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CA PARIS (1re ch. sect. A), 27 octobre 2003

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (1re ch. sect. A), 27 octobre 2003
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 1re ch. sect. A
Demande : 2002/09206
Date : 27/10/2003
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : T. COM. PARIS (1re ch.), 21 janvier 2002
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CERCLAB - DOCUMENT N° 871

CA PARIS (1re ch. sect. A), 27 octobre 2003 : RG n° 2002/09206

Publication : Juris-Data n° 231036

 

Extraits : 1/ « Mais considérant que, le représentant légal de la société Cicaa, M. Y., a non seulement reconnu, en souscrivant les conditions générales de la convention, être « parfaitement informé des conditions de fonctionnement et des règles régissant les marchés sur lesquels il intervient et des risques inhérents aux opérations qu'il réalise. », mais encore en souscrivant ses conditions particulières, « avoir reçu et pris connaissance de la convention de compte, de la tarification et des règles de fonctionnement ; être parfaitement informé des conditions de fonctionnement des différents marchés sur lesquels il est possible d'intervenir et des risques inhérents aux opérations qui peuvent y être réalisés ; avoir pris connaissance des règles relatives à la couverture des positions susceptibles d'être prises ; avoir pleinement connaissance des risques inhérents à ces positions. » ;

Considérant que la souscription de cette déclaration ne peut être regardée comme la souscription d'une clause abusive réputée non écrite par application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors que la reconnaissance proférée n'a pu avoir pour effet de créer, au détriment de Cicaa, un déséquilibre dans les droits et obligations des parties au contrat et moins encore un déséquilibre significatif puisqu'elle n'était pas de nature à conférer un avantage aux deux professionnels de l'investissement boursier ; d'où il suit que la société Cicaa n'est pas fondée à soutenir que ces « clauses sont nulles » ou que les sociétés d'investissement n'ont pas rempli leur obligation de conseil et d'information personnalisée relativement, aux opérations effectuées sur le marché à règlement mensuel sur lequel elle est intervenue ».

2/ « qu'ainsi ont été remplies les obligations mises à la charge des prestataires de services d'investissement par l'article 6 de la convention stipulant : « A chaque opération boursière affectant la situation du compte, une confirmation télématique est adressée au client qui l'accepte comme mode probant de transmission. Un avis d'opéré papier est également adressé par la société de bourse au client, à l'issue de la négociation. A réception, le client dispose d'un délai de 48 heures pour accepter et reconnaître l'opération, le défaut de reconnaissance vaut acceptation. » ; Considérant que la société Cicaa objecte cependant que ses cocontractantes ne peuvent, pour échapper à leur responsabilité, utilement arguer du respect de ces dispositions et du silence qu'elle a observé à la réception des documents, dès lors, selon elle, que la clause serait « nulle » en vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; Considérant que si des opérations boursières sur le marché à règlement mensuel relèvent de la gestion financière d'une société commerciale, il ne peut être utilement soutenu avec les sociétés intimées, que les opérations litigieuses avaient un lien direct avec l'activité professionnelle de la société Cicaa, puisque celle-ci était spécialisée dans la fabrication et le négoce de pièces détachées pour les équipements militaires ; Considérant toutefois que la société Cicaa ne démontre pas en quoi la clause ci-dessus reproduite a pour objet ou pour effet de créer, au détriment de cette dernière, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, puisqu'elle ne prive pas le client du droit de reprocher au professionnel d'avoir manqué à ses obligations contractuelles ; que cette clause n'est dès lors pas abusive et qu'il n'y a lieu de la déclarer non écrite ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

QUINZIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/09206. Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 21 janvier 2002 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 1ère Chambre. RG n° : 2000/47496.

 

APPELANTE :

SOCIÉTÉ CICAA (SAS)

prise en la personne de son Président, ayant son siège Lieu dit [adresse], représentée par Maître BAUFUME, avoué à la Cour, assistée de Maître Thomas HALPERN, avocat au Barreau de LYON

 

INTIMÉE :

SOCIÉTÉ BOURSE DIRECT SA

prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège [adresse], représentée par la SCP VERDUN-SEVENO, avoué à la Cour assistée de Maître Stéphan ALAMOWITCH, avocat R 30

INTIMÉE :

SOCIÉTÉ NATEXIS BANQUES POPULAIRES venant aux droits et obligations de NATEXIS CAPITAL

