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CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 29 octobre 2020

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 29 octobre 2020
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. fin. et com.
Demande : 20/00484
Décision : 203-20
Date : 29/10/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/02/2020
Numéro de la décision : 203
Référence bibliographique : 5738 (suppression partielle de la clause), 5983 (compétence du JEX), 5998 (portée des recommandations), 6085 (contradiction entre conditions particulières et générales), 6621 et 6622 (clause de déchéance du terme)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8621

CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 29 octobre 2020 : RG n° 20/00484 ; arrêt n° 203-20

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Sous les réserves que ce texte énonce relativement aux actes et circonstances postérieurs, aucune des parties appelées à l'audience d'orientation, c'est-à-dire ni le créancier - poursuivant ou inscrit, ni le débiteur, n'est recevable à formuler pour la première fois devant la cour d'appel, sous peine d'irrecevabilité relevée d'office, des demandes ou des contestations nouvelles, ni même des moyens de fait ou de droit nouveaux, fût-ce en réponse à une demande ou une fin de non-recevoir soulevée par son adversaire (v. par ex., concernant le débiteur : Civ. 2e, 11 juillet 2013, n° 12-22606 ; 25 juin 2015, n° 14-18967 ; 31 janvier 2019, n° 18-10930 et concernant le créancier : civ. 2, 22 juin 2017, n° 16-18343 ; 14 novembre 2019, n° 18-21917). »

2/ « S'il est exact que les conditions particulières d'un contrat prévalent sur les conditions générales, c'est à la condition qu'il existe une discordance entre ces conditions. Il n'est pas discuté, en l'espèce, que les conditions particulières de l'acte notarié de prêt ne contiennent aucune clause de déchéance du terme, et que seules les conditions générales du prêt en comportent une. »

3/ « Devant le premier juge, M. et Mme X. n'ont pas soutenu que la déchéance du terme était abusive, mais que la saisie était abusive. Devant la cour, les appelants font valoir que compte tenu du montant limité de leur dette et des possibilités qui, selon eux, leur étaient contractuellement offertes de minorer le montant des échéances, voire même de suspendre temporairement leur paiement, la déchéance du terme a été prononcée de manière abusive. Ces moyens, qui sont nouveaux, ne peuvent qu'être déclarés, d'office, irrecevables.

Par arrêt du 4 juin 2009 (Pannon, C-243/08), la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose. Plus récemment, la Cour de justice a précisé que le juge national ne doit examiner, afin de vérifier si elles peuvent être considérées abusives, que les clauses qui sont liées à l'objet du litige, tel que ce dernier a été délimité par les parties (CJUE 11 mars 2020, C-511/17).

Au cas particulier, M. et Mme X. demandent à la cour de rechercher si la clause de déchéance du terme dont la mise en œuvre est débattue n'a pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre entre les parties au contrat de prêt, à leur détriment, au sens de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation devenu l'article L. 212-1. Même nouveau, ce moyen est recevable dès lors que la cour ne dispose pas seulement du pouvoir de relever d'office le caractère abusif de certaines clauses, mais en a l'obligation.

Le caractère opérant de ce moyen doit être apprécié, d'abord, au regard de la recommandation des clauses abusives n° 2004-03 du 27 mai 2004 relative aux contrats de prêt immobilier, dont se prévalent les appelants et qui, s'agissant de l'exigibilité par anticipation (point F), a recommandé que soient éliminées des contrats de prêt immobilier les clauses ayant pour objet ou pour effet de laisser croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en cas d'inobservation d'une quelconque obligation ou en cas de déclaration fausse ou inexacte relative à une demande de renseignements non essentiels lors de la conclusion du contrat, ce sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance.

