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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 6 octobre 2020

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 6 octobre 2020
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 18/04579
Date : 6/10/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/11/2018
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3 C. consom.), 6136 (opposabilité de la cession de contrat), 6212 (location financière sans option d’achat), 6280 (location sans option d’achat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8591

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 6 octobre 2020 : RG n° 18/04579 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « M. X. soutient en premier lieu qu'aucun contrat ne le lie à la société Locam. Mais les conditions générales du contrat de location qui figurent au verso du bon de commande prévoient à l'article 12 la possibilité de cession de créance par le fournisseur au profit d'une personne morale dénommée bailleur. Selon l'article 12.4, la société Locam fait partie des sociétés susceptibles de devenir cessionnaires au titre du contrat de location.

L'article 12.1 des conditions générales prévoit que la cession sera portée à la connaissance du locataire par tout moyen, notamment le libellé de la facture de loyer. En l'espèce, la cession a été portée à la connaissance de M. X. par la facture produite en pièce 3 par la société Locam (numéro et date illisibles).M. X. n'est pas fondé à soutenir qu'aucun contrat ne le lie à la société Locam. »

2/ « L'article L. 221-3 du code de la consommation issu de la loi du 17 mars 2014, applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014 dispose : […]. En vertu de ce texte, la seule qualité de professionnel ne suffit pas à exclure l'application de dispositions protectrices du code de la consommation. Ces dispositions sont en effet applicables lorsque le contrat conclu hors établissement, ce qui est le cas en l'espèce, ne présente pas de lien avec l'activité principale du professionnel qui n'emploie pas plus de cinq salariés.

Il n'est pas allégué que M. X. emploie plus de 5 salariés.

La compétence qu'il développe dans son métier de carreleur n'a strictement aucun rapport avec l'utilisation d'un site internet.

Dès lors, le contrat conclu n'entrant pas dans le champ de son activité principale, il doit être considéré comme un consommateur pouvant se prévaloir des dispositions des sections applicables aux relations entre consommateurs et professionnels. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/04579. N° Portalis DBVM-V-B7C-JX6F. Appel d'une décision (R.G. n° 17/00616) rendue par le Tribunal de Grande Instance de BOURGOIN-JALLIEU en date du 13 septembre 2018 suivant déclaration d'appel du 7 novembre 2018.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], représenté par Maître Christian B. de la SCP CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE :

LA SOCIÉTÉ LOCAM

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [...], [...], représentée par Maître Josette D. de la SELARL D. ET M., avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Hélène COMBES Président de chambre, Madame Véronique LAMOINE, Conseiller, Monsieur Frédéric DUMAS, Vice-Président placé,

Assistées lors des débats de Madame Anne BUREL, Greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 8 septembre 2020 Madame COMBES, Président de chambre chargé du rapport, assistée de Madame Anne BUREL, Greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant bon de commande du 6 novembre 2015, M. X. qui exerce la profession de carreleur a confié à la société Linkeo la création et la maintenance d'un site internet pour une durée de 48 mois, moyennant des loyers mensuels de 215,80 euros TTC.

M. X. a cessé de payer les mensualités à compter du mois de février 2016 et après une mise en demeure infructueuse, la société Locam, se prévalant de sa qualité de cessionnaire du contrat, a assigné M. X. devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu en paiement de la somme de 10.442,23 euros.

Par jugement du 13 septembre 2018, le tribunal :

- s'est déclaré compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes,

- a dit que le contrat liant la société Locam et M. X. est résilié à compter du 14 juillet 2016, en application de l'article 10.2 de la convention du 6 novembre 2015,

- a condamné en conséquence M. X. à payer à la société Locam la somme de 10.442,23 euros correspondant aux loyers échus et à échoir, outre 1.000 euros en réparation de son préjudice,

- a rejeté le surplus des demandes,

- a condamné M. X. aux dépens.

[*]

M. X. a relevé appel le 7 novembre 2018.

Dans ses dernières conclusions du 31 juillet 2019, il demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes,

- l'infirmer pour le surplus,

- débouter la société Locam, faute de contrat entre les parties,

- subsidiairement, dire que les dispositions contractuelles ne lui sont pas opposables pour ne pas lui avoir été communiquées,

- en toute hypothèse, dire abusives et/ou déséquilibrées les clauses 10.1 et 10.2 des conditions générales du contrat sur la durée de 48 mois et sur l'indemnité de résiliation,

- dire ces clauses réputées non écrites et donc inopposables,

- en conséquence, débouter la société Locam de sa demande de paiement des loyers à échoir et de la clause pénale,

- plus subsidiairement, réduire l'indemnité réclamée à 1 euro symbolique,

- encore plus subsidiairement, lui accorder les plus larges délais de paiement pour solder sa dette,

- condamner la société Locam à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il expose qu'il était artisan carreleur en cessation temporaire d'activité depuis le 1er janvier 2015, lorsqu'il a été démarché courant 2015 pour la création d'un site internet ; que son activité n'ayant pas redémarré, il a été contraint de procéder à sa radiation définitive le 27 décembre 2017 ; qu'après une longue période de chômage, il a retrouvé une activité professionnelle mais est en accident du travail.

Il fait valoir qu'il est recevable à soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses, et il invoque :

- l'absence de contrat le liant à la société Locam, faisant valoir qu'il n'a signé un contrat qu'avec la société Linkeo,

- le défaut d'information pré-contractuelle, soutenant que le contrat n'entre pas dans le champ de son activité principale de carreleur et est donc soumis aux dispositions du code de la consommation,

- le caractère abusif de la clause 10.1 du contrat, relative à la durée du contrat dès lors qu'elle ne prévoit aucune possibilité de résiliation,

- le caractère abusif de la clause indemnitaire 10.2, en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif au sens tant du code de la consommation que de l'article L. 442-6-I-2ème du code de commerce.

Très subsidiairement, il relève le caractère manifestement excessif de l'indemnité réclamée.

[*]

Dans ses uniques conclusions du 3 mai 2019, la société Locam demande à la cour de :

- se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes relatives à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, le litige relevant du tribunal de commerce de Lyon,

- dire que les demandes de M. X. tendant à voir déclarer inopposables les dispositions du contrat sont présentées pour la première fois en cause d'appel,

- dire que la cour n'est pas saisie de demande indemnitaire ou de résiliation judiciaire par M. X.,

- dire que l'article L. 442-6 du code de commerce ne s'applique pas à la société Locam, société de financement,

- dire que le contrat n'est pas soumis au code de la consommation,

- débouter M. X. de ses demandes,

- confirmer le jugement,

- condamner M. X. à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle fait valoir que :

- M. X. prétendant à un déséquilibre significatif du contrat sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, c'est à tort que le tribunal s'est déclaré compétent pour statuer sur une demande qui relève de l'appréciation exclusive du tribunal de commerce de Lyon,

- les demandes que M. X. présente en cause d'appel sur le fondement des dispositions du code de la consommation sont irrecevables comme nouvelles et ne tendant pas aux mêmes fins que celles formulées en première instance.

Elle soutient subsidiairement, sur le fond, que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables, dès lors que :

- le contrat a pour objet la création d'un site internet destiné à faire la promotion de l'activité professionnelle de M. X. qui ne saurait être considéré comme consommateur,

- le contrat est un contrat de location financière de longue durée qui n'est, selon la jurisprudence, pas assujetti aux dispositions du code de la consommation,

- le contrat portant sur un service financier est exclu du champ d'application du code de la consommation (article 221-3-4° du code de la consommation),

- M. X. a cessé de payer les loyers à compter du mois de février 2016.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2020.

L'affaire initialement fixée à l'audience du 11 février 2020 a été renvoyée à l'audience du 12 mai 2020 à la demande des parties en raison d'un mouvement de grève des avocats, puis à l'audience du 8 septembre 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

Au soutien de sa demande en paiement, la société Locam fait valoir qu'une cession du contrat est intervenue entre la société Linkeo et elle, de sorte qu'elle est devenue créancière de M. X.

M. X. développe en défense divers moyens (et non prétentions) parfaitement recevables sur le fondement de l'article 563 du code de procédure civile, même si certains n'ont pas été invoqués en première instance.

Les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile qui concerne les prétentions nouvelles, ne sont pas utilement invoquées.

M. X. soutient en premier lieu qu'aucun contrat ne le lie à la société Locam.

Mais les conditions générales du contrat de location qui figurent au verso du bon de commande prévoient à l'article 12 la possibilité de cession de créance par le fournisseur au profit d'une personne morale dénommée bailleur.

Selon l'article 12.4, la société Locam fait partie des sociétés susceptibles de devenir cessionnaires au titre du contrat de location.

L'article 12.1 des conditions générales prévoit que la cession sera portée à la connaissance du locataire par tout moyen, notamment le libellé de la facture de loyer.

En l'espèce, la cession a été portée à la connaissance de M. X. par la facture produite en pièce 3 par la société Locam (numéro et date illisibles).

M. X. n'est pas fondé à soutenir qu'aucun contrat ne le lie à la société Locam.

M. X. fait valoir en second lieu qu'aucune clause du contrat ne lui est opposable en l'absence de remise d'une copie du contrat.

Il invoque le bénéfice des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la consommation.

La société Locam qui ne conteste pas la non remise d'un exemplaire du contrat à M. X., réplique que le droit de la consommation est inapplicable en l'espèce dès lors que le contrat a un rapport avec l'activité du contractant.

L'article L. 221-3 du code de la consommation issu de la loi du 17 mars 2014, applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014 dispose :

« Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »

En vertu de ce texte, la seule qualité de professionnel ne suffit pas à exclure l'application de dispositions protectrices du code de la consommation.

Ces dispositions sont en effet applicables lorsque le contrat conclu hors établissement, ce qui est le cas en l'espèce, ne présente pas de lien avec l'activité principale du professionnel qui n'emploie pas plus de cinq salariés.

Il n'est pas allégué que M. X. emploie plus de 5 salariés.

La compétence qu'il développe dans son métier de carreleur n'a strictement aucun rapport avec l'utilisation d'un site internet.

Dès lors, le contrat conclu n'entrant pas dans le champ de son activité principale, il doit être considéré comme un consommateur pouvant se prévaloir des dispositions des sections applicables aux relations entre consommateurs et professionnels.

L'article L. 221-9 du code de la consommation détaille les obligations du professionnel dans la fourniture au consommateur d'un exemplaire du contrat qui doit être lisible et comporter toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

L'article L. 242-1 du code de la consommation prévoit que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prescrites à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'état des mentions du contrat du 6 novembre 2011 qui sont illisibles en raison de la taille de la police de caractère et en l'absence de remise d'un document contractuel à M. X., le contrat est frappé de nullité de sorte que la société Locam ne peut s'en prévaloir.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et la société Locam déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Il sera alloué à M. X. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

- Statuant à nouveau, déboute la société Locam de toutes ses demandes à l'encontre de M. X.

- Condamne la société Locam à payer à M. X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT