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CA LIMOGES (ch. civ.), 30 octobre 2019

Nature : Décision
Titre : CA LIMOGES (ch. civ.), 30 octobre 2019
Pays : France
Juridiction : Limoges (CA), ch. civ.
Demande : 18/00863
Date : 30/10/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Legifrance
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8257

CA LIMOGES (ch. civ.), 30 octobre 2019 : RG n° 18/00863 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que la vente de l’installation photovoltaïque s’inscrit dans le cadre d’un projet d’alimentation électrique de grande ampleur puisqu’il concerne les toitures de trois bâtiments agricoles représentant des surfaces de 693 m², 1.696 m² et 4.500 m², ceci afin de couvrir les besoins en énergie de l’exploitation agricole de M. Y., ainsi que cela résulte de la proposition commerciale signée le 6 mars 2017 ; que cette proposition ainsi que le dossier technique, la fiche de règlement et le pouvoir/mandat donné à la société IEP ont été signés par M. Y. en sa qualité d’agriculteur éleveur, l’intéressé ayant apposé son tampon professionnel à côté de sa signature ; que ces documents ne font à aucun moment référence aux dispositions du code de la consommation; que l’on est donc en présence d’un achat de matériel réalisé par un agriculteur pour les besoins de son activité professionnelle, en sorte que ce contrat échappe au régime juridique issu du code de la consommation. »

2/ « Attendu que le jour même de la signature de sa commande, M. Y. a souscrit auprès de la société Sircam un crédit d’un montant de 12.600 euros destiné à financer le prix d’achat de l’installation photovoltaïque ; que ce contrat a été signé par M. Y. en sa qualité d’agriculteur éleveur comme en témoigne l’apposition de son tampon professionnel à côté de sa signature; qu’il y est expressément stipulé que « l’emprunteur atteste que le contrat de financement est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ; que les conditions générales du crédit, qui ne font à aucun moment référence aux dispositions du code de la consommation, organisent l’autonomie de ce contrat par rapport à la vente en prévoyant notamment que l’emprunteur ne pourra refuser ou différer le paiement des échéances de remboursement en prétextant un litige avec le vendeur à raison notamment de problèmes de livraison ou de vices affectant le bien vendu ou de mauvais fonctionnement de celui-ci (article 2 et 3 bis); qu’il s’ensuit que, même s’ils ont été conclus le même jour, le contrat de vente et le contrat de crédit - même affecté au financement du bien vendu - restent juridiquement indépendants l’un de l’autre ainsi que cela ressort expressément de la volonté exprimée par les parties ; que la nullité de la vente n’affecte donc pas la validité du contrat de crédit qui doit recevoir exécution ».

3/ « que M. Y. ne peut se dégager de son obligation de règlement des sommes restant dues au titre de ce contrat en prétextant une faute commise par la société Sircam à l’occasion du déblocage des fonds, cet établissement de crédit n’étant pas tenu à une obligation de surveillance du déroulement et de la bonne exécution du chantier. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/00863. N° Portalis DBV6-V-B7C-BH3E7. Ordonnance CME 6 février 2019 ayant constaté la caducité partielle de la DA à l’égard de Maître C. X. mandataire de la SARL IEP CONSEIL - Ordonnance CME 6 février 2019 ayant constaté la caducité partielle de la DA à l’égard de la SARL IEP CONSEIL. NC : demande en nullité d’un contrat de prestation de services.

Le trente Octobre deux mille dix-neuf la Chambre civile de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

 

ENTRE :

APPELANTE :

SAS SIRCAM

dont le siège social est sis au [adresse], représentée par Maître VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES, par Maître TROMBETTA de la SELARL LEXI CONSEIL & DEFENSE, avocats au barreau de SAINT-ÉTIENNE, APPELANTE d’un jugement rendu le 16 JUILLET 2018 par le TRIBUNAL D’INSTANCE DE LIMOGES

 

ET :

INTIMÉS :

