CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 21 septembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8577
CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 21 septembre 2020 : RG n° 19/00310 ; arrêt n° 330
Publication : Jurica
Extrait : « Que la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Qu'ainsi cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive de sorte que la SA SOMAFI-SOGUAFI ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt. »
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00310. Arrêt n° 330. N° Portalis DBV7-V-B7D-DCEZ. Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal [d’instance] de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 9 novembre 2018, enregistrée sous le R.G. n° 11-18-000927.
APPELANTE :
SA SOMAFI-SOGUAFI
Dossier n° 11201552310, [...], [...], Représentée par Maître Gérard P., (TOQUE 16) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉ NON REPRÉSENTÉ :
Monsieur X.
[...], [...], signification de la déclaration d'appel, des conclusions et pièces le 17 mai 2019 par dépôt en l'étude.
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 22 juin 2020.
Par avis du 22 juin 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de : Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre, Madame Christine DEFOY, conseillère, Mme Joëlle SAUVAGE, conseillère, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 21 septembre 2020.
GREFFIER : Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRÊT :Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre préalable acceptée le 22 avril 2015, la SA SOMAFI-SOGUAFI a consenti à M. X. une offre de crédit accessoire à la vente d'un véhicule d'un montant de 24.690 euros remboursable par 72 mensualités de 439,09 euros hors assurance facultative.
Suite à des incidents de paiement, la société a, en date du 14 décembre 2017, adressé à l'emprunteur, une lettre recommandée ayant pour objet la notification de la déchéance du terme valant mise en demeure de lui régler sous huit jours le montant total des sommes restant dues en principal, intérêts et indemnités soit : 20.629,53 euros selon décompte du 14 décembre 2017.
Par exploit d'huissier en date du 20 avril 2018, la SA SOMAFI-SOGUAFI a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre aux fins de le voir condamné à lui restituer le véhicule objet du contrat et à lui payer les sommes suivantes :
- 20.629,53 euros avec les intérêts au taux conventionnel ;
- 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Selon jugement rendu le 9 novembre 2018, le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre a :
- prononcé la déchéance pour la SA SOMAFI-SOGUAFI de son droit aux intérêts contractuels ;
- condamné M. X. à verser à la SA SOMAFI-SOGUAFI la somme de 15.469,11 euros en remboursement du prêt ;
- dit que cette somme ne produira pas d'intérêts et ne pourra pas faire l'objet d'un intérêt au taux légal majoré ;
- débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt ;
- débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. X. au paiement des dépens.
Par déclaration en date du 13 mars 2019, la SA SOMAFI-SOGUAFI a interjeté appel de ce jugement.
Par acte d'huissier de justice remis à domicile le 17 mai 2019, elle a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à M. S. et l'a assigné à comparaître devant la cour.
L'ordonnance de clôture, qui est intervenue le 3 mars 2020, a fixé en application de l'alinéa 3 de l'article 779 du code de procédure civile, le dépôt des dossiers des avocats à la cour le 16 mars 2020. Compte tenu de la crise sanitaire et des mesures de confinement liées à la pandémie de COVID 19, le dépôt des dossiers des avocats à la cour a été renvoyé à la date du 4 janvier 2021 selon avis du 24 mars 2020. Par avis du greffe en date du 11 mai 2020, le dépôt des dossiers des avocats à la cour a été à nouveau renvoyé à la date du 22 juin 2020, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré jusqu'au 21 septembre 2020 pour son prononcé par mise à disposition au greffe.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Les dernières conclusions déposées le 8 mai 2019 par l'appelante auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit :
La SA SOMAFI-SOGUAFI demande de réformer la décision querellée en ce qu'elle l'a déchue du droit aux intérêts, et statuant à nouveau, de :
- dire et juger qu'elle a rapporté la preuve du respect de l'obligation d'établissement d'une recherche d'évaluation de la solvabilité de M. X. ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 20.629,53 euros avec les intérêts au taux légal ;
- ordonner à M. X., la restitution du véhicule objet du contrat ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le même au paiement des dépens distraits au profit de Maître P.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en paiement au titre du prêt à la consommation :
Attendu qu'aux termes de l'alinéa premier de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en application de l'article L 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ;