S'il est exact, au cas particulier, que la clause de déchéance du terme stipulée au prêt litigieux prévoit la possibilité pour le prêteur d'exiger le remboursement immédiat du prêt si, notamment, l'une quelconque des obligations résultant du prêt n'était pas remplie par l'emprunteur, et qu'une telle stipulation, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment d'emprunteurs consommateurs, revêt les caractères d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 ancien précité, les appelants en déduisent à tort que la clause de déchéance du terme doit, en son entier, être réputée non écrite.

Conformément à la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, l'article L. 132-1, 6, 8 et 9 devenu l'article L. 241-1 du code de la consommation prévoit que les clauses abusives sont réputées non écrites, que le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses, et que ces dispositions sont d'ordre public.

Au cas particulier la partie de la clause de déchéance du terme autorisant le prêteur à exiger par anticipation le remboursement intégral du prêt « si l'une quelconque des obligations résultant du prêt n'était pas remplie par l'emprunteur », qui présente assurément un caractère abusif, peut être retranchée de la clause de déchéance du terme, sans que la substance du contrat de prêt ou de ce qui subsiste de cette clause s'en trouve affectée.

Dès lors qu'il n'est pas allégué que la partie de la clause de déchéance du terme en vertu de laquelle le Crédit agricole a agi, c'est-à-dire la partie subsistante qui autorise le prêteur à provoquer l'exigibilité anticipée du contrat de prêt en cas de non-paiement des sommes exigibles, créerait au détriment des emprunteurs un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce qui n'est de toute façon pas le cas, la cour ne peut que constater que les appelants échouent à démontrer que la déchéance du terme n'aurait pas été régulièrement et valablement prononcée. »

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/00484. Arrêt n° 203-20. N° Portalis DBVN-V-B7E-GDUQ. DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge de l'exécution d'ORLEANS en date du 17 janvier 2020

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS : - Timbre fiscal dématérialisé N° : XX

Monsieur X.

né [date] à [ville], [...], [...], Ayant pour avocat Maître Arthur DA C., membre de la SELARL L. DA C., avocat au barreau d'ORLEANS

Madame Y. épouse X.

née le   [date] à [ville], [...], [...], Ayant pour avocat Maître Arthur DA C., membre de la SELARL L. DA C., avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

 

INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé N° : YY

La Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE

[...], [...], Ayant pour avocat Maître Jean Marc R., membre de la SELARL C.-J., avocat au barreau d'ORLEANS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

La SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

Prise en la personne de son représentant légal, en son domicile élu en l'Etude de Maître Z. - Notaire - chez Maître Z. : [...], [...], Défaillante

D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 20 février 2020

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 10 SEPTEMBRE 2020, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier : Madame Marie-Lyne EL BOUDALI, Greffier lors des débats, Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé.

ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt réputé contradictoire le 29 OCTOBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon acte reçu le 16 juin 2012 par Maître Z., notaire à [ville L.], la caisse régionale de crédit agricole mutuel centre Loire (le Crédit agricole) a consenti à M. X. et Mme Y., son épouse, un prêt immobilier de 150.606 euros, remboursable en 180 mensualités avec intérêts au taux nominal de 3,80 % l'an.

Des échéances de ce prêt étant restées impayées, le Crédit agricole a prononcé la déchéance du terme de son concours le 11 juillet 2018 et a vainement fait délivrer à M. et Mme X., le 25 septembre 2018, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une maison d'habitation située [...], cadastrée section E n° XX, et ce pour avoir paiement de la somme principale de 104.846,57 euros en principal, intérêts et accessoires, arrêtée au 13 août 2018.

Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière d'Orléans 3 le 21 novembre 2018, volume 2018 S n° YY.