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par Maître TEYTAUD, avoué, assistée de Maître Martin TOMASI, avocat J 031 (Cabinet SIMMONS et SIMMONS)

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 septembre 2003, en audience publique, devant la Cour composée de : M. ALBERTINI, président, M. LE DAUPHIN, conseiller, M. SAVATIER, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme RIGNAULT

Ministère public : représenté lors des débats par Mme GIZARDIN, substitut général, qui a fait connaître son avis

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par M. ALBERTINI, président. - signé par M. ALBERTINI, président et par Mme RIGNAULT, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'appel déclaré par la société Cicaa contre le jugement, rendu le 21 janvier 2002 par le tribunal de commerce de Paris, qui la condamne à payer à la société Natexis capital venant aux droits de la société Xeod Bourse la somme de 38.567,88 euros majorée des intérêts au taux légal depuis la date de la liquidation de février 2000 jusqu'à parfait paiement, condamne la société Bourse direct à payer à la société Cicaa la somme de 14.462,96 euros à titre de dommages et intérêts « pour retard à l'information complète de son client », condamne la société Cicaa à payer 2.000 euros à la société Natexis capital au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

[minute page 3] Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 27 juin 2003 pour la société Cicaa qui prie la cour de

- ordonner la cancellation de la phrase suivante ayant figuré dans les conclusions déposées par Bourse direct devant le tribunal comme étant injurieuse et sans fondement : « Cette argumentation fondée sur une présentation volontairement elliptique et tronquée des faits qui dissimule les fautes de nature frauduleuse commises par les préposés de Cicaa, ne peut avoir que des conclusions erronées. » ;

- juger « non écrites, c'est à dire inopposables à la société Cicaa, les dispositions des articles 3, 6, 7, 15 de la convention tripartite du 23 novembre 1999 comme étant contraires aux dispositions du code de la consommation,

- juger qu'en s'abstenant de s'informer sur les compétences boursières de la société Cicaa, antérieurement à la signature de la convention tripartite du 23 novembre 1999 puis en exécutant aveuglément des instructions de vente à un moment qui reste ignoré alors que leur profession est tenue de conserver un horodatage desdits ordres, les sociétés Bourse direct et Natexis capital ont gravement méconnu les obligations qui s'imposent à elles en vertu des articles 58 de la loi du 2 juillet 1996, du règlement général du CMF, de l'article 1147 du code civil et des articles 132-1 à 132-5 du code de la consommation,

- juger que la réception d'un avis d'opéré sans protestation dans les 48 heures ou dans tout autre délai ne prive pas le client donneur d'ordre de la faculté de rechercher la responsabilité professionnelle de son ou de ses intermédiaires financiers,

- juger en conséquence que les sociétés Natexis capital et Bourse direct ont commis une faute lourde justifiant qu'elles soient condamnées in solidum à en réparer les conséquences,

- fixer à la somme de 143.113,06 euros le préjudice subi par la société Cicaa,

- dire qu'à concurrence de 38.567,88 euros « cette somme se compensera avec la demande reconventionnelle de chacune des défenderesses, qui de toute manière, font double emploi de telle sorte qu'il appartiendra à telle d'entre elle de justifier sa créance »,

- dire que la somme de 104.545,18 euros produira intérêts à compter du 5 mai 2000 tandis que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 23 mai 2000 et, ce par année entière,

- condamner in solidum la société Natexis banques populaires et la société Bourse direct au paiement de la somme de 7.600 euros en application de l'article 700 nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 1er août 2003 pour la société Natexis banques populaires venant aux droits de la société Natexis capital qui prie la cour de dire qu'elle n'a pas commis de faute dans l'exécution de la convention de compte titres la liant à la société Cicaa, de juger que celle-ci reste lui devoir la somme de 3 8.461,16 euros au titre du solde de son compte, en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté cette dernière société de ses demandes à l'encontre de la société Natexis capital devenue Natexis [minute page 4] banques populaires et en ce qu'il a condamné la société Cicaa â lui payer la somme de 38.567,88 euros augmentée des intérêts au taux légal depuis la liquidation boursière du mois de février 2000, de condamner la société Cicaa à lui payer la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 11 février 2003 pour la société Bourse direct qui prie la cour de, par application des dispositions 3, 6, 7 et 15 de la convention de compte tripartite, des articles 1134 et suivants du code civil, de la loi n°96-597 du 2 juillet 1996 et des dispositions du règlement général du Conseil des marchés financiers et de celles de la décision n° 99-07 de ce Conseil,

