relatives à la loi applicable et à la juridiction compétente ne donnent pas une information claire au consommateur. Ces clauses sont illicites au regard de l’article R. 111-2 du Code de la consommation.

Les clauses excluant toute responsabilité de l'exploitant de la plateforme pour les utilisations faites par les abonnés, pour les dommages causés aux ordinateurs des abonnés par les logiciels téléchargés depuis le site ou pour toute interruption de service sont abusives.

Les règles de fonctionnement du porte-monnaie électronique autorisent l'exploitant de la plateforme à ne pas restituer les crédits restants lorsque le souscripteur refuse des modifications et que le compte est fermé. Le site met en place un « substitut électronique » de la monnaie fiduciaire, pour une valeur égale à celle des fonds remis. Cette substitution provisoire fait naître une créance de remboursement au profit de l’utilisateur. En prévoyant que les fonds ne sont ni remboursables ni transférables, la clause est illicite au regard au regard des articles L. 133-3, L. 315-1, L. 315-2, L. 315-3, L. 521-3, L. 525-5 et L. 525-6 du Code monétaire et financier. Enfin, la faculté pour l'exploitation de résilier le contrat sans préavis, en cas de « comportement frauduleux de l'utilisateur ou ayant un effet négatif sur l'utilisation de la plateforme » constitue une clause illicite, en l'absence de définition claire et précise du comportement susceptible d'être sanctionné, ce qui donne à l'exploitant une faculté discrétionnaire d'appréciation.

L’article L. 612-4 du Code de la consommation prévoit qu'est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge. La clause qui impose une procédure de médiation avant tout procès est contraire à ce texte et constitue une entrave à l'action en justice du consommateur, de sorte qu'elle est abusive au sens de l’article R. 212-2-10° du Code de la consommation.

2/ Règles de protection des données personnelles

La clause qui attribue compétence à la « Commission fédérale du commerce » située aux Etats-Unis, sans mentionner que l’utilisateur peut tout simplement saisir la CNIL en cas d’échec de sa réclamation auprès de la société concernée pour le transfert de ses données personnelles vers les Etats-Unis, est illicite au regard des articles 68 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et des articles 13.2 (d) et 55.1 du RGPD. La clause est également abusive puisque l’éloignement est de nature à dissuader l’utilisateur, en raison des difficultés pratiques et du coût relatifs à leur accès, d’exercer toute action et de le priver de fait de tout recours de nature judiciaire à l’encontre de l'exploitant.

Est illicite, au regard des articles 6 et 32-II de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, des articles 4 et 5.1 du RGPD, la clause qui ne donne pas d'information claire sur l'usage des cookies, qui sont portant utilisés pour la collecte de données à caractère personnel. En l'absence d'information claire sur la définition et la fonction des cookies, le consommateur est dans l'impossibilité de donner un consentement éclairé.

3/ Règles relatives à la propriété intellectuelle.

Est contraire aux prescriptions des articles L. 131-1, L. 131-2, L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, lesquelles imposent au bénéficiaire de la cession, de préciser le contenu visé, les droits conférés ainsi que les exploitations autorisées par l'auteur du contenu protégé, la clause conférant à l'exploitant de la plateforme un droit « non exclusif » « mondial » et « pendant toute la durée de validité des droits de propriété intellectuelle sur tous les « contenus générés » par l’utilisateur, susceptibles d’être protégés par le droit d'auteur, et ce, à titre gratuit - la clause ne mentionnant aucune modalité de rémunération.

Est illicite la clause qui interdit aux utilisateurs de revendre ou de transférer les droits d’accès et d’utilisation des jeux vidéo qu’ils ont acquis sur la plateforme.

4/ Préjudice collectif

Le préjudice moral occasionné à l’intérêt collectif des consommateurs du fait des clauses ayant dû être déclarées réputées non-écrites sera arbitré à 20.000 euros.