Par actes des 14 et 15 janvier 2019, la Crédit agricole a fait assigner M. et Mme X. ainsi que la Société générale, créancier inscrit, devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance devenu le tribunal judiciaire d'Orléans qui, par jugement du 17 janvier 2020, a notamment :

- débouté M. et Mme X. de l'intégralité de leurs demandes

- dit que la procédure engagée par le Crédit agricole est régulière et non abusive

- dit que le créancier poursuivant, titulaire d'une créance liquide et exigible, agit en vertu d'un titre exécutoire,

- constaté que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables,

- mentionné que la créance du Crédit agricole s'élève à une somme de 88.714,45 euros arrêtée à la date du 6 septembre 2019

- ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi et fixé la date de l'adjudication au 5 décembre 2019 à 14 heures,

M. et Mme X. ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 20 février 2020 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause puis, autorisés par ordonnance rendue sur requête transmise du 5 mars 2020, ont fait assigner le Crédit agricole et la Société générale pour l'audience du 10 septembre 2020 par actes des 29 mai et 2 juin 2020, enrôlés le 4 août suivant par voie électronique.

Par une note adressée le 25 août 2020 par voie électronique, la cour a invité les parties, au visa de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à présenter leurs observations, en vue de l'audience, sur l'irrecevabilité soulevée d'office des demandes et des moyens formulés pour la première fois en cause d'appel par M. et Mme X.

[*]

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 septembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs moyens, M. et Mme X. demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel

- Y faisant droit :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'il a constaté que le créancier inscrit avait été assigné et sommé et, statuant à nouveau :

- déclarer le Crédit agricole mal fondé en sa procédure de saisie immobilière comme en toutes ses prétentions, et l'en débouter intégralement

- ordonner la radiation, aux frais exclusifs du Crédit agricole, du commandement de payer valant saisie immobilière publié le 21 novembre 2018 au service de la publicité foncière

Subsidiairement :

- réduire à l'euro symbolique le montant de la clause pénale

- les autoriser à vendre amiablement le bien saisi et fixer à la somme de 90.000 euros le prix en-deçà duquel le bien ne pourra être vendu

En tout état de cause :

- condamner le Crédit agricole à leur payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner le Crédit agricole aux entiers dépens de première instance et d'appel

- rejet toutes prétentions contraires

Au soutien de leur appel, M. et Mme X. soutiennent d'abord, comme à l'audience d'orientation, qu'aucune clause des conditions particulières du prêt ne permettait au Crédit agricole de prononcer la déchéance du terme et que, même à admettre applicables les conditions générales de l'offre de prêt, la clause d'exigibilité anticipée, qui doit être interprétée dans le sens qui leur est le plus favorable, ne permettait pas non plus le prononcé de la déchéance du terme alors qu'au jour où ils ont été mis en demeure, préalablement au prononcé de la déchéance du terme, le montant des échéances impayées était inférieur à la somme à partir de laquelle le prêteur était contractuellement autorisé à engager le processus pouvant conduire à la déchéance du terme.

Ils ajoutent aux moyens qu'ils avaient développés devant le premier juge, d'une part que la déchéance du terme a en toute hypothèse été mise en œuvre de manière abusive compte tenu du montant très limité de la créance, qu'ils étaient en mesure de régulariser à bref délai, et des possibilités qui leur étaient en outre contractuellement offertes de minorer le montant des échéances, et même de suspendre temporairement leur paiement ; d'autre part que la clause de déchéance du terme des conditions générales dont entend se prévaloir le Crédit agricole présente un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation devenu l'article L. 212-1 du même code et doit être réputée non écrite.

Les appelants reprochent par ailleurs au premier juge de ne pas avoir exercé d'office un contrôle de proportionnalité au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et soutiennent que, exerçant ce contrôle, compte tenu des circonstances dans lesquelles a été prononcée la déchéance du terme et engagée la procédure de saisie immobilière, alors que le montant des impayés était limité à la date de déchéance du terme et avait été régularisé avant la délivrance de l'assignation, la cour ne pourra que constater que la mesure de saisie immobilière engagée par le Crédit agricole porte une atteinte disproportionnée au droit au respect au logement, et invalider en conséquence ladite mesure d'exécution.