- déclarer la société Bourse Direct recevable et bien fondée en son appel incident,

- juger qu'elle s'est conformée à son obligation d'information et que la perte financière subie par la société Cicaa (correspondant au montant du solde débiteur de son compte) est exclusivement imputable aux fautes de celle-ci,

- réformer partiellement le jugement en ce qu'il a condamné la société Bourse direct à payer à cette dernière la somme de 14.462,96 euros à titre de dommages et intérêts « pour retard à l'information complète de son client »,

- condamner la société Cicaa au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant que le 23 novembre 1999, la société Cicaa, société de fabrication et de négoce de pièces détachées pour les équipements militaires, a conclu une « Convention de compte » avec un transmetteur d'ordre, la société Bourse direct et une société de bourse, la société Xeod-Bourse, devenue Natexis capital, aux droits de laquelle se trouve la société Natexis banques populaires;

Considérant qu'un compte a été ouvert chez la société de bourse qui, en qualité de négociateur, se voyait donner mission de recevoir et d'exécuter les ordres de bourse transmis par la société Bourse direct, transmetteur lui même habilité à réceptionner les ordres de bourse donnés par la société Cicaa par télématique ou tous autres modes ;

Considérant que les 4, 5 et 7 janvier 2000, Cicaa s'est portée acquéreur de 8.613 titres Infogrammes ;

Considérant qu'après diverses opérations intervenues au cours de la journée du 11 janvier 2000 sur les titres Infogrammes et Club Méditerranée, la société Cicaa s'est trouvée à découvert de titres et que la liquidation des positions du mois de janvier 2000 a fait apparaître un solde débiteur de 57.851,82 euros ; que par télécopie en date du 14 février 2000 la société Cicaa a reconnu devoir cette somme et s'est engagée à la régler selon un échéancier prévoyant trois versements de 19.283,94 euros chacun, fixés respectivement au 14 février, 15 mars et 17 avril 2000 ;

[minute page 5] Considérant que, après avoir acquitté le seul premier acompte, la société Cicaa, arguant de ce que la vente à découvert de 8.613 titres Infogrammes était due à une défaillance du système informatique de Bourse direct et de ce que le transmetteur d'ordres et la société de bourse avaient manqué au respect de leurs obligations contractuelles, les a assignés devant le tribunal de commerce de Paris à l'effet d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 685.771,41 francs outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 mai 2000 et afin qu'il soit jugé qu'en raison des fautes commises par Bourse direct et par Xeod Bourse, Cicaa est libérée du paiement du solde ;

Considérant que le tribunal a statué dans les termes du jugement déféré ;

Considérant que la phrase « Cette argumentation fondée sur une présentation volontairement elliptique et tronquée des faits qui dissimule les fautes de nature frauduleuse commises par les préposés de Cicaa, ne peut avoir que des conclusions erronées. » dont la société Cicaa sollicite la cancellation ne figure pas dans les dernières conclusions de la société Bourse direct dont la cour est seulement saisie ; que cette demande est donc sans objet ;

Considérant qu'au soutien de son appel, la société Cicaa fait d'abord valoir que les sociétés Bourse direct et Xeod bourse n'ont pas respecté l'obligation que leur faisait l'article 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996, alors applicable, de s'enquérir de l'expérience de leurs clients en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ; que selon elle, ce manquement serait établi par la transcription de l'entretien téléphonique du 11 février 2000 entre M. X. de la société Bourse direct et M. Y., dirigeant de la société Cicaa ;

Mais considérant qu'à la supposer établie, l'inexpérience du dirigeant serait sans relation directe de cause à effet avec le dommage allégué, puisque les ordres litigieux ont été passés, non par celui-ci, mais par un préposé de la société contractante, investi de la confiance de cette dernière et qu'il n'est pas démontré ou allégué que celui-ci n'était pas, quant à lui, éclairé sur les risques inhérents aux opérations auxquelles il s'est livré pour elle ;

Considérant que la société Cicaa soutient ensuite que les sociétés Bourse directe et Xeod bourse n'ont pas respecté leur obligation d'information et de conseil, puisqu'elle n'a pas été informée de manière personnalisée des risques qu'elle prendrait si elle intervenait sur les marchés à terme ou conditionnel ;