Qu'en l'espèce, la SA SOMAFI-SOGUAFI produit notamment l'offre de contrat de crédit signée le 22 avril 2015, la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) en date du 22 avril 2015, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, la fiche de dialogue de l'emprunteur (revenus et charges), son contrat de travail, ses bulletins de paie, son avis d'impôt et la lettre recommandée du 14 décembre 2017 ayant pour objet la notification de la déchéance du terme valant mise en demeure de lui régler sous huit jours le montant total des sommes restant dues, soit 20.629,53 euros ;
Que d'une part, ces documents prouvent l'obligation dont le prêteur réclame l'exécution en ses principe et montant ;
Que d'autre part, il en résulte que le prêteur justifie avoir satisfait à ses obligations d'informations précontractuelles prévues par les articles L. 311-6 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable en la cause ainsi qu'à son obligation de consultation du FICP prévue par l'article L. 311-9 du même code ;
Qu'ainsi le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance pour la SA SOMAFI-SOGUAFI de son droit aux intérêts ;
Attendu par ailleurs que le dernier décompte arrêté au 22 janvier 2018 présente une dette globale de 20.629,53 euros comprenant la somme de 2.889,78 euros au titre du solde impayé sur les mensualités échues, le capital restant dû d'un montant de 16.425,70 euros et l'indemnité conventionnelle de 8% du capital restant dû s'élevant ainsi à 1.314,05 euros ;
Qu'il conviendra ainsi sur le quantum d'infirmer le jugement déféré et de faire droit à la demande de l'appelante de voir condamner M. X. à lui payer la somme de 20.629,53 euros avec les intérêts au taux légal.
Sur la demande de restitution du véhicule :
Attendu que la SA SOMAFI-SOGUAFI sollicite que soit ordonnée la restitution du véhicule à l'organisme prêteur en application de la clause de réserve de propriété prévue au contrat ;
Qu'en effet l'offre de crédit acceptée le 22 avril 2015 comporte la stipulation d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur avec subrogation conventionnelle au profit du prêteur : « conformément à l'article 1250, 1° du code civil, le prêteur qui a réglé le solde du prix de vente est subrogé dans tous les droits et actions du vendeur nés de la présente clause de réserve de propriété, et ce, jusqu'au remboursement complet de sa créance » ;
Attendu cependant que selon l'article 1250, 1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ;
Qu'en l'espèce, n'apparaît pas être l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ;
Qu'il s'ensuit qu'apparaît donc inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule, sur le fondement de l'article 1250 1° du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Que dès lors, le fait que l'intimé a signé la stipulation d'une clause de réserve de propriété portant les mentions plus haut rappelées et accepté la subrogation ne saurait, à raison du caractère inopérant de cette subrogation consentie par le vendeur, justifier la demande de restitution du véhicule ;
Que la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Qu'ainsi cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive de sorte que la SA SOMAFI-SOGUAFI ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Attendu que l'intimé qui succombe sera condamné au paiement des dépens d'appel ;
Que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par défaut, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe ;
Infirme partiellement le jugement rendu le 9 novembre 2018 par le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance pour la SA SOMAFI-SOGUAFI de son droit aux intérêts contractuels ;
- condamné M. X. à verser à la SA SOMAFI-SOGUAFI la somme de 15.469,11 euros en remboursement du prêt ;
- dit que cette somme ne produira pas d'intérêts et ne pourra pas faire l'objet d'un intérêt au taux légal majoré ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit n'y avoir lieu à déchéance des intérêts ;
Condamne M. X. au titre du capital restant dû, du solde impayé sur les mensualités échues et de l'indemnité contractuelle de 8% du capital restant dû au jour de la déchéance du terme, à verser à la SCA SOMAFI-SOGUAFI la somme de 20.629,53 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2017 jusqu'au jour du règlement effectif ;
Y ajoutant,
Déboute en cause d'appel la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. au paiement des dépens d'appel dont distraction au profit de Maître P. en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Et ont signé le présent arrêt
La greffière La présidente
- 5742 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Droits et obligations du consommateur
- 6026 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre dans l’information - Informations connues du professionnel - Informations juridiques générales
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6060 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Droit de propriété
- 6629 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit affecté