CA PARIS (5e ch. sect. B), 27 novembre 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 869
CA PARIS (5e ch. sect. B), 27 novembre 2003 : RG n° 2003/01903 ; arrêt n° 354
Publication : Lamyline
Extrait : « Mais considérant que l'objet du contrat de location d'un matériel de télésurveillance a un rapport direct avec l'activité de « petite restauration, sandwicherie, vente de comestibles et plats à emporter » exercée par la société RAMONA, qui ne peut donc se prévaloir des dispositions protectrices des non professionnels ou consommateurs prévues par l'article L. 132-1 du code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2003/01903. Arrêt n°354. ARRÊT CONTRADICTOIRE.
APPELANTE :
SA LOCAM
[adresse], représentée par Maître BLIN, avoué, assisté de Maître BOCCALINI, Avocat
INTIMÉE :
SARL RAMONA
[adresse], représentée par la SCP NABOUDET-HATET, avoué, assistée de Maître VAN BENEDEN, Avocat
COMPOSITION DE LA COUR : Monsieur MAIN : Président ; Monsieur FAUCHER : Conseiller, Monsieur REMENIERAS : Conseillers.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Cour statue sur l'appel formé par la société LOCAM contre le jugement rendu le 29 octobre 2002 par le Tribunal de Commerce de Paris, qui a dit résilié à la date du 14 avril 1999 le contrat de location d'une centrale d'alarme qu'elle avait, en qualité de bailleresse, conclu le 18 novembre 1998 avec la société RAMONA, a condamné celle-ci, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 514,79 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 14 avril 1999, celle de 640,29 euros au titre de la clause pénale et encore celle de 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a mis les dépens à sa charge, déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 11 septembre 2003, l'appelante demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de :
- dire la société RAMONA irrecevable en son exception de nullité du contrat ou, subsidiairement, l'en débouter,
- condamner ladite société à lui payer la somme de 6.896,88 euros (45.240,58 Francs), avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ladite somme correspondant au total des loyers échus impayés, des loyers à échoir et des indemnités et clause pénale contractuelles, et la somme de 1.525 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Intimée et incidemment appelante, la société RAMONA prie la Cour, aux termes de ses uniques écritures, signifiées le 27 juin 2003 et à nouveau le 22 juillet 2003,
A titre principal,
- de prononcer la nullité du contrat, pour défaut de cause, en raison de l'inexistence de la prestation de la télésurveillance nécessaire au fonctionnement du matériel loué, de débouter la société LOCAM de toutes ses demandes et de lui donner acte de ce qu'elle tient à la disposition de la société LOCAM les matériels, non utilisés, qui sont l'objet du contrat de location,
Subsidiairement,
- de débouter la société LOCAM de ses demandes en constatant que, selon la commission des clauses abusives, doivent être réputées non écrites, dans les contrats de télésurveillance liés à la location d'un matériel par un autre professionnel, les stipulations obligeant le consommateur à poursuivre le paiement des loyers sans pouvoir prétendre à la prestation de télésurveillance en vue de laquelle la location a été contractée, et celles qui prévoient des loyers incluant le prix du loyer et celui de la prestation de télésurveillance, sans aucune distinction entre ces deux éléments,
Très subsidiairement,
- de dire que la société RAMONA ne peut être redevable d'une somme supérieure à 3.376,80 francs au titre des loyers impayés
- de réduire à 1 euro, en application de l'article 1152 du code civil, l'indemnité de résiliation et la pénalité de 10 % contractuellement prévues, celles-ci étant manifestement excessives.