Mais considérant que, le représentant légal de la société Cicaa, M. Y., a non seulement reconnu, en souscrivant les conditions générales de la convention, être « parfaitement informé des conditions de fonctionnement et des règles régissant les marchés sur lesquels il intervient et des risques inhérents aux opérations qu'il réalise. », mais encore en souscrivant ses conditions particulières, « avoir reçu et pris connaissance de la convention de compte, de la tarification et des règles de fonctionnement ; être parfaitement informé des conditions de fonctionnement des différents marchés sur lesquels il est possible [minute page 6] d'intervenir et des risques inhérents aux opérations qui peuvent y être réalisés ; avoir pris connaissance des règles relatives à la couverture des positions susceptibles d'être prises ; avoir pleinement connaissance des risques inhérents à ces positions. » ;

Considérant que la souscription de cette déclaration ne peut être regardée comme la souscription d'une clause abusive réputée non écrite par application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors que la reconnaissance proférée n'a pu avoir pour effet de créer, au détriment de Cicaa, un déséquilibre dans les droits et obligations des parties au contrat et moins encore un déséquilibre significatif puisqu'elle n'était pas de nature à conférer un avantage aux deux professionnels de l'investissement boursier ; d'où il suit que la société Cicaa n'est pas fondée à soutenir que ces « clauses sont nulles » ou que les sociétés d'investissement n'ont pas rempli leur obligation de conseil et d'information personnalisée relativement, aux opérations effectuées sur le marché à règlement mensuel sur lequel elle est intervenue ;

Considérant que la société Cicaa reproche encore à la société Bourse direct de n'avoir pas transmis sans délai à la société Xeod Bourse, l'ordre d'annulation d'un ordre de vente de 8063 actions Infogrammes faisant double emploi, ordre d'annulation qu'elle dit avoir donné à Bourse direct le 11 janvier 2000 « entre 9 h 24 et 9 h 27 ou 9 h 29 » ;

Considérant qu'en concluant la convention du 23 novembre 1999, la société Cicaa a confié un mandat de transmission d'ordres à la société Bourse direct ; qu'aux termes de l'article 1er de cette convention, le transmetteur d'ordres... réceptionne tous ordres de bourse et instructions, par télématique ou autres modes de transmission, de ses clients et les dirige vers la société de bourse exclusivement.;

Considérant que les parties s'opposent quant aux ordres passés et à leur chronologie ;

Considérant que selon les sociétés Bourse direct et Natexis banques populaires

- le 11 janvier 2000 à 9 h 09 la société Cicaa a passé, via l'internet de Bourse direct, un ordre de vendre les 8.613 actions Infogrammes qu'elle possédait en portefeuille, au cours limite de 36,40 euros ; que cet ordre passé à 9 h 09, confirmé à 9 h 12 a été exécuté à hauteur de 1.083 titres les 7.530 titres restant n'ayant pu être absorbés au prix limite stipulé ;

- le même jour, à 9 h 24, Cicaa a passé par téléphone, directement à la table de marché de Bourse direct, un nouvel ordre de vente de 8.613 titres Infogrammes , au cours limite de 36,25 euros ; l'opérateur de bourse direct, M. Z., a immédiatement transmis à la table de négociation de Xeod bourse cet ordre qui a été exécuté par quotités de 613 titres, entre 9 h 24 et 53 secondes et 14 h 18 et 59 secondes;

- à 9 h 27 Cicaa a, via l'internet de Bourse direct demandé l'annulation de son premier ordre de vente passé à 9 h 09, annulation qui a été [minute page 7] prise en compte à hauteur de 7.530 titres dans la mesure où 1083 titres avaient été vendus ;

- à 10 h 31 Cicaa a transmis un nouvel ordre de vente de 7.530 titres Infogrammes stipulé au cours limite de 36,05 euros ; ces titres ont été cédés entre 10 h 33 et 10 h 38 ;

Considérant que Cicaa soutient que, ayant été informée par téléphone à 9 h 24 par Bourse directe que le marché n'avait pu absorber que 1083 titres, elle a annulé, au cours du même échange téléphonique, son ordre de vente initial pour le solde de 7530 titres ; qu'à 10 h 31, via l'internet de Bourse direct elle a demandé la vente de ces 7530 titres, ordre qui a été exécuté entre 10 h 33 et 10 h 38 ; qu'à 9 h 29 a été horodaté un ordre téléphonique demandant la vente de 8613 titres, ordre qui a été exécuté jusqu'à 14 h 35 bien qu'annulé ;

Mais considérant en premier lieu que la réalité du second ordre de vente de 8.613 titres Infogrammes ne peut être utilement contestée alors même que n'a pas été mis aux débats la transcription de la conversation téléphonique ayant eu lieu entre le préposé de Cicaa et Bourse direct entre 9 h 24 et 9 h 27 ; que la preuve en est apportée par la production des deux bordereaux d'exécution de Bourse direct et Xeod Bourse, horodatés de 9 h 24 et 9 h 29, qui de manière concordantes font état d'un ordre de vente de 8613 titres Infogrammes stipulé au cours limite de 36,25 euros et concernant le compte Cicaa n° 351.904 ; que, sauf à imaginer un concert frauduleux dont l'existence n'est pas alléguée, entre Bourse direct et Xeod bourse, la stipulation d'un cours limite à 36,25 euros n'a pu être le fait de ces dernières, alors que le premier ordre avait été stipulé à 36,40 euros et celui transmis par l'internet à 10 h 33 à 36,05 euros ; qu'en outre la retranscription par procès-verbal d'huissier de la conversation ayant eu lieu 11 janvier 2000 à 9 h 24 entre le négociateur de Bourse direct, M. Z., et son homologue chez Xeod bourse, établit que Bourse direct a transmis à Xeod bourse un ordre de vente de 8613 titres Infogrammes pour le compte de Cicaa ;

Considérant en second lieu qu'il est établi que l'ordre d'annulation donné via l'internet de Bourse direct à 9 h 27, a été transmis à Xeod bourse et exécuté à hauteur de 7.530 titres et qu'il ne pouvait en être autrement dans la mesure où 1083 titres avaient été cédés ; que la chronologie des faits est confirmée par le listing des ordres téléphonés au marché et la liste des ordres internes épurés qui retracent les conditions d'exécution des ordres transmis par l'internet soit en l'espèce l'ordre de vente de 8.613 actions Infogrammes au cours limite de 36,40 euros passé à 9 h 09 et l'ordre de vente de 7.530 titres au cours limite de 36,05 euros à I0 h 31, alors que la liste des ordres téléphonés qui ne concerne que les ordres transmis par téléphone à la table de négociation de Xeod bourse fait apparaître l'ordre de vente de 8.613 actions Infogrammes au cour limite de 36,25 euros ;

[minute page 8] Considérant que la preuve est apportée que, comme elle en avait l'obligation en sa qualité de transmetteur d'ordres, la société Bourse direct s'est conformée aux ordres reçus de son client ; qu'elle n'avait pas le pouvoir de s'immiscer dans les choix faits par celui-ci, ni l'obligation, dès lors qu'elle n'avait pas mandat de tenir le compte d'espèces et d'instruments financiers de Cicaa, de mettre en place un système automatisé de blocage de l'entrée des ordres en cas d'insuffisance des provisions et des couvertures ; qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre ;

Considérant que la société Xeod bourse était chargée d'exécuter les ordres transmis pour le compte de la société Cicaa ; qu'elle était aussi investie d'une mission de teneur de compte de conservateur et de compensateur ; que, faute de lui avoir donné mandat de gestion ou de prestation de conseil en placement, la société Cicaa demeurait responsable de ses choix et des opérations effectuées à sa demande ;

Considérant que la société Xeod bourse a scrupuleusement exécuté les ordres de bourse donnés par Cicaa à Bourse directe et que celle-ci lui a transmis:

- l'ordre de vente de 8.613 actions Infogrammes à 36,40 euros de 9 h 09, transmis par l'internet,

- l'ordre de vente de 8.613 actions lnfogrammes à 36,25 euros transmis à 9 h 24, par téléphone,

- l'ordre d'annulation de l'ordre de vente de 9 h 09, transmis via l'internet à 9 h 27, pris en compte à hauteur de 7.530 titres seulement dans la mesure où 1083 titres avaient déjà trouvé preneur,

- l'ordre de vente de 7.530 actions Infogrammes à 36,05 euros transmis via l'internet à 10 h 31 ;

Considérant que la société Cicaa a reçu systématiquement de Bourse directe et de Xeod bourse les confirmations télématiques et les avis d'opéré afférents aux ordres passés le 11 janvier 2000 ; que Xeod bourse lui a également adressé le relevé de compte mensuel et le relevé de liquidation de la fin du mois de janvier 2000 ; qu'ainsi ont été remplies les obligations mises à la charge des prestataires de services d'investissement par l'article 6 de la convention stipulant : « A chaque opération boursière affectant la situation du compte, une confirmation télématique est adressée au client qui l'accepte comme mode probant de transmission. Un avis d'opéré papier est également adressé par la société de bourse au client, à l'issue de la négociation.