A titre subsidiaire, ajoutant aux prétentions qu'ils avaient formulées à l'audience d'orientation, M. et Mme X. demandent à la cour de réduire le montant de la clause pénale, le cas échéant d'office, puis de les autoriser à vendre l'immeuble saisi à l'amiable.

En réponse aux observations sollicitées par la cour le 25 août 2020, les appelants soutiennent que l'article R. 311-15 interdit les demandes nouvelles, mais pas les moyens nouveaux au soutien de demandes déjà formées en première instance, et ajoutent qu'en toute hypothèse, par-delà les dispositions de ce texte, la cour devra exercer d'office un contrôle de proportionnalité au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

[*]

Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 juillet 2020 par voie électronique et signifiées le 15 juillet suivant au créancier inscrit, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, le Crédit agricole demande à la cour de :

- confirmer le jugement du juge de l'exécution du 17 janvier 2020 en toutes ses dispositions

- débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes à l'exception de la demande d'autorisation de vente amiable de l'immeuble saisi à laquelle la Caisse de Crédit Agricole ne s'oppose pas

- condamner les époux X. à lui payer une indemnité de 2.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner les époux X. aux dépens

Le crédit agricole indique qu'au jour où il a prononcé la déchéance du terme, sa créance échue, d'un montant de 5.526,61 euros, représentait plus de quatre échéances mensuelles de 1.320,23 euros.

Faisant valoir que les conditions générales du prêt contiennent une clause de déchéance du terme qui ne souffre aucune ambiguïté et que le montant des échéances qui étaient restées impayées du 10 avril au 11 juillet 2018, en dépit de la mise en demeure qu'il avait délivrée le 14 mai à chacun des emprunteurs, l'autorisait à se prévaloir de cette clause pour exiger le paiement anticipé du solde du prêt, le poursuivant, qui assure que la clause de déchéance du terme en cause ne présente aucun caractère abusif et que la mesure de saisie immobilière mise en œuvre n'est en rien disproportionnée, dès lors qu'elle est nécessaire pour obtenir le paiement de son obligation au sens de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, sollicite la confirmation du jugement entrepris, sauf à préciser qu'il ne s'oppose pas à la demande de vente amiable, bien que nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, si les appelants justifient de mandats de vente.

Le poursuivant n'a pas fait d'observations sur l'irrecevabilité des demandes et moyens nouveaux relevée par la cour.

[*]

La Société générale, créancier inscrit régulièrement assigné à domicile élu, n'a pas constitué avocat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

A titre liminaire, la cour rappelle que l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution prévoit qu'à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les contestations et demandes incidentes soulevées après l'audience d'orientation ne sont recevables que si elles portent sur des actes de procédure de saisie immobilière postérieurs à cette audience ou si, nées de circonstances postérieures à celle-ci, elles sont de nature à interdire la poursuite de la saisie.

Sous les réserves que ce texte énonce relativement aux actes et circonstances postérieurs, aucune des parties appelées à l'audience d'orientation, c'est-à-dire ni le créancier - poursuivant ou inscrit, ni le débiteur, n'est recevable à formuler pour la première fois devant la cour d'appel, sous peine d'irrecevabilité relevée d'office, des demandes ou des contestations nouvelles, ni même des moyens de fait ou de droit nouveaux, fût-ce en réponse à une demande ou une fin de non-recevoir soulevée par son adversaire (v. par ex., concernant le débiteur : Civ. 2e, 11 juillet 2013, n° 12-22606 ; 25 juin 2015, n° 14-18967 ; 31 janvier 2019, n° 18-10930 et concernant le créancier : civ. 2, 22 juin 2017, n° 16-18343 ; 14 novembre 2019, n° 18-21917).

 

Sur la contestation de la déchéance du terme prononcée par le prêteur :

S'il est exact que les conditions particulières d'un contrat prévalent sur les conditions générales, c'est à la condition qu'il existe une discordance entre ces conditions.

Il n'est pas discuté, en l'espèce, que les conditions particulières de l'acte notarié de prêt ne contiennent aucune clause de déchéance du terme, et que seules les conditions générales du prêt en comportent une.

