CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 21 septembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8578
CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 21 septembre 2020 : RG n° 19/00315 ; arrêt n° 332
Publication : Jurica
Extrait : « Que la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Qu'ainsi cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive de sorte que la SA SOMAFI-SOGUAFI ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt. »
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00315. Arrêt n° 332. N° Portalis DBV7-V-B7D-DCFD. Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal d'instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 9 novembre 2018, enregistrée sous le n° 1118001757
APPELANTE :
SA SOMAFI-SOGUAFI
Dossier n° 11201552918, [...], [...], Représentée par Maître Gérard P., (TOQUE 16) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉS NON REPRÉSENTÉS :
Monsieur X.
[...], [...], signification de la déclaration d'appel, des conclusions et pièces le 20 mai 2019 à personne physique
Madame X.
chez Mme Z, [...], [...], signification de la déclaration d'appel, des conclusions et pièces le 20 mai 2019 à domicile
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 22 juin 2020.
Par avis du 22 juin 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de : Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre, Madame Christine DEFOY, conseillère, Mme Joëlle SAUVAGE, conseillère, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 21 septembre 2020.
GREFFIER : Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRÊT : Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre préalable acceptée le 17 juillet 2015, la SA SOMAFI-SOGUAFI a consenti à M. X. et Mme X. une offre de crédit accessoire à la vente d'un véhicule d'un montant de 13.690 euros remboursable par 72 mensualités de 240,16 euros hors assurance facultative.
Suite à des incidents de paiement, la société a, en date du 1er décembre 2017, adressé aux emprunteurs, des lettres recommandées ayant pour objet la notification de la déchéance du terme valant mise en demeure de lui régler sous huit jours le montant total des sommes restant dues en principal, intérêts et indemnités soit : 11.961,15 euros selon décompte du 20 novembre 2017.
Par exploit d'huissier en date du 19 juillet 2018, la SA SOMAFI-SOGUAFI a fait assigner M. X. et Mme X. devant le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre aux fins de les voir solidairement condamnés à lui restituer le véhicule objet du contrat et à lui payer les sommes suivantes :
- 11.961,15 euros avec les intérêts au taux conventionnel ;
- 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Selon jugement rendu le 9 novembre 2018, le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre a :
- prononcé la déchéance pour la SA SOMAFI-SOGUAFI de son droit aux intérêts contractuels ;
- condamné solidairement M. X. et Mme X. à verser à la SA SOMAFI-SOGUAFI la somme de 8.997,4 euros en remboursement du prêt ;
- dit que cette somme ne produira pas d'intérêts et ne pourra pas faire l'objet d'un intérêt au taux légal majoré ;
- débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt ;
- débouté M. X. et Mme X. de leur demande de délais de paiement ;
- débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement M. X. et Mme X. au paiement des dépens.
Par déclaration en date du 14 mars 2019, la SA SOMAFI-SOGUAFI a interjeté appel de ce jugement.
Elle a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à M. X. et Mme X. et les a assignés à comparaître devant la cour par actes d'huissier de justice délivrés le 21 mai 2019 respectivement remis à personne et à domicile.
L'ordonnance de clôture, qui est intervenue le 3 mars 2020, a fixé en application de l'alinéa 3 de l'article 779 du code de procédure civile, le dépôt des dossiers des avocats à la cour le 16 mars 2020. Compte tenu de la crise sanitaire et des mesures de confinement liées à la pandémie de COVID 19, le dépôt des dossiers des avocats à la cour a été renvoyé à la date du 4 janvier 2021 selon avis du 24 mars 2020. Par avis du greffe en date du 11 mai 2020, le dépôt des dossiers des avocats à la cour a été à nouveau renvoyé à la date du 22 juin 2020, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré jusqu'au 21 septembre 2020 pour son prononcé par mise à disposition au greffe.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Les dernières conclusions déposées le 8 mai 2019 par l'appelante auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit :
La SA SOMAFI-SOGUAFI demande de réformer la décision querellée en ce qu'elle l'a déchue du droit aux intérêts, et statuant à nouveau, de :
- dire et juger qu'elle a rapporté la preuve du respect de l'obligation d'établissement d'une recherche d'évaluation de la solvabilité de M. X. et Mme X. ;
- condamner solidairement M. X. et Mme X. à lui payer la somme de 11.961,15 euros avec les intérêts au taux conventionnel ;
- ordonner à M. X. et Mme X., la restitution du véhicule objet du contrat ;
- condamner solidairement M. X. et Mme X. à lui payer la somme de 900 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement les mêmes au paiement des dépens distraits au profit de Maitre P.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en paiement au titre du prêt à la consommation :
Attendu qu'aux termes de l'alinéa premier de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en application de l'article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ;