M. Y.

de nationalité britannique, né le [date] à [ville], Profession : Agriculteur, demeurant [adresse], représenté par Maître Frédéric LONGEAGNE, avocat au barreau de LIMOGES, substitué par Maître Julien REIX, avocat au barreau de LIMOGES

Maître C. X. mandataire de la SARL IEP CONSEIL

Ordonnance CME 06/02/2019 ayant constaté la caducité partielle de la DA à l’égard de Maître C. X. mandataire de la SARL IEP CONSEIL, de nationalité française, demeurant [adresse], défaillant

SARL IEP CONSEIL

Ordonnance CME 06/02/2019 ayant constaté la caducité partielle de la DA à l’égard de la SARL IEP CONSEIL, dont le siège social est sis au [adresse], défaillante

 

Selon avis de fixation de la Présidente de Chambre chargée de la Mise en Etat, l’affaire a été fixée à l’audience du 18 septembre 2019 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 23 octobre 2019.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2019.

Conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Mme Marie-Laure LOUPY, Greffier, a tenu seul l’audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leur client et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 octobre 2019, par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Monsieur Gérard SOURY, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Johanne PERRIER, Présidente de Chambre, de lui-même et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR :

FAITS et PROCÉDURE :

A la suite d’un démarchage à domicile, M. Y., ressortissant britannique exploitant agricole à [adresse] a passé commande, le 6 mars 2017, auprès de la société IEP Conseil d’une installation photovoltaïque d’un prix de 12.600 euros TTC financé par un crédit affecté du même montant consenti le même jour par la société Sircam.

La société IEP ayant été mise en liquidation judiciaire le 4 juillet 2017, M. Y., qui lui reprochait d’avoir manqué à ses obligations contractuelles, a déclaré une créance de 13.860 euros en principal et intérêts.

M. Y. a assigné le liquidateur judiciaire de la société IEP, Maître C. X., et la société Sircam devant le tribunal d’instance de Limoges pour :

- voir prononcer la nullité de la vente ainsi que celle du crédit affecté,

- être dispensé de rembourser le capital emprunté,

- obtenir le remboursement des échéances payées,

- obtenir paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 16 juillet 2018, le tribunal d’instance a accueilli les prétentions de M. Y., à l’exception de sa demande de dommages-intérêts.

La société Sircam a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 6 février 2019, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d’appel à l’égard de la société IEP et du liquidateur de cette société.

 

MOYENS et PRÉTENTIONS :

La société Sircam conclut au rejet des demandes formées par M. Y. à son encontre et à la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 9.182 euros, outre les intérêts au taux légal, restant due au titre du prêt. Cette société fait valoir que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables au litige. Subsidiairement, elle demande la condamnation de M. Y. à lui restituer le capital emprunté.

M. Y. conclut à la confirmation du jugement, sauf à lui allouer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

La société IEP et son liquidateur n’ont pas constitué avocat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que la société Sircam reproche au premier juge d’avoir, à tort, fait application des dispositions du code de la consommation, en soutenant que M. Y. n’a pas contracté en qualité de consommateur au sens de ce code.

Attendu que la vente de l’installation photovoltaïque s’inscrit dans le cadre d’un projet d’alimentation électrique de grande ampleur puisqu’il concerne les toitures de trois bâtiments agricoles représentant des surfaces de 693 m², 1.696 m² et 4.500 m², ceci afin de couvrir les besoins en énergie de l’exploitation agricole de M. Y., ainsi que cela résulte de la proposition commerciale signée le 6 mars 2017 ; que cette proposition ainsi que le dossier technique, la fiche de règlement et le pouvoir/mandat donné à la société IEP ont été signés par M. Y. en sa qualité d’agriculteur éleveur, l’intéressé ayant apposé son tampon professionnel à côté de sa signature ; que ces documents ne font à aucun moment référence aux dispositions du code de la consommation; que l’on est donc en présence d’un achat de matériel réalisé par un agriculteur pour les besoins de son activité professionnelle, en sorte que ce contrat échappe au régime juridique issu du code de la consommation.

Attendu qu’il est constant que la société IEP, qui est en liquidation judiciaire, n’a pas livré l’installation commandée et n’a pas commencé les travaux, ni procédé aux formalités administratives préalables à l’ouverture du chantier ; qu’en l’état de cette inexécution de ses obligations contractuelles, c’est à juste titre que le premier juge a prononcé la résolution du contrat de vente du 6 mars 2017.

Attendu que le jour même de la signature de sa commande, M. Y. a souscrit auprès de la société Sircam un crédit d’un montant de 12.600 euros destiné à financer le prix d’achat de l’installation photovoltaïque ; que ce contrat a été signé par M. Y. en sa qualité d’agriculteur éleveur comme en témoigne l’apposition de son tampon professionnel à côté de sa signature; qu’il y est expressément stipulé que « l’emprunteur atteste que le contrat de financement est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ; que les conditions générales du crédit, qui ne font à aucun moment référence aux dispositions du code de la consommation, organisent l’autonomie de ce contrat par rapport à la vente en prévoyant notamment que l’emprunteur ne pourra refuser ou différer le paiement des échéances de remboursement en prétextant un litige avec le vendeur à raison notamment de problèmes de livraison ou de vices affectant le bien vendu ou de mauvais fonctionnement de celui-ci (article 2 et 3 bis); qu’il s’ensuit que, même s’ils ont été conclus le même jour, le contrat de vente et le contrat de crédit - même affecté au financement du bien vendu - restent juridiquement indépendants l’un de l’autre ainsi que cela ressort expressément de la volonté exprimée par les parties ; que la nullité de la vente n’affecte donc pas la validité du contrat de crédit qui doit recevoir exécution ;

que le jugement sera réformé en ce qu’il a annulé ce contrat en conséquence de l’annulation de la vente sur le fondement des dispositions du code de la consommation.

Attendu, par voie de conséquence, que les sommes versées par M. Y. à la société Sircam en exécution du contrat de crédit restent acquises à cette société ; que M. Y. ayant cessé de rembourser son crédit à compter de l’échéance de juillet 2017, la société Sircam, après mise en demeure infructueuse reçue par le débiteur le 17 août 2017, a prononcé la résiliation du contrat de prêt, conformément aux conditions générales de ce contrat (article 8) ; que M. Y. ne peut se dégager de son obligation de règlement des sommes restant dues au titre de ce contrat en prétextant une faute commise par la société Sircam à l’occasion du déblocage des fonds, cet établissement de crédit n’étant pas tenu à une obligation de surveillance du déroulement et de la bonne exécution du chantier ; que les sommes restant dues à la société Sircam au titre du contrat de financement s’élevant au montant de 9.182 euros, M. Y. sera condamné au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2017, date de réception de la mise en demeure.

Attendu que la défaillance de la société IEP dans l’exécution de ses obligations contractuelles est à l’origine d’un préjudice moral pour M. Y. qui a inutilement contracté un crédit et s’est vu privé des avantages qu’il pouvait légitimement attendre de l’installation photovoltaïque qu’il avait commandé; qu’il convient de fixer à la somme de 3.000 euros le montant des dommages-intérêts qui sera inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la société IEP en réparation de son préjudice moral.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal d’instance de Limoges le 16 juillet 2018, mais seulement en sa disposition prononçant la nullité du contrat de vente conclu le 6 mars 2017 entre M. Y. et la société IEP Conseil ;

Le RÉFORME pour le surplus et statuant à nouveau,

CONDAMNE M. Y. à payer à la société Sircam la somme de 9.182 euros restant due au titre du contrat de financement du 6 mars 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2017 ;

FIXE à la somme de 3.000 euros la créance indemnitaire due à M. Y. en réparation de son préjudice moral, à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société IEP Conseil ;

FIXE à la somme de 3.500 euros l’indemnité due à M. Y. sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société IEP Conseil ;

DIT que les dépens seront pris en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société IEP Conseil.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,

Marie-Laure LOUPY.         Johanne PERRIER.