Ces conditions générales figurent à l'offre de prêt acceptée le 15 mai 2012 par M. et Mme X., laquelle est annexée à l'acte notarié, qui le mentionne expressément en sa page 2, et lient en conséquence les emprunteurs.

Cette clause de déchéance du terme, qui figure en page 7 de l'offre de prêt immobilier, prévoit que le remboursement du prêt pourra être exigé immédiatement et en totalité « en cas de survenance de l'un ou l'autre des évènements ci-après », [notamment] :

- en cas de non-paiement des sommes exigibles,

- lorsque le prêteur constatera un incident caractérisé au sens de l'article 3 du règlement n° 2004-01 du 15 janvier 2004 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP),

- si l'une quelconque des obligations résultant du prêt n'était pas remplie par l'emprunteur,

Les termes de cette clause sont clairs et précis ; sauf à méconnaître la loi en dénaturant la convention des parties, il n'y a pas lieu à interprétation.

Cette clause de déchéance du terme prévoit que l'exigibilité anticipée du remboursement du prêt est possible en cas de survenance de « l'un ou l'autre des évènements » qui sont listés, parmi lesquels figurent, entre autres, ceux qui viennent d'être indiqués.

C'est donc de manière inexacte que les appelants soutiennent que par application de cette clause, la déchéance du terme ne pourrait être prononcée qu'à la condition que le non-paiement des sommes exigibles soit de nature à caractériser un incident de paiement au sens de l'article 3 du règlement du 15 janvier 2004 relatif au FICP.

A titre surabondant la cour observe qu'au jour où la déchéance du terme a été prononcée, le défaut de paiement atteignait, pénalités de retard comprises, un montant de 5.526,61 euros correspondant à un peu plus du quadruple de la dernière échéance échue (1.320,23 €) et constituait en conséquence un incident de paiement au sens de l'article 3 précité qui, pour un crédit remboursable mensuellement comme en l'espèce, définit l'incident de paiement comme un défaut de paiement atteignant le double de la dernière échéance due.

Devant le premier juge, M. et Mme X. n'ont pas soutenu que la déchéance du terme était abusive, mais que la saisie était abusive.

Devant la cour, les appelants font valoir que compte tenu du montant limité de leur dette et des possibilités qui, selon eux, leur étaient contractuellement offertes de minorer le montant des échéances, voire même de suspendre temporairement leur paiement, la déchéance du terme a été prononcée de manière abusive.

Ces moyens, qui sont nouveaux, ne peuvent qu'être déclarés, d'office, irrecevables.

Par arrêt du 4 juin 2009 (Pannon, C-243/08), la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose.

Plus récemment, la Cour de justice a précisé que le juge national ne doit examiner, afin de vérifier si elles peuvent être considérées abusives, que les clauses qui sont liées à l'objet du litige, tel que ce dernier a été délimité par les parties (CJUE 11 mars 2020, C-511/17).

Au cas particulier, M. et Mme X. demandent à la cour de rechercher si la clause de déchéance du terme dont la mise en œuvre est débattue n'a pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre entre les parties au contrat de prêt, à leur détriment, au sens de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation devenu l'article L. 212-1.

Même nouveau, ce moyen est recevable dès lors que la cour ne dispose pas seulement du pouvoir de relever d'office le caractère abusif de certaines clauses, mais en a l'obligation.

Le caractère opérant de ce moyen doit être apprécié, d'abord, au regard de la recommandation des clauses abusives n° 2004-03 du 27 mai 2004 relative aux contrats de prêt immobilier, dont se prévalent les appelants et qui, s'agissant de l'exigibilité par anticipation (point F), a recommandé que soient éliminées des contrats de prêt immobilier les clauses ayant pour objet ou pour effet de laisser croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en cas d'inobservation d'une quelconque obligation ou en cas de déclaration fausse ou inexacte relative à une demande de renseignements non essentiels lors de la conclusion du contrat, ce sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance.