En toute hypothèse,
- de condamner la société LOCAM à lui payer 3.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Cela étant exposé :
Considérant que, par contrat du 18 novembre 1998, la société RAMONA, représentée par sa gérante, Madame X., a souscrit un contrat de location pour un matériel de télésurveillance fourni par la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE TELESECURITE (CET), composé d'un central transmetteur avec micro et interphonie détecteurs et d'un émetteur récepteur, moyennant un loyer mensuel de 700 francs HT, incluant, pour 16 % de son montant, une redevance de prestation de service, ce pour une durée irrévocable de 48 mois ; que, bien que l'en tête de l'imprimé mentionne la société CROISE LAROCHE comme étant « le loueur », c'est la société LOCAM qui a signé le contrat en qualité de bailleur ; que l'imprimé mentionne également, dans son en-tête, en qualité de « démarcheur, fournisseur, prestataire de services », la société CET ; que, le même jour, la société RAMONA a conclu avec la société CET un contrat de prestation de service, relativement au même matériel, comprenant un « bip anti-agression », « télé-interpellation » et « CET Assistance » moyennant une redevance mensuelle de 700 francs HT pendant 48 mois ;
Que, le 23 novembre 1998, la société RAMONA a signé un « procès-verbal de réception et de conformité » attestant de l'installation des matériels visés au contrat de location, avec câblage, et de leur fonctionnement vérifié par une démonstration et reconnaissant que cette prise en charge « sans restriction ni réserves » entraînait la prise d'effet du contrat de location ;
Que cependant la société RAMONA, qui n'a payé aucun loyer, a, par courriers recommandés avec demande d'avis de réception datés du 16 février 1999 et adressés aux sociétés CET et LOCAM, fait connaître à celles-ci qu'elle n'entendait rien payer, le représentant de CET lui ayant indiqué que le matériel et la prestation lui seraient fournis gratuitement, CET « prenant tout en charge » afin de « se faire connaître auprès d'autres commerçants (démarche commerciale) », alors que, pour sa petite crêperie, elle n'avait nul besoin d'une alarme ;
Que, par courrier recommandé du 14 avril 1999, que la société RAMONA a reçu le 16 avril 1999, la société LOCAM a notifié à sa cocontractante la résiliation du contrat pour défaut de paiement des loyers, la mettant en demeure de payer les trois premiers loyers échus et impayés (janvier, février et mars 1999), outre des intérêts de retard et pénalités, et précisant qu'à défaut de paiement dans le délai de 8 jours, le montant total des loyers pour la période restant à courir, soit 45 loyers, deviendrait immédiatement exigible, avec une indemnité de 10 % ;
Considérant que, selon la société RAMONA, le contrat de location serait nul, pour défaut de cause, en ce que la prestation de télésurveillance, « raison d'être de la location des matériels », n'a jamais été exécutée par la Sté CET ;
Mais considérant que, si la société RAMONA n'est pas irrecevable, pour s'opposer à la demande en paiement de la société LOCAM, à exciper de la nullité du contrat à exécution successive sur lequel est fondée cette demande, et s'il est certain que le contrat de location est étroitement lié au contrat de prestation de service, à telle enseigne que le premier est établi sur un imprimé à double en-tête du « démarcheur-fournisseur-prestation de service » CET, et du loueur, et que celui-ci a, selon l'article 3 des conditions générales, reçu mandat d'encaisser les redevances dues au prestataire, incluses dans les mensualités prévues au contrat de location, la société RAMONA, qui n'a pas appelé en la cause la société CET ni n'a obtenu contre elle, dans une instance distincte, une décision de justice prononçant l'annulation du contrat de prestation de service, sa résolution ou sa résiliation pour manquement du prestataire à ses obligations, ne rapporte pas la preuve du défaut de prestations qu'elle invoque ; qu'au contraire, le procès-verbal de réception signé par la société RAMONA établit que la société CET a procédé à l'installation des matériels désignés au contrat de location ; que la société RAMONA reconnaît avoir reçu de la société CET une facture correspondant au prix forfaitaire de cette installation et ne peut rapporter la preuve, en l'absence de la société CET, que celle-ci aurait, comme elle l'affirme, renoncé à en poursuivre le paiement forcé ;
Qu'elle ne rapporte pas davantage la preuve de ce que « aucune redevance de prestation de télésurveillance n'a jamais été réclamée à la société RAMONA par la société CET », puisqu'aussi bien celle-ci, non partie à l'instance, n'a pas été mise à même de s'expliquer sur ce point et qu'en tout état de cause la redevance due au prestataire se trouvait incluse dans les mensualités réclamées par le bailleur, ainsi que le mentionne expressément le contrat de location, nonobstant l'indication, ambiguë mais sans portée, figurant sur le contrat de prestation de service quant au prix de celle-ci ;
Que la société RAMONA ne produit par ailleurs aucun élément d'où pourrait résulter ou être déduite la reconnaissance par la société CET de l'inexécution des obligations mises à sa charge ; qu'au surplus la société RAMONA, qui a dès le mois de février 1999, fait connaître à CET, comme à LOCAM, qu'elle n'entendait pas exécuter son obligation essentielle de payer le prix, de la location comme de la prestation de service, rompant ainsi elle-même le contrat de prestation de service qu'elle avait souscrit, ne peut se faire un grief de ce qu'il n'aurait pas été exécuté par l'autre partie ;