A réception, le client dispose d'un délai de 48 heures pour accepter et reconnaître l'opération, le défaut de reconnaissance vaut acceptation. » ;

Considérant que la société Cicaa objecte cependant que ses cocontractantes ne peuvent, pour échapper à leur responsabilité, utilement arguer du respect de ces dispositions et du silence qu'elle a observé à la réception des documents, dès lors, selon elle, que la clause serait « nulle » en vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

[minute page 9] Considérant que si des opérations boursières sur le marché à règlement mensuel relèvent de la gestion financière d'une société commerciale, il ne peut être utilement soutenu avec les sociétés intimées, que les opérations litigieuses avaient un lien direct avec l'activité professionnelle de la société Cicaa, puisque celle-ci était spécialisée dans la fabrication et le négoce de pièces détachées pour les équipements militaires ;

Considérant toutefois que la société Cicaa ne démontre pas en quoi la clause ci-dessus reproduite a pour objet ou pour effet de créer, au détriment de cette dernière, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, puisqu'elle ne prive pas le client du droit de reprocher au professionnel d'avoir manqué à ses obligations contractuelles ; que cette clause n'est dès lors pas abusive et qu'il n'y a lieu de la déclarer non écrite ;

Considérant qu'au présent cas et comme il a été dit, la société Cicaa ne démontre pas que les opérations qu'elle critique ont été accomplies sans ses instructions, contre elles ou au delà ;

Considérant que la société Cicaa soutient enfin que les sociétés prestataires de services d'investissement ont engagé leur responsabilité en acceptant d'exécuter des ordres sur le marché à règlement mensuel alors que les positions n'étaient pas couvertes ; qu'elle ajoute que Xeod bourse aurait dû, à tout le moins, dès le lendemain, appeler la couverture des ordres litigieux ;

Mais considérant que la liquidation des positions insuffisamment couvertes est une faculté offerte au prestataire de services d'investissement ; que l'obligation de couverture des opérations sur le marché à règlement mensuel étant édictée dans l'intérêt de l'intermédiaire et de la sécurité du marché et non dans celui du donneur d'ordre, la société Cicaa ne peut utilement se prévaloir de ce que la position insuffisamment couverte n'a pas été immédiatement soldée ou de ce que son ordre non couvert a été exécuté ;

Considérant que la société Cicaa doit en définitive être déboutée de toutes ses prétentions tant à l'encontre de la société Bourse direct qu'à l'encontre de la société Natexis banques populaires venant aux droits et obligations de Xeod bourse ;

Considérant que le compte […] ouvert par la société Cicaa dans les livres de la société Xeod bourse présente un solde débiteur d'un montant de 38.461,16 euros ;

Considérant que le défaut de régularisation de ce découvert constitue, de la part de la société Cicaa, une inexécution de la convention de compte titres ; qu'en tant qu'adhérent du marché agissant en qualité de commissionnaire ducroire, la société Xeod bourse était personnellement tenue aux obligations de règlement livraison nées des opérations nouées sur instruction de la société Cicaa ; qu'aux droits de Xeod bourse, Natexis banques populaires détient une créance d'un montant de 38.461 euros dont elle est fondée à demander le [minute page 10] paiement à la société Cicaa ; que Natexis banques populaires qualifiant cette créance indemnitaire, cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, par application de l'article 1153-1 du code civil ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société Bourse direct d'une part et à la société Natexis banques populaires d'autre part, la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais non taxables ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Réforme le jugement déféré,

statuant à nouveau,

déboute la société Cicaa de ses demandes,

condamne la société Cicaa à verser à la société Natexis banques populaires la somme de 38.461,16 euros avec intérêts au taux légal à compter de la liquidation du mois de février 2000 ;

condamne la société Cicaa à verser à la société Bourse direct la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais non taxables,

condamne la société Cicaa à verser à la société Natexis banques populaires la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais non taxables,

condamne la société Cicaa aux dépens de première instance et d'appel et admet, pour ces derniers, Maître Teytaud et la sep Verdun et Séveno au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.