S'il est exact, au cas particulier, que la clause de déchéance du terme stipulée au prêt litigieux prévoit la possibilité pour le prêteur d'exiger le remboursement immédiat du prêt si, notamment, l'une quelconque des obligations résultant du prêt n'était pas remplie par l'emprunteur, et qu'une telle stipulation, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment d'emprunteurs consommateurs, revêt les caractères d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 ancien précité, les appelants en déduisent à tort que la clause de déchéance du terme doit, en son entier, être réputée non écrite.

Conformément à la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, l'article L. 132-1, 6, 8 et 9 devenu l'article L. 241-1 du code de la consommation prévoit que les clauses abusives sont réputées non écrites, que le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses, et que ces dispositions sont d'ordre public.

Au cas particulier la partie de la clause de déchéance du terme autorisant le prêteur à exiger par anticipation le remboursement intégral du prêt « si l'une quelconque des obligations résultant du prêt n'était pas remplie par l'emprunteur », qui présente assurément un caractère abusif, peut être retranchée de la clause de déchéance du terme, sans que la substance du contrat de prêt ou de ce qui subsiste de cette clause s'en trouve affectée.

Dès lors qu'il n'est pas allégué que la partie de la clause de déchéance du terme en vertu de laquelle le Crédit agricole a agi, c'est-à-dire la partie subsistante qui autorise le prêteur à provoquer l'exigibilité anticipée du contrat de prêt en cas de non-paiement des sommes exigibles, créerait au détriment des emprunteurs un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce qui n'est de toute façon pas le cas, la cour ne peut que constater que les appelants échouent à démontrer que la déchéance du terme n'aurait pas été régulièrement et valablement prononcée.

 

Sur le caractère disproportionné de la saisie :

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le juge n'est pas tenu d'opérer d'office un contrôle de proportionnalité.

Le contrôle de proportionnalité, qui est une composante du contrôle de conventionnalité et qui conduit le juge à examiner si l'application d'une norme de droit interne ne porte pas atteinte de manière disproportionnée, par ses effets, à un droit ou à un principe conventionnel, doit être mis en œuvre par le juge du fond lorsqu'il fait l'objet d'un moyen ou que, a minima, une partie soulève implicitement une atteinte à un droit protégé.

En l'espèce, M. et Mme X., qui ont soutenu à l'audience d'orientation que la saisie immobilière avait été engagée de manière abusive, dans la seule intention de leur nuire, n'ont pas demandé au premier juge d'opérer un contrôle de proportionnalité, ni même soumis aux débats la question de la violation d'un droit ou d'un principe fondamental, sous la forme d'une argumentation invoquant des circonstances de droit et de fait susceptibles de caractériser la violation d'un droit consacré par la Convention européenne des droits de l'homme.

Dans ces circonstances, le moyen des appelants tiré de la disproportion de la mesure de saisie immobilière ne peut qu'être déclaré d'office irrecevable, comme nouveau.

 

Sur les demandes subsidiaires de modération de la clause pénale et d'autorisation de vente amiable de l'immeuble saisi :

En application de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, la demande de réduction de la clause pénale, comme celle d'autorisation de vente amiable de l'immeuble saisi, formées pour la première fois en cause d'appel, ne peuvent qu'être elles aussi déclarées d'office irrecevables.

 

Sur les demandes accessoires :

M. et Mme X., qui succombent au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devront supporter les dépens de l'instance.

Il n'apparaît en revanche pas inéquitable de laisser au Crédit agricole la charge de ses frais irrépétibles. Le poursuivant sera en conséquence débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME en tous ses chefs critiqués la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

DECLARE d'office irrecevable la demande de réduction de la clause pénale,

DECLARE d'office irrecevable la demande d'autorisation de vente amiable de l'immeuble saisi,

DEBOUTE la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. et Mme X. aux dépens.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT