CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA VERSAILLES (3e ch.), 19 décembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 19 décembre 2019
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 19/04324
Date : 19/12/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/06/2019
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8281

CA VERSAILLES (3e ch.), 19 décembre 2019 : RG n° 19/04324 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La législation protectrice du consommateur a pour objet de compenser le déséquilibre existant entre un professionnel connaissant parfaitement le bien ou le service qu'il propose, et un tiers ignorant dans ce domaine. Or le simple fait que le bien ou le service commandé serve l'activité professionnelle du client ne confère à ce dernier aucun avantage de nature à rééquilibrer les rapports contractuels, alors que tel est le cas si le bien ou le service proposé présente des caractéristiques propres suffisamment proches de son activité.

En l'espèce, s'il est vrai que l'activité exercée par la SCP exige l'utilisation importante de photocopieurs, il ne saurait être considéré qu'elle dispose, sur l'acquisition, la location ou l'utilisation de photocopieurs, de connaissances susceptibles de rééquilibrer le contrat, puisque son activité principale consiste à gérer les intérêts d'autrui conformément aux mandats qui lui sont confiés, l'utilisation de photocopieurs ne constituant qu'un moyen matériel d'exercer cette activité, qui est fondamentalement différente. Elle doit donc bénéficier de la protection prévue par la loi au bénéfice d'un consommateur.

Il sera donc jugé que la SCP disposait d'un droit de rétractation, qu'elle a régulièrement exercé le jour même de la conclusion des contrats litigieux, en des termes non équivoques et par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui n'est pas contesté.

Le contrat de maintenance, qui est indivisible du contrat de location souscrit, doit également être considéré comme ayant fait l'objet de la rétractation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/04324. N° Portalis DBV3-V-B7D-TIMF. Code nac : 59C. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE (7e ch.), RG n° 17/11512.

LE DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SCP H. anciennement dénommée SCP G.-H.

RCS n° XXX, [...] [...], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Représentant : Maître Martine D. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1961921. Représentant : Maître Vincent G., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1719 substitué par Maître Sébastien H., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0278

 

INTIMÉE :

SARL GED SYSTEM

N° SIRET : YYY, [...] [...], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Christophe W. de la SELARL W. LEGAL, Postulant et Plaidant, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 453

****************

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Véronique BOISSELET, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 23 mai 2017, la SCP H. (la SCP) a signé au profit de la société GED System un bon de commande pour la location de matériels de photocopies. Les parties ont en outre conclu un contrat de maintenance le même jour. Par lettre recommandée du 23 mai 2017, la SCP a informé la société GED System de sa volonté de résilier les contrats.

La société GED System a refusé cette résiliation.

Par acte du 17 novembre 2017, la société GED System a assigné la SCP en paiement de diverses sommes devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 6 juin 2019, ce tribunal a :

- ordonné l'exécution forcée du contrat de location et du contrat de maintenance conclus le 23 mai 2017,

- condamné en conséquence la SCP à payer à la société GED System la somme de 849 euros HT par trimestre pendant 21 trimestres à compter de la première présentation à la livraison des matériels commandés,

- débouté la SCP de toutes ses demandes,

- condamné la SCP à payer à la société GED System la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

[*]

Par acte du 13 juin 2019, la SCP a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 25 octobre 2019, de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger qu'aucun contrat de location n'a jamais été conclu, dans la mesure où le bailleur pressenti, BNP Paribas Leasing Solutions, n'a jamais apposé sa signature sur le contrat litigieux,

- juger les contrats de location financière et de maintenance indivisibles,

- juger en conséquence nul et non avenu ou caduc le contrat de service-maintenance.

à titre subsidiaire :

- juger que les conventions considérées ne contenaient aucune référence au droit de rétractation pouvant être exercé, sous certaines conditions, par le cocontractant professionnel,

- juger que les contrats litigieux n'entraient pas dans le champ de l'activité principale de la SCP,

- juger, en tant que de besoin, qu'il importe peu que les relations contractuelles envisagées eussent un lien avec l'activité de la SCP,

- juger que la SCP disposait bien d'un droit de rétractation dont elle a régulièrement fait usage,

- débouter la société GED System de ses demandes,

- juger qu'en assignant la SCP qui avait fait régulièrement usage de son droit de rétractation, la société GED System a fait dégénérer son droit d'agir en abus,

- la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts,

- la condamner à lui payer la somme de 3.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec recouvrement direct.

[*]

Par dernières écritures du 31 juillet 2019, la société GED System prie la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions,

- condamner la SCP à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

[*]

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Le tribunal a jugé que l'utilisation de photocopieurs étant directement en lien avec l'activité d'une SCP d'administrateurs judiciaires, ceux-ci ayant été commandés pour l'exercice de cette activité, la SCP ne pouvait se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation. Il a également considéré que le contrat de location s'était valablement formé, le seul motif énoncé par la SCP dans sa lettre du 23 mai étant son souhait de contracter avec une autre entreprise.

La SCP fait valoir qu'aucun contrat ne s'est formé, puisque GED System n'entendait pas être bailleur, mais avait recours à un organisme de crédit-bail, en l'espèce la société BNP Paribas Leasing Solutions. Or le contrat signé de la SCP n'a jamais été soumis à cette société, qui ne l'a pas signé. Le prétendu contrat de location et le contrat de maintenance étant indissociable, ce dernier est devenu caduc. Elle observe en second lieu qu'employant moins de cinq salariés et l'objet du contrat querellé n'entrant pas dans le champ de son activité, elle bénéficiait d'un droit de rétractation dont elle a régulièrement fait usage.

La société GED System expose que le contrat s'est valablement formé et que rien ne s'oppose à son exécution forcée. Elle estime qu'en tant que professionnel ayant souscrit ce contrat pour les besoins de son activité, laquelle nécessite un usage intensif de photocopieurs, la SCP ne peut se prévaloir des dispositions protectrices de l'article L. 221-18 du code de la consommation.

* * *

Il n'est pas discuté que le contrat a été souscrit hors établissement et pour les besoins de l'activité de la SCP, laquelle justifie que le nombre de ses salariés ne dépasse pas cinq.

Sans qu'il soit utile de s'appesantir sur la validité des contrats souscrits, il sera rappelé que l'article L. 221-3 du code de la consommation dispose que le professionnel, employant cinq salariés au plus, qui souscrit hors établissement un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par le code de la consommation, et notamment d'un droit de rétractation de 14 jours.

La cour doit donc déterminer si l'usage intensif de photocopieurs entre dans le champ de l'activité principale d'un administrateur judiciaire.

La législation protectrice du consommateur a pour objet de compenser le déséquilibre existant entre un professionnel connaissant parfaitement le bien ou le service qu'il propose, et un tiers ignorant dans ce domaine. Or le simple fait que le bien ou le service commandé serve l'activité professionnelle du client ne confère à ce dernier aucun avantage de nature à rééquilibrer les rapports contractuels, alors que tel est le cas si le bien ou le service proposé présente des caractéristiques propres suffisamment proches de son activité.

En l'espèce, s'il est vrai que l'activité exercée par la SCP exige l'utilisation importante de photocopieurs, il ne saurait être considéré qu'elle dispose, sur l'acquisition, la location ou l'utilisation de photocopieurs, de connaissances susceptibles de rééquilibrer le contrat, puisque son activité principale consiste à gérer les intérêts d'autrui conformément aux mandats qui lui sont confiés, l'utilisation de photocopieurs ne constituant qu'un moyen matériel d'exercer cette activité, qui est fondamentalement différente. Elle doit donc bénéficier de la protection prévue par la loi au bénéfice d'un consommateur.

Il sera donc jugé que la SCP disposait d'un droit de rétractation, qu'elle a régulièrement exercé le jour même de la conclusion des contrats litigieux, en des termes non équivoques et par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui n'est pas contesté.

Le contrat de maintenance, qui est indivisible du contrat de location souscrit, doit également être considéré comme ayant fait l'objet de la rétractation.

Le jugement sera donc infirmé en ce que les demandes de GED System ont été accueillies

En revanche, la SCP ne démontrant pas l'abus du droit d'ester en justice commis par GED System, ni aucun préjudice découlant de la présente action autre que celui d'avoir à se défendre en justice qui a vocation à être réparé par l'application de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

GED System qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel, et contribuera aux frais de procédure exposés par la SCP à hauteur de 3 500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté celle rejetant la demande de dommages et intérêts formulée par la SCP H.,

Confirme le jugement de ce seul chef,

Statuant à nouveau sur le surplus,

Déboute la société GED System de toutes ses demandes,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct,

La condamne également à payer à la SCP H. la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,               Le Président,