Qu'en l'espèce, la SA SOMAFI-SOGUAFI produit notamment l'offre de contrat de crédit signée le 17 juillet 2015, les consultations du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) en date du 17 juillet 2015, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, la fiche de dialogue des emprunteurs (revenus et charges), leurs avis d'impôt et les lettres recommandées du 1er décembre 2017 ayant pour objet la notification de la déchéance du terme valant mise en demeure de lui régler sous huit jours le montant total des sommes restant dues, soit 11.961,15 euros ;
Que d'une part, ces documents prouvent l'obligation dont le prêteur réclame l'exécution en ses principe et montant ;
Que d'autre part, il en résulte que le prêteur justifie avoir satisfait à ses obligations d'informations précontractuelles prévues par les articles L. 311-6 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable en la cause ainsi qu'à son obligation de consultation du FICP prévue par l'article L. 311-9 du même code ;
Qu'ainsi le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance pour la SA SOMAFI-SOGUAFI de son droit aux intérêts contractuels ;
Attendu par ailleurs que le dernier décompte arrêté au 29 mars 2018 présente une dette globale de 11.961,15 euros comprenant la somme de 1.750,21 euros au titre du solde impayé sur les mensualités échues, le capital restant dû d'un montant de 9.454,58 euros et l'indemnité conventionnelle de 8% du capital restant dû s'élevant ainsi à 756,36 euros ;
Qu'en l'espèce le taux d'intérêt annuel est de 7,15 % ;
Qu'en conséquence, sur le quantum il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de faire droit à la demande principale de l'appelante en condamnant solidairement M. X. et Mme X. à lui payer la somme de 11.204,79 euros au titre du capital restant dû et du solde impayé sur les mensualités échues augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,15 % à compter du 5 décembre 2017 (date de présentation des lettres de la mise en demeure non réclamées) jusqu'au jour du règlement effectif et la somme de 756,36 euros au titre de l'indemnité contractuelle de 8 % du capital restant dû au jour de la déchéance du terme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2017 jusqu'au jour du règlement effectif.
Sur la demande de restitution du véhicule :
Attendu que la SA SOMAFI-SOGUAFI sollicite que soit ordonnée la restitution du véhicule à l'organisme prêteur en application de la clause de réserve de propriété prévue au contrat ;
Qu'en effet l'offre de crédit acceptée le 17 juillet 2015 comporte la stipulation d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur avec subrogation conventionnelle au profit du prêteur : « conformément à l'article 1250, 1° du code civil, le prêteur qui a réglé le solde du prix de vente est subrogé dans tous les droits et actions du vendeur nés de la présente clause de réserve de propriété, et ce, jusqu'au remboursement complet de sa créance » ;
Attendu cependant que selon l'article 1250, 1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ;
Qu'en l'espèce, n'apparaît pas être l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ;
Qu'il s'ensuit qu'apparaît donc inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule, sur le fondement de l'article 1250, 1° du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Que dès lors, le fait que les intimés ont signé la stipulation d'une clause de réserve de propriété portant les mentions plus haut rappelées et accepté la subrogation ne saurait, à raison du caractère inopérant de cette subrogation consentie par le vendeur, justifier la demande de restitution du véhicule ;
Que la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Qu'ainsi cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive de sorte que la SA SOMAFI-SOGUAFI ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Attendu que l'intimé qui succombe sera condamné au paiement des dépens d'appel ;
Que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par défaut, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe ;
Infirme partiellement le jugement rendu le 9 novembre 2018 par le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance pour la SA SOMAFI-SOGUAFI de son droit aux intérêts contractuels ;
- condamné solidairement M. X. et Mme X. à verser à la SA SOMAFI-SOGUAFI la somme de 8.997,4 euros en remboursement du prêt ;
- dit que cette somme ne produira pas d'intérêts et ne pourra pas faire l'objet d'un intérêt au taux légal majoré ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit n'y avoir lieu à déchéance des intérêts ;
Condamne solidairement M. X. et Mme X. au titre du capital restant dû et du solde impayé sur les mensualités échues, à verser à la SA SOMAFI-SOGUAFI la somme de 11.204,79 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,15 % à compter du 5 décembre 2017 jusqu'au jour du règlement effectif ;
Condamne solidairement M. X. et Mme X. à verser à la SA SOMAFI-SOGUAFI la somme de 756,36 euros au titre de l'indemnité contractuelle de 8 % du capital restant dû au jour de la déchéance du terme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2017 jusqu'au jour du règlement effectif ;
Y ajoutant,
Déboute en cause d'appel la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. X. et Mme X. au paiement des dépens d'appel dont distraction au profit de Maître P. en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Et ont signé le présent arrêt
La greffière La présidente
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