Considérant qu'ainsi la société RAMONA ne démontre donc pas l'absence de contrepartie, et donc de cause, dont elle prétend tirer la nullité du contrat de location ;
Considérant que la société RAMONA soutient encore que l'action de la société LOCAM est dépourvue de fondement, dès lors que sont abusives et doivent être réputées non écrites :
- les stipulations contractuelles obligeant le consommateur à poursuivre le paiement des loyers sans pouvoir prétendre à la prestation de télésurveillance en vue de laquelle la location a été contractée,
- les clauses aux termes desquelles les mensualités incluent à la fois le prix du loyer et celui de la prestation de télésurveillance, sans qu'aucune distinction soit faite entre le coût de la location et celui de la télésurveillance ;
Mais considérant que l'objet du contrat de location d'un matériel de télésurveillance a un rapport direct avec l'activité de « petite restauration, sandwicherie, vente de comestibles et plats à emporter » exercée par la société RAMONA, qui ne peut donc se prévaloir des dispositions protectrices des non professionnels ou consommateurs prévues par l'article L. 132-1 du code de la consommation ;
Qu'à titre surabondant la Cour constate que les demandes de la société LOCAM ne sont pas fondées sur des clauses du type de celles critiquées par l'intimée, puisqu'il n'est nullement démontré que la société RAMONA ne pouvait prétendre à la prestation de télésurveillance pendant la période antérieure à la résiliation du contrat de location, que cette résiliation est intervenue de son fait et par sa faute et qu'elle a rendu sans objet la prestation de télésurveillance, cependant que, si les mensualités prévues au contrat de location incluent le prix de la prestation de télésurveillance, il est précisé (article 3) que celui-ci est égal à « 16 % du montant total encaissé mensuellement par le loueur », ce qui permet au locataire de le déterminer ;
Considérant que l'article 11 du contrat de location prévoit qu'en cas de résiliation le locataire s'oblige à verser, en sus des loyers dus, « une indemnité de résiliation égale au total des loyers TTC non encore échus majoré de 10 % » ;
Considérant qu'en application de ces dispositions et compte tenu de la résiliation intervenue, la société LOCAM est fondée à réclamer,
- les trois premiers loyers échus TTC, soit 844,20 francs X 3 = 2.532,60 francs
- les 45 loyers suivants, amputés de la part correspondant au prix de la prestation de télésurveillance, LOCAM ne justifiant d'aucun mandat du prestataire pour encaisser par anticipation les redevances à titre d'indemnité soit 703,25 francs X 45 = 31.646,25 francs
- total : 34.178,85 francs
- une indemnité de 10 %, soit 3.417,88 francs
- soit un total de : 37.596,73 francs
Considérant toutefois que l'indemnité de résiliation prévue par le contrat, y incluse l'indemnité de 10 %, constitue dans son ensemble une peine entrant dans les prévisions de l'article 1152 du code civil en ce que, revêtant un caractère forfaitaire, elle tend à contraindre le locataire à l'exécution du contrat en même temps qu'elle représente l'évaluation du préjudice qui résultera pour le bailleur de la résiliation ; qu'en l'espèce cette peine apparaît manifestement excessive en ce que, alors que le premier loyer n'a pas même été payé, que la résiliation était donc encourue dès la première échéance et a en toute hypothèse été notifiée dès le quatrième mois, de sorte que la société bailleresse était en mesure de reprendre et revendre ou redonner en location un matériel presque neuf, la perception immédiate d'une somme correspondant à 45 loyers, qu'elle n'aurait perçus qu'à mesure de leur échéance si le contrat s'était normalement exécuté jusqu'à son terme, cependant que le matériel loué aurait été difficilement réutilisable et sans grande valeur vénale après 4 ans d'utilisation, est de nature à procurer à la Sté LOCAM un avantage bien supérieur à celui que lui aurait procuré l'exécution du contrat ;
Qu'il y a lieu de ramener à l'équivalent de 15 mois de loyers, soit 10.548,75 francs ou 1608,15 euros, somme arrondie 1.608 euros, l'indemnité due à la société LOCAM tant au titre de l'indemnité de résiliation proprement dite que de l'indemnité de 10 % ; que, compte tenu de la somme due au titre des loyers : 2.532,60 francs, soit 386,09 euros, c'est donc une somme globale de 1.994,09 euros que la société RAMONA sera condamnée à payer à la société LOCAM, avec les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2000, date de l'assignation introductive d'instance, sur le montant hors TVA ;
Considérant que la société RAMONA, partie perdante, devra supporter les dépens d'appel, comme ceux de première instance, ce qui entraîne le rejet de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est équitable d'allouer de ce chef à la société LOCAM une somme complémentaire de 800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a fixé à 514,79 euros et 640,29 euros les sommes en principal dues par la société RAMONA à la société LOCAM en exécution du contrat de location du 18 novembre 1998 et, réformant et statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne la société RAMONA à payer à la société LOCAM :
- la somme globale de 1.994,09 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2000 sur le montant hors taxes, tant au titre des loyers impayés que de l'indemnité conventionnelle de résiliation,
- la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne la société RAMONA aux dépens d'appel et admet Maître Michel BLIN, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel